La liberté des choix de gestion des difficultés de lentreprise. Rennes – Novembre 2006 Annie Ruyer
Introduction Accroche… Un environnement libéral qui prône la liberté dentreprendre. Une liberté toutefois susceptible de connaître des limites induites par le besoin dassurer la pérennité du système économique et social. Un cadre juridique qui donne lisibilité et sécurité aux acteurs.
Introduction Définition des termes du sujet… Lentreprise est une entité économique, un ensemble de moyens financiers, matériels, humains organisés en vue de la satisfaction dobjectifs de nature économique. Cest un acteur économique majeur dans la mesure où il crée et distribue des richesses et exerce ainsi un fort impact sur lactivité économique et sociale de lenvironnement dans lequel il se trouve.
Introduction Définition des termes du sujet. Le chef dentreprise pose des choix de gestion en toute liberté sous réserve des dispositions légales ou réglementaires qui simposent à lui.
Introduction Définition des termes du sujet. Lentreprise peut connaître des difficultés, cest-à-dire ne pas parvenir à mobiliser les moyens nécessaires pour atteindre ses objectifs. Ces difficultés peuvent avoir des causes juridiques (fusion, modification de la situation juridique…), des causes économiques (perte de marché, baisse du chiffre daffaire, hausse du coût des ressources…), des causes purement financières (besoin de financement insatisfait, capitaux propres devenus inférieurs à la moitié du capital social et recapitalisation impossible…).
Introduction Définition des termes du sujet. Le pivot des difficultés financières est la situation de cessation des paiements, situation communément appelée « faillite ». Dans le cadre de notre sujet, lentreprise qui connaît des difficultés est ou nest pas en situation de cessation des paiements ; si elle ne lest pas, elle se trouve dans une situation quelle nest pas en mesure de surmonter seule. Dune certaine manière, lentreprise na pas su conserver la confiance de ses partenaires.
Introduction Historique Lorsquune entreprise connaît des difficultés, les répercussions de cet état sétendent à son environnement. Cest la raison pour laquelle le législateur a cherché à donner des réponses au problème soulevé par les difficultés de lentreprise. Historiquement, la faillite de lentreprise est une situation honteuse. La survenance de cette situation a été considérée, tout au long du XIXème siècle et jusquà la première moitié du XXème siècle, comme un fait délictueux : le failli était pénalement responsable et ses biens faisaient lobjet dune liquidation forcée.
Introduction Historique Dans un souci dune meilleure efficacité économique, le législateur sest emparée de la question par des lois successives au cours de la période des trente glorieuses, introduisant en 1955 une procédure de règlement contractuel avec les créanciers puis des mesures préventives avec une procédure de suspension des poursuites en Avec le retournement économique le rapport Sudreau de 1975 préconisait des mesures nouvelles qui nont abouti que tardivement avec les lois de 1984 (prévention des difficultés) et de 1985 (traitement des difficultés), lois réformées en 1994.
Introduction Elargissement Mises en œuvre pour sauver les entreprises et les emplois au mépris des créanciers, ces lois dépourvues de souplesse ont rapidement montré leurs limites : une incapacité à répondre aux besoins de lenvironnement économique et social. Or, dans un contexte économique mondialisé où les frontières seffacent mais où des acteurs économiques, des hommes, restent profondément attachés à un territoire, il importe de donner des réponses pertinentes à la question du devenir de lentreprise en difficulté.
Introduction Enjeux Quels sont les enjeux de cette situation ? Lattractivité du territoire en vue de drainer, retenir les capitaux nécessaires au développement économique et social… …en permettant, notamment en cas de difficultés, dassurer la pérennité des entreprises, la sauvegarde des emplois dans le respect des intérêts des créanciers… …grâce à des mesures susceptibles de conjuguer sécurité juridique et souplesse de la liberté contractuelle, procédures judiciaires et liberté de choix des procédures…
Introduction Enjeux En effet, en économie ouverte, il faut aussi résoudre la question de la mise en concurrence de notre droit avec les systèmes étrangers, dans un souci de compétitivité et de performances conformes à lintérêt général.
Introduction Une réponse… La loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises et son décret dapplication du 28 décembre 2005, entrés en vigueur au 1 er janvier 2006, sont une réponse, même si il est trop tôt pour faire un bilan. Cest une loi aboutie dont le contenu a fait lobjet de longs et larges débats, associant aux côtés de nos parlementaires, la chancellerie et les différentes catégories de professionnels intéressés. Cest une loi qui sinscrit à la suite des procédures préventives des difficultés qui nont pas fait, elles, lobjet dune réforme ; procédures qui rendent le chef dentreprise, ou certaines parties prenantes ou responsables de poser un diagnostic régulier sur la situation.
