L’article 19 de la Charte et la partie III de la Loi sur les langues officielles : objectif et portée Serge Rousselle   Professeur titulaire et docteur.

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L’article 19 de la Charte et la partie III de la Loi sur les langues officielles : objectif et portée Serge Rousselle   Professeur titulaire et docteur en droit Membre du Barreau du Nouveau-Brunswick Faculté de droit Université de Moncton

L’article 19 de la Charte : Procédures devant les tribunaux établis par le Parlement 19. (1) Chacun a le droit d’employer le français ou l’anglais dans toutes les affaires dont sont saisis les tribunaux établis par le Parlement et dans tous les actes de procédure qui en découlent. Procédures devant les tribunaux du Nouveau- Brunswick (2) Chacun a le droit d’employer le français ou l’anglais dans toutes les affaires dont sont saisis les tribunaux du Nouveau-Brunswick et dans tous les actes de procédure qui en découlent.

Langues officielles du Canada 16. (1) Le français et l’anglais sont les langues officielles du Canada; ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada. Langues officielles du Nouveau-Brunswick (2) Le français et l’anglais sont les langues officielles du Nouveau-Brunswick; ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions de la Législature et du gouvernement du Nouveau- Brunswick. Progression vers l’égalité (3) La présente charte ne limite pas le pouvoir du Parlement et des législatures de favoriser la progression vers l’égalité de statut ou d’usage du français et de l’anglais.

De par leur nature, les articles 133 de la LC de 1867, l’article 23 de la Loi de 1870 sur le Manitoba et l’article 19 de la Charte semblent très semblables. D’ailleurs, dans Société des Acadiens en 1986, la CSC précisera que « les droits que garantit le par. 19(2) sont de même nature et portée que ceux garantit par l’art 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 en ce qui concerne les tribunaux du Canada et ceux du Québec. » (à la p. 574) N.B. L’article 133 = le minimum constitutionnel en 1867, mais rien n’empêche d’aller plus loin (Jones)…

L’article 133 de la LC de 1867 : « […]et dans toute plaidoirie ou pièce de procédure par-devant les tribunaux ou émanant des tribunaux du Canada qui seront établis sous l’autorité de la présente loi, et par-devant tous les tribunaux ou émanant des tribunaux de Québec, il pourra être fait également usage, à faculté, de l’une ou de l’autre de ces langues. » [« any person »]

Trilogie de 1986 (CSC) : compromis politique = interprétation restrictive [ex. Société des Acadiens eu égard au paragraphe 19(2)] Selon cette trilogie du milieu des années 1980, le droit de s’exprimer dans sa langue devant les tribunaux « n’impose pas d’obligation correspondante pour l’État ou un autre individu d’employer la langue ainsi choisie, autre que l’obligation de ne pas empêcher ceux qui souhaitent le faire d’exercer ces droits. » (Beaulac au para 16)

C’est ainsi que, dans l’arrêt MacDonald, pour reprendre les mots de la Cour suprême : « les droits linguistiques alors garantis sont ceux des justiciables, des avocats, des témoins, des juges et autres officiers de justice qui prennent effectivement la parole, et non ceux des parties ou autres personnes à qui l'on s'adresse; et ce sont ceux des rédacteurs et des auteurs des actes et pièces de procédure, et non ceux de leurs destinataires ou de leurs lecteurs. » (au para 61) Par exemple, selon cette approche restrictive qui suppose des droits de nature purement individuelle (sans dimension collective), le droit d’employer le français devant les tribunaux au sens du paragraphe 19(2) ne comprend pas le droit d’être compris directement sans le recours à un interprète (Société des Acadiens, à la majorité).

