Yvette VEYRET Professeur Université Paris X - Nanterre Nourrir les hommes Lille – 9/11/2011

Nourrir les hommes/agriculture/DD questions à poser l La terre peut-elle nourrir aujourd’hui 7 milliards, peut-être 9 milliards d’hommes d’ici la fin du siècle ? l La « surpopulation » est-elle cause des problèmes alimentaires ? l La malnutrition est-elle due à la nature ? ou à d’autres causes ? l Jusqu’où faut-il défricher les forêts tropicales au profit de l’agriculture ? l Faut-il privilégier les graines textiles sur les alimentaires ? l Faut-il continuer à produire des végétaux pour nourrir les animaux ? l Comment envisager les concurrences entre demande en énergie et de produit agricoles ? l Quels types d’agricultures peuvent permettre de nourrir les hommes dans un contexte de DD ?

La malnutrition dans le monde l Au début des années 2000, d’après la FAO, 800 millions de personnes étaient en état de sous alimentation chronique. l En 2011, 965 millions de personnes sont en situation de sous alimentation. Il faut adjoindre 2 milliards de personnes qui ont des régimes alimentaires mal équilibrés, souvent carencés en protéines.

CONSOMMATION DE CALORIES en 2002 (jour/personne)

Malnutrition et insécurité alimentaire 2010

La malnutrition dans les PVD 96 % des personnes malnutries vivent dans les pays en développement (PED). l 212 millions en Inde; l 206 millions en Afrique subsaharienne; l 162 millions en Asie et dans le Pacifique; l 150 millions en Chine; l 52 millions en Amérique latine et aux Caraïbes; l 38 millions au Proche-Orient et en Afrique du Nord. (Source: FAO) l Mais, 34 millions habitent les pays en transition (ex- pays de l'Est) et les pays industrialisés. Quantité moyenne de calories nécessaire par jour pour un adulte : 2400 Kilocalories

Distinguer famine et malnutrition Les famines qui ont beaucoup reculé voire quasi disparu étaient dues d’abord à des raisons politiques.

Suralimentation, obésité On compte 1 milliard d’hommes en situation de suralimentation, surtout dans les pays du Nord, mais aussi, et de plus en plus, dans les pays émergents.

Des agricultures dans le monde Le rendement à l’hectare de l’ensemble des quatre principales céréales (maïs, sorgho, riz paddy, mil) produites en Afrique de l’Ouest reste encore très faible (1 179 kg/ha en moyenne) par rapport aux 6 à plus de 12 tonnes en Asie et en Europe

Sous-alimentation et agriculture Une grande partie de la population insuffisamment nourrie vit à la campagne et est composée d’agriculteurs (Afrique notamment). Pourquoi ? l Agriculture faiblement productive, souvent extensive. l Pas de mécanisation, pas d’intrants, pas d’irrigation. l Agriculture très dépendante des conditions climatiques. l Manque de financements

Paysans pauvres : les raisons La productivité d’ un paysan burkinabé bien inférieure à celle d’un agri-manager du bassin parisien (voir plus haut). Les pays les plus pauvres, ne disposent généralement pas d’argent pour importer. Les problèmes d’organisation et d’institutions dans ces pays sont cruciaux. Le droit (problème du foncier) n’existe pas, et le cadre institutionnel régissant l’accès aux ressources manque aussi. Techniques très insuffisantes. La pauvreté résulte du mal développement et l’explique

Le commerce des produits alimentaires l 5 pays contrôlent les exportations : USA, UE, Australie, Argentine et Canada (bourse de Chicago) l Les pays du Nord orientent à la baisse les cours des produits agricoles qui viennent des pays pauvres. Ils soutiennent fortement leurs propres productions l Le prix des importations de produits agricoles par les PVD, est établi sur le prix du pétrole

Prix des produits agricoles En 2008, les cours mondiaux des principaux grains ont triplé. Le riz thaïlandais est passé de 300 à 1000 dollars la tonne de 2006 à 2008 alors que l’Afrique noire importe 20% des importations mondiales de riz. Ce riz pourrait très largement être produit en Afrique si des politiques agricoles incitatives étaient développées dans ce sens. Raison de l’augmentation : la spéculation d’abord.

L’accroissement actuel de la demande alimentaire (1) La transition alimentaire (ou nutritionnelle) concerne les populations pauvres dont les revenus augmentent, elles consomment plus de produits végétaux, puis plus de protéines d’origine animale ; œufs, viande, lait.. La demande augmente (cf la Chine)

Accroissement actuel de la demande alimentaire (2) L’urbanisation est le deuxième facteur, le niveau de vie des citadins est 3 à 4 fois supérieur à celui des ruraux en moyenne dans les pays émergents. Demande alimentaire croissante et changements dans les types d’alimentation.

Accroissement actuel de la demande alimentaire (3) Le troisième facteur est l’accroissement démographique. Entre 1810 et 1920, la population mondiale a doublé passant de 1 à 2 milliards (7 aujourd’hui). Les superficies cultivées avaient alors beaucoup augmenté avec la suppression de la jachère et surtout la colonisation des pays neufs de l’époque (Etats-Unis, Canada, Argentine, Australie, Afrique du Sud...). Mise en culture de centaines de millions d’hectares de terres nouvelles. La superficie des terres arables (ou travaillées) est de 1400 millions d’hectares. Elle ne s’est accrue que de 4% entre 1980 et 2005

Augmenter la production agricole, comment ? Il existe encore des terres à mettre en culture marges forestières, voire régions forestières…Mais, choix difficile, problème de la conservation de la biodiversité (l’Amazonie et les fronts pionniers) Il faut compter surtout sur l’augmentation des rendements : développement d’une agriculture intensive notamment par irrigation, Révolution verte et doublement verte.

