FAIRE TOMBER LES BARRIERES CHUTE DU MUR DE BERLIN (novembre 1989)
MARCEL DUCHAMP NU DESCENDANT UN ESCALIER ŒUVRE EXPOSEE à L’ARMORY SHOW de NEW YORK EN 1913 DEBUT DE L’ART MODERNE AUX USA La photo centrale est l’œuvre de Eadweard Muybridge qui a fait des recherches sur le mouvement.
BIOGRAPHIE Marcel DUCHAMP (1887-1968) est un peintre, plasticien, homme de lettres français, naturalisé américain en 1955. Il bouleverse radicalement l’art du XXème siècle avec l’invention dans les années 10 du ready-made. Dans un 1er temps, il manifeste un intérêt pour le cubisme et sa décomposition de l’espace mais très vite, sa peinture va s’attacher à la décomposition du mouvement.
Il va diffuser les avant-gardes parisiennes, notamment les sculptures de Brancusi auprès du public américain. Au milieu des années 20, il se consacre de plus en plus aux échecs qui deviennent son activité principale. C’est à travers le Surréalisme qu’il renoue avec l’art en organisant de nombreux évènements avec André Breton.
« un tableau qui ne choque pas n’en vaut pas la peine » Julian STREET, critique d’art: « J’avais l’idée complètement démodée que les portraits devaient représenter leur modèle, les marines la mer et les paysages la nature » Du « Nu descendant un escalier », il dira avoir cru identifier « une explosion dans une fabrique de tuiles » DUCHAMP VEUT FAIRE DESCENDRE L’ART DE SON PIEDESTAL; L’ART DANS SON ENTIER DOIT ÊTRE BOULEVERSE; « un tableau qui ne choque pas n’en vaut pas la peine »
Cette œuvre marque une double rupture: « Peint, comme il l'est, en sévères couleurs bois, le nu anatomique n'existe pas, ou du moins, ne peut pas être vu, car je renonçai complètement à l'apparence naturaliste d'un nu, ne conservant que ces quelques vingt différentes positions statiques dans l'acte successif de la descente. » Duchamp Cette œuvre marque une double rupture: avec le nu « académique »: ici, le nu ne pose pas mais est montré dans une figuration de mouvements. avec la représentation cubiste car même si on retrouve des codes cubistes: compositions, formes, volonté de faire valoir des géométries, il y a dans cette œuvre un certain dynamisme alors que les cubistes prônent une forme figée. Huile sur toile - 1912 - 146cm x 89cm - Philadelphia Muséum of Art
Le ready-made est un objet trouvé considéré comme un objet d'art Le ready-made est un objet trouvé considéré comme un objet d'art. L'attitude du ready-made consiste, initialement, à simplement choisir un objet manufacturé et le désigner comme œuvre d'art. Initiée par Marcel DUCHAMP, cette démarche a donné naissance à une grande partie des pratiques artistiques actuelles, qu'elles s'en réclament ou s'en défendent. Le ready-made a remis en question un certain nombre de certitudes sur lesquelles reposait l'art, comme les notions de virtuosité et de savoir-faire ou encore d'œuvre, conçue désormais comme résultante de l'exposition et l'acte de nommer. Effectivement, les ready-made sont des œuvres d'art qui n'ont pas été réalisées par l'artiste, ce dernier n'intervient en effet que pour les sélectionner, changer leur contexte et leur statut par la désignation (l'affirmation « ceci est une œuvre d'art », entonnée par Marcel DUCHAMP faisant dès lors acte de redéfinition). André Breton définit le ready-made comme un "objet usuel promu à la dignité d'objet d'art par le simple choix de l'artiste" « Roue de bicyclette » 1913, premier objet de ready-made Du READY-MADE
Fontaine – 1917 Il s’agit d’un urinoir signé R. Mutt, du nom d’un fabricant d’appareils sanitaires. Le ready-made réciproque consisterait, par exemple, à utiliser un tableau de Rembrandt comme planche à repasser. Dans sa représentation de la Joconde, Duchamp lui a ajouté des moustaches et un bouc et l’a baptisée: « L.H.O.O.Q » « le grand pertubateur » selon le surnom que lui a donné André Breton apparaît une fois de plus comme l’ennemi n°1 de l’académisme. au READY-MADE INVERSE
NADJA ANDRE BRETON ŒUVRE SURREALISTE Roman autobiographique avec photos - 1928 NADJA ANDRE BRETON
André Breton est un écrivain, poète, essayiste et théoricien du surréalisme, né en 1896, mort à Paris en 1966. Le surréalisme est un mouvement littéraire et artistique du début des années 20 visant à libérer l’expression poétique de la logique et des valeurs morales de l’époque. Ce mouvement va concerner la peinture (Dali, Max Ernst), la photographie (Man Ray), le cinéma (Luis Buñuel)et la littérature (Aragon, Paul Eluard..) Le surréalisme contre les barrières de la raison, de la logique, du bon goût et de la morale.
