SPECTROSCOPIE D’ABSORPTION DANS L’UV-VISIBLE CHAPITRE III SPECTROSCOPIE D’ABSORPTION DANS L’UV-VISIBLE
I - DOMAINE UV-VISIBLE Domaine UV-visible ≈ 800 - 10 nm visible : 800 nm (rouge) - 400 nm (indigo) proche-UV : 400 nm - 200 nm UV-lointain : 200 nm - 10 nm
II - PRINCIPE ET REGLES DE SELECTION Transition UV-visible (souvent 180 à 750 nm) : saut d’un électron d’une orbitale moléculaire fondamentale occupée à une orbitale moléculaire excitée vacante. La matière absorbe alors un photon dont l'énergie correspond à la différence d'énergie entre ces niveaux fondamental et excité.
Ces énergies Ordre de grandeur des énergies de liaison des molécules Transitions dans UV-visibles énergies les plus importantes de la chimie (13000 à 50000 cm-1 soit 160 à 665 kJ.mol-1) Ces énergies Ordre de grandeur des énergies de liaison des molécules parfois ruptures de liaisons Plus généralement transitions électroniques entre différents niveaux d’énergie des molécules
Transition électronique changement de population entre une orbitale moléculaire fondamentale occupée et une orbitale moléculaire excitée vacante Absorption d’un photon = différence d'énergie entre ces niveaux fondamental et excité Mais les transitions énergétiquement possibles ne sont pas toutes permises
transition permise (active) interdite (inactive) Règles de sélection transition permise (active) interdite (inactive) Transitions permises variation du moment dipolaire électrique orbitales impliquées telles que l = ±1 et S = 0 En d'autres termes, le photon fait changer la symétrie de l'orbitale occupée par l'électron avant et après la transition mais ne fait pas changer le spin de cet électron
transitions permises : variation du moment dipolaire électrique Les transitions énergétiquement possibles ne sont pas toutes permises transitions permises : variation du moment dipolaire électrique
III - ABSORPTION DE LA LUMIERE & LOI DE BEER-LAMBERT - SPECTRE D’ABSORPTION lumière monochromatique solution absorbante de concentration C cuve d’épaisseur l Une partie de ce rayonnement absorbée par l’échantillon et une partie transmise
Relations entre I0 et I d’après Bouguer, Lambert et Beer Intensité d'une lumière monochromatique traversant un milieu où elle est absorbée décroît de façon exponentielle : I = I0e-klC * I0 intensité de la lumière incidente * I intensité transmise * l épaisseur de la cuve (cm) * C concentration des espèces absorbantes * k constante caractéristique de l’échantillon
I = I0e-klC log(Io/I) = klC/2.3 = l C log(I0/I) = A : absorbance I/I0 = T : transmission % T : transmittance : coefficient d'extinction molaire caractéristique de la substance à une λ donnée Si C est la molarité, en L.mol-1.cm-1 loi de Beer-Lambert : A = - log T = l C
Validité de la loi de Beer-Lambert s'applique pour des radiations monochromatiques s’applique pour des solutions suffisamment diluées pour ne pas modifier les propriétés des molécules (association, complexation …)
SPECTRE D’ABSORPTION Spectre UV-visible : tracé de l’absorbance en fonction de la longueur d’onde (usuellement exprimée en nm) Bande caractérisée par position λmax , son intensité reliée au coefficient d’extinction molaire εmax A = ε l C ; valeur de ε indique si transition permise ou interdite
VI - LES DIFFERENTS TYPES DE TRANSITIONS ELECTRONIQUES Transitions électroniques : passage des électrons des orbitales moléculaires liantes ou non liantes remplies, vers des orbitales moléculaires antiliantes non remplies
électrons appartenant à de petits groupes d’atomes Absorption d’un photon dans UV-visible électrons appartenant à de petits groupes d’atomes chromophores : C=C, C=O, C=N, CC, CN… d’absorption de ces chromophores dépend de la nature des orbitales mises en jeu
VI.1 - Transition σ σ* Grande stabilité des liaisons σ Transition d'un électron d'une OM liante σ vers une OM antiliante σ* : grande énergie Cas des hydrocarbures Bande d’absorption σ σ* intense UV-lointain, vers 130 nm
