LE TEMPS EST-IL LA TRACE DE LA CAUSALITE ?

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Transcription de la présentation:

LE TEMPS EST-IL LA TRACE DE LA CAUSALITE ? Etienne KLEIN DSM/ LARSIM

D’abord, un constat : l’histoire de la physique a tendance à repasser les plats Certaines tensions entre concepts opposés apparaissent de façon récurrente : telle nouvelle théorie semble calmer ces tensions, voire les supprimer, mais lorsqu’une crise apparaît, elles peuvent renaître. Ainsi la discussion autour du problème de la flèche du temps a-t-elle fait réapparaître les tensions déjà soulevées (par les présocratiques) entre identité et changement, et celles soulevés (par les philosophes) entre temps et devenir. La flèche du temps est apparue au bout du compte (Boltzmann) comme une « émanation ».

Cours du temps versus flèche du temps, par Roman Opalka

Aujourd’hui, de semblables vieilles questions sont réactivées non plus à propos de la flèche du temps, mais du cours du temps lui-même : Se suffit-il à lui-même ou émerge-t-il d’autre chose ? Quel lien a-t-il avec les événements ? Avec la causalité ? Est-il dans l’amont ou dans l’aval de la causalité ?

« Relationnalisme » contre « substantialisme » Le temps (ou l’espace) se suffit-il à lui-même ? Le débat Leibniz-Newton (Clarke) « Relationnalisme » contre « substantialisme » « L’espace absolu, sans relation aux choses externes, demeure toujours similaire et immobile. (…] La vitesse est relative, mais l’accélération est absolue. » « L’espace et le temps n’apparaissent que secondairement aux objets, pour exprimer les relations de contiguïté et de succession qu’ils entretiennent les uns avec les autres. »

En matière d’espace-temps, la physique n’a pas mis tous les œufs dans le même panier… Espace-temps relationnel : Relativité générale : toute localisation ne peut s’exprimer que par rapport à d’autres événements, et non par rapport à une structure géométrique préexistante (mais ça se discute) Espace-temps substantiel : Mécanique newtonienne Physique quantique Relativité restreinte

Le fleuve, Kant et la causalité L’ordre du temps fixe l’antériorité logique de la cause sur l’effet, tandis que le cours du temps « temporalise », ou « étale dans le temps », le lien de cause à effet.

Mais la physique a pris un autre parti : le principe de causalité devient une contrainte externe appliquée à la représentation du cours du temps Mécanique classique : temps linéaire et non cyclique Théorie de la relativité restreinte : impossibilité pour une particule de dépasser la vitesse de la lumière dans le vide Physique quantique non relativiste : la causalité est garantie par la structure même de l’équation de Schrödinger Physique quantique relativiste : nécessité de l’existence des antiparticules, invariance CPT

Mais, au passage, une difficulté conceptuelle redoutable… Les diverses déclinaisons et implications du principe de causalité sont si claires qu’elles tendent à masquer une difficulté conceptuelle. En effet, la notion de causalité ne peut être pensée, ni même définie, indépendamment des événements qui viennent l’incarner. De là une certaine ambiguïté de son lien avec le cours du temps : si celui-ci est contraint par le principe de causalité, dans quelle mesure est-il indirectement « contaminé » par les phénomènes causalement reliés qui se déroulent en son sein ?

Le défi de la gravitation quantique Sur quoi s’appuyer pour construire une théorie quantique de la gravitation ? S’agit-il d’appliquer les procédures de la physique quantique à la relativité générale ? Ou bien de procéder à un mariage qui impliquerait une modification de la physique quantique standard ? Ou encore de mettre sur pied une nouvelle théorie qui dépasse, en les incluant, la physique quantique et la relativité générale ?  Ces différentes démarches se répartissent en trois groupes :  Les procédures qui appliquent les règles de quantification à la relativité générale ordinaire. Deux pistes : les approches « covariantes », qui renoncent à définir le temps a priori ; les approches « canoniques » (telle la gravité quantique à boucles) qui partent d’une définition a priori du temps au sein de l’espace-temps de la relativité générale. La théorie des supercordes, qui envisagent un cadre radicalement neuf (les objets physiques sont des cordes, mais l’espace-temps fait partie du background) à partir duquel on espère retrouver la RG comme limite à basse énergie (et les autres interactions fondamentales).  L’ensemble des approches qui ne relèvent d’aucune des deux premières, par exemple la théorie des twisteurs de Penrose ou les géométries non commutatives d’Alain Connes.

Quelques pistes de recherche en images (Gilbert Garcin)

Trois constats Variété nue Espace topologique Structure différentielle Structure causale Espace-temps avec métrique Le concept de causalité semble pouvoir être utilisé de façon opératoire à des niveaux plus profonds que l’espace-temps lui-même. Les travaux qui visent à comprendre la nature de l’espace-temps utilisent tous la combinaison de deux idées fondamentales : l’espace-temps est émergent et sa description, discrète ou non, fait intervenir la causalité de façon cruciale. Le problème de l’unification de la relativité générale et de la physique quantique semble pouvoir être résumé par l’alternative : l’espace-temps accueille-t-il les événements ou en émane-t-il ?

Conclusion en forme d’ouverture Un renversement dialectique n’est pas à exclure : au lieu d’être primitif et contraint extérieurement par la causalité, l’espace-temps (ou certaines de ses propriétés, telle la continuité) pourrait se trouver « secondarisé », émergeant d’un « fond » causal. On pourrait alors parler d’une « thermodynamique » de l’espace-temps. Ce serait la revanche de Leibniz sur Newton. Mais si ce fond causal existe, est-il lui-même fondamental ou émergent ? La nature est-elle - ou n’est-elle pas - un puits sans fond ?