L E S U R R É A L I S M E Grażyna Starak Institut des Langues Romanes et de Traduction La littérature française, IIIème année

TABLE DES MATIÈRES 1. Les conditions historiques de la naissance de l’esprit nouveau 1/ état d’esprit après la Première Guerre mondiale 2/ naissance du communisme 3/ phénomènes artistiques nouveaux, observés avant la naissance du surréalisme 2. L’anti-culture et l’anti-art des DADAS ( ) 1/ naissance du mouvement et sa caractéristique 2/ signification du mot DADA 3/ mort du mouvement 3. La fondation du groupe surréaliste 4. Les précurseurs du surréalisme 1/ inspirations et influences

5. Qu’est-ce que le surréalisme ? 6. La définition du surréalisme formulée par Breton 1/ techniques de l’écriture surréaliste 2/ thèmes privilégiés des surréalistes 7. Les peintres surréalistes et leurs techniques 1/ techniques pratiquées par les peintres 8. Le théâtre dada et surréaliste 9. La bibliographie

I. LES CONDITIONS HISTORIQUES DE LA NAISSANCE DE L’ESPRIT NOUVEAU 1/ L’état d’esprit après la Première Guerre mondiale : la jeune génération confrontée à une tragédie qui a fait éclater le système des valeurs occidentales : - refus de la civilisation manquée qui a abouti à la guerre, le refus de toutes ses valeurs - négation absolue d’une vie qui emprisonne l’individu - révolte contre l’idée de patrie, contre la notion de sacrifice pour les générations à venir 2/ La naissance du communisme : - le communisme perçu, par des jeunes gens éprouvés par la guerre, comme un modèle, une façon de transformer le monde - le communisme – expression la plus avancée de la révolution sociale

3/ Les phénomènes artistiques nouveaux observés avant la naissance du surréalisme : - naissance du cubisme (Picasso et ses Demoiselles d’Avignon) - les Ballets Russes de Diaghilev (en 1916 a lieu la représentation de la Parade, ballet de Satie, monté en collaboration avec Cocteau, par les Ballets Russes de Diaghilev, dans les décors de Picasso) - cinéma – Marcel l’Herbier collabore avec Fernand Léger, René Clair avec Eric Satie ; Luis Buñuel (Le Chien andalou, L’âge d’or)

II. L’ANTI-CULTURE ET L’ANTI-ART DES DADAS (1916 – 1921) 1/ La naissance du mouvement et sa caractéristique :  DADA – mouvement de crise totale, négation de tout, expression purement destructrice - la naissance du mouvement : le 8 février 1916, à Zurich (ville où étaient réunis de nombreux artistes exilés pendant la guerre), au cabaret Voltaire - Tristan Tzara (chef du mouvement), Hans Arp, Richard Huelsenbeck, Francis Picabia, Marcel Duchamp - les dadaïstes – groupe de nihilistes qui rejettent la notion d’art, qui rejettent tout engagement politique, social, qui veulent en finir avec les conventions, les préjugés moraux, esthétiques et autres

« il y a un grand travail destructif, négatif à accomplir. Balayer, nettoyer ! » T. Tzara « Dada place avant l’action et au-dessus de tout : le Doute. Dada doute de tout ! » T. Tzara Le Doute !

- DADA – le mot le plus dénué de sens possible (le premier mot trouvé par les membres du groupe, dans un dictionnaire ouvert au hasard) qui s’attaque aux sources mêmes de la pensée, du langage et à toutes les formes de contraintes 2/ Les Sept Manifestes de Tzara et les activités des dadaïstes : - spectacles-provocations - « ready-made » (dévaloriser l’œuvre d’art, ridiculiser les objets de la civilisation moderne) 3/ La mort du mouvement DADA proclamée par André Breton : – la fondation (Breton, Aragon, Soupault) de la revue Littérature – la parution du premier texte issu de la technique de l’écriture automatique (pratiquée ensuite par les surréalistes) : Les Champs Magnétiques de Breton et Soupault Vers de nouvelles sources d’inspiration, inconnues ou méprisées jusqu’à là : l’inconscient, le rêve, le merveilleux

