ESH ECE 1 Camille Vernet Nicolas Danglade

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Transcription de la présentation:

ESH ECE 1 Camille Vernet Nicolas Danglade 2017-2018 Chapitre 2 – La monnaie et le financement de l’économie   Partie 3. La monnaie dans les théories économiques ESH ECE 1 Camille Vernet Nicolas Danglade 2017-2018

3.1 La masse monétaire en circulation dépend-elle de l’offre (de la banque centrale) ou de la demande de monnaie (des emprunteurs) ? 3.2 La création de monnaie a-t-elle un impact sur l’activité réelle ? (ou uniquement sur le niveau général des prix) 3.3 Débats sur la nature de la monnaie : la monnaie, uniquement une réponse aux limites du troc ?

3.1 La masse monétaire en circulation dépend-elle de l’offre ou de la demande de monnaie ? Les banques de second rang créent de la monnaie scripturale : elles ont l’initiative de la création monétaire La banque centrale régule la création de monnaie de second rang par la politique monétaire Les banques commerciales réagissent à la demande de monnaie La banque centrale est à l’origine de l’offre de monnaie Laquelle des deux sources prime sur l’autre ? L’offre ou la demande de monnaie ?

3.1.1 Monnaie exogène et approche du multiplicateur de crédit Monnaie « exogène » : la (création) monnaie a son origine à l’extérieur des activités de l’économie « réelles » (production de biens et services) La quantité de monnaie en circulation dépend des découvertes de métaux précieux : cas d’une monnaie convertible La création de monnaie est déterminée par la politique de la banque centrale

Quantité de monnaie en circulation Émission de monnaie par les banques commerciales Offre de monnaie par la banque centrale Quantité de monnaie en circulation Idée « monnaie exogène » : en contrôlant la quantité de monnaie centrale, la BC contrôle l’émission de monnaie par les banques commerciales, et donc la quantité de monnaie en circulation

Le modèle du multiplicateur de crédit : La quantité de monnaie en circulation est un multiple de la base monétaire (monnaie centrale) Base monétaire (monnaie émise par la banque centrale) Quantité de monnaie en circulation : pièces, billets et dépôts multiplicateur de crédit

Une banque A possède 1000 de réserves à la BC Modèle du multiplicateur de crédit : la quantité de monnaie en circulation est un multiple de la base monétaire ? Une banque A possède 1000 de réserves à la BC La BC impose 20% de réserves obligatoires Elle utilise 800 pour accorder des crédits A garde en réserves obligatoires 200 Achats = dépôts dans une nouvelle banque B pour 800 B garde en réserves obligatoires 160 Une banque B accorde pour 640 de crédits Etc …

1 / coef de réserves obligatoires multiplicateur = 1 / coef de réserves obligatoires Le coef de réserve obligatoire est fixé par la Banque centrale Dans notre cas, m = 1 / 0,2 = 5 Pour une quantité de monnaie centrale de départ de 1000 5000 (=1000X5) quantité de monnaie circule

Dans ce modèle, plus le % des réserves obligatoires sera élevé, plus la quantité d’achats et de dépôts diminuera de période en période (et inversement) En agissant sur ces réserves obligatoires, la BC agit sur la création monétaire des banques commerciales : relation mécanique qui va de la base monétaire vers la masse monétaire

Dépôts (dans les banques commerciales, pièces et billets Masse monétaire Dépôts (dans les banques commerciales, pièces et billets Base monétaire

3.1.2 Monnaie endogène et approche du diviseur de crédit La « monnaie endogène » : les banques commerciales répondent aux demandes de crédit des entreprises Les entreprises s’endettent pour produire (rôle des anticipations) Puis elles remboursent leurs dettes (la loi du reflux dans la théorie de la banking school) Une fois que les banques ont accordé des crédits, elles se préoccupent de récupérer la monnaie centrale nécessaires aux règlements interbancaires

Approches de la banking school, keynésienne, post-keynésienne (Minsky), régulationniste (Aglietta, Orléan)

Modèle du diviseur de crédit Demande de crédit par un agent (ex:5000) Une banque commerciale finance le crédit Elle connaît ses fuites hors circuit (20%) et se refinance en monnaie centrale (le coût du refinancement : le taux d’intérêt) La quantité de monnaie centrale s’ajuste à la demande de refinancement (1000) La quantité de monnaie centrale est un diviseur de la masse monétaire en circulation

Quel modèle à la portée explicative la plus grande ? Primauté de l’offre de monnaie / origine exogène de la monnaie Versus Primauté de la demande de monnaie / origine endogène de la monnaie

