Adaptation et atténuation Une approche économique

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Transcription de la présentation:

Adaptation et atténuation Une approche économique Franck Lecocq 1,2 1 AgroParisTech, Engref UMR 356 Economie Forestière, F-54000 Nancy, France 2 INRA, UMR 356 Economie Forestière, F-54000 Nancy, France Séminaire ACC Forêt et biodiversité Paris, le 16 septembre 2010

Atténuation et adaptation sont le plus souvent traitées séparément Motivation Agissant aux deux extrémités de la chaîne causale émission  climat  société, atténuation et adaptation sont souvent considérées comme symétriques Atténuation et adaptation sont le plus souvent traitées séparément Ces deux approches sont-elles justifiées ? UMR 356 Laboratoire d'Economie Foretière - AgroParisTech(ENGREF) - INRA

Adaptation proactive et adaptation réactive Adaptation réactive = action prise dans le but de limiter les impacts négatifs (ou augmenter les effets positifs) du nouveau climat pour les sociétés humaines en réponse à un changement observé du climat Exemple : Augmentation des plafonds de coupe en Colombie Britannique suite à la multiplication du dendrochtone du pin Adaptation proactive = action prise dans le but de limiter les impacts négatifs (ou augmenter les effets positifs) du nouveau climat pour les sociétés humaines avant que le climat n’ait effectivement changé Exemple : Plan de protection contre les doryphores en Finlande

Une distinction parfois difficile, mais nécessaire Classer une mesure entre adaptation réactive et adaptation anticipative n’est pas toujours évident Exemple : Plan canicule en France Mais cette distinction est importante car s’il s’avère souvent moins cher de prévenir les crises, c’est souvent après une crise qu’il est plus facile politiquement de prendre des mesures Exemple : Tsunami dans l’océan Indien de 2005 UMR 356 Laboratoire d'Economie Foretière - AgroParisTech(ENGREF) - INRA

1. Décider avec autant d’inertie mais plus d’incertitudes Les décisions d’atténuation et d’adaptation proactives doivent souvent être prises « dans une mer d’incertitudes », sans pouvoir être retardées, et en présence d’inerties fortes Mais l’incertitude sur les bénéfices des mesures d’adaptation est souvent plus élevée Risque de « mal-adaptation » important UMR 356 Laboratoire d'Economie Foretière - AgroParisTech(ENGREF) - INRA

Un enjeu particulièrement important dans le secteur forestier Choix des essences Faut-il continuer à planter des essences à longue durée de vie, comme le chêne ou le hêtre, ou planter des substituts plus « robustes » ? Structure des peuplements Faut-il accélérer les révolutions, voire passer à des structures en taillis ? Faut-il éclaircir les peuplements pour limiter la consommation d’eau ? Quid des peuplements déjà plantés dont la durée de vie est supérieure à 40 – 50 ans Etc. (voir Riou Nivert et al 2008)

2. Un processus plus dynamique Au niveau local au moins, l’atténuation est un processus qui a une fin (zéro émissions) Or le climat sera en évolution sur plusieurs siècle Donc s’adapter n'est pas passer d'un état stable à un autre état stable, mais accepter un changement permanent

Le changement climatique bouleverse les repères traditionnels du forestier Une notion centrale en foresterie est la notion de station – définie comme la résultante d’un sol, d’une géographie, et d’un climat – à laquelle est attachée un cortège d’essences préférées. Avec le changement climatique, cette notion devient caduque Les forestiers utilisent des « tables de production » leur permettant d’estimer la croissance future de leurs peuplements à partir d’observations réalisées dans le passé. Les tables de production doivent être revues régulièrement

3. Une différence de portée L’atténuation réduit tous les risques, connus ou inconnus, en tous lieux, alors que l’adaptation réduit seulement une partie des risques dans une région et/ou un secteur donné Par conséquent, atténuation et adaptation ne sont pas symétriques au niveau global (voir plus loin) UMR 356 Laboratoire d'Economie Foretière - AgroParisTech(ENGREF) - INRA

4. L’adaptation produit souvent un bien privé L’atténuation produit un bien dit public, la qualité de l’atmosphère, au sens où tout le monde en profite, sans que l’on puisse en exclure quiconque L’adaptation produit en revanche un bien dit privé, en ce sens que ses bénéfices peuvent être capturés par celui qui l’a mise en œuvre Légitimité de l’action publique pour l’adaptation ? UMR 356 Laboratoire d'Economie Foretière - AgroParisTech(ENGREF) - INRA

L’intervention publique pour l’adaptation reste néanmoins justifiée Enjeu Exemples de mesures possibles Manque d’information / Asymétrie d’information Surveillance sanitaire des forêts R&D sur les impacts, les essences adaptées, etc. Diffusion d’information vers les professionnels (interprofessions, syndicats, instituts techniques, …) Externalités négatives d’une mauvaise adaptation (incendies, ravageurs, maintien des fonctions écologiques de la forêt, etc.) Normes et règlements encadrant la gestion forestière Fiscalité forestière Incitations indirectes via la filière (certification, etc.) Barrières à l’action collective Incitations publiques à la coopération Renforcement des institutions assurant le règlement des conflis Equité Compensations en cas de catastrophes naturelles Politiques de l’assurance forestière UMR 356 Laboratoire d'Economie Foretière - AgroParisTech(ENGREF) - INRA

5. Pas d’indicateur de performance commun à tous projets d’adaptation Certains outils de politique publiques (marchés de permis, mécanismes de compensation) sont plus difficiles à mettre en œuvre dans le cas de l’adaptation Pose la question de l’allocation des ressources pour l’adaptation UMR 356 Laboratoire d'Economie Foretière - AgroParisTech(ENGREF) - INRA

