Le Serment d’Hippocrate : un fondement pour l’éthique médicale ? Le serment d’Hippocrate : présenté comme ancêtre de l’éthique médicale. Penser les enjeux relation médecin patient. Mais situation avec la bioéthique n’est-elle pas différente ? Enjeux dépassent la relation inter-individuelle, concernent plus largement la vie humaine, la possibilité de sa transmission, les conditions qui peuvent la rendre vulnérable, les manières de la protéger collectivement.
Le serment : un code de morale ou une réflexion éthique ? Ethique : réflexion sur le genre de vie permettant à un être de se réaliser comme être humain, vie réussie ou accomplie. Éthos : les mœurs, usages habitudes. Êthos : caractère manière d’être. La réflexion éthique pendant l’Antiquité. Platon, Apologie de Socrate : une vie sans examen ne vaut pas la peine d’être vécue. La morale est plutôt associée à l’idée d’obligation, de devoir, de loi. Morale de mores, les mœurs.
Une distinction possible entre éthique et morale Paul Ricoeur, Ethique et Morale, dans Lectures 1, Autour du Politique, Le seuil, p « C’est par convention que je réserverai le terme d’éthique pour la visée d’une vie accomplie sous le signe des actions estimées bonnes, et celui de morale, pour le côté obligatoire, marqué par des normes, des obligations, des interdictions caractérisées à la fois par une exigence d’universalité et par un effet de contrainte ». Ethique téléologique / morale déontologique Morale : universalité et nécessité (Kant, Fondements Métaphysique des Mœurs) / Ethique : incertitude, conflit de valeurs, dilemme.
Comment situer alors le Serment d’Hippocrate ? Un texte déontologique (moral) ou / et téléologique (éthique) Serment d’Hippocrate : énonce un ensemble de devoirs pour le médecin, règles à respecter (déontologie). Mais formule en même temps un idéal, fins à viser. J. Jouanna, Hippocrate, Paris, Fayard, 1992.
Qui est Hippocrate ? A la fois célèbre et peu connu. Né sur l’île de Cos en 460 avant JC. Appartient à la lignée d’Asclépiade, descendants du dieu de la médecine Asclépios, qui se transmettent la médecine de père en fils. Il serait mort à 85 ans, laissant derrière lui le corpus hippocraticum, 96 écrits qui ne sont pas tous de sa main. Œuvre collective.
Les articles 1 et 2 : l’entrée en fonction du médecin, les règles de transmission de l’art « (art. 1) Je jure par Apollon médecin, pas Asclépios, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin, de remplir, selon ma capacité et mon jugement, ce serment et ce contrat ; (art. 2) Mon maître en médecine, je le mettrai au même rang que mes parents. Je partagerai mon avoir avec lui, et s’il le faut je pourvoirai à ses besoins. Je considèrerai ses enfants comme mes frères et s’ils veulent étudier la médecine, je la leur enseignerai sans salaire ni engagement. Je transmettrai les préceptes, les explications et les autres parties de l’enseignement à mes enfants, à ceux de mon Maître, aux élèves inscrits et ayant prêté serment suivant la loi médicale, mais à nul autre ». L. Lacan, Le Serment d’Hippocrate, Nîmes, Lacour, A. Masquelet, Le Serment d’Hippocrate, Paris, Maloine, 1997.
Articles 3 et 6 : une approche éthique et pas seulement déontologique : les notions de bien des malades et les limites du pouvoir du médecin Art. 3. « J’utiliserai les régimes pour le bien des malades, selon mon pouvoir et ma raison. Je m’écarterai de tout mal et de tout tort ». Art. 6. « Je n’inciserai pas non plus les malades atteints de lithiase (ne pas tailler ceux qui ont la pierre), mais je laisserai cela aux hommes spécialistes de cette intervention ».
Articles 7 et 8 : l’espace éthique et politique de l’art médical Art. 7. « Dans toute maison où je serai appelé, je n’entrerai que pour le bien des patients. Je m’interdirai d’être volontairement une cause de tort ou de corruption, ainsi que toute entreprise voluptueuse à l’égard des femmes ou des hommes, libres ou esclaves ». Art. 8. « Tout ce que je verrai ou entendrai autour de moi, dans l’exercice de mon art ou hors de mon ministère, et qui ne devra pas être divulgué, je le tairai et le considèrerai comme un secret ».
Quels changements aujourd’hui ? De l’éthique hippocratique à la bioéthique Serment sous sa forme actuelle : « Je m’engage, dans la mesure de mes moyens, à donner mes soins à ceux qui, dans le monde, souffrent de corps ou d’esprit. Je refuse que la science ou le savoir médical couvre l’oppression ou la torture, que l’on porte atteinte à la dignité de l’homme, que l’on cache l’horreur… ». -Le texte du serment engage une éthique au sens de visée d’un certain genre de vie. -Discussions tribunal de Nuremberg. Distinction Médecine thérapeutique / médecine expérimentale. - l’éthique du serment est-elle minimaliste ?
- L ’éthique hippocratique : une éthique minimaliste ? % éthiques maximalistes. Hans Jonas, Le droit de mourir, trad. P. Ivernel, Rivages poche, « Voici alors le problème d’un genre nouveau qui se pose : la technologie médicale moderne, même quand elle ne peut guérir ou calmer la douleur, ou procurer un délai supplémentaire de vie qui vaille la peine, aussi court soit-il, est néanmoins en mesure à maints égards de retarder la fin au-delà du point où la vie ainsi prolongée garde encore son prix pour le patient lui-même, voire au-delà du point où ce dernier est encore capable de jugement. Cela désigne en règle générale (abstraction faite de la chirurgie) un stade thérapeutique où la frontière entre la vie et la mort coïncide totalement avec celle entre la poursuite du traitement et la cessation de celui-ci : en d’autres termes, une étape où le traitement se limite à maintenir l’organisme en marche, sans améliorer son état en aucun sens (pour ne pas parler du tout de guérison). R. Ogien, La vie, la mort, l’Etat, Paris, Grasset, 2009.