Breton représenté par Dali Définition du surréalisme par Breton « Automatisme psychique par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale » « L’idée de surréalisme tend simplement à la récupération totale de notre force psychique.» « L’imaginaire, c’est ce qui tend à devenir réel. » Le surréalisme repose sur la croyance à la réalité supérieure de certaines formes d’associations négligées jusqu’à lui (d’où la pratique de l’écriture automatique, des cadavres exquis….), à la toute-puissance du rêve….tout ce qui peut favoriser le jaillissement naturel de la pensée.
QUELQUES CLEFS POUR ENTRER DANS LE MONDE DE NADJA
Nadja est un récit d’apprentissage: le narrateur (André Breton lui-même)nous raconte de manière quasi-documentaire sa rencontre avec une jeune femme énigmatique. Mais, il est avant tout à la recherche de lui-même « Qui suis- je? ». Nadja s’appelait Léona Delcourt, elle est morte en 1941 à 39 ans dans un asile psychiatrique. Ses lettres, ses dessins, ses mots dont Breton parsème son œuvre sont authentiques. Nadja incarne le mouvement surréaliste par le refus de la raison, de l’asservissement, du travail et de la logique dans le monde moderne. Nadja c’est la revendication de la Liberté. « Rien ne sert d’être vivant, s’il faut qu’on travaille. » André Breton donne à Nadja un rôle d’initiatrice, elle réalise des dessins que le narrateur doit déchiffrer comme des clés énigmatiques ou des signes. « Il se peut que la vie demande à être déchiffrée comme un cryptogramme » LE PERSONNAGE DE NADJA On voit dans le choix de cette jeune femme l’intérêt de Breton pour les manifestations de l’inconscient, voire de la folie qui, selon lui, constitue une des manifestations les plus authentiques de l’esprit . On remarque aussi son attirance pour le rêve « traces d’une autre réalité », qui marque la libération de l’activité mentale.
PARIS,VILLE FETICHE DES SURREALISTES. Nadja, c’est aussi une déambulation dans Paris qui devient un lieu d’errance. La ville permet la découverte de l’inattendu dans les itinéraires quotidiens, elle parle par ses affiches publicitaires, ses statues commémoratives, ses stations de métro. Les lieux réels sont investis par l’imaginaire; la diversité des spectacles offerts au promeneur déconcerte sa raison et le plonge dans « le vent de l’éventuel » PARIS,VILLE FETICHE DES SURREALISTES.
