PROCESSUS DE CANCERISATION AU NIVEAU CELLULAIRE F. PEDEUTOUR DCEM1-3/10/2011
CANCER : MALADIE DE LA CELLULE Cause : dérégulation du programme génétique cellulaire PATHOLOGIE DE L’ADN Conséquence : prolifération incontrôlée de cellules anormales avec envahissement local ou à distance
Rappel : prolifération, différenciation, vieillissement et mort des cellules normales Cycle cellulaire normal: bien défini et contrôlé Etapes-clés: G1, S, G2, M Dans certaines circonstances bien définies (programmées ou en réponse à un signal activateur), la cellule se divise pour donner une autre cellule identique lors de la mitose (M) Etapes de contrôle : arrêts temporaires pour réparation de l’ADN si lésion, ou arrêts définitifs si trop d’anomalies non réparables
Prolifération, différenciation, vieillissement et mort des cellules normales Entrée dans le cycle cellulaire : -signalisation en cascade -action des cyclines Cycle cellulaire avec étapes de contrôle Systèmes de réparation ou d’arrêt du cycle réplication Préparation à la mitose Division cellulaire : 2 cellules filles
Si nécessaire, la cellule normale met en œuvre : Prolifération, différenciation, vieillissement et mort des cellules normales Si nécessaire, la cellule normale met en œuvre : des outils de prévention en vue de la limitation de la survenue d’anomalies transmissibles aux cellules filles : -Systèmes de réparation de l’ADN ou - « suicide » = « apoptose » (mort cellulaire programmée)
Si nécessaire, la cellule normale met en œuvre : Prolifération, différenciation, vieillissement et mort des cellules normales Si nécessaire, la cellule normale met en œuvre : des outils de prévention en vue de la limitation de la survenue d’anomalies transmissibles aux cellules filles : -Systèmes de réparation de l’ADN ou - « suicide » = « apoptose » (mort cellulaire programmée) (condensation cytoplasme chromatine, fragmentation ADN; formation corps apoptotiques; pas d’inflammation)(versus nécrose : mort accidentelle)
Prolifération, différenciation, vieillissement et mort des cellules normales Capacités de différenciation : expression de différentes protéines selon la fonction de la cellule, sa localisation anatomique et l’étape de développement Durée de vie limitée : nombre défini de divisions cellulaires (une cinquantaine) Sénescence accompagnée de raccourcissement des télomères à chaque division cellulaire Après environ 50 divisions cellulaires, ou si anomalies : mort cellulaire programmée ou « apoptose »
II. Caractéristiques des cellules tumorales * Concept classique : monoclonalité Toutes les cellules d’une tumeur dérivent de la même cellule d’origine Exemples : Lymphome B, myélome, avec immunoglobuline Monoclonale Translocation chromosomique ou marqueur génétique spécifique retrouvé au fil de la progression tumorale Cela n’exclut pas ensuite l’hétérogénéïté des anomalies génétiques dans la tumeur car des anomalies se surajoutent lors des divisions, notamment si instabilité génomique
II. Caractéristiques des cellules tumorales *Cellules souches tumorales Dans une tumeur, une très faible proportion (<1/1000) de cellules seraient des cellules souches tumorales Marqueurs de surface particuliers : CD133, CD44 Capacités d’auto-renouvellement + potentiel prolifératif illimité Recherche : cible thérapeutique
II. Caractéristiques des cellules tumorales * Etapes multiples de la transformation tumorale Altération de l’information génétique Plusieurs étapes successives *étape initiale sous l’influence de facteurs exogènes ou endogènes *étapes successives avec apparition d’ anomalies génétiques multiples Coopération de différents mécanismes : entraînant des gains et pertes de fonction
ADN T ADN ADN micro-ARNs Principaux facteurs exogènes et endogènes de cancérisation cellulaire I N T A O radiations, UV virus mutagènes chimiques prédispostion génétique tabac ADN T R A N S F O M I oncogènes systèmes de réparation promotion gènes suppresseurs de tumeurs ADN conversion apoptose progression ADN T télomérase micro-ARNs métastase
