Lexpert et le commissaire Lexpertise et la démocratie de la défiance (2001-2012) Patrick Zylberman Chaire histoire de la santé EHESP Rennes, Sorbonne Paris.

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Transcription de la présentation:

Lexpert et le commissaire Lexpertise et la démocratie de la défiance ( ) Patrick Zylberman Chaire histoire de la santé EHESP Rennes, Sorbonne Paris Cité Cermes3 (CNRS UMR 8211, INSERM U988, EHESS)

Les 14 organismes contribuant à lexpertise en sécurité sanitaire 8 agences (ABM 2004, ANSES 2010, AFSSAPS 1998 [ANSM 2012], EFS 1998, INCa 2004, INPES 2002, IRSN 2001, InVS 1998) 2 autorités publiques indépendantes (ASN 2006, HAS 2004) 1 organisme de recherche (INSERM 1964) 1 établissement denseignement supérieur (EHESP 2008) 2 organismes consultatifs (HCB 2008, HCSP 2004) IGAS 2011 [10]

AnnéesEvénementImpact administrativo-politique Distilbène Direction de la pharmacie et du médicament Thalidomide 1992 hormone de croissance Agence du médicament et réorganisation de lInstitut Pasteur 1992 affaire du sang contaminé Centre national de transfusion sanguine Agence du sang 1998« vache folle » Réseau nationald de santé publique Afssaps, Afssa, InVS 2003canicule nouvelle réforme du système des agences pzylberman/ehesp/Mastère spécialisé Santé- Environnement/8septembre Scandales et réformes administratives

Le « péché originel » de lexpertise : lexpert, esclave des pouvoirs: Totalitarismes: pressions et manipulations (médecins nazis, lyssenkisme)pouvoir de lEtat Pressions des intérêts économiques (« vache folle » 1996) pouvoir de largent Conflits dintérêts (pandémie grippale 2009)pouvoir du complexe politico-industriel Protéger lintégrité scientifique de lexpert Protéger lintégrité morale de lexpert Comment est-on passé de lune à lautre formule?

Le « paradigme dominant » Le « Red Book » (1983): lAmerican Industrial Health Council (130 entreprises secteur chimie, dont Procter & Gamble et Monsanto) Propose une démarche en 2 temps: analyse scientifique du risque (risk assessment) considérations socio-économiques et éthiques (risk management) Évaluation du risque= panel de 15 membres (NAS) Travaillant à partir de données multi-sources (y compris non- gouvernementales) Indépendants Bénéficiant dune immunité juridique S. Boudia (2010)

Un paradigme pas toujours appliqué Aux Etats-Unis: des représentants de ladministration fédérale siègent au Conseil scientifique national de la biosécurité (NSABB, 2004) sans droit de vote Composition (science, mais santé publique, sécurité, renseignement) La menace des recherches « double usage » subvertit le « paradigme dominant » En France: Il ny a plus de représentants des décideurs dans les collectifs dexperts de lAFSSA et de lANSES depuis 2003 mais: représentants des agences (pas de la DGS) siègent dans les commissions du HCSPsans droit de vote HCSP: évaluation médico-économique Entrée des sciences sociales dans les collectifs dexperts=évaluation des risques prennent en compte certaines dimensions du contexte socio- économique

Un paradigme abstrait qui peut être contre-productif Influenza aviaire 2005 au Vietnam: absence de données suffisantes au moment de lurgence => risque difficile à quantifier/décision ne peut attendre zone dirrationnel dans la pratique: la gestion du risque précède lévaluation du risque: risk assessment=risk speculation T. N Nguyen (2006) Séparation absolue évaluation/gestion du risque: contredit la complémentarité des deux fonctions compartimente la réflexion stratégique (risque de rétention dinformations ou de données) D. Tabuteau (2002) Science du risque? Ou gouvernance du risque? Le White Paper on Risk Governance (IRC 2005) Le Silver Book. Science and Decision: Advancing Risk Assessment (NRC 2008)

Ce quignore le paradigme Lintégrité scientifique de lexpert est moins fondée sur la science que sur une idée de la science, ce que Haas (1992) a appelé: des « communauté épistémiques »: collectifs dexperts réunis par des causal beliefs (idée de la rationalité) et des principled beliefs (normes éthiques) Ces idées et ces normes sont conditionnés par des facteurs « trans- épistémiques » (valeurs sociales, intérêts sectoriels): comme la science, lexpertise doit être comprise en contexte « Contexte »? Pressions en provenance de lEtat ou de la société: Pressions exercées par la société: Aquila ( ) Pressions exercées par lEtat: lexpert est souvent requis daller au-delà de ce quil sait: son intervention est bien souvent à la limite

Surveillance et épuration des experts (1) Le Patriot Act 2001 et la science La légitimité de lexpert repose sur: sa compétence (lexpert est un cerveau) son éthique personnelle: honnêteté, sincérité, désintérêt (lexpert est une conscience) police des sciences de la vie Le Patriot Act 2001 et la science la section 215 du Patriot Act: les restricted persons Surveillance et épuration des bibliothèques (janvier 2002) La commission Fink ( ) « La fin de linnocence », Nature, novembre 2001

Surveillance et épuration des experts (2) De « lintégrité scientifique » à « lintégrité morale de lexpert » La pandémie de 2009 et la démagogie anti-experts Lencadrement juridique des liens dintérêts Aller plus loin: le Sénat et la « corruption intellectuelle » des experts (2010) Quest-ce qui fait un expert: compétence ou vertu? IFDQS; commission denquête du Sénat sur le rôle des firmes pharmaceutiques en 2009 De « lintégrité scientifique de lexpert » à son « intégrité morale » Une gestion des conflits dintérêts inquisitrice et punitive: la DPI=casier judiciaire Le risque: la démobilisation des experts MD Furet 2008

Expertise et démocratie de la défiance La loi du 29 décembre 2011 sur la sécurité du médicament Le décret n° du 21 mai 2013: enregistrement intégral des débats des commissions dexperts et conservation pendant dix ans Origine de cette disposition: lAfssaps [ANSM] et les attaques de Bernard Debré et Pierre Even contre lexpertise sanitaire (2011) Le Physicians Payments Sunshine Act (2010) Le retour de la « culpabilité par association »

Jean-Paul Marat Les charlatans modernes ou Lettre sur le charlatanisme académique (1791)