Des liens ‘techniques’ projet par projet La durabilité des projets d’atténuation doit être examinée Exemple : Biomasse énergie Adaptation et atténuation sont parfois produits conjointement Exemple : afforestation Dans d’autres, elles vont en sens opposé Exemple : climatisation UMR 356 Laboratoire d'Economie Foretière - AgroParisTech(ENGREF) - INRA

Adaptation et atténuation sont liés au niveau régional Dans de nombreux cas, il est impossible de s’adapter à la marge : un changement majeur d’activité et/ou de localisation est nécessaire Exemple : Région des Landes L’expérience montre que les transitions sont souvent difficiles Cf. anciens bassins industriels du Nord et de l’Est Or l’atténuation peut aussi nécessiter des bifurcations majeures: Forme des villes, nature des modes de consommation, localisation des populations et des activités Question de la décision intégrée au niveau local / régional UMR 356 Laboratoire d'Economie Foretière - AgroParisTech(ENGREF) - INRA

Un mot sur l’équilibre global Au niveau global, le problème de décision consiste à adapter les trajectoires de développement en minimisant la facture climatique totale = Atténuation + Adaptation Proactive + Adaptation Réactive + Dommages Résiduels

Source : Lecocq et Shalizi, 2007a UD: Ultimate damages of climate change (without any action) RUD: Remaining ultimate damages of climage change (with action) RA: Reactive adaptation PA: Proactive adaptation M: Mitigation Source : Lecocq et Shalizi, 2007a

L’adaptation comme enjeu principal Le débat international est centré sur l’atténuation. L’adaptation est pourtant, à notre sens, l’enjeu majeur. On observe déjà les premiers impacts du changement climatique Tout retard dans les politiques internationales d’atténuation implique plus d’adaptation Tous les pays doivent s’adapter

L’atténuation est nécessaire car il est impossible de s’adapter à tout Une réponse basée uniquement sur l’adaptation a peu de chances de minimiser la facture climatique totale Même s’il est techniquement possible de s’adapter, ce n’est pas nécessairement le plus efficace Adaptation et atténuation ne sont pas des substituts parfaits : même avec adaptation, de nombreux dommages résiduels subsistent.

Typologie des impacts et des réponses adaptées Lorsque les dommages ultimes peuvent être traités à coût faible, l’adaptation réactive domine. Lorsque les impacts ne peuvent être traités facilement, ou génèrent des irréversibilités qui ne sont pas acceptables, alors l’adaptation proactive et l’atténuation dominent. Le partage entre adaptation proactive et atténuation dépend de l’ampleur des impacts, des irréversibilités éventuelles et des incertitudes

Un portefeuille d’actions est nécessaire Une combinaison d’atténuation, d’adaptation proactive, et adaptation réactive est nécessaire à n’importe quel moment. L’équilibre entre ces trois composantes devra très probablement évoluer au cours du temps.

Vers un portefeuille optimal ? Atténuation et adaptation proactive sont dépendants l’un de l’autre On a déjà noté que l’atténuation réduit tous les risques en tous lieux, alors que l’adaptation réduit seulement certains risques. On a déjà noté la production jointe entre atténuation et adaptation Mais le point important ici est que l’efficacité de l’un dépend du niveau de l’autre Par conséquent, les niveaux optimaux d’atténuation et d’adaptation proactive ne peuvent être déterminés indépendamment (Shibata et Winrich, 1983) De même, les niveaux optimaux d’adaptation proactive et d’adaptation réactive ne peuvent être déterminés indépendamment

Interactions entre les bénéfices de l’atténuation et de l’adaptation Niveau de la mer Niveau d’atténuation Bénéfices marginaux de l’adaptation

Quel portefeuille optimal sous incertitude ? Seule l’incertitude sur la forme de la fonction dommage agrégée compte pour déterminer le niveau optimal d’atténuation En revanche, l’incertitude sur la localisation des impacts est un enjeu majeur pour l’adaptation, puisque les bénéfices de l’adaptation sont localisés

Une typologie de situations sous incertitudes Si des impacts se produisent avec probabilité élevée et localisation certaine, l’adaptation proactive localisée a des chances d’être efficace En particulier, le risque de se tromper sur la localisation de capital fixe à longue durée de vie (par exemple, digue) est limité Si les impacts se produisent avec haute probabilité, mais localisation incertaine, des mesures d’adaptation proactive non localisée peuvent être adaptées

Une typologie de situations sous incertitudes (suite) Si des impacts se produisent avec probabilité limitée, et que la localisation est incertaine, alors l’atténuation ou l’adaptation réactive peuvent être préférables Le choix entre atténuation et adaptation réactive dépendant du niveau anticipé des impacts, et des coûts de l’atténuation et de l’adaptation réactive

Conclusion Adaptation et atténuation ne sont pas symétriques, et les deux doivent être mises en œuvre en parallèle Adaptation et atténuation sont liées, à tous les niveaux, et requièrent une analyse et une négociation en commun Adaptation et atténuation ne peuvent se discuter indépendamment des stratégies de développement UMR 356 Laboratoire d'Economie Foretière - AgroParisTech(ENGREF) - INRA

Je vous remercie ! Contact : franck.lecocq@nancy-engref.inra.fr Website : http://www.nancy.inra.fr/lef Addresse postale : Laboratoire d'Economie Forestière UMR ENGREF/INRA 14, rue Girardet, CS 4216 F-54042 NANCY Cedex, FRANCE Télephone : +33 3 83 39 68 65 Fax : +33 3 83 30 22 54