LE REFUS DE LA DESCRIPTION ROMANESQUE L’œuvre littéraire de Breton exprime toutes ses préventions contre le roman mais aussi contre la littérature en général. Dans Nadja, il proclame avec joie la mort de la « littérature psychologique à affabulation romanesque » Pour éviter les descriptions tant détestées, « rien n’est comparable au néant de celles-ci; ce n’est que superpositions d’images de catalogue,… » Breton va faire usage de photographies. Ainsi, les lieux et les personnes acquièrent une authenticité immédiate et Nadja garde une apparence documentaire ou de procès-verbal. Le lecteur ne peut pas assimiler ce qu’il lit à une fiction fantasmagorique. LE REFUS DE LA DESCRIPTION ROMANESQUE
Prélude à l’après-midi d’un faune Claude DEBUSSY Œuvre musicale achevée en 1894 inspirée du poème de Stéphane Mallarmé « l’après-midi d’un faune » Le poème évoque les tourments amoureux d’un faune qui cherche à séduire des nymphes. Celles-ci finissent par lui échapper; le faune alors s’assoupit et rêve des nymphes. « Je ne m'attendais pas à cela. La musique évoque l'émotion de mon poème et dépeint le fond du tableau dans les teintes plus vives qu'aucune couleur n'aurait pu rendre. » Mallarmé. Photos de Nijinski dans son interprétation du ballet en 1912
Debussy, compositeur impressionniste En posant en 1894 avec Prélude à l’après-midi d’un faune, le premier jalon de la musique moderne, Debussy place d'emblée son œuvre sous le sceau de l'avant-garde musicale. Il est brièvement wagnérien en 1889, puis anticonformiste le reste de sa vie, en rejetant tous les académismes esthétiques. La musique de Debussy se distingue en effet par une architecture secrète, mais souveraine: inspirée parfois des musiques orientales, elle anticipe tantôt le jazz, tantôt la musique contemporaine, mais n'exprime souvent que son propre mystère. Les thèmes sont épars, disséminés, les recherches harmoniques audacieuses, les nuances infinies et les rythmes complexes. Le discours musical debussyste donne globalement l'impression d'être à la fois logique et imprévisible et d'obéir à une rationalité imparable, mais inconnue, à une "arithmétique occulte". Ses œuvres sont de prime abord sensorielles, elles visent à éveiller chez l'auditeur des sensations particulières en traduisant en musique des images et des impressions précises. « L’après-midi d’un faune » Lucien Lévy-Dhurmer (1865-1953) Debussy, compositeur impressionniste
Un rêve orchestral aux couleurs changeantes Claude Debussy réalise, avec « le prélude à l’après-midi d’un faune » une sorte de rêve orchestral peuplé de péripéties aux couleurs sans cesse changeantes. L’après-midi d’un faune est un commentaire musical, libre et subtil, qui illustre le thème de la sensualité qui commande à toute vie de la nature. L’interprétation de Nijinski, en 1912, va choquer les conformistes. Esquisse de Manet pour le prélude à l’après-midi d’un faune. Un rêve orchestral aux couleurs changeantes
BIOGRAPHIE et INFLUENCES Compositeur français (1862 -1918), élève au conservatoire il en sortira en 1884 avec un premier prix de Rome. Il va voyager à travers l’Europe(Vienne, Moscou, Rome) et rencontrer Wagner et Brahms. Deux révélations musicales vont influencer sa musique: le théâtre d’Extrême-Orient et la partition de Boris Godounov de Moussorgski. Il sera également influencé par les poètes symbolistes (Mallarmé, Pierre Louÿs) et les peintres impressionnistes. Anticonformiste et cherchant à agir sur la sensibilité, Debussy sera le créateur d’un nouveau langage musical. Il n’entend recueillir que la seule leçon de la nature:« Ecoutons les leçons du vent qui passe et qui raconte l’histoire du monde »
L’œuvre de Debussy et son contexte Les créations de Debussy comme « Pelléas et Mélisande », « la Mer » ,« les Préludes » ou encore « les Nocturnes » ont souvent été accueillies par l’incompréhension du public et des critiques à l’issue de représentations tumultueuses. Il faut dire qu’elles naissent dans un contexte politique et social difficile et agité: celui de la IIIème République, de la naissance du prolétariat, de l’affaire Dreyfus puis de la 1ère guerre mondiale qui va bouleverser Debussy. Si ce contexte est propice aux idées nouvelles et aux révolutions dans de nombreux domaines, y compris la musique, il est aussi marqué par un fort courant conservateur et puritain qui va être choqué par la sensualité de la musique de Debussy. L’œuvre de Debussy et son contexte
La ville lisible Jeffrey Shaw
Art numérique et immersion dans un monde virtuel Sur un principe de simulation de déplacement, le spectateur est invité à parcourir, en pédalant et en orientant un guidon de bicyclette, une ville virtuelle dont les rues sont bordées de lettres en volume formant des mots et des phrases. D’un point de vue technique, cette œuvre est un exploit car il en existe plusieurs versions mais à chaque fois, elle prend les plans réels de chaque ville visitée: New York, Amsterdam et Karlsruhe. Les mots se forment à partir du parcours à l’intérieur de ces villes. Art numérique et immersion dans un monde virtuel
Les phrases formées par le spectateur-pédaleur renvoient à la réalité des villes évoquées. Par exemple, pour Amsterdam, c’est la vieille ville et ses chroniques historiques qui sont mises en avant. Pour New-York et son quartier de Manhattan, ce sont huit textes, monologues de personnalités liées à la ville. Alors que les lettres-immeubles de Manhattan sont uniformes, pour les lettres d’Amsterdam, J.Shaw a repris avec précision le profil des bâtiments réels.
