LORSQUE LE DON PEINE À DEVENIR UN CADEAU VÉCU DU PROJET DE DON D’OVOCYTE PAR LES COUPLES INFERTILES M. JAOUL
TÉMOIGNAGES RECUEILLIS LORS DE LA CONSULTATION PSYCHOLOGIQUE EN AMP PRÉVUE DANS LA DÉMARCHE DE PROCRÉATION AVEC DON D’OVOCYTE AUPRÈS DE 85 COUPLES VUS EN 2014 ET 2015
1°LE PROJET DE DON EST CONSÉCUTIF À UNE INFERTILITÉ La douleur des deuils à faire (de sa fertilité en tant que femme, d’un enfant qui vient de soi, d’un enfant qui lui ressemble, de son rêve d’immortalité avec la conception d’un enfant, de l’enfant du couple, preuve et accomplissement de son amour) est perceptible dans la difficulté de nombreuses femmes à adhérer pleinement au projet de don, dans un premier temps plus ou moins long selon l’intensité du deuil.
« Ce ne sera pas le mien » apparaît explicitement dans 7% des cas « est-ce que je vais l’aimer ? » dans 9% des cas « j’ai peur que l’enfant me rejette » dans 7% des cas « il n’aura pas quelque chose de moi » dans 8% des cas La question de la ressemblance est fréquemment évoquée, la consolation du choix de la donneuse pour ses traits de ressemblance est une consolation fragile, qui masque parfois une rivalité agressive « j’espère qu’elle ne sera pas moche » À travers l’importance donnée à l’anonymat de la donneuse et le secret quant au mode de conception c’est la crainte de la fragilité du lien qui pointe
Le vécu d’intrusion d’un corps étranger est parfois évoqué, directement ou de manière détournée La représentation de l’étranger, voire de l’étrangeté en opposition au familier apparaît parfois derrière l’inquiétude portant sur l’inconnu biologique Enfin le recours au don est souvent présenté comme un non choix, souvent énoncé par les compagnons, témoignant d’une mise à distance des questions que peut poser le projet de recevoir un don
2° LORSQUE LE DON EST ENVISAGÉ DANS LE CAS D’UN RISQUE DE TRANSMISSION GÉNÉTIQUE Le vécu du projet de don est bien différent, les aspects douloureux et/ou angoissants sont compensés par un vécu de soulagement
3° LA DIMENSION SEXUELLE EST PARFOIS ÉVOQUÉE Les fantasmes de relation homosexuelles avec la donneuse comme les fantasmes figurant la donneuse comme rivale sexuelle Cette dimension sexuelle liée à l’introduction d’un tiers sur la scène procréative est le plus souvent mise à distance par une idéalisation dé- sexualisante de la donneuse
4°LE TEMPS DE LA CONSOLATION : VERS L’ACCEPTATION Le rôle matriciel qu’aura à jouer la future mère avec le temps de la gestation. Parfois la tonalité reste dépressive La compensation vient du côté du mari Parfois le don est vécu comme un soulagement au regard de la douleur des échecs de FIV
Lorsque la possibilité de transmettre se rétablit, le lien peut se créer Le future rôle de parent se précise
5° LE RÔLE DU COMPAGNON Le compagnon tente de rassurer Son ambivalence pointe parfois dans son inquiétude sur l’inconnu génétique Ils sont souvent inquiets de voir que le projet de don ne suffit pas à endiguer la douleur d’infertilité de leur compagne Ils consacrent leur compagne dans son identité de mère
6° CONCLUSION Accepter un don c’est accepter d’être en dette, accepter le manque Ce peut être un trajet difficile tant la blessure de l’infertilité peut être grande Le travail de deuil s’effectue dans une temporalité incompressible, l’acceptation peut être longue à venir, qui permettra que le don devienne un cadeau. Ce travail de deuil sera nécessaire pour que l’enfant à venir ne porte pas le poids des deuils insuffisamment élaborés qui ont précédé sa conception La consultation psychologique dans le cadre d’un projet de procréation avec un don aura un rôle important à jouer dans la prévention des difficultés qui pourraient apparaître pendant la grossesse ou à la naissance de l’enfant né d’un don.