Or, depuis la trilogie des années 1980, la Cour a modifié son approche interprétative et, dans cette optique, de nombreuses raisons militent en faveur d’une interprétation différente de l’article 19 de la Charte : 1. La règle d’interprétation désormais applicable : « Je conviens que l’existence d’un compromis politique n’a aucune incidence sur l’étendue des droits linguistiques » (Beaulac au para 24) :

« Les droits linguistiques doivent dans tous les cas être interprétés en fonction de leur objet, de façon compatible avec le maintien et l’épanouissement des collectivités de langue officielle au Canada; voir Renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques (Man.), précité, à la p. 850. Dans la mesure où l’arrêt Société des Acadiens du Nouveau Brunswick, précité, aux pp. 579 et 580, préconise une interprétation restrictive des droits linguistiques, il doit être écarté. » (Beaulac au para 25)

2. Des droits à dimension collective (et non de nature purement individuelle) Objet : a) culturel et b) réparateur a) Objet culturel La survie linguistique et culturelle des communautés minoritaires de langue officielle fait partie de la liste des motifs maintes fois invoqués pour justifier l’existence de droits linguistiques au Canada. C’est une question de sécurité linguistique. À cet égard, la Cour suprême ne cesse de rappeler l'importance de ces droits pour assurer le développement durable de ces communautés et de leur culture.

La langue ne pouvant être dissociée de la culture qu’elle véhicule et étant partie intégrante de l’identité du peuple qui la parle, la Cour suprême du Canada rappelle qu’elle est plus qu’un simple moyen de communication, elle est un moyen permettant d’exprimer son identité culturelle. Or, cette confirmation de l’objet culturel des droits linguistiques est fondamentale en raison du rôle capital que joue la langue pour la vitalité et la pérennité culturelles d’une minorité. Ainsi, la Cour reconnaît que les droits linguistiques constituent un moyen essentiel en vue de soutenir et de renforcer les communautés minoritaires de langue officielle au Canada.

b) Objet réparateur Le caractère réparateur des droits linguistiques constitue sans contredit une justification essentielle de l'existence de ces droits au Canada. Dans le respect de son analyse selon laquelle il faut interpréter les dispositions en cause en fonction de l’objet qu’elles visent à protéger, la Cour suprême en arrive à la conclusion que ces droits existent en raison d'une situation déficiente à rectifier. À ses yeux, ces droits ont donc également un objet réparateur, puisqu'ils ont été adoptés pour corriger des inégalités historiques et mettre fin aux lacunes systémiques auxquelles sont confrontées les communautés minoritaires de langue officielle, et ce, afin de mettre fin à l’érosion progressive de leur culture et favoriser leur épanouissement durable, le tout afin d’en arriver à faire des deux groupes linguistiques officiels des « partenaires égaux » .

3. L’égalité réelle et non un simple accommodement (un contexte différent : l’article 16) : Dans cette perspective qui vise à faire des communautés de langue officielle de véritables « partenaires égaux », la Cour reconnaît que l'égalité réelle exige que « les minorités de langue officielle soient traitées différemment, si nécessaire, suivant leur situation et leurs besoins particuliers » C'est pourquoi, prenant appui sur une interprétation fondée sur un double objet visant à soutenir la vitalité linguistique et culturelle des communautés de langue officielle, ainsi qu'à mettre fin aux injustices historiques et aux insuffisances systémiques en la matière, et ce, afin d'en arriver à une égalité réelle, la Cour suprême du Canada en vient à conclure que « les réponses aux questions posées devraient idéalement être formulées en fonction de ce qui favorisera le mieux l'épanouissement et la préservation de la minorité linguistique »

D’ailleurs, dans l’arrêt Beaulac, la CSC a précisé : « Le principe de la progression n’épuise toutefois pas l’art. 16 qui reconnaît officiellement le principe de l’égalité des deux langues officielles du Canada. Il ne limite pas la portée de l’art. 2 de la Loi sur les langues officielles. L’égalité n’a pas un sens plus restreint en matière linguistique. En ce qui concerne les droits existants, l’égalité doit recevoir son sens véritable. Notre Cour a reconnu que l’égalité réelle est la norme applicable en droit canadien. » (para 22) [notre caractère gras] « [Le principe d’égalité réelle] signifie également que l’exercice de droits linguistiques ne doit pas être considéré comme exceptionnel, ni comme une sorte de réponse à une demande d’accommodement. » (Beaulac au para 24)