VI.2 - Transition n π* Passage d'un électron d'une OM non-liante n à une OM antiliante π* Cas des molécules avec hétéroatome appartenant à un système insaturé La bande correspondante est faible car la transition est interdite. Ex : carbonyle, située entre 270 et 280 nm, faible
Cas des alcools, éthers, amines, dérivés halogénés VI.3 - Transition n σ* Transfert d'un électron du doublet n d’un hétéroatome (O, N, S, Cl..) à un niveau σ* Cas des alcools, éthers, amines, dérivés halogénés Bande d'intensité moyenne Extrême limite du proche-UV
VI.4 - Transition π π* Composés possédant une double liaison isolée bande forte vers 165 - 200 nm
EXEMPLES :
Effet du champ cristallin levée de dégénérescence des orbitales d VI.5 - Transition d - d Effet du champ cristallin levée de dégénérescence des orbitales d Complexes des métaux de transition colorés Ex : solution aqueuse du complexe Cu(H2O)6]2+ bleue absorption dans le visible
transition d–d souvent très faibles, de 1 à 100 L.mol-1.cm-1 Transition d'un électron d'une orbitale d peuplée à une orbitale d vide transition d–d Ex. un électron passe du niveau t2g au niveau eg pour une géométrie octaédrique souvent très faibles, de 1 à 100 L.mol-1.cm-1
Si une seule transition, couleur du complexe : couleur complémentaire de la couleur absorbée pendant la transition
V - EFFET DE L’ENVIRONNEMENT SUR LES TRANSITIONS V.1 - Terminologie Groupement auxochrome : groupement saturé lié à un chromophore modifie longueur d'onde et intensité de l'absorption Ex. : OH, NH2, Cl…
Effet bathochrome déplacement des bandes d'absorption vers les grandes longueurs d'onde Effet hypsochrome déplacement des bandes d'absorption vers les courtes longueurs d'onde Effet hyperchrome augmentation de l'intensité d'absorption Effet hypochrome diminution de l'intensité d'absorption
V.2 - Effet de la substitution Position de la bande d’absorption dépend de la présence ou non de substituants sur le groupement chromophore
Substituants à effet inductif Exemples : Substituants à effet inductif Substituants à effet mésomère (auxochromes) OH, -OR, -X, -NH2, … portés par un chromophore C=C ou C=O : effets bathochrome et hyperchrome
V.3 - Effet de la conjugaison Enchaînement d’insaturations délocalisation des électrons π facilité de mouvement des électrons un rapprochement des niveaux d’énergies
Conjugaison Effet bathochrome + effet hyperchrome sur la bande π π*
Même effet observé sur la transition n π*
Couleur orangée du β-carotène onze doubles liaisons conjuguées : Remarque : Déplacement bathochrome : origine de la couleur de nombreux composés naturels avec chromophores conjugués étendus Couleur orangée du β-carotène onze doubles liaisons conjuguées : λmax = 497 et 466 nm (chloroforme)
V.3.2 - Composés benzéniques Absorptions des aromatiques beaucoup plus complexes que celle des éthyléniques Plusieurs transitions π->π* Benzène : trois bandes d’absorption dues à des transitions ππ* λmax = 184 nm, ε = 60000 L.mol-1.cm-1 λmax = 203 nm, ε = 7900 L.mol-1.cm-1 λmax = 256 nm, ε = 200 L.mol-1.cm-1
Aromatiques polynucléaires Plus le nombre de cycles condensés augmente, plus augmente jusqu’au visible
V.4 - Effet de solvant Position, intensité et forme des bandes d’absorption des composés en solution fonction du solvant Ces changements interactions physiques soluté-solvant différence d’énergie entre état fondamental et état excité
Cas de la transition n * : groupement carbonyle Liaison δ+C=Oδ- stabilisée par un solvant polaire Plus d’énergie pour provoquer la transition λ diminue par augmentation de la polarité du solvant
Par augmentation de la polarité du solvant : Transition n π* : effet hypsochrome Transition π π * : effet bathochrome En résumé Le déplacement des bandes d'absorption par effet de la polarité des solvants permet reconnaître la nature électronique des transitions observées.
