IHEID. Séminaire sur la transdisciplinarité

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IHEID. Séminaire sur la transdisciplinarité   L’administration domestique et l’économie populaire Pour une analyse interdisciplinaire Isabelle Hillenkamp IHEID. Séminaire sur la transdisciplinarité Genève, 16 mars 2011

Objectifs Réfléchir aux « lectures disciplinaires » Ce que chaque discipline nous fait voir et pourquoi cela peut être insuffisant Au travers d’un exemple : l’économie populaire au prisme du principe d’« administration domestique » Principes d’intégration économique selon Karl Polanyi Étude de cas en Bolivie

Plan Cas d’étude Économie traditionnelle, informelle, populaire : trois approches distinctes L’économie populaire, l’administration domestique et l’échange marchand

Bolivie 4 EL ALTO Contraintes démographiques (emploi, urbanisation) COBIJA TRINIDAD EL ALTO Contraintes démographiques (emploi, urbanisation) Population totale (2006) 9,35 millions d’habitants (Surface territoriale 1 096,6 milliers de km2 ; densité 8,5 h/km2) Taux de fécondité (2000-05) 4,0 naissances par femme Taux de croissance démographique annuel (2006) 1,9 % Population de moins de 15 ans / population totale (2004) 38,5 % Population de plus de 65 ans / population totale (2004) 4,5 % Part de la population urbaine (2004) 63,7 % Croissance plutôt rapide mais irrégulière (prix des hydrocarbures) et revenu moyen reste bas Croissance de 4 à 4,5% /an de 2004 à 2007; 6,15% en 2008; 3,36% en 2009 (<4% en 2010) PIB / habitant PPA (2005) : 2819 US$ Pauvreté et fractures Pauvreté modérée (2003) - rurale ~80% - urbaine ~60% (fracture urbain / rural) IDH (2001) El Alto : 0,638 / Santa Cruz : 0,741 (fracture Orient / Occident) Moyenne nat. 0,695 Guinée équatoriale / Azerbaïdjan ou Géorgie Taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans (2003) 66/1000 Inégalités / discriminations Indice de Gini de la répartition des revenus 60,1 Part des revenus des 10% les plus pauvres : 0,3% Part des revenus des 10% les plus riches : 47,2% Population indigène (autoidentification) : 62 % LA PAZ COCHABAMBA ORURO SANTA CRUZ SUCRE POTOSI TARIJA

La Paz Siège de l’exécutif / laderas et une ville qui va déborder…

El Alto El Alto – déversoir et ville en construction-expansion permanente.

Pauvreté rurale-urbaine La Paz / El Alto Pauvreté rurale-urbaine El Alto La Paz Commerces… 37% Manufacture 25% Services 17% Construction 10% Transports 10% Origine des migrations Secteur informel ~70% Pauvreté : 73 % IDH : 0,638 Origine des migrations Pauvreté : 44,5 % IDH : 0,714 El Alto ville de migrants Intensité des migrations : 11 000 habitants en 1950; plus de 900 000 (> La Paz) aujourd’hui, encore près de 5% de croissance démographique annuelle. Fragmentation sociale et spatiale El Alto / La Paz Quelques chiffres (voir diapo) et explication principale : source et intensité des migrations + ségrégation D’où El Alto : une économie précaire et fragmentée (contexte de l’économie « populaire » que l’on va aborder) Secteurs du marché du travail (2000) Étatique 9,7 % Entrepreneurial 19,6 % Informel : > 70 % (semi-entrepreneurial : 19,8% ; Familial : 49,5% ; Domestique : 1,4 %) Branches d’activité (2000) Commerces, restauration et hôtellerie 37% Manufacture 25% Services 17% Construction 10% Transports 10% Source : F. Demoraes, 1998. © CODEPO - IRD, 2005 Source : INE, recensement 2001 7

