Investissement public : une voie pour sortir de la crise Etat des lieux et perspectives Assemblée des Communautés de France Maison de la RATP - Paris, 10 février 2017 mathieu.plane@sciencespo.fr observatoire français des conjonctures économiques centre de recherche en économie de Sciences Po www.ofce.sciences-po.fr
Un constat mondial inquiétant A l’exception du Japon, baisse généralisée de l’investissement public dans tous les pays développés depuis le début de la crise Plus la crise a été marquée, plus l’investissement public a été utilisé comme variable d’ajustement pour réduire les déficits publics: depuis 2009, réduction de l’investissement public a représenté 30 % de l’ajustement budgétaire de la zone euro alors que celui-ci ne représente qu’environ 6 % de la dépense publique. En Espagne et en Italie, cela représente respectivement 50 % et 60 % (25 % en France).
Un constat mondial inquiétant y compris en France Forte dégradation de l’investissement public en France à partir de 2011: Fin 2016, l’investissement public (en pts de PIB) a atteint son plus bas niveau depuis 1952. Sources : Insee, calculs OFCE
Un constat mondial inquiétant y compris en France France n’est pas épargnée par une chute marquée depuis quelques années Phénomène d’autant plus marqué si l’on regarde l’investissement net (de la dépréciation du K) - 0,7 point de PIB (15 mds d’euros) d’investissement net en 2015 (par rapport à la période précédant la crise)
Chute de l’investissement public net Baisse de l’investissement net particulièrement ciblée sur : les ouvrages de génie civil (-0,4 point de PIB par rapport à avant crise) les bâtiments non résidentiels (-0,2 point de PIB par rapport à avant crise) Sources : Insee, calculs OFCE
Capital public non financier élevé malgré le ralentissement de l’investissement Et pourtant la valeur actuelle du capital non financier public est élevée 88 % du PIB en 2015 contre 59 % du PIB en 1998 Soutenue par la hausse des prix du foncier depuis 1998 Valeur des actifs non financiers non produits (terrains) multipliée par plus de 4 en moins de 20 ans 8 % du PIB en 1998 à 34 % en 2015 Masque le ralentissement de l’investissement net public
Chute de l’investissement des collectivités locales Chute très marquée de l’investissement net du côté des collectivités locales Seules depuis 2002 à contribuer positivement à l’accroissement des capacités publiques en ouvrages de génie civil…mais chute de 0,4 point de PIB depuis la crise Pour la première fois, en 2015, l’investissement net des collectivités locales en « bâtiments non résidentiels » est négatif (et contribution quasi-nulle de l’Etat)
Soutenir l’investissement public Pourquoi faut-il soutenir l’investissement public ? 1. Stock vieillissant des infrastructures Besoin d’investissement public/privé chiffré à 60 Mds dont 20 Mds pour les collectivités locales 2. Défauts d’investissements entraînent des besoins à venir encore plus importants : par exemple des défauts de revêtement sur les routes engendrent des dépenses, certes plus tardives, mais de deux à quatre fois plus élevées 3. Investissements constituent des contreparties (actifs physiques) à l’endettement qui se justifient au titre des bénéfices socio-économiques attendus. Ces actifs vont profiter à nos enfants pendant trente ou quarante ans. Nous léguons de la dette publique aux générations futures mais aussi des actifs publics. 4. Accroissement du potentiel de croissance : Renforcement des réseaux de transport, d’énergie, de télécommunication accroissent la compétitivité de l’économie, stimule l’investissement privé augmente le potentiel de croissance de notre économie. 5. Conditions de financement favorables : taux d’intérêts publics historiquement faibles (0,6 % à 10 ans contre 4,5 % à la mi-2008) et le resteront pour un certain temps (politique de la BCE + épargne abondante avec sous-investissement).
Soutenir l’investissement public 6. Relance de l’investissement public crée de la croissance (et donc des recettes fiscales) : Multiplicateur budgétaire est maximum (cf travaux du FMI, OCDE, OFCE) quand : Economie est en bas de cycle et chômage élevé Taux « zéro » Investissements ont un haut niveau d’efficacité (cas de la France). Selon les études, multiplicateurs sur l’investissement public sont compris actuellement entre 1,2 et 2,5 (1,5 pour le FMI à 5 ans) 1 point de PIB investit = 1,2 à 2,5 pts de PIB d’activité supplémentaire Coût budgétaire ex ante : 1 point de PIB Impact final sur le solde public (coût budgétaire ex post : après prise en compte des recettes fiscales générées par le supplément d’activité) : -0,4 à + 0,2 point de PIB
Soutenir l’investissement public 6 bis. Relance de l’investissement public crée de l’emploi: Impact d’une hausse d’1 point de PIB d’investissement public (modèle ThreeMe-OFCE) 1,2 point de PIB supplémentaire et 287 000 emplois nets créés au bout de 5 ans Correspond à 1 point de taux de chômage en moins 1er bénéficiaire est le BTP (46 % des emplois créés) mais effet d’entrainement sur tous les autres secteurs qui connaissent une hausse de leur valeur ajoutée et des créations d’emplois
Conclusion Quasi-consensus autour d’une relance par l’investissement public FMI (juillet 2016) : « Face aux effets négatifs du Brexit, et à la mollesse de la croissance mondiale, le FMI invite à soutenir l'investissement public » OCDE (juin 2016) : « Dans de nombreux pays, il existe une marge de manœuvre budgétaire pour renforcer l’activité grâce à l’investissement public, notamment parce que les taux d’intérêt à long terme ont permis, dans les faits, d’accroître la latitude budgétaire ». OIT (février 2016) : « Compte tenu des taux d’intérêt historiquement bas, les pays peuvent financer leurs projets d’infrastructure sans grever trop lourdement les deniers publics et en bénéficiant d’importants effets multiplicateurs » Relance de l’investissement public nécessite d’identifier les investissements nécessaires et utiles aux pays Un grande part des investissements en Infrastructures / Transition énergétique / Recherche. Très haut débit, Transports, Voirie, Logements, Rénovation thermique des bâtiments, Réseaux énergétiques, Eau, Déchets… Représente un effort de 1% à 2% du PIB selon l’ambition affichée. Nécessite de modifier les règles budgétaires européennes actuelles Pour éviter les aspects récessifs des traités européens, il faut un nouveau Pacte de Stabilité européen introduisant une « règle d’or » définissant les investissements publics (à fort rendement économique, écologique ou social) à exclure des règles de consolidation budgétaire.