Discrimination hommes-femmes dans la reconnaissance des maladies professionnelles Laurent Vogel 2014
Importance de la question Individuelle: contribue aux inégalités de revenus Collective: frein pour la prévention – on connaît ce qu’on indemnise et on prévient ce qu’on connaît Scientifique: permet une critique féministe du droit et de la politique de la santé au travail
Un cas typique de discrimination indirecte Massive: 1 femme pour 10 hommes … et pourtant invisible: ce n’est pas une « donnée » dans le débat politique Ne passe jamais par des critères sexués Systémique : nombreux acteurs impliqués Transversale: TMS, cancers, etc… Gérée paritairement: patrons et syndicats gèrent le système belge des MP
Reconnaissance des maladies professionnelles (IP): données en flux Femmes de façon constante < 10% depuis qu’il y a des statistiques sexuées
Demandes en 2012 Demandes introduites dans le secteur privé pour une incapacité de travail s’est élevé à 6295 dont 29% de femmes La grande majorité des demandes sont rejetées (pas de différence significative h/f dans le pourcentage des rejets)
Demandes d’indemnisation en 2012 Pour les hommes, catégories les plus importantes: affections lombaires (873 cas), surdités (776 cas) et troubles respiratoires (765 cas) Pour les femmes, deux groupes dépassent les 200 cas. Tendinites (523 cas) et syndromes du canal carpien (459)
Pour les femmes, 10% (63 cas sur 592) Reconnaissance en 2012 Pour les hommes, 2/3 des décisions positives reconnaissent une incapacité permanente (1015 cas) Pour les femmes, 10% (63 cas sur 592) Ratio hommes/femmes en ce qui concerne des décisions positives reconnaissant une incapacité permanente est de 16 à 1.
Poids du passé: silicose reste la cause principale Droits dérivés en 2012 Indemnisations suite à un décès : 459 décisions positives dont 7 femmes (<2%) Poids du passé: silicose reste la cause principale Poids du présent: pratiquement aucun cancer professionnel reconnu pour les femmes (entre 2 et 3 cas par an sur une moyenne de 150/200 cas)
Données en stock 2012: système liste 52.950 personnes indemnisées pour incapacité permanente dans le secteur privé dont 4.510 femmes (environ 8,5%) Taux d’incapacité permanente moyen concernant les femmes est inférieur à celui des hommes : 15,3% contre 18,5%.
Données en stock 2012: système ouvert 1306 personnes relevant du secteur privé dont 422 femmes (32%) indemnisées pour un incapacité permanente Différence des taux d’incapacité défavorable aux femmes (8% contre 9,2% chez les hommes)
Hypothèses pour comprendre Une interaction entre des critères juridiques et des critère non juridiques (médicaux, pratiques sociales, etc…) Des facteurs en amont: production scientifique en santé au travail, ségrégation et dévalorisation du travail des femmes, cloisonnement entre politiques de l’égalité et de la santé
Des facteurs juridiques Système liste: les maladies sont définies par des textes réglementaires Depuis 2006: exigence de la « cause prépondérante » qui annule les effets de la présomption de causalité … dans certains cas Système ouvert: charge de la preuve – impossible pratiquement pour les maladies à étiologie multicausale
Des pratiques sociales Moins de surveillance de la santé au travail pour les femmes: nettoyage, ALE Moindre traçabilité des expositions professionnelles Des expositions moins analysées parce que plus périphériques Ignorance accrue des médecins en santé publique Les femmes sont d’office suspectes: « avez-vous des enfants? », « faites vous le ménage ? »
Fonds des Maladies Professionnelles « 90% de notre population souffre du dos parce dès l’école primaire l’individu est mal assis pendant des heures et qu’ensuite par des dizaines de gestes quotidiens, il esquinte son dos, en soulevant un bac de limonade, en ramassant un papier, en se brossant les dents courbé sur le lavabo. On apprend à la femme enceinte à plier les jambes plutôt que le dos, mais une fois le bébé né – elle se penche sur le berceau… même l’infirmière qui soigne les grands opérés de la région lombaire peut être vue en flagrant délit de position très peu ergonomique » (Mme Ugeux, ex-administratrice générale adjointe du FMP)
Le système des filtres Les données produites par les différentes disciplines en SST ne sont pas superposables Toxico, épidémio, statistiques, analyse clinique, etc… produisent des connaissances qui ne sont que partiellement convergentes Dans la pratique un seul feu rouge suffit à bloquer le système tant collectivement (liste) qu’individuellement (expertises judiciaires)
La présence de femmes dans les rouages du pouvoir…? Même constat que pour le mouvement ouvrier au XXe siècle: obtenir le suffrage universel ne suffit pas ! La logique des appareils de représentation adapte très vite les représentant(e)s : l’adhésion aux méthodes, aux techniques de validation et au langage finit par créer une homogénéisation entre les détenteurs du pouvoir