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Publié parFifi Gomes Modifié depuis plus de 10 années
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POURQUOI LES LANGUES AFRICAINES NONT-ELLES PAS SURVECU DANS LE NOUVEAU MONDE ET DANS LOCEANINDIEN ? Salikoko S. Mufwene University of Chicago Nice, Séminaire Contact des langues, Vendredi 5 mai de 13 h. à 15h
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Le point de départ: la colonisation et ses effets sur les populations colonisées et serviles:
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Lexpérience des esclaves africains dans le Nouveau Monde et lOcean Indien nétait pas la même que celle des engagés contractuels à Hawaï:
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Quelques facteurs importants expliquent les différences évolutives ethnolinguistiques entre ces régimes coloniaux: La colonisation dHawaï et limportation de sa main- doeuvre contractuelle commencent juste quand lesclavage sabolit dans le Nouveau Monde et lOcéan Indien (sauf au Cuba et à San Domingo) Limportation successive des engagés contractuels, en groupes ethnolinguistiques relativement homogènes, est espacée par à peu près 20 ans Les engagés sont logés, par nationalité, dans des maisons séparées Ils ne connaissent pas de mélange ethnolinguistique comparable à celui des esclaves aux XVIIè-XVIIIè siècles
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Cependant, le multilinguisme social nétait pas le seul facteur important parmi les esclaves africains Par exemple, les engagés contractuels yoruba à Trinidad, après lémancipation, nont pas maintainu leur langue dhéritage, bien quils soient restés séparés des ex- esclaves créoles pendant plusieurs décénnies De même, les engagés contractuels indiens importés, sous les mêmes conditions, pendant la même période post- émancipation, ont perdu leurs langues indiennes Aussi, les esclaves importés au Cuba et à San Domingo, en groupes ethnolinguistiques relativement homogènes, nont pas maintenu leurs langues, bien quils aient maintenu certaines de leurs coutumes
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Linterdiction par les colons aux esclaves de parler les langues serviles nest pas une explication convaincante. Aucun système de contrôle aurait été assez efficace pour empêcher les esclaves de parler les langues dans leur espace privé, par exemple dans lintimité de leurs cabanes Vers la fin du XVIIIè siècle il y avait des plantatocrates qui commandaient des esclaves des parties spécifiques de lAfrique il y a parfois eu des esclaves parlant la même langue dans la même plantation Limportation des esclaves est restée constante juquà lAbolition Certaines langues africaines ont pu être maintenues grâce à ces bossales On en voit la preuve dans la Révolution Haïtienne, pendant laquelle des langues ouest africaines ont été utilisées dans larmée comme codes secrets
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Il y a dautres éléments qui remettent en question lhypothèse selon laquelle les langues africaines seraient mortes tôt dans lévolution des colonies de plantation Les chants kumina en Jamaïque Les rituels Santéria au Cuba Les rituels Candomblé au Brésil Bien quils soient tous des preuves des survivances des développements tardifs du XIXè siècles, ils montrent aussi que les langues africaines auraient pu survivre si les conditions écologiques étaient favorables à leur maintien comme vernaculaires parmi les descendants des Africains.
