L’euro a-t-il tenu ses promesses ? Marc-Olivier Strauss-Kahn Directeur Général des Études et des Relations Internationales Banque de France Avant tout,

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L’euro a-t-il tenu ses promesses ? Marc-Olivier Strauss-Kahn Directeur Général des Études et des Relations Internationales Banque de France Avant tout, n’oublions pas 4 siècles de guerres impliquant chacune au moins 2 pays de l’Union Européenne ENTRETIENS ENSEIGNANTS – ENTREPRISES, École polytechnique - Saclay, 25 août

Quatre promesses majeures tenues = l’Union Monétaire a : - facilité les échanges commerciaux intra-zone euro (ZE) - stabilisé la valeur externe de la monnaie pour les pays membres versus leurs partenaires - atténué l’impact des chocs de change sur la sphère financière -favorisé la stabilité interne de la valeur de la monnaie (et donc le coût de financement) Deux illusions (opposées) à corriger. L’euro n’est : - ni une « assurance tout risque » - ni l’ennemi de la performance & l’emploi Nombre de pays en zone euro (ZE) en … … 1999 : 11 = … 2016 : promesses majeures tenues & 2 illusions à corriger

* Voir aussi I. Gravet et P. Artus (2012), La crise de l’euro - Comprendre les causes - En sortir par de nouvelles institutions 1.1 L’euro a facilité les échanges commerciaux intra-zone La monnaie unique dans la zone euro (ZE) : -élimine le risque et les frais de change -aide à comparer les prix (effet pro-compétitif). Mais dans les évaluations, il faut tenir compte de la pénétration des pays émergents et du cycle (crise) : : hausse de 4 points du ratio des exports intra-ZE sur extra-ZE vers pays avancés (puis crise) -Après contrôle de l’effet d’autres variables, impact estimé sur ce ratio de 5 à 15% selon les périodes : 3 ImpactPériodeChamp Micco & al. (2003) 5% ZE Flam & al. (2003/2006) 9% / 15% / 95-05ZE Berthou & al. (2013) 7% France Pays de contrôle = « UE, non ZE » -> l’effet s’accroît avec la durée de l’€ -> Impact moindre sur France seule car en union de facto depuis 1987

L’euro flotte. Depuis 1999, le TCEN de la ZE a varié (jusqu’à 30%) comme celui des autres grandes zones : USA, RU (et même jusqu’à 50% pour JAPON). Or un membre de la ZE (≈ France) fait plus de la 1/2 de ses échanges en intra-ZE. Donc son TCEN varie de moins de 1/2 (<15% depuis 1999 et 20% depuis 1994 = zone grisée). II est ≈ 100 actuellement. Son commerce en est d’autant moins déstabilisé. 1.2 Valeur externe (TCEN) stabilisée pour les pays membres 4 Le TCEN (Taux de Change Effectif Nominal) permet d’évaluer la compétitivité des pays concernés versus leurs partenaires commerciaux (ici 61).

5 1.3 Impact atténué du change sur la sphère financière 2 chocs similaires de change ($ vs DM ou €) + évolution des taux d’intérêt français Période jan / juil Période jan / juil Sources : Datastream, Deutsche Bundesbank, OCDE, W/M Reuters Forte hausse des taux Faible variation des taux et réduction des primes de risque

1.4 Stabilité interne : inflation et coût du financement IPCH (en glissement annuel)9,42,61,61,3 Taux d'intérêt nominal à 10 ans12,78,34,52,6 Taux d'intérêt réel à 10 ans3,45,62,91,4 Sources : INSEE, OCDE Economic Outlook Et bien-sûr, le passage à l’euro n’a pas détérioré et a même favorisé la stabilité interne de la valeur de la monnaie, formulée en termes de stabilité des prix. Celle-ci est mesurée par l’inflation (variation de l’IPCH = Indice des Prix Harmonisé à la Consommation) dont la cible est « proche mais inférieure à 2% à moyen terme ». L’ancrage des anticipations d’inflation contribue à de bas taux d’intérêt à long terme, même si d’autres facteurs ont joué depuis la période dite de « grande modération ». Or le financement à long terme de l’économie reste prédominant en France et en ZE ce qui favorise la croissance et l’emploi.

1.Avant 1999, et même 1997 en vue de la qualification à l’euro, les taux d’intérêt à long terme des pays moins performants ont rejoint très/trop vite ceux des pays les plus performants (‘convergence trading’) 2.De 1999 à la crise souveraine, l’euro est à tort vu comme garantissant la qualité des politiques économiques et la crédibilité de tous les pays membres de la ZE. Or la ZE n’est pas une Zone Monétaire Optimale (ZMO), pas plus que les USA. D’autres politiques doivent pallier cette déficience. 3.La crise souveraine ( ) sert de révélateur, puis les marchés sur-réagissent. 4.L’annonce BCE de l’OMT et du « whatever it takes » pour préserver l’euro s’accompagne de la création de l’Union bancaire. 5.Depuis, les taux ont convergé tout en restant raisonnablement différenciés. 2.1 Illusion 1 : l’euro offrirait une « assurance tout risque »

2.2 Illusion 2 : l’euro, ennemi de la performance / l’emploi Un membre de la ZE peut être le plus performant des 35 pays de l’OCDE. La ZE n’a pas effacé les différences internes. Par exemple en 2015 : Irlande, 1 ère croissance à 8% révisé à … 26% ‘comptable’ (Espagne : 3%) Allemagne, le second plus faible chômage des jeunes à 7% Estonie, plus basse dette publique à 6% Finlande, 1 er en score PISA en sciences 8 De même, jusqu’à la crise, l’emploi en ZE croît fortement et plus qu’aux USA. Puis il stagne, mais pas en Allemagne! Ceci illustre que d’autres politiques économiques font la différence entre les membres de la ZE.

Conclusion : le rôle des autres politiques économiques 9 Le projet d’Union économique et monétaire (UEM) a débuté avec l’euro par l’Union Monétaire qui reste un succès, même s’il ne saurait éviter les crises, voire il a joué pour certains le rôle d’anesthésiant. L’Union Économique est en panne sans parler de l’Union Politique. La BCE apparaît comme la seule institution économique ‘fédérale’ efficace et crédible. Du coup elle se retrouve surchargée. Or elle ne peut être la « seule partie/carte à jouer » (‘the only game in town’). Les autres politiques économiques (budgétaires et structurelles notamment) restent non coordonnées, a fortiori centralisées. D’où l’appel à la création d’un Ministère des Finances de la ZE, notamment par la BdF, car une stratégie « réformes + coordination » fait plus de croissance et d’emplois que la somme des stratégies nationales.

Matrice d’intégration européenne (Discours F. Villeroy, Bruegel, ) NIVEAU D’INTÉGRATION 3. Politiques et instruments intégrés 2. Politiques nationales pleinement coordonnées 1. Politiques sous surveillance Monétaire Structurel Financier BCE et Eurosystème MSU-MRU Union de financement et d’investissement (dont UMC et plan Juncker) Union budgétaire Marché unique complet Institution décisionnelle unique (Ministre des finances ZE) Conseil budgétaire Conseil de compétitivité Budgétaire Pacte de Stab. & Croissance Procédure Déséquilibre Macro CONTENU/ POLITIQUES Union bancaire BCE : Banque centrale européenne ; MSU : Mécanisme de supervision unique ; MRU : Mécanisme de résolution unique UMC : Union des marchés de capitaux 10