Bilan BCE

Rôle des anticipations des emprunteurs : des conventions financières (André Orléan) Hausse taux d’intérêt mais hausse demande de crédit = quand les AE sont très optimistes, la politique monétaire calme difficilement l’emballement du crédit Baisse taux d’intérêt mais baisse demande de crédit =quand les AE sont très pessimistes, la politique monétaire est inefficace (trappe à liquidité)

La masse monétaire réagit plus à la demande qu’à l’offre de monnaie En période « normale », la hausse de la base monétaire suit celle de la demande de monnaie (diviseur de crédit) Mais dès que les anticipations des agents deviennent pessimistes, la politique monétaire réagit en ouvrant le robinet du crédit : pourtant la demande de monnaie ne réagit pas; l’offre de monnaie n’a pas d’impact sur la demande (et donc sur la masse monétaire)

3.2 La création de monnaie a-t-elle un impact sur l’activité réelle ? La monnaie est neutre L’évolution de la quantité de monnaie en circulation a un effet sur le niveau général des prix, pas sur les prix relatifs des biens et services La monnaie est active L’évolution de la quantité de monnaie a des effets sur l’activité réelle Dichotomie entre sphère réelle et sphère monétaire Pas de dichotomie entre sphère réelle et sphère monétaire Dichotomie forte Dichotomie faible Refus de la Dichotomie

Keynésiens, néo et postkeynésiens, régulationnistes La monnaie est neutre L’évolution de la quantité de monnaie en circulation a un effet sur le niveau général des prix, pas sur les prix relatifs des biens et services La monnaie est active L’évolution de la quantité de monnaie a des effets sur l’activité réelle Dichotomie entre sphère réelle et sphère monétaire Pas de dichotomie entre sphère réelle et sphère monétaire Dichotomie forte Dichotomie faible Refus de la Dichotomie Théorie quantitative Nouveaux classiques monétaristes Autrichiens Keynésiens, néo et postkeynésiens, régulationnistes

John Stuart Mill (1806-1873) : la monnaie est « insignifiante » 3.2.1 La monnaie est neutre : la monnaie « voile » et la dichotomie forte John Stuart Mill (1806-1873) : la monnaie est « insignifiante » Jean-Baptiste Say (1767-1832): « la monnaie n’est que la voiture de la valeur des produits » Jean-Baptiste Say utilise la métaphore du « voile monétaire » Comme la monnaie ne compte pas : aucune différence entre économie de troc et économie monétaire Les produits s’échangent contre des produits

Fonctionnement de la Sphère réelle ? Allocation des ressources = marchés du travail du capital du B&S les prix exprimés sont des prix relatifs Par exemple: 2 pommes valent 4 poires Donc 1 pomme vaut 2 poires Impact sphère monétaire ?

Allocation des ressources = marchés du travail du capital du B&S Les prix exprimés sont des prix relatifs Par exemple: 2 pommes vaut 4 poires 1 pomme vaut 2 poires Admettons que la quantité de monnaie soit multipliée par deux durant la nuit (David Hume) Départ 1 pomme vaut 1 euros 1 poire vaut 0,5 euros Arrivée 1 pomme vaut 2 euros 1 poire vaut 1 euros Est-ce que les prix relatifs ont changé ? Est-ce que l’allocation des ressources est différentes ?

Si la variation de la quantité de monnaie affecte le niveau général des prix, comment expliquer l’apparition de l’inflation? La théorie quantitative de la monnaie Irving Fisher (1867-1947): M.V = P.T M est la quantité de monnaie, V la vitesse de circulation de cette monnaie, P le niveau général des prix T le volume des transactions Si V est stable et que M ne fait pas varier T , Comment évolue P si M augmente ?

Apparition de l’inflation ? Si la hausse de M (quantité de monnaie en circulation) est plus que proportionnelle à celle de T (la production) alors hausse du niveau général des prix (inflation) Théorie quantitative de la monnaie : la variation du niveau général des prix est la conséquence de la variation de la quantité de monnaie

L’offre de monnaie prime sur la demande; 3.2.2 La monnaie est exogène mais elle a des effets sur l’économie réelle L’offre de monnaie prime sur la demande; La banque centrale agit sur l’offre de monnaie en circulation (monnaie exogène) mais : 3.2.2.1 La hausse de l’offre de monnaie peut avoir des effets uniquement transitoires : l’approche monétariste 3.2.2.2 La hausse de l’offre de monnaie peut avoir des effets durables et nocifs : l’approche autrichienne Conclusion: il faut que l’émetteur de l’offre de monnaie soit prudent !