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Le cas de la perte de langue dhéritage parmi les Peranakans de lAsie du sud-est, qui sont depuis des siècles des locu- teurs natifs du malai, montre aussi que la condition de servi- tude nétait pas la cause principale de la mort des langues africaines
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Les Européens (colons et engagés) minorés ont aussi (petit à petit) adopté comme vernaculaire la langue des colons qui se sont imposés politiquement et/ou économiquement La raison principale pour les colons minorés est quils ont changé de langues plus tard que les esclaves africains, à partir du XIXè siècle, et bien plus tard pour certains Les colons européens ne se sont integrés que tard dans lhistoire coloniale...... jusque vers la fin du XIXe siècle, ils ont vécu dans des communautés nationales séparées les unes des autres et ont continué à parler leurs vernaculaires dhéritage Ironiquement, les Africains étaient les premiers à être intégrés culturellement et linguistiquement dans la machine socio- économique qui les a asservis Ils avaient besoin de la langue coloniale pour sadapter et survivre dans la nouvelle écologie socio-économique, tout comme les Européens (surtout les engagés)
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Lévolution suggère que les langues africaines ont disparu graduellement, sous linfluence de bien de facteurs concou- rants, dont les suivants : Ayant leurs origines dans les sociétés dhabitation, les sociétés de plantation ont grandi par étapes car les colons navaient en général pas pas assez de capitaux pour transformer soudainement leurs habitations en plantations Etant au départ minoritaires et intégrés dans les habitations, les esclaves créoles étaient généralement enculturés dans la langue coloniale dominante ce qui a défavorisé lusage continu or régulier des langues africaines comme vernaculaires. Le cas est semblable à celui des enfants des immigrants daujourdhui en Europe et en Amérique du Nord. Etant acclimatés par les esclaves créoles surtout monolingues, les bossales, socialement multilingues, se sont vu obligés par la nouvelle écologie à parler surtout dans la même langue coloniale, tout comme les originaires des communautés rurales dans les villes africaines aujourdhui.
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Les conditions initiales des communautés africaines dans le Nouveau Monde et dans lOcéan Indien nont pas favorisé le maintien des langues africaines La vie dans les habitations a favorisé ladoption, par les enfants créoles, des langues européennes comme verna- culaires Bien quelle nait pas rendu impossible lacquisition de langues africaines par certains créoles, la vie dans les habitations a rendu impossible ladoption dune langue africaine comme vernaculaire La petite taille démographique des habitations et les distances parfois grandes entre elles nont pas permis aux esclaves parlant la même langue de se retrouver et/ou se fréquenter facilement/régulièrement
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Les cas dHaïti, de la Jamaïque, du Cuba, et du Brésil cités ci-dessus ne prouvent pas que les langues africaines en question ont fonctionné comme des vernaculaires. Ils montrent seulement que le yoruba, le kikongo, lewe-Fon, et dautres langues semblables se parlaient encore dans le Nouveau Monde jusquà la fin du XVIIIè et au XIXè siècles Il semble que leurs locuteurs principales étaient des bossales de la même période historique...... au moment où les mêmes bossales, venant des régions relative- ment homogènes du point de vue ethnolinguistique pouvaient influencer les pratiques religieuses partiellement non- chrétiennes parmi les esclaves...... ils pouvaient aussi porter des noms africains Cette hypothèse est en accord avec la disparition progressive de, par exemple, le yoruba et le kikongo parmi les descedants des Africains à Trinidad, au Brésil, au Cuba, et en Jamaïque
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Du point de vue de la mort des langues... Lévolution langagière dans les colonies de peuplement basées sur léconomie des plantations nétait pas si différente de celle qui sobserve aujourdhui dans les villes de lAfrique Noire Généralement celles-ci ont commencé comme des petits centres de commerce et dadministration coloniale, ou comme des missions chrétiennes Ceux-ci ont favorisé lémergence ou ladoption de quelques langues véhiculaires comme le lingala, le swahili, le town bemba, et le wolof comme des vernaculaires urbains Ils ont produit la minoration des langues traditionnelles ethniques, réduisant leur statut à celui de langues domestiques (dintimité) et/ou rurales Les enfants nés dans les villes ou qui y ont immigré jeunes avec leurs parents sont devenus les principaux agents de lenracinement des vernaculaires urbains, servant de modèles aux nouveaux venus
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Lévolution langagière parmi les descendants des Africains dans le Nouveau Monde et dans lOcéan Indien illustre aussi le principe fondateur invoqué dans Mufwene (1996) pour expliquer les origines non-standard européennes de la plupart des traits structurels des créoles Les pratiques langagières des esclaves créoles des sociétés dhabitation ont fortement influencé lévolution langagière dans les communautés dorigines africaines et indiennes Les langues que les écologies socio-économiques colo- niales les ont forcés de parler sont devenus des vernacu- laires des communautés dorigines africaines et indiennes qui sy sont développées, ayant comme conséquence la minoration et ensuite la mort de leurs langues dhéritage.
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Merci
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