Dans l'eau spectres sensibles au pH qui modifie l'ionisation de certaines fonctions chimiques
VIII - PRINCIPAUX CHROMOPHORES Le spectre UV-visible ne permet pas l’identification d’un produit Le spectre UV-visible permet l’identification du groupement chromophore qu’il contient VIII.1. - Chromophore éthylénique VIII.1.1 - Chromophore isolé Ethylène : chromophore C=C Transition π -> π* : max = 165 nm = 15000 L.mol-1.cm-1
VIII.1.2 - Diènes et polyènes Effet bathohyperchrome très remarquable par rapport au chromophore isolé
Règles empiriques de Woodward, Fieser et Scott Spectres d'un grand nombre de molécules corrélations entre structures et maxima d'absorption Règles empiriques de Woodward, Fieser et Scott pour diènes et composés carbonylés insaturés Tableaux avec incréments reliés aux divers facteurs de structure Prévoir *
Parent hététoannulaire Diène acyclique TABLE 1 - Règles de WOODWARD – FIESER : Prévision de λmax pour les diènes conjugués (dans l’éthanol) Structure de base Parent homoannulaire Parent hététoannulaire Diène acyclique Valeur de base 253 nm 214 nm 217 nm incrément à ajouter (nm) Double liaison conjuguée supplémentaire Double liaison exocyclique Alkyle ou reste alkyle — O — R — S — R — Cl , — Br — NR2 — O — CO — R 30 5 6 60
VIII.2 - Chromophore carbonyle VIII.2.1 - Chromophore isolé Deux types de transitions : n->π* et π->π* Acétone : n->π* : λmax = 280 nm, ε = 16 π->π* : λmax = 186 nm, ε = 1000 VIII.2.2 - Chromophore conjugué Règles de calcul établies par Woodward et Fieser position de la transition π->π* de groupements carbonyles α, β - insaturés
Valeur de base (dans l’éthanol) 215 nm 215 nm 202 nm 207 nm TABLE 2 - Règles de WOODWARD : prévision de λmax pour les composés carbonylés a,b-insaturés (dans l’éthanol) Structure de base Valeur de base (dans l’éthanol) 215 nm 215 nm 202 nm 207 nm Incréments à ajouter (en nm) Conjugaison supplémentaire Hétéroannulaire Homoannulaire 30 68 Double liaison exocyclique 5 Substituants : -R -O-R -O-CO-CH3 ou O-CO-C6H5 -OH -Br 10 12 18 18 35 30 17 31 6 6 6 6 35 30 50 25 30
VIII.3 - Composés benzéniques Absorptions des aromatiques beaucoup plus complexes que celle des éthyléniques Plusieurs transitions π->π* Benzène : trois bandes d’absorption dues à des transitions ππ* λmax = 184 nm, ε = 60000 L.mol-1.cm-1 λmax = 203 nm, ε = 7900 L.mol-1.cm-1 λmax = 256 nm, ε = 200 L.mol-1.cm-1
Effet des substituants perturbe OM. Règles de Scott : prévoir approximativement λmax dans l’éthanol de la bande vers 256 nm des composés de formule générale :
R = alkyle ou reste de cycle 246 nm H 250 nm OH, OR 230 nm TABLE 3 - Règles de SCOTT : prévision de λmax des composés carbonylés aromatiques (dans l’éthanol) prévoir approximativement λmax dans l’éthanol de la bande vers 256 nm des composés carbonylés aromatiques substitués de formule générale : Valeur de base : R = alkyle ou reste de cycle 246 nm H 250 nm OH, OR 230 nm incrément à ajouter en nm En ortho En méta En para Alkyle (ou reste de cycle) — OH , — OR — Cl — Br — NH — CO — CH3 — NR2 — NH2 3 7 2 20 15 10 25 45 85 58
VI - APPLICATIONS DE LA SPECTROSCOPIE UV-VISIBLE VI.1 - Analyse qualitative Peu de renseignements sur la structure moléculaire Le spectre UV ou visible ne permet pas l’identification d’un produit mais celle du groupement chromophore qu’il contient.