BIOGRAPHIE Né en 1944 à Melbourne, Australie. Vit et travaille à Hong Kong (Chine) Artiste, chercheur et professeur, Jeffrey Shaw fait figure de pionnier dans le domaine des nouveaux médias. Il a ouvert la voie et défini les repères pour l'utilisation créative des technologies numériques dans les domaines de réalité virtuelle et augmentée, des environnements de visualisation immersive, des systèmes cinématographiques navigables et de la narration interactive.
UN ARTISTE SANS FRONTIERE En 1963-64, il étudie l'architecture puis l'histoire de l'art à l'université de Melbourne. En 1965, il part étudier la sculpture à l'académie d'art de la Brera de Milan, puis à la Saint Martin's School of Art de Londres. De 1970 à 80, il est un membre fondateur de l'Eventstructure Research Group. Depuis 1991, il est directeur de l'Institut des arts visuels du ZKM (centre d'art et de nouvelles technologies) de Karlsruhe. Depuis 2009 Jeffrey Shaw est titulaire de la chaire d'Arts médiatiques et Doyen de la School of Creative Media de l'Université de Hong Kong. UN ARTISTE SANS FRONTIERE
Caricature de Bob sur la menace soviétique Légende: "Hé ! Hé ! Enlevez ces barrières inutiles et amenez-les à l'avant ! Nous devons ériger une barricade commune...!" En avril 1950, le caricaturiste allemand Bob appelle les pays européens à s'unir pour contrer la menace soviétique. Source: Der Tintenfisch. Das humoristische Blatt des Saarlandes. Herausgeber Koppelkamm, Bruno. April 1950, Nr. 8; Jahrgang 3. Saarbrücken: Presse-Verlag GmbH. Guerre froide: les pays d’Europe de l’Ouest craignent la menace soviétique représentée par Bob sous les traits d’un ours agressif et déterminé dont les pattes sont équipées de chenilles évoquant la puissance militaire de l’URSS. Les pays européens doivent s’unir pour contrer cette menace; pour cela, ils doivent accepter de renoncer à leurs propres barrières pour ériger des barrières communes plus protectrices. S’ils n’acceptent pas de s’unir, ils seront impuissants face à cette menace.
CONTEXTE HISTORIQUE et SOCIO-ECONOMIQUE MISES EN PERSPECTIVE DOMAINE ARTISTIQUE CONTEXTE HISTORIQUE et SOCIO-ECONOMIQUE BRETON André (1896 – 1966) Français Littérature. Romancier (!), poète. Mouvement surréaliste. Les deux guerres mondiales. La révolution russe. Les régimes totalitaires (stalinisme et nazisme). La crise de 1929. La bombe atomique, les grandes découvertes scientifiques et médicales, le fordisme et le travail à la chaine…. Freud et les débuts de la psychanalyse. En France: le front populaire, la IIIème, la IVème puis la Vème République. DEBUSSY Claude (1862 – 1918) Musique. Compositeur. Parfois qualifié d’«impressionniste». La IIIème République. L’affaire Dreyfus. La naissance du prolétariat, la condition ouvrière. L’exposition universelle à Paris (1889) La 1ère guerre mondiale. Les débuts de l’automobile. DUCHAMP Marcel (1887 – 1968) Franco-américain Arts plastiques. Peintre, sculpteur et plasticien. Art moderne: cubisme, dadaïsme, surréalisme. Même contexte qu’André Breton dont il est non seulement le contemporain mais avec lequel il a entretenu une collaboration artistique. SHAW Jeffrey (1944 - ) Australien Art numérique. Sculptures pneumatiques monumentales. Installations interactives et audiovisuelles utilisant la photo, le film, la vidéo multi-écrans, les images de synthèse… Guerres de décolonisation, guerre du Vietnam. Chute du mur du Berlin, éclatement de l’URSS. Les « 30 Glorieuses », les chocs pétroliers. Ere du nucléaire. Développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Mondialisation. La Chine, nouvelle puissance économique. STRAUCH Bob (1912- 1978) Allemand Caricature, dessin humoristique. A travaillé pour le périodique satirique de la Sarre (Allemagne) « Der Tintenfisch » La seconde guerre mondiale Guerre froide. Construction de la CECA, de l’OTAN. Guerres de décolonisation. Guerre du Vietnam. « Les 30 Glorieuses ». Les Etats-Unis et le Japon, premières puissances économiques.
