Le trafic international de drogues illégales Rémi Boivin, Ph.D. Professeur adjoint École de criminologie Université de Montréal
Les réseaux, c’est aussi ça!
Plan de la conférence Partie 1 : Partie 2 : Partie 3 : L’analyse de réseaux macrosociaux Le trafic transnational de drogues illégales Partie 2 : Les sources de données Les défis Les difficultés Partie 3 : Questions/discussions
Première partie
Petit rappel Analyse de réseaux : Analyse des relations entre des unités L’unité peut être un pays ou un État Ce type d’analyse nécessite des données relationnelles et donc porte sur certains types de phénomènes (ex : échanges)
Le commerce international L’économie mondiale est un système d’échanges entre pays Ce système se manifeste principalement par le biais d’importations et d’exportations
Le commerce international : analyse des échanges
Études sur le world-system Concepts : Wallerstein (1974 ; 1979) Chase-Dunn (1989) Analyses empiriques Snyder & Kick (1979) Smith & White (1992) Mahutga (2006) Coeur Périphérie Semi-périphérie Exportation de marchandises peu spécialisées (ex : céréales, vêtements, etc.) Exportation de marchandises spécialisées (ex : machinerie, équipement électronique, etc.)
Le world-system : propositions Le monde est un système capitaliste qui comporte plusieurs régions réparties selon une hiérarchie cœur/périphérie. Certains processus ne peuvent être compris et analysés qu’à un niveau plus global que le pays ou l’État, soit le système-monde. Les États, à travers le système interétatique, jouent un rôle majeur dans la formation des systèmes-mondes.
Mahutga (2006) La hiérarchie cœur/périphérie a-t-elle une existence empirique? L’inégalité est-elle une caractéristique de l’économie-monde? La globalisation observée depuis 1965 s’est-elle accompagnée de changements structurels?
Mahutga (2006) 53 pays Block models Commerce international de 4 types de marchandises : Machinerie (spécialisée) Papier/gaz naturel (extraction de ressources naturelles) Vêtements (manufacturée, peu spécialisée) Aliments 53 pays Block models La position est déterminée seulement par la quantité d’échanges commerciaux
Mahutga (2006) : Résultats Il y a des types de pays : Les pays du cœur ont des contacts commerciaux diversifiés Il y a de l’inégalité au niveau de l’accès aux marchandises Le système est très stable (les riches restent riches, les pauvres restent pauvres) Ex : No 1 = USA, no 53 = Togo
Constats principaux L’inégalité caractérise le commerce L’analyse des relations entre pays permet une meilleure compréhension de plusieurs phénomènes Le réseau d’échanges ne s’est pas structuré au hasard (preuve : la stabilité) Boivin, R. (2010). Le monde à l’envers ? Vers une approche structurelle du trafic transnational de drogues illicites. Déviance et Société, 34, 93-114.
Définitions Trafic : échange généralement volontaire d’un bien illégal entre des producteurs, des distributeurs et des consommateurs, dans un contexte de marché (Naylor, 2003) Transnational : qui concerne plusieurs États […]
Les infractions transnationales L’ONU indique qu’une infraction est transnationale si : elle est commise dans plus d’un État, elle est commise dans un État mais qu’une partie substantielle de sa préparation, de sa planification, de sa conduite ou de son contrôle a lieu dans un autre État, elle est commise dans un État mais implique un groupe criminel organisé qui se livre à des activités criminelles dans plus d’un État ou elle est commise dans un État mais a des effets substantiels dans un autre État
Les 4 grandes familles La cocaïne Les opiacés Le cannabis Les drogues de synthèse
La cocaïne Qu’est-ce que c’est? Dérivée d’une plante (la coca) Synthétisée pour la première fois vers 1860
1 tonne (1000 kg) de feuilles de coca = 1 kg de cocaïne La cocaïne Alors, cocaïne 101 : la cocaïne est une drogue stimulante, qui est dérivée d’une plante qui pousse naturellement en Amérique du sud. Très grossièrement, on commence par faire macérer les feuilles dans du jus de lime. Ensuite, on les assèche. On met un peu de kérosène et d’acide sulfurique, on filtre et on obtient une pâte par précipitation. Ensuite, on dissout la pâte dans d’autres produits chimiques et on obtient la base. Finalement, le même principe, on dissout la base dans quelques acides, et on obtient la cocaïne par précipitation (Casale & Klein, 1993). Il y a donc plusieurs manipulations qui ont souvent lieu à proximité du lieu de production. La raison est assez simple : ça prend 1 tonne (1000 kilos) de feuilles de coca pour produire un kilo de cocaïne. C’est pas évident à transporter… La cocaïne ressemble à la photo de droite. L’usage le plus courant est la « sniff », mais elle peut aussi être injectée ou fumée. La coke peut aussi être transformée en crack, qui se présente sous forme de roches. Feuilles de coca Pâte Base Cocaïne 1 tonne (1000 kg) de feuilles de coca = 1 kg de cocaïne
La cocaïne : d’où ça vient?
