Etudier une affiche de propagande HDA : L’affiche rouge Etudier une affiche de propagande
L’affiche rouge est une affiche de propagande L'Affiche rouge est une affiche de propagande placardée en France dans le contexte de la condamnation à mort de 23 membres des FTP- MOI de la région parisienne, et de l'exécution de 22 d'entre eux le 21 février 1944. (wikipedia)
Etude de l’image : Quelles sont les couleurs dominantes? Pourquoi? Comment cette affiche est- elle constituée? Comment les divers éléments sont-ils disposés? Quels sont les objectifs de cette affiche?
Cette affiche de propagande allemande de mars 1944 a pour objet de discréditer la résistance, aux yeux de la population française. Pour cela, elle joue sur les ressorts psychologiques de la peur et de la xénophobie. Cette affiche s'impose au public par son grand format (120x80 cm) et l'emprise de la couleur rouge. Dans sa partie supérieure, elle présente les visages inquiétants de 10 hommes. Sous chaque portrait figure son nom à consonance étrangère, sa religion s'il est juif et/ou son appartenance politique s'il s'agit d’un communiste. Le nombre d'«attentats» imputable à chacun est mentionné. Sous le médaillon de Manouchian, le chef du groupe, apparaît le nombre de morts causés par ses actions. Le choix des couleurs est révélateur du message transmis : le rouge, couleur du sang et du communisme pour le fond de l'affiche, le blanc pour la question en caractères gras qui interpelle les Français («des libérateurs ?»), le rouge de nouveau pour la réponse : «Ia libération par l'armée du crime !». Le message est sans équivoque : les étrangers, les juifs et les communistes, se livrent, en France, à des activités criminelles, en prétendant agir pour la libération du pays. Cette affiche est éditée par le bureau de la propagande allemande en France et diffusée après le procès de ces résistants. Elle a également été imprimée sous forme de tracts (petit format). Au verso de ces feuilles volantes, figure le texte suivant : Voici la Preuve, Si des Français pillent volent/sabotent et tuent. Ce sont toujours des étrangers qui les commandent Ce sont toujours des chômeurs et des criminels qui exécutent. Ce sont toujours les Juifs qui les inspirent. C'EST L'ARMÉE DU CRIME CONTRE LA FRANCE (invalides.org)
Que raconte cette affiche de propagande? Début 1942, les Brigades spéciales de la Préfecture de police de Paris travaillent en étroite collaboration avec les Services de Sécurité allemands au démantèlement des organisations politiques et militaires de la Résistance. Les jeunes hommes de l'affiche rouge font partie des F.T.P-M.O.I (Francs-Tireurs et Partisans- Main d'Oeuvre Immigrée), une émanation du parti communiste français. Missak Manouchian assure, depuis août 1942, la direction militaire de l'organisation qui comprend des militants et des combattants, étrangers, français ou juifs. Ce groupe participe à plusieurs actions violentes contre l'occupant, notamment l'élimination, le 28 septembre 1943, de Lucius Ritter, qui supervise le Service du Travail Obligatoire pour le compte de Sauckel qui dirige l’ensemble de ce service pour le Reich. Manoukian est arrêté le 16 novembre 1943. Le réseau a-t-il été dénoncé ou est-il repéré à la suite des filatures des Brigades spéciales ? Le débat n'est pas clos. Manouchian est jugé avec 22 membres de son groupe. Les autorités allemandes veulent donner un grand retentissement au procès «des 23». Les accusés sont condamnés à mort et exécutés, pour la plupart, le 21 février 1944, à 15h00, au Mont- Valérien. L'affiche, parue au mois de mars (après le procès) est placardée dans de nombreux villages et villes de France. La propagande allemande assimile les résistants au grand banditisme tout en attisant la xénophobie et l'antisémitisme (réels ou supposés) de l'opinion : ces étrangers, ces communistes, ces juifs participent à un complot «anti-français». Elle cherche également à susciter un sentiment de peur et d'insécurité en étalant les photos des victimes et des sabotages. Il est difficile de mesurer l'impact de cette action de propagande dans l'opinion française. «L'affiche rouge» devient un des symboles de la résistance après la guerre : le poème d’Aragon mis en musique par Léo Ferré n’est écrit qu’en 1955. (invalides.org)