REMISE EN QUESTION DES MODES D’EXPRESSION CORRESPONDANCES MOUVEMENT M. Duchamp a travaillé sur le mouvement. Son « Nu descendant un escalier » est en fait une recherche sur la décomposition du mouvement. Dans Nadja, ce sont les personnages qui sont en mouvement: Nadja et le narrateur déambulent dans Paris. Avec Jeffrey Shaw, c’est le spectateur qui est en mouvement sur un vélo et c’est son mouvement de pédalage qui donne vie à l’œuvre d’art. Quant à la musique de Debussy, les critiques évoquaient sa « fluidité », un « univers mouvant et diapré »…. REMISE EN QUESTION DES MODES D’EXPRESSION Alors que Debussy invente un nouveau langage musical, une nouvelle façon d’«écrire la musique » et remet en cause les lois de l’harmonie traditionnelle; Breton va remettre en cause les « conventions » romanesques et littéraires, en général. Dans Nadja, il proclame avec joie la mort de la « littérature psychologique à affabulation romanesque » et dans « le Manifeste du surréalisme », il règle son compte à la description romanesque à laquelle il substituera des photographies dans Nadja. L’écriture automatique va être utilisée par les surréalistes comme un mode de création littéraire permettant de s’émanciper de l’étroitesse de la pensée gouvernée par la raison. Cette technique formalisée par Breton consiste à écrire le plus rapidement possible, sans contrôle de la raison, sans préoccupations esthétique, morale ou encore grammaticale. L’état idéal pour une bonne réalisation est proche d’un état hypnotique. L’invention du « cadavre exquis » par les surréalistes s’inscrit dans cette même démarche de création littéraire libérée des entraves de la raison.
CORRESPONDANCES REMISE EN QUESTION DES MODES D’EXPRESSION Avec J.Shaw, en pédalant, le spectateur assemble des lettres en 3 dimensions et est confronté à des mots: l’image de synthèse qui défile est langagière, la ville est langagière. Les mots et les phrases formés sont en relation littéraire ou historique avec le lieu. Duchamp, quant à lui, va rechercher les codes de la peinture; son « Nu descendant un escalier » rejette tous les codes du nu académique, son nu ne pose pas, il est en mouvement, on le devine bien plus qu’on ne le voit. « je renonçai complètement à l’apparence naturaliste d’un nu». Puis avec le détournement d’objets du quotidien (urinoir, sèche-bouteilles) décrétés œuvres d’art par sa seule volonté, il révolutionne définitivement la conception académique de l’art qui juge la valeur d’une œuvre d’art en fonction des efforts et du travail fournis par l’artiste et du « résultat » qui doit être réaliste et « décoratif ». HASARD, ERRANCE et DEAMBULATIONS Nadja déambule dans Paris, le Paris des itinéraires quotidiens: affiches publicitaires, stations de métro, fenêtres ouvertes sur leur mystère…Les lieux réels sont vus à travers les fantasmes de Breton; l’imaginaire envahit le réel déconcertant le promeneur et le plongeant dans « le vent de l’éventuel ». Cependant, Breton respecte une extrême exactitude dans ses parcours, l’errance est donc plus un itinéraire méthodique qu’une promenade évasive. Le spectateur-cycliste de Shaw se déplace dans la ville sans aucun but ni de destination précise. L’effort réel et physique fourni sur le vélo est transformé en trajet virtuel. Mais ici encore, l’impression de déambuler au hasard est trompeuse; en effet, la ville possède des forces d’attraction qui se manifestent de manières différentes, elle attire dans certaines directions et elle cache beaucoup de choses.