III. LA FONDATION DU GROUPE SURRÉALISTE – la publication du Premier Manifeste du surréalisme d’André Breton ( les autres manifestes seront publiés en 1929/30 et en 1942) - - les membres du groupe (à ses débuts) : André Breton, Louis Aragon, Paul Eluard, Philippe Soupault, Jacques Baron, Robert Desnos, Max Ernst, Pierre Unik, Roger Vitrac, Pierre de Massot, Max Morise, René Crevel, Antonin Artaud ( qui romp ensuite avec le groupe), Benjamin Péret ; rejoints peu après par Maxime Alexandre, Joseph Delteil, Francis Gérard, André Masson, Pierre Naville, Max Noll, René Char - - les revues du groupe : La Révolution surréaliste (de 1924 à 1929) dirigée par Pierre Naville et Benjamin Péret, Le Surréalisme au service de la Révolution - - SUR-réalisme – une nouvelle manière de concevoire et de représenter la réalité. Le mot emprunté à Guillaume Apollinaire qui dans ses Calligrammes annonçait l’exploration des profondeurs de la conscience.

IV. LES PRÉCURSEURS DU SURRÉALISME - Guillaume Apollinaire – auteur du « drame surréaliste » Les Mamelles de Tirésias, qui a déjà appliqué les méthodes du collage en poésie (Zone) Qu’est-ce que le SURNATURALISME selon Apollinaire ? « C’est un art qui n’est pas le naturalisme photographique uniquement, et qui cependant soit la nature même, ce qu’on en voit et ce qu’elle contient, cette nature intérieure aux merveilles insoupçonnées, impondérables, impitoyables et joyeuses. » (Apollinaire dans l’interview de G. Picard, cité par Vitrac, in : « Le Théâtre de G. Apollinaire », Comoedia, le 3 novembre 1923). André Breton a choisi le mot SURRÉALISME en hommage à G. Apollinaire Alfred Jarry, confondant « dans une perpetuelle hallucination son existence avec celle du père Ubu » (Maurice Nadaud) et opérant ainsi « la fusion surréaliste du réel et de l’imaginaire ».

1/ Les inspirations et les influences (exemples choisis) : - P. Reverdy, Saint-Pol-Roux - les illuministes du XVIIIe s. - le marquis de Sade (sa vie et son œuvre) - le merveilleux du roman noir anglais du XIXe s. (le roman gothique, le fantastique de Lewis, Walpole, Radclife) - le courant frénétique de Nodier - William Blake - les romantiques allemands (Novalis) - G. Nerval (son recours au mythe, à l’ésotérisme) - Aloysius Bertrand - Ch. Baudelaire avec sa théorie des correspondances - A. Rimbaud, ce « voyant » pratiquant l’alchimie du verbe - S. Mallarmé avec sa volonté de réinventer la vie - Lautréamont – le véritable idole des surréalistes, auteur des Chants de Maldoror

Les personnalités d’importance majeure pour Breton et la naissance du surréalisme : -  Sigmund Freud (auteur de L’interprétation des rêves) qui révèle aux surréalistes l’importance de l’inconscient, la puissance des rêves et des désirs -  Jacques Vaché

Deux événements qui marquent l’esprit nouveau :  l’apparition de la photographie qui définit une nouvelle relation du peintre à son objet  la découverte des sculptures d’Océanie et d’Afrique, la découverte de l’art nègre Les surréalistes veulent en finir avec le principe d’imitation, ils cherchent à mettre en image le paysage mental.

V. QU’EST-CE QUE LE SURRÉALISME ? - c’est un courant qui n’est pas réservé uniquement à l’écriture, il embrasse toutes les formes de l’expression artistiques et la vie même - les surréalistes prônent la révolte permanente (contre les représentations culturelles, contre la société ancienne avec sa morale, son esthétique), ils définissent de nouvelles valeurs (la liberté de l’individu) - ils veulent « réaliser l’homme total, dans l’unité du conscient et de l’inconscient »

- comme méthode, ils proposent « l’exploration systématique et scientifique de l’inconscient au travers d’expériences aussi diverses que le rêve, le merveilleux, la folie et les états hallucinatoires. La poésie devient l’instrument de cette recherche intérieure. » Le langage devient une arme. - l’essentiel est de « se libérer de l’emprise logique », d’explorer les richesses inconnues de l’homme - les surréalistes ne limitent pas la révolution à sa dimension sociale, « ils entendent bien procéder à une révolution artistique et mettre en œuvre toutes les forces de la révolte pour créer un art nouveau » et un homme nouveau. (d’après V. Bartoli-Anglard : Le surréalisme)