II. Caractéristiques des cellules tumorales Modification des caractéristiques de prolifération, de différenciation, de sénescence et d’apoptose Echappement aux points de contrôles du cycle cellulaire Dysfonctionnement des systèmes de réparation des altérations de l’ADN Modifications morphologiques Visibles lors d’analyses cytologiques ou histologiques Forme du noyau, atypies, caractéristiques de différenciation, index mitotique… Modifications caryotypiques : anomalies chromosomiques
III. Les modèles cellulaires : Etapes expérimentales de cancérisation *Etapes expérimentales de cancérisation in vitro Lignées cellulaires Cellules immortalisées : prolifération illimitée mais pas de modifications morphologiques Cellules transformées : * Prolifération illimitée *Perte de l’inhibition de contact avec apparition de foyers cellulaires *Autocrinie: indépendance vis-à-vis des facteurs de croissance *Etapes expérimentales de cancérisation in vivo Tumorigenicité : formation de tumeurs après injection chez souris immuno-déficientes (ex : souris « nude »)
IV. Les oncogènes : « accélérateurs » du processus de transformation Découverte des oncogènes : la filière virale 1*Rous , 1911 : le sarcome du poulet peut se transmettre par injection de particules ultra-filtrables (issues d’un broyat tumoral filtré) 2*Dulbecco, 1963 : Il s’agit d’un virus : virus du sarcome de Rous 3*Dans ce virus, le gène viral « v-src » contient à lui seul l’activité transformante 4*Bishop&Varmus, 1979 : un homologue cellulaire de ce gène viral, le gène « c-src » existe de façon normale dans le génome de toutes les espèces animales :découverte du premier « oncogène » 5*Par la suite : découverte de nombreux autres oncogènes (sis, myb, myc…) par différentes filières (propriétés transformantes, cytogénétique etc…)
IV. Les oncogènes : « accélérateurs » du processus de transformation Proto-oncogènes : gène « normaux « codant pour des protéines qui jouent un rôle crucial dans la cascade de signalisation cellulaire : Facteurs de croissance Récepteurs de facteurs de croissance Protéines membranaires ou cytoplasmiques de transmission du signal Facteurs de transcription Facteurs de contrôle de réplication de l’ADN protéines associées à la membrane mitochondriale Oncogène : Forme anormalement activée du proto-oncogène Cette activation est tumorigène Elle se produit sous l’influence de différents mécanismes
IV. Les oncogènes : « accélérateurs » du processus de transformation Définition et mode d’action proto-oncogène oncogène activation * Activation d ’ un oncog è ne (amplification, translocation, mutation … ) Gain de fonction Effet dominant (activation d seul all le suffisante Prolif é ration cellulaire Activation d’un oncogène allèle suffisante) Prolifération cellulaire
Oncogènes: principaux mécanismes de gains de fonction 1. Amplification génomique : augmentation anormale du nombre de copies d’un gène ou d’une région chromosomique : Plus de 5 (jusqu’à parfois plus de 100) copies d’un gène par cellule Nombreux gènes différents amplifiés selon les types de tumeurs Conséquences : Augmentation de l’expression des gènes amplifiés Avantage sélectif pour les cellules tumorales
Oncogènes: principaux mécanismes de gains de fonction 2. Activation d’un oncogène par remaniement de structure chromosomique : -Echange de deux fragments chromosomiques avec des points de cassure situés dans des oncogènes -Cassure suivie de fusion des deux gènes rompus et formation d’un gène « hybride » anormal Exemple de la t(9;22) dans la leucémie myéloïde chronique : Formation d’un gène de fusion anormal BCR-ABL BCR-ABL code pour une protéine anormale à activité tyrosine kinase
Oncogènes: principaux mécanismes de gains de fonction 3. Activation d’un oncogène par mutation ponctuelle Exemple des gènes RAS RAS : petite protéine « G » ancrée sur la face interne de la membrane cytoplasmique Normalement : agit sur la voie de signalisation des « MAP-kinases » (entrée en mitose) seulement après stimulation du récepteur Mutation du codon 12 ou du codon 13 de l’exon 2 du gène K-RAS : Activation permanente de la protéine RAS Activation permanente de la cascade mitogène Prolifération cellulaire accrue