4. Le bilinguisme institutionnel (des droits positifs face à l’État) : « L’objectif de protéger les minorités de langue officielle […] est atteint par le fait que tous les membres de la minorité peuvent exercer des droits indépendants et individuels qui sont justifiés par l’existence de la collectivité. Les droits linguistiques ne sont pas des droits négatifs, ni des droits passifs; ils ne peuvent être exercés que si les moyens en sont fournis. Cela concorde avec l’idée préconisée en droit international que la liberté de choisir est dénuée de sens en l’absence d’un devoir de l’État de prendre des mesures positives pour mettre en application des garanties linguistiques » (Beaulac au para 20) « Quand on instaure le bilinguisme institutionnel dans les tribunaux, il s’agit de l’accès égal à des services de qualité égale pour les membres des collectivités des deux langues officielles au Canada. » (Beaulac au para 22)

En ce sens, ce n’est pas sans raison que la Cour ajoute : « L’idée que le par. 16(3) de la Charte, qui a officialisé la notion de progression vers l’égalité des langues officielles du Canada exprimée dans l’arrêt Jones, précité, limite la portée du par. 16(1) doit également être rejetée. Ce paragraphe confirme l’égalité réelle des droits linguistiques constitutionnels qui existent à un moment donné. L’article 2 de la Loi sur les langues officielles a le même effet quant aux droits reconnus en vertu de cette loi. Ce principe d’égalité réelle a une signification. Il signifie notamment que les droits linguistiques de nature institutionnelle exigent des mesures gouvernementales pour leur mise en œuvre et créent, en conséquence, des obligations pour l’État ». Ainsi, les tribunaux « sont donc tenus d’être institutionnellement bilingues afin d’assurer l’emploi égal des deux langues officielles du Canada. À mon avis, il s’agit d’un droit substantiel et non d’un droit procédural auquel on peut déroger. Cette interprétation concorde avec le contexte interprétatif décrit plus tôt. » (Beaulac au para 28)

« Je tiens à souligner qu’un simple inconvénient administratif n’est pas un facteur pertinent. La disponibilité de sténographes judiciaires, la charge de travail des procureurs ou des juges bilingues et les coûts financiers supplémentaires de modification ne doivent pas être pris en considération parce que l’existence de droits linguistiques exige que le gouvernement satisfasse aux dispositions de la Loi en maintenant une infrastructure et en fournissant des services dans les deux langues officielles de façon égale. Comme je l’ai dit plus tôt, dans un cadre de bilinguisme une demande de service dans la langue de la minorité de langue officielle ne doit pas être traitée comme s’il y avait une langue officielle principale et une obligation d’accommodement en ce qui concerne l’emploi de l’autre langue officielle. Le principe directeur est celui de l’égalité des deux langues officielles. » (Beaulac au para 39)

5. Les droits linguistiques vs l’équité du procès « [L]es droits linguistiques sont totalement distincts de l’équité du procès » (Beaulac au para 41) et ce dernier élément « n’est certainement pas un critère qui, s’il y est satisfait », peut permettre de priver quelqu’un de ses droits linguistiques (Beaulac para 41). Exemple : « Le droit à une défense pleine et entière est lié aux aptitudes linguistiques uniquement en ce que l’accusé doit être en mesure de comprendre son procès et de s’y faire comprendre. Toutefois, ce droit est déjà garanti par l’art. 14 de la Charte, une disposition qui prévoit le droit à l’assistance d’un interprète. Le droit à un procès équitable est universel et il ne peut pas être plus important dans le cas de membres des collectivités des deux langues officielles au Canada que dans celui de personnes qui parlent d’autres langues. Les droits linguistiques ont une origine et un rôle complètement distincts. Ils visent à protéger les minorités de langue officielle du pays et à assurer l’égalité de statut du français et de l’anglais. » (Beaulac au para 41) [notre soulignement]