Exemple : trajectoires de femmes artisanes à El Alto Être une professionnelle (santé, éducation, secrétariat…) Travail professionnel Avoir un meilleur revenu, « être quelqu’un » / « s’aider », maintenir son identité Reconnaissance sociale et monétaire (revenus) Migrer “Petits boulots” Avoir un meilleur revenu S’approvisionner en aliments, maintenir les liens communautaires Entrer dans un groupe, être artisane Avoir un autre revenu Se retirer Avoir un magasin Être indépendante / « s’aider » Travail plus digne et mieux payé, être indépendant / « s’aider » Travailler dans une usine Prendre soin de son foyer, ne pas gaspiller en transports, se former / « s’aider » Avoir un poste de vente (rue) Échelle (ascension) mais allers-retours Activités de génération de revenus multiples comme stratégie pour faire face à la vulnérabilité Femmes à la frontière entre productif / reproductif Vendre dans un magasin Travailler en cuisine, propreté, comme nourrice Tisser ou coudre pour un intermédiaire Types d’occupation Entreprise Commerce Sphère domestique Rural Groupe d’ES Professionelle Autres (sorties) Être vendeuse ambulante Semer et récolter ses terrains, aller travailler à la campagne Être employée domestique Aider de la famille Degré d’urbanisation

Plan Le cas d’étude Économie traditionnelle, informelle, populaire : trois approches distinctes L’économie populaire, l’administration domestique et l’échange marchand

Une économie « populaire » (1) Les oppositions classiques en économie du développement Économie traditionnelle / moderne Économie formelle / informelle Keith Hart (1971): la forme comme règle, prévisibilité OIT (1972) : empirie présumé; hors des cadres régulateurs, formalisation Limite commune : définitions par défaut Économie populaire : logiques et pratiques propres des groupes subalternes Dualisme traditionnel / moderne : arriéré / fondé sur la raison (au plan individuel et de l’organisation de la société). Variantes : (Dualisme social (Hoeke, 1953, Indonésie) : idée de deux secteurs désarticulés. Disparité présumée des techniques, genres de vie, revenus. Or articulations + contemporains et non évolution de la tradition vers la modernité.) Dualisme de Lewis (modernisation) par transfert de l’excédent de main-d’œuvre dans le secteur capitaliste (Dualisme technique de Higgins (1956) (antimodernisation) : secteur traditionnel se caractérise par coef. travail / capital flexibles. Croissance démographique et reflux de main-d'œuvre vers le secteur traditionnel, ou l’intensité de travail augmente et finalement la productivité marginale du travail tend vers zéro… ) Économie informelle Selon Keith Hart : l’informel prend sens par rapport à des formes, c'est-à-dire des règles, de la récurrence, prévisibilité, variables selon les époques (Années 1970 : bureaucratie dans capitalisme national, rationalisation au sens de Max Weber. Exemple des salaires, congés payés, remboursement de crédit…). Par opposition le secteur ou l’économie informelle dans les bidonvilles n’a pas cette régularité, prévisibilité. Limites de la dichotomie formel/informel : elle n’est pas heuristique pour aborder n’importe quel aspect de la vie économique, en particulier, la vie « domestique » cf. Hart « It would be stretching the logic of the formal / informal pair to include peasant economy, domestic life and much else in the rubric of the “informal” ». Selon l’OIT : théorie implicite d’un bas niveau de capital associé à un bas niveau de technique, de revenus dans de petites unités productives. Conséquence politique : accent mis sur la formalisation. Double critique : théorie implicite, dont découle notamment caractère très approximatif de la mesure statistique et surtout vision en négatif. Définitions par défaut : elles ne rentrent pas dans la logique interne des unités de production et reproduction, faute d’un outillage interdisciplinaire (notamment sociologique) adéquat (exception faite de l’approche de l’économie informelle selon Keith Hart mais dont l’utilité est spécifique). - Économie populaire : sociologues et économistes latino-américains à partir des années 1980. Notamment Razeto, 1984 ; Razeto et Calcagni, 1989 ; Larrachea et Nyssens, 1994 ; Coraggio, 1995 ; Núñez, 1995 ; Singer, 2000. Sarria Icaza et Tiriba (2006).

