Chapitre 8 De retour chez le diable – Pourtant, je crois vraiment reconnaître la région et le petit poste de la douane ; c’est quand même curieux,

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4 Chapitre 8 De retour chez le diable – Pourtant, je crois vraiment reconnaître la région et le petit poste de la douane ; c’est quand même curieux, non ? Mais… où diable, est cette grande maison avec cette imposante ferme, enfin plutôt cette maudite bâtisse où je m’étais perdu le mois passé ; elle ne devrait quand même pas être très loin ? Jean était revenu dans ce coin perdu en espérant retrouver le foyer d’accueil, cet enfer déguisé où, pendant près d’une heure, il vécut des péripéties tellement traumatisantes. Pendant ce court séjour qui lui parut invraisemblable, il eut le temps d’observer que, dans cet établissement on accueillait beaucoup trop de fillettes seules ; contexte qui lui apparut singulier, et il n’avait surtout pas oublié le cruel traitement de David. Sur l’insistance de son épouse, Jean décide donc de consacrer une journée de congé pour débuter son enquête afin de tenter de voir plus clair dans cette affaire intrigante, pour ne pas dire davantage.

5 Ayant méticuleusement élaboré un plan pour retracer cette fameuse route où il s’était perdu et où son malheureux périple débuta le mois passé, il ose retourner au commerce de son tout dernier client. Il en déduit qu’en reprenant la même autoroute pour le retour depuis ce commerce, il porterait une attention toute particulière cette fois-ci afin d’identifier avec justesse le carrefour de cette route secondaire où il se serait malencontreusement engagé. Elle l’avait mené bien malgré lui sur ce chemin diabolique. Un grand nombre d’embranchements s’offrent à lui. Lequel choisir maintenant ? Voilà la question ! Il réfléchit… – Emprunter une sortie au hasard ne serait certainement pas la meilleure stratégie, se dit-il… Décidant de les prendre l’une après l’autre, il souhaite être assez perspicace pour repérer un aspect concret qui lui indiquerait qu’il s’engage sur la bonne voie. La première sortie se révèle beaucoup trop proche de son dernier client… enfin, il avait quand même assez roulé longtemps sur l’autoroute cette nuit-là avant d’en sortir.

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7 Il passe donc tout droit à la première sortie. Une dizaine de minutes s’écoulent avant que la prochaine issue ne se présente. Il se range alors le long de l’accotement avant d’emprunter la rampe d’accès. Il stoppe et examine bien la sortie. Il n’a pas de temps à perdre et tant mieux si les erreurs ne se multiplient pas. Il s’agit de se remémorer exactement la façon dont la sortie était configurée. La courbe… le chemin droit… l’arrêt tout au bout de celle-ci. – Non ! dit-il… - Je ne vois absolument rien de familier… rien de spécial… aucun indice apparent. Ah, misère ! Ça ne va pas bien ! Ce n’est pas cette sortie ! Il redémarre et continue son chemin. Encore quelques minutes passent avant qu’il prenne note des indications sur les panneaux routiers suspendus au-dessus de l’autoroute lui signalant les prochains carrefours. – C’est vraiment fou ! se dit-il. – Ces panneaux me sont complètement d’aucun recours, je ne reconnais aucunement ces noms ! Comment ça, donc ? Incroyable !

8 - Je n’ai aucune idée de la sortie que j’ai pu emprunter… Ah… et tant pis, j’enfile la prochaine… De toute façon, je les essayerai toutes… ça, c’est garanti. Je dois prendre tout le temps qu’il me faut ! C’est trop sérieux pour banaliser ce que j’ai vu, ce que j’ai vécu… Démontrant une dextérité de conducteur de Grand-Prix, Jean enfile la courbe de la sortie qui lui permet de rejoindre le niveau inférieur à l’autoroute. Il s’arrête, regarde à gauche, à droite et prend la décision de se diriger en direction nord-est sur le petit chemin qui se déroule devant lui. Durant quelques kilomètres encore, il file lentement quand, tout au loin, à sa droite, se dessine le profil d’une imposante bâtisse qui semble être une maison de ferme. - Ouffff ! Enfin ! Je crois que ça y est ! Son cœur bat déjà plus rapidement, il lui faut absolument garder le contrôle de la situation. Le moment est précieux. Très précieux ! Retirant son pied de l’accélérateur, il passe lentement devant et croit reconnaître l’entrée principale de cette propriété.