Les artistes du XXème siècle, quel que soit leur domaine, vont révolutionner leur art et faire tomber les barrières de l’académisme en refusant tous les codes. L’art pictural et (sculptural) doit être décoratif et représenter la réalité. Ainsi, quand David peint « le sacre de Napoléon », le public reconnait bien l’évènement et les personnages; quand Courbet peint « l’origine du monde », même si son œuvre fait scandale, elle n’en reste pas moins d’un réalisme saisissant!!!
Les impressionnistes puis les fauvistes ou les cubistes vont bousculer tour à tour ces barrières puis M.Duchamp va définitivement les abolir avec son concept du « ready- made ». En effet, il affirme que n’importe quel objet est une œuvre d’art du moment qu’un artiste l’a décidé et l’a signé et il revendique « le droit à la paresse »:la valeur d’une œuvre d’art ne dépend de l’effort fourni par son auteur. Il va devenir le précurseur de toute une génération d’artistes comme César et ses compressions ou M. Broodthaers et ses « moules rouges casserole »
Dans le domaine musical, Debussy va inventer un nouveau langage permettant d’entendre les voix de la nature, d’en démêler les vastes et subtiles harmonies: « Je veux, moi, ne rendre que ce que j’entends »; la musique « a une vie propre, qui l’empêchera toujours de se soumettre à du précis; elle dit tout ce qu’on ne peut pas dire ». Tandis que Jacques Rivière s’écrie « un libérateur est venu », C.Chambellan écrit « un frisson nouveau a parcouru la musique » et E.Schneider souligne « dès les premières partitions on saisit la volonté d’une autre esthétique » De gauche à droite: Henri-Edmond Cross « Les îles d’Or »; Odilon Redon « le rêve »; Puvis de Chavannes « l’été »
On a longtemps opposé l’Art, activité noble à la science et aux technologies. L’utilisation de ces dernières étant réservée au monde du travail, aux déplacements et aux communications. L’utilitaire opposé à la création artistique, les savants et les inventeurs opposés aux muses. Sous l’influence des surréalistes comme Man Ray ou Buñuel, la photographie et le cinéma vont devenir des arts à part entière. Une nouvelle génération d’artistes, initiée par Malevitch (auteur du carré blanc sur carré blanc), pense que l’art est une lourde mécanique de discours qui peut se servir de n’importe quel médium et s’y incarner. L’activité de la science comme de l’art a toujours été l’interprétation et la re-création de la réalité. J.Shaw va utiliser différentes technologies (mécanique: le vélo, numérique: l’image de synthèse). Sa cité virtuelle composée de lettres géantes nous rappelle que les mots sont le premier véhicule de l’imagination donc de la création artistique quelle que soit la « technique » utilisée par l’artiste. De gauche à droite: Buñuel: un chien andalou, deux photos de Man Ray
Bob: vrai ou faux intrus dans ce thème? A. Breton, M. Duchamp, C. Debussy ou J. Shaw ont fait tomber les barrières de l’art et se sont affranchis des codes entravant leur liberté de création. Bob est un dessinateur humoristique travaillant pour un journal allemand, il nous propose des caricatures sur la vie politique de l’époque (par exemple, la question royale en Belgique), sur les problèmes et sur les conflits mondiaux (caricature sur la question du siège de la CECA ou encore ce dessin sur la menace soviétique). Nous sommes assez éloignés des problèmes de la création artistique qui se libère des carcans de la morale et du bon goût. En outre, s’il propose aux pays européens de faire tomber les barrières, c’est pour mieux reconstruire une barrière commune plus protectrice contre la menace soviétique. Cependant, l’art a toujours été étroitement lié aux systèmes politiques, aux révolutions et aux évolutions de la société. Qu’il s’agisse d’un art de propagande utilisé par Hitler ou Staline, d’une interdiction voire d’une élimination d’artistes et d’œuvres considérés comme dégénérés ou au contraire d’artistes engagés et résistants, la politique et l’art ont toujours cohabité. Ainsi, le surréalisme a été au cœur de causes naissantes comme l’anarchisme, l’émancipation des peuples ou encore la libération des mœurs. M. Duchamp a lui-même proposé des caricatures satiriques à des journaux comme « Le Rire » ou « Le Courrier français » Bob: vrai ou faux intrus dans ce thème?