Une économie populaire (2) Socioéconomie Économie encastrée dans la société Observations ↔ concepts Logiques propres – rapports sociaux Pratiques économiques des groupes populaires Interdisciplinarité Caractérisation de l’économie populaire à partir de la définition: « l’ensemble des activités économiques et des pratiques sociales développées par les groupes populaires [moi : subalternes] en vue de garantir, par l’utilisation de leur force de travail et des ressources disponibles, la satisfaction des besoins de base, autant matériels qu’immatériels » (Sarria Icaza et Tiriba, 2006). B. Économie populaire comme partie de la socioéconomie, comprise comme un regard comportant trois caractéristiques principales : regard porté sur l’économie encastrée dans la société (son objet d’étude) regard interdisciplinaire : il mobilise des postulats, concepts et théories issues de plusieurs courants des sciences sociales en les articulant au sein d’ensembles cohérents. regard construit dans une interaction permanente entre le niveau des observations et celui des concepts et théories. Finalité de reproduction élargie de la vie Valorisation du travail 11

Plan Le cas d’étude Économie traditionnelle, informelle, populaire : trois approches distinctes L’économie populaire, l’administration domestique et l’échange marchand Montrer que l’approche de l’économie populaire va permettre de voir tout autre chose

L’approvisionnement du foyer Logique du groupe domestique (besoins) Parcelle Foyer Distinction nécessaire entre : les logiques (domestique et marchande) (bleu) les espaces (parcelles, foyers…) (carrés) les pratiques de production et de reproduction (losanges) vert : activités masculines par exemple atelier de mécanique, serrurerie… dans la maison et ouvrier dans une fabrique, chauffeur de minibus à l’extérieur rouge : activités féminines dont gros losange à l’intérieur = soin aux personnes (reproduction), petit losange à l’intérieur par exemple tienda ou activité artisanale, petit losange à l’extérieur par exemple laver du linge, vendre… violet : un enfant Logique de l’échange marchand (commutation) (Re-)production

Administration domestique et échange marchand Structure symétrique Marché à prix fluctuants Échange-commutation Réciprocité Groupe autarcique Solidarités entre pairs Interdépendances mécaniques Administration domestique Solidarités au sein de l’unité domestique Présentation systématique des principes Logiques (et non institutions : cf. diapo précédente) Structures idéelles Interdépendances Permet de démêler les principes et de comprendre la complexité (sans doute croissante) Changement de perspective : administration domestique et non échange-marchand au centre Économie humaine; en particulier économie populaire, mais aussi reprivatisation de la protection sociale Ambigüités du principe « d’administration domestique » Householding et principe de partage (plus que d’administration) en vue de la satisfaction des besoins Construction sociale des besoins, hiérarchies fondées sur le sexe et l’âge Permet de comprendre les inégalités Légende : Structure d’échange Principe d’interdépendance entre personnes Structure centralisée Redistribution Solidarités hiérarchiques

Hiérarchies et inégalités Logique du groupe domestique (besoins) Parcelle Foyer Double hiérarchie : À l’intérieur du foyer, fondée sur la division sexuelle du travail (travail productif / reproductif) À l’extérieur, où le désavantage porté par les femmes du fait de cette division se cumule avec la faible valorisation des produits et de la main-d’œuvre et les discriminations dans l’accès à l’emploi. Total : brèche de revenus de 60 % dans le secteur informel. Logique de l’échange marchand (commutation) (Re-)production

Conclusion Regards différents portés sur les mêmes pratiques économiques Économie populaire ≠ informelle ≠ traditionnelle Plus ou moins complets et heuristiques Hypothèse : nécessité de concepts interdisciplinaires Approfondissements disciplinaires / visions interdisciplinaires « holistes » Exemple des principes d’intégration économique