COURS DE SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES Philippe Mamas – Lycée Fulbert – Classe de Seconde Dossier 16 CINQUIEME PARTIE COMMENT CONSOMMONS-NOUS ? (II) LES FACTEURS SOCIOLOGIQUES b – Les effets de signe
La consommation d’une personne peut être influencée par la publicité, ainsi que l’avons vu dans le dossier précédent… mais elle peut aussi être influencée, et à la fois beaucoup plus fortement et souvent, par le regard que la société porte sur la personne et par le regarde que cette personne porte sur elle-même. Nous avons tous vécu, étant enfant, cette situation où nous voulions absolument que notre parent nous achète tel objet plutôt qu’un autre parce que l’objet correspondait à ce que nos amis avaient : nous voulions faire comme nos amis (avoir le même héros sur une trousse, la même couleur sur un t-shirt). Nous n’aimions pas spécialement le héros ou la couleur, le produit n’était pas particulièrement beau ou pratique… Mais nous voulions, parce que nous avions certains amis, et parce que nous avions le sentiment que les objets que nous utilisions pouvaient nous valoriser, ou plaire à nos amis, ou au contraire nous rendre moins intéressant, acheter tel objet plutôt que tel autre. LA CONSOMMATION DEPEND SOUVENT DU REGARD DES AUTRES
Dans ces situations, nous ne choisissons pas le produit pour son utilité, sa praticité, sa qualité, son prix, ou parce qu’il s’accorde avec nos revenus… Nous le choisissons pour montrer quelque chose, de façon claire notre entourage ou pour la société : nous réalisons une consommation ostentatoire. En général, cette consommation ostentatoire est une sorte de message envoyé à notre entourage ou aux personnes qui peuvent être amenées à nous voir ou nous rencontre, un signe que nous leur montrons, et qui veut dire : -Soit : « j’appartiens à un certain groupe de personnes » (effet d’imitation) -Soit : « je suis différent des personnes de ce groupe » (effet de distinction) L’effet d’imitation se retrouve dans les consommations telles que celles des trousses d’enfant déjà évoqués (je veux les mêmes trousses pour montrer aux autres que je suis proche d’eux, que je veux être accepté et apprécié dans le groupe), et dans de nombreuses autres situations (bandes d’amis qui écoutent la même musique et ont les mêmes loisirs, travailleurs d’une même profession qui portent la même tenue, même si elle n’est pas indispensable pour le travail)
L’effet de distinction est présent lorsqu’une personne veut se sentir supérieur aux autres membres d’un groupe, comme telle personne aisée qui tient absolument à acheter des produits coûteux, pas seulement pour leur qualité, mais parce qu’elle veut montrer qu’elle a « réussi ». L’effet de distinction existe aussi lorsqu’une personne veut montrer son originalité par rapport aux autres membres d’un groupe – elle ne veut pas forcément montrer qu’elle est supérieur, mais souhaite attirer l’attention sur elle. Certaines personnes peuvent aussi chercher un effet de distinction parce qu’elles ont besoin de se sentir exister comme personne différente des membres d’un groupe, indépendante, autonome… Cela arrive fréquemment à l’adolescence, quand le jeune homme ou la jeune fille veut montrer à ses parents et se prouver à elle-même qu’elle devient autonome.
A cause de la recherche d’effets d’imitation ou de distinction par la consommation ostentation, mais aussi pour d’autres raisons (liés aux revenus, par exemple), on observe la consommation peut devenir un marqueur social. Cela signifie que ce que consomme une personne nous en apprend souvent beaucoup sur le groupe social auquel appartient la personne. Et effectivement, lorsqu’on analyse les statistiques de consommation, on remarque que certains consommations sont beaucoup plus fréquentes dans certains groupes que dans d’autres. Prenons l’exemple des groupes d’âge : les jeunes de 15 à 24 ans vont beaucoup plus au cinéma que les autres groupes d’âge, et écoutent beaucoup plus que musique. Consommer des places de cinéma ou acheter de la musique (concert, musique en ligne…) ou des dispositifs permettant d’écouter de la musique de façon pratique est ainsi une consommation qui marque socialement le groupe des jeunes. (Voir page suivante des statistiques qui confirment ces affirmations…) LA CONSOMMATION, UN MARQUEUR SOCIAL
Sorties au cinéma selon l'âge et le sexe en 2012 en % 2012 FemmesHommes Ensembl e ans Aucune fois9,413,511,5 Plus de 12 fois15,215,015, ans Aucune fois27,530,228,8 Plus de 12 fois5,06,95, ans Aucune fois37,643,540,5 Plus de 12 fois4,94,14,5 60 ans ou plus Aucune fois62,267,264,4 Plus de 12 fois4,64,14,4 Champ : France métropolitaine, individus âgés de 16 ans ou plus. Source : Insee, SRCV-SILC. Mais la consommation ne varie pas seulement avec l’âge. Elle varie aussi avec la procession ou le niveau de diplôme ou le lieu d’habitation, comme le montrent les données suivantes :
sur 100 personnes de chaque groupe Nombre de CD achetés au cours des 12 derniers mois Ont acheté de la musique sur internet Ont téléchargé de la musique sur internet Ont emprunté des CD dans une médiathèque 01 à 56 à 1112 et plus ENSEMBLE AGE 15 à 19 ans à 24 ans à 34 ans à 44 ans à 54 ans à 64 ans ans et plus NIVEAU DE DIPLOME Aucun,CEP CAP, BEP BEPC BAC BAC+2 ou BAC+4 et plus Elève, étudiant PCS DU CHEF DE MENAGE Agriculteurs Art., comm. et chef d'ent Cadre et prof. intell. sup Professions intermédiaires Employés Ouvriers Inactifs TAILLE DE L'AGGLOMERATION Communes rurales Moins de hab à hab Plus de hab Paris intra-muros
Que faut-il retenir principalement de ce dossier 16 ? En plus des facteurs déjà évoqués, notre consommation dépend beaucoup du regard des autres et du regard que nous portons sur nous-mêmes. Consciemment ou pas, nous utilisons souvent nos consommations pour envoyer des messages à notre entourage proche ou lointain. Nos achats font alors partie d’une consommation ostentatoire, une consommation qui vise à signifier quelque chose, qui envoie des messages, qui déclenche des effets de signe. Nous recherchons parfois des effets d’imitation (nous exprimons le fait que nous voulons appartenir à un groupe social), mais aussi des effets de distinction (nous voulons nous distinguer des autres membres d’un groupe social, soit parce que nous voulons nous sentir supérieur, soit parce que nous voulons attirer l’attention, soit parce que nous voulons montrer notre autonomie). Il n’est donc pas étonnant que, très souvent, la consommation de tel ou tel type de produit devienne un marqueur social, une comportement qui montre clairement quelle position nous occupons dans la société. C’est ainsi, par exemple, que l’achat de places de cinéma ou de supports musicaux est souvent un marqueur social du groupe social des jeunes, car les jeunes, à la fois du fait de leur temps libre, de l’affectivité de la musique et des effets d’imitation et de distinction qu’elle permet, sont le groupe d’âge qui écoute le plus de musique.
Que ferons-nous dans notre séance en classe sur le dossier 16 ? Nous illustrerons à nouveau ces phénomènes sociologiques à partir d’illustrations, de textes et d’un reportage sur la consommation d’un produit : les vêtements Lacoste. A bientôt.