Oncogènes: principaux mécanismes de gains de fonction 3. Activation d’un oncogène par mutation ponctuelle Exemple des gènes RAS Détection des mutations du gène K-RAS depuis 2008 : Spécifié dans AMM : avant prescription de traitements par anticorps monoclonaux anti-REGF (Cetuximab…) REGF
Oncogènes: principaux mécanismes de gains de fonction 4. Activation d’un oncogène par intervention d’un virus Insertion du gènome viral à proximité immédiate d’un oncogène entraînant un dérégulation activatrice : phénomène non décrit chez l’homme Chez l’animal : par exemple : virus de la leucose aviaire activant l’oncogène myc : virus oncogène lent « cis- activateur » NB : chez l’homme : 15% cancers sont liés à des virus : (HPV, hépatite…) mais le mécanisme est différent Intégration aléatoire dans le génome humain et production de protéines qui interfèrent indirectement avec les mécanismes d’oncogenèse
Oncogènes: principaux mécanismes de gains de fonction 5. Modifications épigénétiques Modification de l’expression d’un gène sans modification structurale ni quantitative de la séquence d’ADN : Modifications chimiques : Méthylations (méthylation cytosine) : faible méthylation = augmentation expression Acétylations Réversible mais transmissible aux cellules filles : « empreinte » Notions « d’épigénome » ; « méthylome » etc…
IV. Les oncogènes : « accélérateurs » du processus de transformation Quel que soit le mécanisme d’activation : amplification, translocation, mutation ponctuelle, hypométhylation … Activation anormale d’un gène (proto-oncogène) ayant des fonctions importantes dans la signalisation cellulaire Participation à la cancérisation, en coopération avec d’autres mécanismes
V. Les gènes suppresseurs de tumeurs ou anti-oncogènes : « freins » du processus de transformation * * Inactivation d’un gène suppresseur de tumeur (« anti-oncogène ») par délétion, mutation… un * Perte de fonction Effet récessif Inactivation des deux allèles nécéssaire Prolifération cellulaire
HYPOTHESE DE KNUDSON : “TWO-HIT” *1er évènement d’inactivation : perte, mutation... Constitutionnel (=germinal) (présent dans toutes les cellules avant la naissance, souvent héréditaire) ou Somatique (=acquis) (survient dans une seule cellule, au cours de la vie) 1 X ADN germinal ou somatique Une seule mutation : pas de cancer *2ème évènement d’inactivation : perte, mutation… somatique affectant l’autre allèle du même gène 1 2 X X ADN somatique L’inactivation successive des deux allèles contribue à la transformation tumorale Inactivation des deux allèles : cancer
HYPOTHESE DE KNUDSON : “TWO-HIT” 1ère mutation constitutionnelle (germinale) 2ème mutation somatique 1ère mutation somatique
P53 : gène localisé sur le chromosome 17 (17p), code pour une protéïne « gardienne du génome » Effet anti-proliférateur au point de contrôle G1/S Rôle de la protéine P53 dans l’intégrité du génome Arrêt temporaire du cycle cellulaire pour permettre les réparations de l’ADN -si réparation efficace : poursuite cycle -si échec: apoptose P53: maintien de l’intégrité du génome en empêchant la réplication de l’ADN endommagé
G 0 G 1 M S G 2 P53 régulateur+++ mitose 1 heure cellule quiescente état de repos G 1 étapes de préparation quelques heures à quelques jours S synthèse : 7 heures duplication ADN G 2 M 3 heures mitose 1 heure P53 régulateur+++ : étapes de contrôle : arrêt temporaire (réparations) ou définitif du cycle
accumulation d’altérations pendant le cycle cellulaire P53 : gardienne du génome accumulation d’altérations pendant le cycle cellulaire Inactivation de p53 Mutations inactivatrices de P53 Sporadiques fréquent+++ : > 50% des cancers ou Constitutionnelles très rare : syndrome de Li-Fraumeni
VI. Les syndrome d’instabilité génomique et les gènes de réparation Exemple du cancer colorectal héréditaire non polyposique (HNPCC, syndrome de Lynch) 3-4% des cancers colo-rectaux
VI. Les syndrome d’instabilité génomique et les gènes de réparation Cancer colorectal héréditaire non polyposique Cause : mutation germinale d’un des gènes de réparation des erreurs d’appariement des bases de l’ADN (MSH2, MLH1, MSH6…) Conséquence : hypermutabilité responsable de la transformation cancéreuse des cellules Cancers coliques Cancers endomètre, ovaire Cancers estomac, voies biliaires Cancers vois urinaires