Augmenter la production agricole Augmenter la production de produits agricoles implique : l d'accroître les surfaces cultivées en limitant les atteintes aux écosystèmes. l d’accroître les rendements partout où cela est possible.

la Révolution verte (ex. l’Inde) La Révolution verte peut être définie comme résultant : l des techniques de production basées sur irrigation, l de l’emploi de variétés de blé et de riz à haut rendement, d’ engrais et de produis phytosanitaire, l d’un ensemble de mesures de politiques agricoles de soutien, l des garanties d'achat de la récolte par le secteur public à prix fixé à l’avance, l des subventions pour les engrais, les produits de traitement, les équipements, l des accès au crédit, l de système de vulgarisation. Le concept peut être élargi à : l toute forme d’agriculture (pas seulement irriguée, mais aussi pluviale)

La révolution verte: les rendements céréaliers Atlas de l’Inde – P. Cadène

La croissance des rendements en Inde Atlas de l’Inde – P. Cadène

Indicateurs de la révolution verte Atlas de l’Inde – P. Cadène

Des risques pour l'environnement l usage intensif d'engrais de pesticides => pollution l érosion des sols (ex : surpâturage) l salinisation de l’eau l désertification sur les marges semi-arides des déserts

La Révolution doublement verte (1) La révolution doublement verte : la révolution verte + la qualité de l’environnement Il s’agit de répéter les succès de la Révolution verte en termes d'accroissement de la production, d’une manière acceptable au plan de l'environnement. Elle doit être économiquement viable et de nature à réduire la pauvreté (équité sociale).

La Révolution doublement verte (2) La révolution doublement verte doit utiliser des techniques de production proches de celles de l'agriculture biologique, mais sans se priver des techniques de Révolution verte (engrais et produits chimiques) qui ne sont pas systématiquement exclues. Une nouvelle politique agricole doit faire entrer dans l'économie de marché une grande partie des agriculteurs des PVD. Nécessité d’avoir des prix stables, des débouchés assurés et une protection tarifaire.

La concurrence pour la terre La terre et la production de plantes pour produire de l’énergie (éthanol à partir de la canne à sucre, betterave, maïs et diester, à partir de l’huile de palme, de colza, de tournesol) Pour alimenter 2 milliards de véhicules en biocarburants, il faudrait utiliser toute la surface cultivable. La terre et la production des végétaux textiles, coton notamment. Dans les deux cas, sources de revenus. Voir l’importance au cas par cas.

Agriculture dite off-shore Certains pays développent une production agricole ailleurs que chez eux. C’est le cas d’entreprises privées : Black Earth Company, firme suédoise a acheté hectares en Ukraine. C’est aussi celui des États. La Chine loue des terres en Afrique (Mozambique), en Asie (aux Philippines, pays qui est pourtant le premier importateur mondial de riz), en Australie dans le Queensland, au Kazakhstan.... Elle introduit des techniques et des agriculteurs chinois. Les pays du Golfe Persique. La Corée du sud achète des terres en Sibérie orientale, en Mongolie

L’agriculture biologique peut-elle nourrir la planète ? L’agriculture biologique ne représente qu’1% des surfaces agricoles et ses rendements sont de 30 à 40 % inférieurs à l’agriculture traditionnelle. L’agriculture "bio" aujourd’hui peut apporter de bonnes idées à l’agriculture conventionnelle, mais, en l’état, elle ne peut pas nourrir la planète.

Les OGM ? Pour nourrir l’humanité? l Les OGM et les biotechnologies sont d’autres pistes. La surface cultivée en OGM en 2008 représente 125 millions d’hectares sur la planète, dans les deux Amériques, en Chine et en Inde surtout. l Les OGM se développent actuellement partout sauf en Europe et en Afrique qui n’en a pas les moyens. L’Union Européenne importe des oléoprotéagineux pour l’alimentation du bétail, soit 30 millions de tonnes par an. l Si on décidait d’arrêter les importations de sojas OGM en Europe et donc les élevages industriels, l’Union Européenne devrait importer ses viandes de volailles et de porc du Brésil et des Etats- Unis.

Bibliographie et sources informatiques l Le portail scientifique gouvernemental publie une synthèse sur « la crise alimentaire mondiale ». l Le site portail de la FAO : l Les sites institutionnels : Nations Unies, PAM, PNUD… l Le Festival International de Géographie de Saint Dié 2004 : l Café Géographique avec Jean-Paul Charvet (2002) : ?id_article=32 l échange Charvet-Mazoyer, Les Rendez-vous de l’histoire 2008 l Atlas autrement J.P. Charvet Atlas de l’agriculture.2010 l Charvet J.P l’agriculture mondiale, Doc photographique n°8059 Ces deux ouvrages donnent une bibliographie plus large, et notamment des films.