3.2.2.1 La hausse de l’offre de monnaie peut avoir des effets uniquement transitoires : l’approche monétariste Milton Friedman (prix Nobel 1976) La BC augmente l’offre de monnaie à court terme mais plus que proportionnellement à la hausse de la production Cela fait augmenter l’inflation (théorie quantitative) : les prix et les salaires augmentent Les salariés confondent hausse de leur salaire nominal et hausse de leur pouvoir d’achat Hausse de la demande = hausse activité = baisse chômage Effet de court terme sur l’activité réelle

Progressivement, les salariés « découvrent » l’inflation et constate qu’elle est supérieure à la hausse de leur salaire nominal Demande de rattrapage salariale La hausse des salaires fait augmenter le coût du travail = baisse de la production et de la demande de travail L’activité économique retourne à son niveau de départ Pendant ce temps, l’inflation a augmenté

Pour Friedman : Toute politique monétaire trop expansionniste peut avoir un effet de court terme mais à long terme il ne reste que de l’inflation « L'inflation est comme l'alcoolisme. Lorsqu'un homme se livre à une beuverie, le soir même cela lui fait du bien. Ce n'est que le lendemain qu'il se sent mal » (1968)

Pour Friedman : La banque centrale doit fixer une hausse de la masse monétaire qui correspond à celle de la production = son seul objectif est la stabilité du NGP

Les nouveaux classiques et l’hyper-neutralité de la monnaie Robert Lucas (prix Nobel 1995) Les agents ne découvrent pas la réalité des prix car ils savent à l’avance qu’une politique monétaire expansionniste produit de l’inflation Anticipation rationnelle (vs anticipation adaptative) Ils réagissent immédiatement et non progressivement L’effet de court terme sur l’activité disparaît` La monnaie est super-neutre

3.2.2.2 La hausse de l’offre de monnaie peut avoir des effets durables et nocifs : l’approche autrichienne Friedrich Hayek (Prix Nobel 1974) Sur le marché des fonds prêtables : offre et demande de capitaux se rencontrent = le taux d’intérêt « naturel », qui exprime les préférences des agents pour le présent / avenir = l’épargne finance les projets Mais si on rajoute à l’épargne, la création monétaire = excès d’offre de financement = le taux d’intérêt passe au dessous du taux naturel

Conséquence : incitation à investir et à augmenter les capacités de production Mais c’est un « faux » signal Dès que les capacités productives sont installées = surinvestissement = crise de surproduction Conséquence : Il faut limiter la création monétaire pour ne pas perturber le marché des fonds prêtables et financer l’économie par l’épargne

Ludwig von Mises (1881-1973) dénonce « l’idée hérétique de la prétendue neutralité de la monnaie »

Théorie quantitative : la hausse de M n’a aucun impact sur T La monnaie est exogène : primauté de l’offre de monnaie par la banque centrale Monnaie neutre Monnaie active Dichotomie forte Dichotomie faible Pas de dichotomie Théorie quantitative : la hausse de M n’a aucun impact sur T Si d.M>d.T : inflation Monétaristes: la hausse de M a un effet réel passager mais à LT, si d.M>d.T : inflation Autrichiens : la hausse de M (crédit monétaire) produit un effet réel mais = surinvestissement (crise) Nouveaux classiques : la hausse de M a un effet immédiat, si d.M>d.T : inflation

3.2.3 La monnaie active La monnaie n’a pas son origine à l’extérieur des activités économiques: elle émerge des activités économiques Refus de la neutralité / dichotomie Conséquence: le fonctionnement du système monétaire a des conséquences sur le fonctionnement de l’économie

Au 19ième siècle Thomas Tooke : la banking school Critique la convertibilité totale de la monnaie La création de monnaie vient des demandes des entrepreneurs = demande de crédit Phases d’optimisme : hausse crédit / hausse de l’activité / hausse des revenus et des dépenses

Karl Marx « rien de plus niais que le dogme d’après lequel la circulation implique nécessairement l’équilibre des achats et des ventes (…). Personne ne peut vendre sans qu’un autre achète ; mais personne n’a besoin d’acheter immédiatement parce qu’il a vendu » Les vendeurs peuvent thésauriser une partie de la monnaie

J.M.Keynes : Tooke + Marx Le circuit monétaire de production : le crédit est une avance monétaire = les entreprises qui empruntent financent une activité / qui génère des revenus / fait augmenter la demande : les entreprises peuvent alors rembourser leurs prêts Face à l’incertain, les agents peuvent vouloir garder leur argent sous forme liquide = retraite d’une partie de la masse monétaire des échanges = effet dépressif sur activité = les revenus obtenus par les producteurs ne permettent pas de rembourser les prêts

