CETA : évaluation des avancées « wallonnes »
Pourquoi tant d’agitation? Traité de Lisbonne (2009) : extension des compétences de la politique commerciale commune de l’UE Domaines couverts : plus seulement les tarifs douaniers… Mais (entre autres) : libéralisation des services et réglementation des investissements étrangers Domaines beaucoup plus sensibles politiquement, car ils touchent au droit des Etats (et des interlocuteurs sociaux) de règlementer leur économie intérieure Services publics Services non marchands Législations que les Etats adoptent et qui touchent les entreprises : protection de l’environnement, des travailleurs, des consommateurs, droit de grève, etc. CETA en anglais : « Comprehensive Economic and Trade Agreement »
Un nouveau régime légal Enjeu de ces traités : pas le libre-échange (ouverture/protectionnisme), mais régulation/dérégulation Via des accords internationaux, créer un régime juridique qui définisse une limite tolérable du droit de légiférer des Etats « réorganisation drastique de l’Etat », « limitation de l’Etat redistributif », « nouveau constitutionalisme » Le néolibéralisme devient immuable, car ancré dans des traités internationaux impossibles à changer Ces traités étant transatlantiques (CETA, TTIP), ils visent à devenir la référence mondiale CETA en anglais : « Comprehensive Economic and Trade Agreement »
Les « disciplines » du CETA Interdictions explicites : ex. sur les banques systémiques Libéralisation automatique des secteurs non protégés (« liste négative ») Cliquets Standards de libéralisation : « accès au marché », « traitement national », « expropriation indirecte », etc. Normes « auto-annulatrices » : droit de règlementer pour des objectifs « légitimes » Institutions : tribunaux d’arbitrage, comités divers… CETA en anglais : « Comprehensive Economic and Trade Agreement »
Périmètre de la négociation de fin octobre La Wallonie refusait d’accorder les pleins pouvoirs de signature au gouvernement fédéral, obligeant la Commission et le Canada à rouvrir la négociation Pas de renégociation du CETA (les 1600 pages) : « pas une virgule n’a changé » Négociation de deux documents additionnels : Instrument interprétatif conjoint (12 pages) : lie l’UE, le Canada et les Etats membres 38 déclarations des institutions européennes et des Etats membres (30 pages) Dont certaines directement issues du le combat « wallon », y compris : « la déclaration du Royaume de Belgique sur les conditions liées aux pleins pouvoirs de signature du CETA, de la part de l’Etat fédéral et des entités fédérées » CETA en anglais : « Comprehensive Economic and Trade Agreement »
Stratégie 1 de la Wallonie : insertion de « Garde-fous » Services publics Sécurité sociale Agriculture PME … Ces gardes-fous doivent être évalués quant à leur contenu et leur force légale
Services publics Répétition de dispositions du traité : « le CETA n’empêche pas les gouvernements de définir et de règlementer la fourniture des services publics » Le CETA n’empêche pas de revenir en arrière Oui, mais cela dépend des annexes, qui restent ce qu’elles sont Explicitation du droit européen en matière de « services d’intérêt économique général » Principes à respecter pour permettre à ces services d’accomplir leur mission « L’ICS ne s’applique pas par rapport aux dispositions relatives à l’accès au marché » Décodage : … mais s’applique par rapport à tous les autres standards de libéralisation
Sécurité sociale « Aucune disposition de l’accord ne requiert que la Belgique modifie le système existant d’assurance obligatoire » Déjà présent dans le CETA initial, en plus consistant Les services des mutualités liés à l’assurance-maladie obligatoire sont exclus du chapitre 13 (services financiers) Réduit les risques de concurrence par les assureurs privés Pas de protection contre les plaintes des investisseurs : L’ICS « services financiers » est désactivé (car chapitre 13) Mais l’ICS général (chapitre 8) ne l’est pas
Force légale IIJ : vise à aider à l’interprétation du CETA, à préciser l’intention des parties, il précise le « contexte » Ne se situe pas sur le même plan juridique que le CETA : p.ex. ce qui détermine l’avenir des services publics, ce sont les dérogations demandées dans le CETA, pas l’IIJ Force légale pour les parties, mais pas nécessairement pour les tribunaux d’arbitrage 38 déclarations : Considérées comme unilatérales : lient leurs auteurs (tantôt l’UE, tantôt des Etats membres) Contenus très variés et impact réel à évaluer au cas par cas Influence douteuse sur les tribunaux d’arbitrage
Stratégie 2 de la Wallonie : « embûches » Le « oui » du 28/10 ne concerne que la signature du CETA Le PW garde une 2e carte, celle de la ratification Ratification parlement européen : février 2017 Ratification dans les Etats membres : 2017-2018 Conditions posées à la ratification : Avis de la CJUE Réforme de l’ICS avant la ratification
Avis de la CJUE « La Belgique demandera un avis à la Cour européenne de justice concernant la compatibilité de l’ICS avec les traités européens, notamment à la lumière de l’Avis 2/2015 » En cas d’avis négatif, le CETA ne peut entrer en vigueur et l’ICS doit être modifié (art. 218(11) du TFUE) Or, la jurisprudence de la CJUE donne à penser que le risque d’avis négatif est élevé Ambiguïté de l’accord belge, car : Concerne bien la compatibilité de l’ICS mais référence à l’avis 2/2015 = avis demandé par la Commission sur l’accord UE-Singapour traité mixte ou pas? C. Michel s’appuie sur cette ambiguïté pour ne pas demander un avis sur l’ICS P. Magnette menace d’activer une clause de suspension
Conditions à la ratification Condition 1 : observation des effets socio-économiques du CETA (étude IWEPS) > peu contraignant Condition 2 : réforme de l’ICS. L’idée étant d’aller vers une Cour multilatérale sur les investissements, avec de véritables juges
Mécanisme d’arbitrage (ICS) Réforme en deux temps: Temps 1 : amélioration de l’ICS -amélioration de l’indépendance des juges : rémunération, code de conduite, mécanisme de sanction -réforme de la procédure de sélection -les Etats membres choisissent les juges européens Temps 2 : Cour multilatérale publique « L’UE et le Canada vont travailler de manière rapide à la création d’une Cour multilatérale d’investissement » (IIC) « La CMI sera dans le long terme l’organe responsable du règlement des différends entre investisseurs et Etats » (Déclaration Commission/Conseil)
En conclusion Le mauvais CETA n’est pas devenu un bon CETA Les avancées sont faibles tant sur le contenu que sur la force légale Des demandes importantes ne sont pas satisfaites : Verrou vis-à-vis des filiales US au Canada Obligation de passer d’abord devant les tribunaux ordinaires Les principales avancées sont : L’avis de la CJUE La pression pour changer l’ICS Réveil politique sur les questions européennes L’intérêt créé dans les médias Victoire partielle et combat à continuer : risque de traités futurs non-mixtes, « nouveau constitutionnalisme »