L’héroïne Qu’est-ce que c’est? Dérivée d’une plante Synthétisée pour la première fois en 1874
Les opiacés - L’héroïne Les transformations ont souvent lieu à proximité du lieu de production. La cocaïne est une drogue stimulante. La coke peut être transformée en crack. Pavot Opium Morphine Héroïne 200 000 - 400 000 capsules = 7 - 10 kg d’opium = 1 kg d’héroïne 21
L’héroïne : d’où ça vient?
Le cannabis Qu’est-ce que c’est? La marijuana : herbe La résine (haschich) Les autres préparations
La production mondiale de cannabis
Les drogues de synthèse Regroupe plusieurs drogues, dont ecstasy, amphétamines et meth Production, trafic et consommation en forte progression au cours des 20 dernières années Attention médiatique importante
Que contiennent les drogues de synthèse? Rapport d’analyse des drogues de synthèse saisies au Québec, 2007-2008 À Montréal, 9% des comprimés ne contenaient aucune drogue…
Les précurseurs Pour faire les drogues de synthèse, il faut des précurseurs et d’autres produits chimiques (souvent légaux) Faciles à trouver
Les drogues de synthèse : d’où ça vient?
En bref 4 drogues, 4 marchés Marchandises peu spécialisées Cocaïne : 1 source (empire-monde) Héroïne : 3 sources Cannabis : plusieurs sources (économie-monde) Synthèse : plusieurs sources, surtout des pays développés Marchandises peu spécialisées Consommation répandue = demande élevée = trafic transnational Questions : Quelles sont les filières de trafic? Quels sont les rôles joués par différents pays? Et pourquoi? Quel impact a la position d’un pays sur le prix, les saisies, la consommation, etc.?
Pause!
Deuxième partie Les sources de données et l’analyse
Besoins et pièges Besoins : Pièges : Une variable relationnelle Des variables explicatives pertinentes Pièges : Manquer d’information Analyser un échantillon non-représentatif de pays Analyser des données non-comparables Analyser des données farfelues
Les sources de données ouvertes (web) UNODC European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs Transparency International UN Data
La caverne d’Ali-Baba : l’UNODC unodc.org
La caverne d’Ali-Baba : l’UNODC Rapport d’analyse sommaire avec annexes statistiques Données brutes, facilement exportables dans Excel
L’UNODC : les données disponibles World drug report : Production Saisies (kg ; par pays) Prévalence de consommation (%) Prix (par kg ; par g) Démantèlement de laboratoires Bases de données : Nombre de saisies (par pays) Format téléchargeable Farrell, G. & Mansur, K. & Tullis, M. (1996). Cocaine And Heroin In Europe 1983-1993 : A Cross-National Comparison Of Trafficking And Prices. British Journal Of Criminology, 36(2), 255-281.
European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction emcdda.europa.eu
L’EMCDDA : les données disponibles Country reports : Information variée pour (presque) tous les pays européens Saisies, prévalence de consommation, prix, etc. Certaines informations sur le trafic Feuilles de données : Même information, sous forme téléchargeable
Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs state.gov International Narcotics Control Strategy Report
Le BINLEA : les données disponibles International Narcotics Control Strategy Report : Rapport avec information sur le trafic dans tous les pays du monde Centré sur ce qui touche les USA Feuilles de données : ?????
Transparency International transparency.org
Transparency International : les données disponibles Corruption Perceptions Index: Classement annuel (avec cote sur 10), exportable en Excel Plusieurs infos sur la corruption dans le monde
Autres informations : UN Data data.un.org
UN Data: les données disponibles You name it… Population Produit national brut Indice d’inégalité GINI Importations/exportations Immigration/émigration … Format .csv (exportable en Excel)
Reconstruire un réseau criminel mondial En 4 étapes faciles…
Étape 1 : Recueillir des données relationnelles Bi-annual seizure report Provenance, destination Rapports d’observation Décrit le trafic X X X X
Étape 2 : Constituer des matrices de relations Les choix à faire Un échantillon de pays? Qualité inégale des informations… Lien manquant = absence de lien? Relations réciproques? Quantifier le trafic? Quelle période? 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 0 0
Étape 3 : Utiliser un ou des logiciels d’analyse Moi : Pajek et UCINET. Pourquoi? Pajek : Moins user-friendly… Accepte les listes et les transforme en matrices Gère les très gros réseaux Analyses de bases, pas faciles à produire… Visualisation un peu moche UCINET : Le précurseur, le plus connu, facile d’utilisation Accepte plusieurs formats (dont Pajek) Optimal avec les matrices Grand nombre d’analyses faciles à produire Résultats faciles à exporter en Excel Visualisation un peu mieux que Pajek
Étape 4 : Analyser les réseaux et les caractéristiques des unités Le réseau comme intérêt de recherche Densité Cliques Blocks Comparaisons Les mesures de réseaux comme variables explicatives Centralité Courtage Degree Distance
Résultat
En résumé
Conclusion L’analyse de réseaux s’applique à des niveaux d’agrégation plus grands que l’individu Benson, J. S. & S. H. Decker. (2010). The Organizational Structure Of International Drug Smuggling. Journal Of Criminal Justice, 38, 130-138. Il existe des données sur plusieurs phénomènes relationnels Les outils sont les mêmes À de tels niveaux, les chercheurs peuvent prétendre étudier des « populations »
Merci! remi.boivin@umontreal.ca