Conception de la monnaie, financement et taux d’intérêt La monnaie est endogène La monnaie est exogène Le financement des projets d’investissement = le crédit bancaire Le financement des projets d’investissement = l’épargne Le taux d’intérêt : sert à ajuster la demande de monnaie des agents Le taux d’intérêt : égalise l’offre (épargne) et la demande (investissement) de fonds prêtables

Minsky : Keynes + Tooke Il existe un cycle de crédit = anticipations des agents Optimisme : prophéties auto-réalisatrices qui renforcent les croyances = croissance Paradoxe de la tranquillité Retournement = crise Conclusion: le système financier et intrinsèquement instable = il faut le réguler

3.3 Débats sur la nature de la monnaie 3.3.1 La conception fonctionnaliste (ou naturaliste) de la monnaie : les trois fonctions de la monnaie en font un instrument d’échange plus efficace que le troc 3.3.2 La monnaie une institution centrale des économies de marché

Fonctions de la monnaie : Unité de compte Intermédiaire de l’échange 3.3.1 La conception fonctionnaliste (ou naturaliste) de la monnaie : les trois fonctions de la monnaie en font un instrument d’échange plus efficace que le troc Fonctions de la monnaie : Unité de compte Intermédiaire de l’échange Réserve de valeurs Dans la théorie fonctionnaliste (ou naturaliste) de la monnaie = ces 3 fonctions donnent un avantage à la monnaie = Passage économie de troc à économie monétaire

Unité de compte = étalon de mesure des biens et services Plus facile de comparer les biens entre eux Imaginons un marché où l’on troc 1 pomme = 2 poires 1 pomme = 4 bananes 1 poire = ? bananes Il faut à chaque bien nouveau calculer les nouveaux prix relatifs = coûts de transaction ! Dans un marché où il aurait 1000 prix, il faudrait sur chaque étiquette afficher 999 prix des autres biens

Intermédiaire de l’échange = la monnaie est un moyen de paiement général Imaginons un troc Problème : la double concordance des désirs qui freine l’échange : coût de transaction !

Réserve de valeur : le pouvoir d’achat est mis en réserve et il est transférable dans le temps Beaucoup d’actifs jouent ce rôle, mais seule la monnaie est totalement « liquide » Avantage par rapport au troc : pas nécessaire de faire correspondre la vente et l’achat

Théorie fonctionnaliste : résumé La monnaie est apparue comme une instrument permettant de dépasser les limites imposées par le troc L’échange monétaire est plus efficace que le troc car coûts de transaction plus faible Les « fonctions » de la monnaie expliquent son apparition (et sa nature)

3.3.2 La monnaie une institution centrale des économies de marché L’approche fonctionnaliste : une approche très réductrice et critiquable de la monnaie

Idée d’un passage troc / monnaie est fausse 3.3.2.1 Le passage du troc à la monnaie dans les économies marchandes : une fable ! Dans le modèle fonctionnaliste : l’échange marchand préexiste à la monnaie ; le troc se présente comme un échange marchand sans monnaie ; la monnaie facilite alors les échanges en éliminer les problèmes posés par le troc Or travaux historiens et anthropologues : il n’y a pas de société marchande sans monnaie Idée d’un passage troc / monnaie est fausse Cette histoire est une fable !

L’anthropologue Maurice Godelier étudie la société traditionnelle des Baruya de Papouasie-Nouvelle-Guinée (entre 1967 et 1988) Avec les autres tribus : le sel est utilisé comme monnaie pour acheter des marchandises que les baruya ne fabriquent pas À l’intérieur de la tribu : le sel n’est pas une monnaie et l’échange de barre de sel s’inscrit dans des règles/normes traditionnelles (pour compenser des préjudices …); aucun échanges marchands ; Une société qui réalise des échanges marchands utilise une monnaie Une société dans laquelle les échanges marchands sont inexistants n’utilise pas de monnaie

Les fonctions de la monnaie existent mais elles ne servent pas à remplacer le troc par la monnaie : la monnaie n’est pas une solution au troc Pour découvrir la nature de la monnaie, il faut aller au-delà de ces fonctions « économiques » (unité de compte, intermédiaire échange, réserve de valeur) ?

