Savoirs locaux et adaptation aux changements globaux : gestion collective des ressources et adaptation aux contraintes climatiques. Bernard Moizo & Geneviève Michon UMR GRED Environnement, Société et Changements Climatiques : impacts et scénarisation Lundi 28 et mardi 29 septembre 2015 – Montpellier Journées d’animation scientifique du LabEx CeMEB
Savoirs locaux : un bref rappel Sociétés « locales et autochtones » (CDB 1992), mais aussi « paysannes » Savoirs « naturalistes » (TEK), mais Liaison du « savoir » et du « faire »: « faire- savoir » et « savoir-faire », « pratiques » techniques et usages Liaison avec les représentations, les pratiques symboliques, les discours internes et externes, transmission et acquisition Savoirs sociaux, économiques, politiques, organisationnels, savoirs exogènes intégrés, savoirs sur le monde extérieur Ces domaines des savoirs locaux deviennent de plus en plus importants avec l’accroissement des échanges, avec la globalisation (un mythe ou une réalité)
Rechercher dans les systèmes locaux des alternatives aux modèles dominants de production (et à leurs échecs) = Réhabilitation des savoirs « indigènes »: Validité des savoirs « non scientifiques » pour la gestion des ressources naturelles et réponse au CC Attribuer aux savoirs locaux un statut d’instrument de gestion: Potentiellement outils et garants d’une « bonne gestion » (durable? équitable?) des ressources dans le contexte du CC Rechercher des connaissances nouvelles pour faire face au CC Généralisation du recours à des savoirs locaux pour gérer et conserver un bien public global: la biodiversité Un outil original et adapté aux situations locales
Savoirs locaux inscrits durablement dans les projets de développement (conservation, valorisation, bio- prospection): une ressource majeure du développement durable? Ce faisant, ils sont mis directement en contact avec les changements rapides du monde (modernisation, extension des échanges et des marchés, circulation accélérée des normes, des idées, des marchandises ou des biens culturels, ouverture) Ce qui nous conduit à nous poser de nouvelles questions
Savoirs locaux: Quelques particularités Des savoirs empiriques, mais mis en permanence à l’épreuve du collectif et qui s’inscrivent dans des schémas d’explication du monde Des savoirs partagés plus que des savoirs d’experts (les experts sont eux-mêmes des praticiens) et redéfinis par les individus selon leur environnement particulier, leurs besoins ou leur pratique Un apprentissage selon schéma 3 temps (imprégnation, transmission, mise à l’épreuve de la pratique individuelle) qui crée lui-même de la connaissance : les « innovations » issues de la mise à l’épreuve individuelle viennent enrichir le savoir global
Construction des savoirs locaux en liaison avec CC Construction des savoirs locaux relatifs à la gestion des ressources naturelles en contexte de contrainte ou d’aléa climatique fort : des savoirs adaptés qui résultent d’une: construction lente, accumulation d’expérience empirique individuelle et collective, elles permettent de répondre aux contraintes imposées par les conditions climatiques locales et vise à gérer le risque et l’incertitude (ou à diminuer leur impact)
Exemple des « variétés » ou des « races » locales (céréales, légumes, abeilles, moutons, chèvres) adaptées aux (nouvelles) conditions des lieux Variétés de blé des régions péri-sahariennes : aptitude à germer après une seule petite pluie et cycle de développement accéléré (2 mois) L’abeille saharienne, une race d’abeille domestique adaptée aux conditions des régions péri-désertiques : résiste aux chaleurs extrêmes de l’été et aux froids de l’hiver (adaptations aux variations intra-annuelles de température), mais aussi une grande capacité à essaimer (= multiplier les colonies pour profiter au maximum des floraisons) lors des printemps favorables (pluvieux) (adaptations aux variations interannuelles de pluviosité) Au Maroc : des races de moutons adaptées non seulement à la conduite pastorale (pouvant parcourir de grandes distances journalières), mais aussi capables de se nourrir sur des fourrages foliaires (feuilles d’arbre), les seuls disponibles en été, lorsque les végétations herbacées ont séché
Mais aussi des pratiques qui renforcent la capacité de resilience ou d’adaptation habitude de mélanger les variétés selon leur aptitude climatique au sein d’un même champ pour parer aux risques climatiques (variétés précoces + tardives, résistantes à la sècheresse + à l’humidité), une pratique quasi universelle dans les agricultures familiales Construction de ruches et de ruchers permettant aux abeilles de résister aux conditions extrêmes (exemple : ruches en argile enterrées dans les régions péri-sahariennes) Exemple des « agdals » forestiers au Maroc: forêts réservées dans lesquelles on va puiser fourrage foliaire, bois de feu ou bois de construction pendant les hivers rigoureux, et qui sont totalement interdites d’accès pendant le reste de l’année ou lorsque les saisons restent favorables et permettent aux agro- pasteurs de puiser dans les réserves des autres espaces pastoraux