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10 Un panneau installé sur le faîte du balcon de l’entrée principale qui se lit comme suit : « Children’s Refuge of Shaneville » attire immédiatement son attention et confirme hors de tout doute le fruit de sa recherche. Il continue quand même son chemin en examinant bien les alentours. Il poursuit ainsi jusqu’à la fin du terrain de la propriété, immobilise sa voiture et observe avec beaucoup de circonspection les agissements des personnes qui œuvrent ici et là, près des bâtiments. – Tiens !… Les voilà donc les adolescentes de cette fameuse nuit quand je me suis porté à la rescousse de la petite névrosée qui s’était pratiquement lancée devant ma voiture. Elles sont toutes là en train de travailler dans les champs. Pauvres petites ! pense Jean, presque à haute voix. Sur cette dernière réflexion, il redémarre. Reculant très lentement pour se stationner sur l’accotement, sous le feuillage d’un érable énorme, puis avec précaution il sort ensuite de sa voiture. Recroquevillé et marchant à pas de tortue, il s’approche avec méfiance de la propriété tout en prenant bien soin de se dissimuler autant que possible dans l’herbe haute. Il rampe jusqu’à la demeure principale.

11 Se glissant le long du mur, jusqu'à la première d’une série de six fenêtres donnant vue sur la route, il s’arrête un court moment pour reprendre son souffle. Son cœur s’emballe et il ressent une vive douleur à la poitrine. – Ah ça alors ! Pas maintenant ! Pas encore une de mes crises d’angoisse qui se manifeste ! Séquelles évidentes que m’a laissées ma dernière aventure ! Quel moment mal choisi ! Il faut que je réussisse à retrouver mon contrôle, sinon c’est fichu. Je suis capable, je vais y arriver, se dit-il. Une pause de quelques secondes, puis le temps d’avaler quelques petites pilules calmantes s’impose à la fois pour qu’il puisse reprendre ses esprits et aussi réfléchir aux conséquences sérieuses pour lui et sa famille de ce qu’il s’apprête à faire. Son analyse est rapide… Selon son évaluation, la vie de plusieurs jeunes filles peut être en péril. – Je me sens comme en mission. Elles ont besoin de quelqu’un et moi seul peux leur venir en aide, avec la grâce de Dieu !

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13 Alors, délicatement, les doigts agrippant le seuil de la fenêtre, il se hisse avec d’infinies précautions pour voir si quelqu’un est à l’intérieur. Rapidement, il constate que cette fenêtre donne accès à la cuisine, car un homme, le cuisinier sans doute, y est et prépare un plat sur la cuisinière, tout au fond de la pièce. – Bon ! Il y a au moins quelqu’un qui s’occupe de les nourrir, ces pauvres petites. Hum !… je ne pourrai pas pénétrer dans la maison par cette fenêtre, ça c’est certain ! Jean relâche sa prise et continue à se glisser le long de ce mur pour enfin arriver à une deuxième fenêtre. Il utilise la même manœuvre pour jeter un regard furtif à travers la glace. – Tiens, tiens ! Le grand salon ! Là où l’on m’a soulagé de mes vingt dollars. Je ne peux oublier… Je me souviens même du vieux fauteuil. Et, cette pièce est vacante ! Peut-être que… ? Et sur ce, il tente de soulever la fenêtre sans faire de bruit. Par chance, celle-ci n’offre qu’une faible résistance et ensuite s’ouvre avec aisance. S’accrochant au bas du cadre, il se propulse en un seul mouvement dans la pièce… Fin du Chapitre 8 – À suivre…

14 Photos de Pierrette Beaulieu Pièce musicale : Solitude de Ernesto Cortazar