Deuxième Semaine et Implantation Jacqueline Mandelbaum Service d ’Histologie, Biologie de la Reproduction et Cytogénétique Hôpital Tenon
Les deux acteurs en présence: le blastocyste éclos et l ’endomètre La deuxième semaine du développement ( J7 à J14 ) correspond à : La phase d ’implantation du blastocyste dans la muqueuse utérine ( nidation) Aux modifications de la masse cellulaire interne (MCI) qui aboutissent à la constitution d ’un embryon didermique
L ’implantation permet la poursuite de la gestation chez les mammifères car la nutrition de l ’œuf fécondé ne peut se poursuivre longtemps à partir des seules réserves cytoplasmiques et des nutriments apportés par les sécrétions tubo-utérines L ’embryon doit pouvoir recevoir des apports nutritionnels de l ’organisme maternel. Chez l ’humain (et les rongeurs) l ’implantation aboutit à une érosion de la paroi des vaisseaux maternels et à un contact avec le sang maternel (placenta hémochorial) A la différence de la plupart des mammifères, le blastocyste humain ( de même que certains primates et le cobaye) pénétrera complètement à l ’intérieur du stroma utérin (implantation interstitielle ou nidation)
J23 Alors que l ’implantation peut se produire dans n ’importe quel tissu du corps humain, l ’embryon ne peut pas s ’implanter dans l ’endomètre, excepté au cours d ’une brève période appelée « fenêtre d ’implantation »
La fenêtre d ’implantation ( FI) survient pendant la phase lutéale du cycle menstruel Elle est limitée dans le temps ; durée 3-4 jours; entre J20 et J23 et correspond à une période de réceptivité de la muqueuse utérine Elle est hormonalement définie : endomètre préparé par les estrogènes de la phase folliculaire (endomètre prolifératif ) et transformé par la progestérone de la phase lutéale (endomètre sécrétoire ). Avant l ’endomètre n ’est pas réceptif, après il devient réfractaire ( implantation impossible La synchronisation doit être parfaite entre le développement de l ’embryon et la maturation de l ’endomètre
Les différentes étapes de l ’implantation 1) Orientation (a) 2) Apposition(b) 3) Adhésion ou attachement (b) 4) Invasion ou pénétration (c) aboutissant ( d) à l ’enfouissement complet de l ’œuf dans le stroma utérin (chorion) avec reconstitution de l ’épithélium de surface
L ’orientation : J7 A J7, le blastocyste s ’oriente de façon à présenter son pôle embryonnaire (côté bouton embryonnaire) face à l ’endomètre L ’embryon émet des signaux précoces favorisant son implantation: facteur activateur des plaquettes (PAF), libération d ’histamine (vasodilatation), sécrétion précoce d ’hCG (gonadotrophine chorionique humaine) qui, avant son action lutéotrope, module localement la production de cytokines (LIF...) et stimule la production d ’un facteur angiogène:VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor)
L ’apposition Au début de la phase lutéale, sous l ’action de la Progestérone (P), les microvillosités apicales des cellules épithéliales de l ’endomètre deviennent plus courtes On voit apparaître des protrusions apicales bulbeuses; les pinopodes. Chez les rongeurs, ils réabsorbent le fluide utérin; chez la femme ils ont une fonction de sécrétion et seraient des marqueurs de la réceptivité endométriale . Leur présence est brève: 2-3 jours. In vitro, l ’attachement des blastocystes humains se fera préférentiellement aux cellules endométriales présentant des pinopodes, (mais pas au niveau des pinopodes) Importante activité d ’endocytose des cellules épithéliales utérines
L’apposition Du fait de l ’intense réabsorption du fluide utérin, la cavité utérine devient virtuelle et le blastocyste est amené au contact de l ’endomètre et immobilisé sans adhérence vraie Il est plaqué sur l ’épithélium utérin et l ’empreinte des cellules utérines est apparent à la surface des cellules du trophectoderme polaire On peut encore déplacer le conceptus U. Bentin-Ley
L ’apposition et le reste des étapes de l ’implantation ne sont possibles que si un contact direct peut s ’établir entre les cellules du trophectoderme polaire du blastocyste et les cellules épithéliales de l ’endomètre grâce à : L ’éclosion ( permet l ’apposition) Modifications de l ’épithélium utérin (permettront l ’adhésion). Comme tous les épithéliums, celui de l ’endomètre est non adhésif car recouvert de glycoprotéines formant un glycocalyx, essentiellement composé de la mucine 1 (MUC 1), glycoprotéine transmembranaire
récepteur Au contact de l ’embryon non encore apposé , MUC 1 est clivée, ce qui va permettre l ’adhésion ( étude in vitro chez l ’humain) Les modifications de MUC1 ont en outre démasqué des ligands ou des récepteurs qui interagiront avec les ligands et les récepteurs correspondants sur le blastocyste pour réaliser l ’adhésion mucine ligand