Bref, « [l]es droits linguistiques ne sont pas une sous catégorie du droit à un procès équitable. Si le droit de l’accusé d’employer sa langue officielle dans une instance judiciaire était limité en raison de ses aptitudes linguistiques dans l’autre langue officielle, il n’y aurait pas en réalité de droit linguistique distinct. » (Beaulac au para 47)

6. Charlebois c Mowat et Moncton (Ville de ) (CA N-B 2001) et R c Pooran (C prov Alta 2011) Charlebois au para 44 (dans le contexte du para 18(2) de la Charte et de Blaikie no 2 eu égard aux règlements municipaux) : « il est important de se rappeler les propos du juge en chef Dickson qui, dissident sur la question de la constitutionnalité, a fait remarquer dans l’arrêt Société des Acadiens, à la p. 561, que malgré la similitude de l’art. 133 et du par. 19(2) « nous avons affaire à des dispositions constitutionnelles différentes adoptées dans des contextes différents. À mon avis, l’interprétation donnée à l’art. 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 n’est nullement déterminante en ce qui concerne celle que doivent recevoir les dispositions de la Charte ».

Pooran au para 21 : « Si des participants à un litige ont le droit d’employer soit l’anglais, soit le français dans leurs observations orales devant les tribunaux, mais qu’ils ne sont compris que par l’intermédiaire d’un interprète, ils ne détiennent certes que des droits linguistiques fictifs. Une interprétation aussi restreinte de leur droit d’utiliser l’anglais ou le français est illogique ─ comme le fait d’applaudir d’une seule main et d’en espérer du son. Ainsi une telle interprétation a-t-elle été écartée avec force dans l’arrêt Beaulac. »

Le fédéral et le Nouveau-Brunswick ayant adopté des lois assez exhaustives en la matière, la Cour suprême n’a pas eu l’occasion de se prononcer à nouveau quant au fait qu’une disposition comme l’article 19 ne prévoit que le droit que d’écrire ou de parler dans la langue officielle de son choix, sans le droit d’être compris directement par le tribunal. Cependant, l’article 16 de la Loi sur les langues officielles pourrait lui en donner l’occasion.

PARTIE III - ADMINISTRATION DE LA JUSTICE Loi sur les langues officielles (partie III) : PARTIE III - ADMINISTRATION DE LA JUSTICE Langues officielles des tribunaux fédéraux 14. Le français et l’anglais sont les langues officielles des tribunaux fédéraux; chacun a le droit d’employer l’une ou l’autre dans toutes les affaires dont ils sont saisis et dans les actes de procédure qui en découlent.

Droits des témoins 15. (1) Il incombe aux tribunaux fédéraux de veiller à ce que tout témoin qui comparaît devant eux puisse être entendu dans la langue officielle de son choix sans subir de préjudice du fait qu’il ne s’exprime pas dans l’autre langue officielle.

Services d’interprétation : obligation (2) Il leur incombe également de veiller, sur demande d’une partie, à ce que soient offerts, notamment pour l’audition des témoins, des services d’interprétation simultanée d’une langue officielle à l’autre langue.

Services d’interprétation : faculté (3) Ils peuvent faire aussi ordonner que soient offerts, notamment pour l’audition des témoins, des services d’interprétation simultanée d’une langue officielle à l’autre s’ils estiment que l’affaire présente de l’intérêt ou de l’importance pour le public ou qu’il est souhaitable de le faire pour l’auditoire.

Obligation relative à la compréhension des langues officielles 16. (1) Il incombe aux tribunaux fédéraux autres que la Cour suprême du Canada de veiller à ce que celui qui entend l’affaire : a) comprenne l’anglais sans l’aide d’un interprète lorsque les parties ont opté pour que l’affaire ait lieu en anglais; b) comprenne le français sans l’aide d’un interprète lorsque les parties ont opté pour que l’affaire ait lieu en français; c) comprenne l’anglais et le français sans l’aide d’un interprète lorsque les parties ont opté pour que l’affaire ait lieu dans les deux langues.

