Médiathèque A.Malraux (Béziers) Peut-on être honnête et réussir ? Médiathèque A.Malraux (Béziers) 18 janvier 2017 1. Etymologie / Définitions : ’’Honnête’’ / ‘’Réussir‘’ 2. Notions / concepts / prise de vue : Valeur(s) et Morale(s) / Socrate contre Calliclès (dialogue de Platon : Gorgias) 3. Questions / Discussion : Deux questions préalables. 4. En guise de conclusion
Honnête / Réussir : Etymologie et définitions Honnête vient du latin honestus, digne de considération, juste, moralement bon. Réussir vient de l’italien riuscire, ressortir, du latin exire, sortir. Définitions : Larousse sur internet (extrait) Honnête : Qui agit avec droiture et loyauté, et mène une existence conforme aux règles de la morale sociale et de la probité : Un homme honnête. Qui agit, parle conformément à sa pensée, qui est de bonne foi : Sois honnête, tu penses le contraire de ce que tu dis. Synonymes : droit, loyal, probe, vertueux Contraires : dépravé, immoral, malhonnête Réussir : Croître, se développer favorablement : Une espèce qui réussit dans les sols argileux. Obtenir un succès, en particulier réaliser ses ambitions : Il réussit dans ce qu'il entreprend. Synonymes : prospérer, briller, parvenir Contraires : dépérir, déchoir, échouer Dictionnaire de philosophie Godin (extrait) Honnête : Qualité de celui qui respecte les devoirs de franchise et de justice envers autrui, qui refuse de pratiquer le mensonge et le vol pour son avantage. Synonyme de moral. Réussir : ? Echec : Contraire du succès ou de la réussite, il signale une contradiction entre l’intention visée et le résultat obtenu. A la différence de l’insuccès déterminé par des causes extérieures, l’échec est péniblement vécu par le sujet qui se juge insuffisant : tout échec est, in fine, personnel.
Notions / Concepts / Prise de vue Valeur(s) et Morale(s) Toute valeur n’est-elle pas l’objet au moins possible d’un désir ? « Ce n'est parce que nous jugeons qu'une chose est bonne que nous la désirons, mais c'est parce que nous la désirons que nous la jugeons bonne » dit Spinoza. Dès lors que nul ne peut choisir à notre place ce qui est bien ou ce qui a de la valeur pour soi, toute valeur n’est-elle pas ce qui est subjectivement le plus important pour juger ce qui est bien ou mal et agir en connaissance de cause ? N’est-ce pas pour cette raison que la morale est à la fois : Strictement personnelle ? Et universalisable sans contradiction, comme dit Kant : Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse et/ou, Fais à autrui ce que tu voudrais que l’on te fasse ? Or, quelle morale pourrait-elle être universalisée sans contradiction si ce n’est celle éclairée par l’amour des autres dont le minimum serait le respect, en dépit de toute morale considérée comme transcendante qui pourrait laisser croire le contraire ? Quelle valeur saurait être si personne ne désirât qu’elle fût ? Toute morale, comme toute valeur, ne dépendrait-elle pas de ce que nous voulons et désirons, individuellement et/ou collectivement ? Pour juger et agir, qu’y aurait-il de plus important que les valeurs et la morale ?