L ’adhésion Un contact étroit s ’établit entre cellules trophectodermiques er utérines. Les microvillosités à leur surface s ’engrènent; des jonctions se forment l ’œuf ne peut plus être éliminé par simple lavage
Le langage de l ’adhésion L ’adhésion fait intervenir des cytokines, des facteurs de croissance, des molécules d ’adhésion Parmi les cytokines, 4 familles semblent impliquées Interleukine1 (IL1) Leukemia Inhibiting Factor (LIF) Colony Stimulating Factor (CSF1) Epidermal Growth Factor (EGF) et EGF-R
Le LIF Sécrétée par l ’endomètre. C ’est la première cytokine dont le rôle dans l ’implantation a été démontré chez la souris Les souris femelles LIF -/- ( génétiquement déficientes en LIF) ont des blastocystes normaux capables d s ’implanter chez une receveuse mais pas chez elles. La perfusion utérine de LIF restaure l ’implantation Chez la femme, l ’endomètre sécrète du LIF (maximum pendant la FI) et le blastocyste exprime le LIF et son récepteur Chez les femmes ayant des échecs d ’implantation après FIV, les taux de LIF du fluide utérin sont réduits par rapport à des femmes fertiles Rôle probable chez l ’humain
L ’EGF-R et ses ligands Au niveau de l ’endomètre, les modifications de MUC 1 démasquent d ’autres glycoprotéines comme Hb-EGF (heparin-binding) qui se lie au récepteur de l ’EGF EGF-R est présent au niveau de la MCI et du trophectoderme polaire de l ’embryon humain. Cette distribution asymétrique pourrait expliquer que l ’implantation se fasse à partir du T polaire.
Système IL1 IL1 et sont sécrétés par l ’embryon humain tandis que le récepteur ( IL-1R de type 1) est exprimé par les cellules utérines avec un maximum en phase lutéale La liaison ligand-récepteur déclenche la production d ’ intégrine 3 impliquée dans l ’adhésion blastocyste-endomètre ( chez l ’humain, in vitro) A l ’inverse, les souris invalidée pour le récepteur sont fertiles
CSF1 Son absence chez les souris op/op (ostéopétrotiques par défaut de résorption osseuse) entraîne des troubles de l ’implantation CSF1 est sécrété par les cellules de l ’endomètre (homme) et le récepteur par les cellules du trophectoderme Rôle chez l ’ humain ? Donc variabilité entre les espèces et redondances
L ’invasion
L ’invasion Dès le contact avec l ’épithélium utérin, l ’œuf subit une croissance qui est surtout due à la croissance du trophoblaste Le trophoblaste résulte de la différentiation du trophectoderme polaire en 2 couches distinctes: 1) la couche interne qui garde la structure initiale et se divise activement: le cytotrophoblaste 2) la couche externe, faite des cellules filles qui ont tendance à fusionner entre elles pour former un syncitium (nappe cytoplasmique contenant de nombreux noyaux): le syncitio trophoblaste C ’est le syncitiotrophoblaste (ST) qui pénètre donc le premier et est au contact de l ’endomètre . Par ses propriétés invasives et son accroissement rapide, le trophoblaste permet l ’invasion. Il entoure complètement l ’œuf à J9.
L ’invasion Les cellules trophoblastiques émettent des prolongements: les invadopodes, qui progressent entre les cellules épithéliales de l ’endomètre et atteignent la membrane basale Après traversée de la MB, le trophoblaste pénètre dans le stroma sous-jacent et progresse jusqu ’à la paroi des vaisseaux qui est détruite également : espèce à placenta hémochorial
La réaction déciduale Le contact du blastocyste avec l ’endomètre entraîne une réaction du stroma endométrial: la réaction déciduale Elle est caractérisée par : une augmentation de la perméabilité vasculaire ( œdème) ; par une néoangiogenèse et par une modification des cellules qui se chargent de glycogène et de lipides ( cellules déciduales) Elle se propage à partir de la zone d ’attachement Sécrétion de glycodéline A (tolérance immunitaire)
Le langage de l ’invasion Les cellules trophoblastiques se lient aux constituants de la MB et de la MEC par des récepteurs spécifiques ( intégrines), présents à la surface des cellules de l ’embryon et ancrant les invadopodes dans la laminine de la MB Les cellules trophoblastiques sécrètent des enzymes protéolytiques : en particulier des métalloprotéinases matricielles ( MPP) et des activateurs du plasminogène. Ces enzymes digèrent le collagène de la MB et permettent la progression du blastocyste dans le stroma utérin grâce à des mécanismes similaires ( ancrage sur les protéines de la MEC par des intégrines et dégradation enzymatique
Cette invasion est analogue à celle du processus tumoral, à la différence qu ’elle est finement autorégulée avec sécrétion d ’antagonistes des MMP par les cellules du trophoblaste et du stroma endométrial Effectivement, le trophoblaste est toujours plus invasif dans les implantations ectopiques