Qui était Manouchian? Missak (dit Michel) Manouchian, né le 1er septembre 1906 à Adıyaman dans l'Empire ottoman, mort fusillé à 37 ans au fort du Mont-Valérien le 21 février 1944, est un poète français d'origine arménienne, un militant communiste (responsable de la section arménienne de la MOI) et un résistant (commissaire militaire des FTP-MOI de la région parisienne). Bien que principalement connu pour son rôle dans la Résistance, en particulier à cause de « l'Affiche rouge », il était avant tout un intellectuel et un poète . (wikipedia) PRIVATION La question, des amis parfois me la posent: " Comment vis-tu donc, et comment l'âme ardente Veux-tu donner force aux cœurs qu'a fuis l'espoir ? Le pain et le besoin sont ton lot pourtant." Quand j'erre dans les rues d'une métropole, Toutes les misères, tous les dénuements, Lamentation et révolte l'une à l'autre, Mes yeux les rassemblent, mon âme les loge. Je les mêle ainsi à ma souffrance intime, Préparant avec les poisons de la haine Un âcre sérum – cet autre sang qui coule Par tous les vaisseaux de ma chair, de mon âme. Cet élixir vous semblerait-il étrange ? Il me rend du moins la conscience du tigre, Lorsque dents et poings serrés, tout de violence, Je passe par les rues d'une métropole. Et qu'on dise de moi: il est fou d'ivresse, Flux et reflux d'une vision Ne cessent d'investir mes propres pensées, Et je me hâte, assuré de la victoire.
La dernière lettre de Manouchian : Lettre à Mélinée Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée, Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, je n’y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais. Que puis-je t’écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps. Je m’étais engagé dans l’Armée de Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous... J’ai un regret profond de ne t’avoir pas rendue heureuse, j’aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d’avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu’un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi à ta sœur et à mes neveux. Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l’armée française de la libération. Avec l’aide des amis qui voudront bien m’honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d’être lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie. Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l’heure avec le courage et la sérénité d’un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n’ai fait de mal à personne et si je l’ai fait, je l’ai fait sans haine. Aujourd’hui, il y a du soleil. C’est en regardant le soleil et la belle nature que j’ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus. Je t’embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur. Adieu. Ton ami, ton camarade, ton mari. Manouchian Michel. P.S. J’ai quinze mille francs dans la valise de la rue de Plaisance. Si tu peux les prendre, rends mes dettes et donne le reste à Armène. M. M.
La postérité En s'inspirant de la dernière lettre de Missak Manouchian à sa femme avant son exécution, Louis Aragon écrit le poème Strophes pour se souvenir en 1955, à l'occasion de l'inauguration de la rue du Groupe-Manouchian située dans le 20e arrondissement de Paris. Ce poème est mis en musique et chanté par Léo Ferré en 1959. Depuis il a très souvent été repris par d'autres chanteurs. (wikipedia) Strophes pour se souvenir « Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes Ni l'orgue ni la prière aux agonisants Onze ans déjà que cela passe vite onze ans Vous vous étiez servi simplement de vos armes La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants L'affiche qui semblait une tache de sang Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles Y cherchait un effet de peur sur les passants (…) »
À l'initiative de Robert Badinter, une proposition de loi, votée le 22 octobre 1997 décide de l’édification d’un monument à la mémoire de tous les résistants et otages fusillés au fort du Mont-Valérien entre 1940 et 1944. Un monument, réalisé par le sculpteur et plasticien Pascal Convert, à la mémoire de ces 1 006 fusillés est inauguré le 20 septembre 2003. (wikipedia)
Pour aller plus loin : La chanson de Léo Ferré : L’interprétation de Léni Escudero : Le film de Robert Guediguian « L’Armée du crime » http://www.youtube.com/watch?v=6HLB_EVtJK4 http://www.larmeeducrime-lefilm.com/ http://www.youtube.com/watch?v=n9nrq4o2OQ4