À partir des travaux de Karl Marx (Le Capital, 1864) 3.3.2.2 La monnaie socialise le travail privé : la monnaie est une institution collective À partir des travaux de Karl Marx (Le Capital, 1864) Il faut distinguer le fonctionnement des sociétés traditionnelles et celui des sociétés modernes La différence porte sur la manière dont les individus coordonnent leurs actions (comment ils coopèrent pour vivre ensemble)

Dans les sociétés traditionnelles : les actions de chacun sont pré-définies en fonction de la tradition; la coordination des actions individuelles est déterminée à l’avance; la valeur que la société donne à chaque activité individuelle est connue à l’avance

Dans les sociétés modernes: Chacun agit indépendamment des autres; Pas de coordination préalable La valeur des actions individuelles n’est pas déterminée à l’avance Les entrepreneurs agissent sans savoir à l’avance ce que leurs choix vont donner

C’est au moment où ils présentent leur travail sur le marché qu’ils « découvrent » la valeur de leur travail La monnaie permet d’exprimer (découvrir) la valeur que la société donne aux actions réalisées par chacun (elle socialise le travail privé) La monnaie : le langage numérique de la valeur

La monnaie permet d’exprimer la valeur que la société donne à un travail = la monnaie socialise le travail privé Plus la division du travail augmente, plus la société se complexifie, plus ce rôle est essentiel

Dans une société moderne où les individus deviennent de plus en plus autonomes, la monnaie permet de construire du lien social La monnaie, comme le langage, fournit un rapport d’appartenance à une collectivité : elle est une institution extérieure aux individus qui s’impose à eux et leur fournit un cadre commun pour évaluer leurs actions Dans une société complexe, d’hommes libres, la monnaie est une institution essentielle

3.3.2.3 L’appropriation privée de la monnaie La monnaie : un actif qui permet de régler ses dettes Parmi l’ensemble des actifs, la monnaie a une caractéristique particulière: c’est l’actif le plus liquide La liquidité absolue fournit une autonomie absolu à celui qui détient de la monnaie (détenir du cash = liberté absolue) = un pouvoir sur la société = désir illimité d’acquisition de monnaie

Conséquence : l’ambivalence de la monnaie Un bien public n’appartenant à personne, mais utilisé par tous Un bien individuel que chaque personne cherche à accumuler et à s’accaparer

L’accumulation privée de la monnaie peut empêcher la monnaie de jouer son rôle de bien public (=freiner les échanges) Exemples : - Moyen âge : raréfaction des pièces (« la mauvaise monnaie chasse la bonne ») = inflation - Aujourd’hui, politique monétaire expansionniste mais trappe à la liquidité = dépression

La trappe à la liquidité Politique monétaire expansionniste pour relancer activité Mais les agents privés ne veulent pas utiliser leur monnaie pour investir: ils gardent la monnaie sous forme liquide La politique monétaire est inefficace L’activité économique ne repart pas Moins d’échanges

Enjeu : Inciter les agents économiques à accepter une monnaie mais ne pas les inciter à la conserver et à la retirer du circuit monétaire

3.3.2.4 La confiance dans la monnaie : l’enjeu central Les agents doivent avoir confiance dans le système monétaire = avoir confiance dans la monnaie comme bien public La monnaie utilisée doit être considérée comme l’expression légitime de la valeur Que signifie avoir confiance dans le système monétaire ?

Trois dimensions de la confiance : Michel Aglietta (2016) « La monnaie Trois dimensions de la confiance : Michel Aglietta (2016) « La monnaie. Entre dette et souveraineté »

Confiance dans le répétition (régularité) des règlements des dettes par la monnaie = confiance méthodique

Confiance dans la capacité de la banque centrale à assurer le bouclage du système des paiements ; éviter les crises bancaires ; rôle du PDR = confiance hiérarchique

Confiance dans la capacité de la politique monétaire à soutenir la croissance et le progrès, l’enrichissement collectif ; éviter inflation, déflation, chômage, … = la politique monétaire agit dans l’intérêt de la collectivité Confiance éthique

Une crise monétaire ? Elle remet en question une ou plusieurs formes de la confiance dans la monnaie Hyperinflation ? « La monnaie brûle les doigts » Perte de valeur des actifs liquides Chute du pouvoir d’achat Effondrement de l’économie

Conclusion La monnaie n’est pas un simple instrument réduisant les coûts de transaction de l’échange marchand Les anthropologues montrent que les sociétés marchandes s’appuient toujours sur la monnaie (versus la fable du troc) La monnaie est une institution essentielle des sociétés marchandes (modernes) qui repose sur une confiance méthodique, hiérarchique et éthique

La monnaie est un bien collectif : elle socialise le travail privé = elle fait apparaître la valeur que la société donne aux actions individuelles La monnaie est un bien privé : elle offre la liquidité absolue = pouvoir des individus sur la société Risque : la monnaie perd sa dimension de bien public L’accumulation privée n’a plus de sens Enjeu : maintenir en permanence la confiance dans la monnaie Méthodique Éthique hiérarchique