VI. LA DÉFINITION DU SURRÉALISME La définition a été formulée par Breton dans le Premier Manifeste : « SURRÉALISME, n. m. Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. »

1/ Les techniques de l’écriture surréaliste : - écriture automatique - récit (compte rendu) de rêves - expériences du sommeil hypnotique (R. Desnos) - enregistrement incontrôlé des états d’âme, des images, pour mettre en forme « le fonctionnement réel de la pensée » - recherche de l’insolite, du merveilleux (humour surréaliste, jeux verbaux, métaphores, calembours) - jeu de « cadavre exquis » Exemples de textes surréalistes : - Breton et Soupault : Les Champs Magnétiques - Desnos et Péret : L’Enfant planète - Eluard et Ernst : Les Malheurs des Immortels - Aragon : Le Paysan de Paris, Le mouvement perpétuel - Breton : Nadja

Les surréalistes s’attaquent à tous les genres littéraires ( à la classification en genres), notamment au roman et aux récits linéaires ( les principes balzaciens de la narration).

2/ Les thèmes privilégiés des surréalistes : - la ville comme source du merveilleux, de l’enchantement (Le Paysan de Paris) - l’enfant qui sait découvrir le monde d’une façon nouvelle, qui sait voir le mystère partout - la femme comme source de mystère, femme fatale et femme enfant (Nadja) - le merveilleux quotidien, la recherche de l’originalité dans la banalité

VII. LES PEINTRES SURRÉALISTES ET LEURS TECHNIQUES Max Ernst, Duchamp, Derain, Picabia, Chirico, Klee, Man Ray, André Masson, Miró, René Magritte  S. Dali – sa conception du tableau inter-actif et sa théorie de la paranoïa critique  l’influence de Picasso (il n’adhère pas au mouvement mais poursuit ses recherches)

1/ Les techniques pratiquées par les peintres : - ready-made - collage - frottage - grattage - pratique de « l’écran visuel » Les peintres s’attaquent au principe de l’art figuratif, l’image doit surprendre, choquer et produire des sens nouveaux.

Le groupe surréaliste ne se disperce qu’après la mort de son chef – Breton, en C’est la date définitive pour le mouvement, mais l’esprit surréaliste n’est pas mort.

VIII. LE THÉÂTRE DADA ET SURRÉALISTE 1/ Le théâtre dada, quelques exemples : - Pierre Albert-Birot et sa conception du « théâtre nunique » - Ivan Goll : Mathusalem ou l’éternel bourgeois - Tristan Tzara : La première aventure céleste de M. Antipyrine, La deuxième aventure céleste de M. Antipyrine, Le Cœur à gaz, Mouchoir de nuages - Ribemont-Dessaignes : Le serin muet

2/ Le théâtre surréaliste : - Breton et Soupault : S’il vous plaît, Vous m’oublierez - Breton, Desnos et Péret : Comme il fait beau - Vitrac : Entrée libre En 1926, Antonin Artaud fonde avec Roger Vitrac et Robert Aron le Théâtre Alfred Jarry.

3/ Quelques principes du théâtre dada et surréaliste : - la fin de l’illusion théâtrale, des conventions, il n’ y a plus d’intrigue proprement dite, mais des propos inspirés par la pratique de l’écriture automatique - la volonté d’établir une sorte de communion entre le public et les acteurs - l’esthétique de la surprise, la provocation sur la scène - la vision du théâtre total faisant appel à divers modes d’expression artistiques (projections cinématographiques) - la révolution de l’écriture théâtrale, la recherche de nouvelles associations sémantiques, la parole ne se réduit plus à un simple instrument de communication - le théâtre devient l’expérience collective de l’inconscient, on privilégie l’onirique sur le rationnel, la fantaisie sur la logique, la libre association des mots, des images sur le respect des règles de la vraisemblance Le théâtre surréaliste annonce toute une lignée du théâtre d’avant-garde qui ira jusqu’au Théâtre de l’Absurde.

IX. LA BIBLIOGRAPHIE : 1/ A. Breton : Manifestes du surréalisme 2/ A. Breton, Ph. Soupault : Les Champs magnétiques 3/ A. Breton : Nadja 4/ L. Aragon : Le Paysan de Paris 5/ V. Bartoli-Anglard : Le surréalisme, Nathan / H. Béhar : Le théâtre dada et surréaliste, Gallimard / R. Passeron : Surrealizm, Arkady 2002