Notions / Concepts / Prise de vue (suite) Socrate contre Calliclès dans le dialogue de Platon : Gorgias (390-385 avant J-C) Les thèses en présence : Pour Socrate, il est plus moral de subir l’injustice que la commettre Pour Calliclès, il vaut mieux être malhonnête, cruel, injuste.. et réussir. Selon Calliclès, Socrate confond l’ordre de la loi ou de la morale (l’injustice est un mal) et celui de la nature (la loi du plus fort suivant laquelle commettre l’injustice est naturel). Selon Socrate, Calliclès confond l’agréable (le plaisir ou l’utile) et le bien, alors qu’ils ne sont pas du même ordre : ce qui est agréable et utile dans l’ordre de la nature, peut-être mauvais dans l’ordre de la loi ou de la morale. Nietzche (1844-1900) réutilisera presque mot pour mot les arguments de Calliclès dans sa thèse du surhomme (artiste de sa vie : vigoureux, vaillant, actif, puissant, libre, créatif et sans scrupule) qui justifie le renversement des valeurs morales traditionnelles, dites des esclaves ou des faibles, au profit de celles des maîtres ou des forts. Pourquoi faudrait-il opposer plaisir et bien ? Ne peut-on pas éprouver du plaisir à faire ce qui nous parait bien ? Peut-on vraiment parler de morale des forts qui serait conforme à la nature ? Le propre de toute morale n’est-il pas précisément de s’opposer à la nature ? Faut-il admettre que chacun s’arrange avec le juste et l’injuste en fonction de ses intérêts ? Ou, au contraire, qu’on ne puisse se passer d’une morale régulatrice de nos actes qui serait éclairée par l’amour dont le minimum serait le respect d’autrui ?
Deux questions préalables : Qu’est-ce qu’être honnête et pourquoi vouloir l’être ? Qu’est-ce que réussir et pourquoi le vouloir ? Avant de tenter de répondre à la question : Peut-on être honnête et réussir ?
Qu’est-ce qu’être honnête et pourquoi vouloir l’être ? Honnêteté : bonne foi ou équité ? Si l’honnêteté est une vertu, pourquoi vouloir être honnête ?
1. Qu’est-ce qu’être honnête et pourquoi vouloir l’être ? Honnêteté : bonne foi ou équité ? Bonne foi : La bonne foi, n’est-elle pas l’amour ou le respect de la vérité ? Etre de bonne foi, n’est-ce pas se soumettre à ce que l’on croit vrai ? Equité : Plus que la justice au sens légal, l’équité n’est-elle pas la justice au sens moral ? Etre équitable ne vise-t-il pas à instaurer l’égalité de droit à l’égard d’autrui, tout en tenant compte des inégalités de fait ? Etre honnête, n’est-ce pas être à la fois de bonne foi et équitable envers autrui ? Si l’honnêteté est une vertu, pourquoi vouloir être honnête ? Si l’honnêteté n’est pas l’une des vertus cardinales de l’antiquité (justice, sagesse, tempérance, courage), n’est-elle pas le corrélat de la justice pour l’équité et du courage pour la bonne foi ? Si parmi les 18 vertus du Petit traité des grandes vertus d’ACS, la justice et la bonne foi sont deux d’entre elles, comment l’honnêteté qui les allie n’en serait-elle pas une ? Mais pourquoi vouloir être honnête si l’honnêteté est une vertu ? Que le bonheur résulte de la vertu chez les stoïciens, que la vertu en soit la condition chez Epicure ou qu’elle en soit indissociable chez Spinoza (en tant que puissance d’agir sous la conduite de la raison), n’en constitueraient-ils pas des preuves suffisantes ? Pourquoi vouloir être honnête, si ce n’est au nom de la morale envers autrui et afin d’être plus heureux ? Etre de bonne foi et équitable, en un mot honnête, ne serait-il pas une condition pour vivre plus heureux ? 7
Qu’est-ce que réussir et pourquoi le vouloir ? Si réussir c’est échapper à l’échec, comment le peut-on ? Les motivations du désir de réussir ne sont-elles pas déterminantes ?