VII.2 - Analyse quantitative Très employée Utilisation de la loi de Beer-Lambert Ces mesures ont des applications dans divers domaines
En laboratoire : Suivi de la cinétique d’une réaction Mesure des constantes de dissociation d’acides et de bases ou des constantes de complexation… Dosage du benzène dans le cyclohexane Détermination de la composition d’un mélange Etude d’isomérie cis-trans ou de tautomérie
- Police scientifique & Expertise judiciaire - Environnement : Ozone dans l’air des villes Métaux lourds dans l’eau Mesure du phénol dans l’eau (à la bande 200-300 nm) Matière organique, matières en suspension, nitrates contenus dans l'eau - Lutte antidopage - Mesure des couleurs (industrie des peintures) - Agroalimentaire (turbidité…)
En spectroscopie UV, la caféine présente une bande caractéristique. Sachant que l'absorbance est proportionnelle à la concentration de la substance , il va être possible de doser la caféine par spectrométrie UV à 272 nm.
- Pharmacie : dosage du fer dans un médicament Dosage des molécules actives dans une préparation pharmaceutique Exemple d’application au dosage et à la caractérisation de principes actifs Aspirine Spectre UV de l’acide acétylsalicylique
- Parfums et cosmétiques Les crèmes solaires contiennent des filtres UV ou « écrans solaire ». Ces filtres absorbent les radiations UV les plus dangereuses pour la peau. UV C 200-290 nm UV B 290-320 nm UV A 320-400 nm Effets Biologiques Dangereux Coup de soleil Bronzage Absorption atmosphérique Totale Partielle Faible
Spectre UV du 4-méthoxycinnamate de [2-éthyl-1-hexyl], Filtre typique UV B : ε 30 000 L.mol-1.cm-1 à λmax = 310 nm
VII - TECHNIQUES EXPERIMENTALES VII.1 - Appareillage Etude des absorptions appareil appelé spectromètre
Schéma de principe d'un spectromètre d'absorption UV- visible double faisceau
Rôle : fournir la radiation lumineuse Source Rôle : fournir la radiation lumineuse Région UV (190 à 400 nm), lampe à décharge au deutérium Région 350-800 nm : une lampe à filament de tungstène
Rôle : disperser le rayonnement polychromatique provenant de la source Monochromateur Rôle : disperser le rayonnement polychromatique provenant de la source radiations monochromatiques
Afin d’éviter de détériorer l’échantillon avec le rayonnement UV provenant de la source, celui-ci est placé à la sortie du monochromateur et ne sera donc traversé que par un domaine étroit de longueurs d'onde.
Diviseur de faisceau ou photomètre Lumière monochromatique sortant du monochromateur séparée en deux faisceaux compartiment de l’échantillon compartiment de la référence
Le détecteur est relié à un enregistreur qui permet de tracer un spectre d’absorption de l’échantillon analysée
L’ étude se fait en solution diluée VII.2 - Echantillonnage Composés étudiés dans divers états physiques : gazeux liquide solide L’ étude se fait en solution diluée
VII.2.1 - Solvants Solvant doit : - dissoudre le produit - être transparent dans la région d’étude Exemple : Hexane utilisable comme solvant à des longueurs d’onde supérieures à 210 nm
VIII.2.2 - Cellules * Solution placée dans une cellule ou cuve * Différentes épaisseurs * En quartz pour le domaine UV-visible * En verre pour le domaine visible
FIN DU CHAPITRE II