Fonctions judiciaires (2) Il demeure entendu que le paragraphe (1) ne s’applique aux tribunaux fédéraux que dans le cadre de leurs fonctions judiciaires.

Mise en œuvre progressive (3) Les tribunaux fédéraux autres que la Cour d'appel fédérale, la Cour fédérale et la Cour canadienne de l'impôt disposent toutefois, pour se conformer au paragraphe (1), d'un délai de cinq ans après son entrée en vigueur. L.R. (1985), ch. 31 (4e suppl.), art. 16; 2002, ch. 8, art. 155.

Pouvoir d’établir des règles de procédure 17. (1) Le gouverneur en conseil peut établir, sauf pour la Cour suprême du Canada, la Cour d'appel fédérale, la Cour fédérale et la Cour canadienne de l'impôt, les règles de procédure judiciaire, y compris en matière de notification, qu'il estime nécessaires pour permettre aux tribunaux fédéraux de se conformer aux articles 15 et 16.

Cour suprême, Cour d'appel fédérale, Cour fédérale, Cour canadienne de l'impôt (2) La Cour suprême du Canada, la Cour d'appel fédérale, la Cour fédérale et la Cour canadienne de l'impôt peuvent exercer, pour leur propre fonctionnement, le pouvoir visé au paragraphe (1), sous réserve de l'agrément du gouverneur en conseil. L.R. (1985), ch. 31 (4 e suppl.), art. 17; 2002, ch. 8, art. 156.

Cas où Sa Majesté est partie à l’affaire 18. Dans une affaire civile à laquelle elle est partie devant un tribunal fédéral, Sa Majesté du chef du Canada ou une institution fédérale utilise, pour les plaidoiries ou les actes de la procédure, la langue officielle choisie par les autres parties à moins qu’elle n’établisse le caractère abusif du délai de l’avis l’informant de ce choix. Faute de choix ou d’accord entre les autres parties, elle utilise la langue officielle la plus justifiée dans les circonstances.

Actes judiciaires 19. (1) L’imprimé des actes judiciaires des tribunaux fédéraux que doivent signifier les institutions fédérales est établi dans les deux langues officielles. Compléments d’information (2) Ces actes peuvent être remplis dans une seule des langues officielles pourvu qu’il y soit clairement indiqué que la traduction peut être obtenue sur demande; celle-ci doit dès lors être établie sans délai par l’auteur de la signification.

Décisions de justice importantes 20. (1) Les décisions définitives — exposé des motifs compris — des tribunaux fédéraux sont simultanément mises à la disposition du public dans les deux langues officielles : a) si le point de droit en litige présente de l’intérêt ou de l’importance pour celui-ci; b) lorsque les débats se sont déroulés, en tout ou en partie, dans les deux langues officielles, ou que les actes de procédure ont été, en tout ou en partie, rédigés dans les deux langues officielles.

Autres décisions (2) Dans les cas non visés par le paragraphe (1) ou si le tribunal estime que l’établissement au titre de l’alinéa (1)a) d’une version bilingue entraînerait un retard qui serait préjudiciable à l’intérêt public ou qui causerait une injustice ou un inconvénient grave à une des parties au litige, la décision — exposé des motifs compris — est rendue d’abord dans l’une des langues officielles, puis dans les meilleurs délais dans l’autre langue officielle. Elle est exécutoire à la date de prise d’effet de la première version.

Décisions orales (3) Les paragraphes (1) et (2) n’ont pas pour effet d’interdire le prononcé, dans une seule langue officielle, d’une décision de justice ou de l’exposé des motifs. Précision (4) Les décisions de justice rendues dans une seule des langues officielles ne sont pas invalides pour autant.

L’article 16 de la Loi sur les langues officielles, la présence de juges unilingues à la CSC et le paragraphe 19(1) de la Charte eu égard au droit d’être compris directement par le tribunal… N.B. L’article 19 est assujetti à l’article un de la Charte.

Merci de votre attention !