2. Qu’est-ce que réussir et pourquoi le vouloir ? Si réussir c’est échapper à l’échec, comment le peut-on ? Tout échec n’est-il pas l’écart entre le résultat qu’on visait et celui qu’on obtient ? Partant, le plus sûr moyen d’échapper à l’échec ne serait-il pas de ne viser aucun résultat ? « Non parce qu’on cesserait d’agir, ce qui ne serait qu’un échec de plus, mais parce qu’on ne vise que l’action même », comme dit ACS. Ou, si l’on ne sait se passer de viser un résultat, en cas d’échec, ne convient-il pas de ne pas y succomber en recommençant différemment ou en changeant d’objectif ? Viser l’action et non son résultat, ne serait-il pas la sagesse même pour réussir sa vie ? Ou, si l’on ne sait renoncer à vouloir réussir dans la vie, ne faut-il pas savoir surmonter les échecs ? Les motivations du désir de réussir ne sont-elles pas déterminantes ? Le plaisir, comme souvent, n’est-il pas la motivation de la volonté de réussir ? Comme dit Epicure : Le plaisir n’est-il pas en effet, « le bien premier et conforme à notre nature. Le principe de tout choix et de tout refus. Le principe et la fin de la vie bienheureuse » ? Mais de quel type de plaisir s’agit-il : Du plaisir égocentré pouvant aller jusqu’au renversement des valeurs morales traditionnelles, comme le voulait Nietzsche, afin de réussir dans la vie sans le moindre scrupule ? Ou du plaisir altruiste de vivre les valeurs morales traditionnelles, afin de réussir sa vie en empathie avec les autres ? La nature du plaisir recherché ne détermine-t-elle pas celle de la réussite : Altruiste pour réussir sa vie parmi les autres Egocentré pour réussir dans la vie aux yeux des autres ? Si le plus sûr moyen de réussir sa vie est d’être sage en ne visant aucun résultat pour soi, ne faut-il pas s’en inspirer en s’efforçant d’être moral si l’on veut réussir dans la vie ?
Peut-on être honnête et réussir ? Qu’est-ce qu’une vie réussie : est-ce, réussir dans la vie ou réussir sa vie ?
3. Peut-on être honnête et réussir ? Qu’est-ce qu’une vie réussie : est-ce, réussir dans la vie ou réussir sa vie ? Réussir dans la vie ? Réussir dans la vie ne se réduit-il pas au confort matériel et financier, au luxe, à l’acquisition de richesses pour elles-mêmes ainsi qu’à la notoriété et aux honneurs qui vont avec ? Dans La Politique, Aristote nommait la chrématistique, l’art d’acquérir les richesses en les limitant aux seuls besoins utiles au-delà desquels advient la cupidité, la tentation d’amasser toujours plus d’argent ou de notoriété pour le seul plaisir d’en amasser. Faudrait-il en déduire qu’une société de ‘’saints’’, où la cupidité serait inconnue, serait souhaitable ? Ne serait-elle pas alors une société de ‘’pauvres’’, comme s’interrogeait déjà Voltaire ? Si vouloir réussir dans la vie prédispose à la cupidité et au mépris de l’honnêteté, l’accroissement de richesses, dans certaines limites, individuellement et collectivement, n’est-il pas malgré tout souhaitable ? Réussir sa vie ? Dans La Vie heureuse, Sénèque fait la différence entre le sage, qui tient les richesses en esclavage et l’insensé que les richesses gouvernent. « Habituons-nous à tenir le luxe à distance et à évaluer les choses non d’après leur faste, mais d’après leur utilité. Apprenons […] à attendre la richesse de nous- mêmes plutôt que de la Fortune » Une telle invitation à la simplicité et à la tempérance n’impose-t-elle pas de dissocier son être de ses avoirs ? A avoir pour vivre, et non vivre pour avoir ? Comment effectivement pourrait-on vivre en empathie avec les autres en l’absence de morale et au mépris de l’honnêteté ? Comment pourrait-on réussir sa vie en l’absence de morale et en étant malhonnête ? « L’homme n’est ni ange, ni bête et le malheur veut que, qui veut faire l’ange fait la bête » disait Pascal. Si par conséquent l’on tient à l’honnêteté pour réussir sa vie et si l’on s’y contraint, pourquoi ne pourrait-on pas en même temps réussir dans la vie ? 11
En guise de conclusion Quoi d’autre que la morale que l’on s’impose à soi-même si l’on veut réussir honnêtement ? Quoi d’autre que la loi pour empêcher ceux qui voudraient réussir et manqueraient de morale ?
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