VI. Les syndrome d’instabilité génomique et les gènes de réparation Système de réparation des erreurs d’appariement « mismatch repair » Sous contrôle génique : MLH1, MSH2, MSH6…
VI. Les syndrome d’instabilité génomique et les gènes de réparation Cancer colorectal héréditaire non polyposique Transmission héréditaire selon mode autosomique dominant : Patient hétérozygote pour la mutation dans toutes ses cellules Mécanisme de cancérisation cellulaire selon modèle de Knudson : la mutation devient homozygote dans la cellule cancéreuse (récessif au niveau cellulaire) Inactivation de gènes impliqués dans les réparations des mésappariements de l’ADN (mismatch repair genes : MMR). La présence de la mutation homozygote engendre un génotype « hypermutable » ou RER+ Suspicion : si plusieurs apparentés au 1er degré atteints cancer colon endomètre, âge de survenue, type de tumeur : critères « Amsterdam II »
VI. Les syndrome d’instabilité génomique et les gènes de réparation Syndrome de Lynch Absence de la protéine correspondante au gène défectueux : détection négative par immunohistochimie (AC anti-MSH2, -MLH1, -MSH6) La cellule acquiert un génotype hypermutable. Cette hypermutabilité est facilement détectable en recherchant des instabilités de séquences microsatellites (MSI) dans la tumeur : outil de dépistage Microsatellites : petites séquences d’ADN non codantes réparties aléatoirement dans le génome, souvent répétitions de binucléotides (ex : ACACACACAC…) Recherche du phénotype « MSI » : dans la tumeur en comparaison à du tissu sain (« MSS »). Critère MSI : instabilité dans au moins 2 des 5 marqueurs Conclusion : IHC négative + MSI = suspicion HNPCC : recherche d’une mutation constitutionnelle sur prélèvement sanguin Intérêt : prévention (surveillance, coloscopie, hystéroscopie…)
VII. Micro-ARNs et cancer *Codés par 3% du génome *Les gènes codent pour un petit ARN simple brin *Très petite taille : 20 à 25 nucléotides *Très conservés au cours de l’évolution des espèces *Non traduits en protéine *Action de régulation sur les gènes : environ 30% des gènes «classiques » sont régulés par les micro-ARNs *Contrôle de la prolifération cellulaire, la différenciation, l’apoptose *Fonction d’oncogènes et de gènes supresseurs de tumeurs « oncomirs » *Profil d’expression des microARNs: importants pour la classification des tumeurs *Nouvelle voie thérapeutique ?
VIII. CANCERISATION : ROLE DES TELOMERES Télomère : extrémité protectrice des chromosomes constituée de la répétition du motif TTAGGG des milliers de fois Télomérase : enzyme capable de maintenir la longueur des télomères Mort cellulaire Cellule somatique normale : pas d’activité télomérase, raccourcissement des télomères à chaque division cellulaire Cellule tumorale : -activité télomérase +++ (ou autre mécanisme : ALT-15% des cas), maintien des télomères à chaque division cellulaire
IX. Apoptose et cancer Apoptose : mort cellulaire programmée signes : contraction cellulaire, bourgeonnement du cytoplasme, condensation nucléaire, dégradation « en échelle » de l’ ADN génomique (différent de la nécrose : mort brutale accidentelle avec inflammation) Issue naturelle du processus de vieillissement cellulaire Composante essentielle du développement et de l’homéostasie équilibre entre prolifération et mort cellulaire homéostasie augmentation de la prolifération et/ou diminution de la mort cellulaire néoplasie
IX. Apoptose et cancer Cellules tumorales : inhibition fréquente des mécanismes d’apoptose Gènes anti-apoptotiques : gènes dont l’activation inhibe la mort cellulaire Rôle important de la famille de protéines BCL2 dans Régulation de l’apoptose BCL2 : équivalent ced9 nématode rôle prolifération cellulaire oncogène (leucémies, lymphomes) famille protéines : 15 membres
X. COOPERATION DES DIFFERENTS SYSTEMES IMPLIQUES DANS LA CANCERISATION Activation de plusieurs oncogènes + Inactivation de plusieurs gènes suppresseurs de tumeurs Nécessaires pour l’acquisition d’un phénotype néoplasique complet Cette coopération converge vers un point-clé : contrôle du cycle cellulaire transition G1-S +++
VIII. COOPERATION DES DIFFERENTS SYSTEMES IMPLIQUES DANS LA CANCERISATION Exemple du cancer colique