Introduction Nous allons montrer que la nouvelle loi offre des opportunités de choix de gestion des difficultés aux chefs dentreprise dans la mesure où la situation de lentreprise nest pas irrémédiablement compromise ; des choix limités toutefois par la décision des juges du fait de limpact exercé par ses décisions dans un souci de sécurité juridique. 1. Dans le cadre du recours aux procédures amiables. 2. Dans le cadre du recours aux procédures judiciaires.
Partie Liberté de choix et recours aux procédures amiables. Les procédures amiables offrent au représentant de lentreprise, au débiteur, la capacité de saisir le juge en vue dobtenir louverture dun dialogue avec ses créanciers, dialogue rendu possible du fait de la désignation judiciaire dun auxiliaire de la justice. La procédure doit permettre la conclusion dun accord entre les parties, accord dont les conditions sont librement consenties. L accord produisant des effets différents à la volonté du débiteur.
Partie 1. Procédure amiables Deux procédures sont alors possibles : la demande de désignation dun mandataire « ad hoc » et la demande de désignation dun conciliateur ; ce sont des procédures confidentielles. La demande de désignation dun mandataire « ad hoc » se fait par requête auprès du président du tribunal compétent. Ce dernier peut refuser louverture ; aucune voie de recours ne peut être exercée contre la décision du juge. Si le juge agrée la demande, alors il est libre de déterminer la mission du mandataire quil nomme. Cest une procédure susceptible de répondre avec grande efficacité aux problèmes posés à lentreprise.
Partie 1. Procédure amiables Nous étudierons donc la procédure de conciliation successivement à laide des points suivants : 1.1 Les conditions douverture de la procédure de conciliation et les limites à la liberté du chef dentreprise. 1.2 Le déroulement de la procédure de conciliation. 1.3 Les effets de la procédure de conciliation.
Partie 1. Procédure amiables 1.1 Les conditions douverture de la procédure de conciliation et les limites à la liberté du chef dentreprise. La procédure amiable de conciliation est ouverte aux entreprises qui connaissent des difficultés avérées ou prévisibles ou qui se trouvent en situation de cessation des paiements depuis 45 jours au maximum. Seul, le débiteur a la capacité dintroduire une requête auprès du président du tribunal compétent, dossier argumenté à lappui.
Partie 1. Procédure amiables Le juge apprécie la demande et statue. Le juge peut toutefois, avant de statuer, convoquer le dirigeant, obtenir communication de renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique et financière du débiteur, charger un expert de son choix détablir un rapport… Aucune voie de recours ne peut être exercée contre la décision du juge.
Partie 1. Procédures amiables 1.2 Le déroulement de la procédure. La mission du conciliateur nommé par le juge est déterminée par les textes de loi. Le conciliateur a essentiellement pour mission de favoriser la conclusion dun accord amiable entre lentreprise et ses principaux créanciers en vue de mettre fin aux difficultés… Le conciliateur a aussi pour mission auxiliaire de présenter toute proposition se rapportant à la sauvegarde de lentreprise comme « des apports dargent frais », des restructurations.
Partie 1. Procédures amiables 1.3 Les effets de la procédure de conciliation. En cas de succès de la conciliation, le débiteur et les créanciers visés sont parvenus à un accord mettant fin aux difficultés de lentreprise. Le débiteur remet au président du tribunal une déclaration attestant quil ne se trouvait pas en situation de cessation de paiement au moment de la conclusion de laccord ou que laccord y a mis fin. Sur requête conjointe des parties, le juge fait un constat de laccord et lui donne la force exécutoire. En cas de refus par le juge, aucun recours nest ouvert.
Partie 1. Procédures amiables Le débiteur a la capacité à demander, en lieu et place du constat, lhomologation de laccord si celui-ci permet la pérennité de lentreprise et quil ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non signataires. Le tribunal statue après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, les créanciers parties à laccord, les membres du comité dentreprise, le conciliateur… Si le tribunal agrée la demande, le commissaire aux comptes est informé et la décision fait lobjet dune publicité à linitiative du greffier. Les tiers, informés, peuvent former une tierce opposition. En cas de refus dhomologation, lappel est possible.
Partie 1. Procédures amiables Lhomologation de laccord entraîne, notamment, des effets très favorables au débiteur dans la mesure où il suspend, pendant toute la durée de son exécution, toute poursuite individuelle dans le but dobtenir paiement des créances qui en font lobjet ainsi que les délais impartis aux créanciers parties à laccord (à peine de déchéance des droits afférents aux créances visées).
Liaison partie 1. / partie 2. Ces procédures sont susceptibles de connaître des limites dans la mesure, notamment, où elles ne concernent pas tous les créanciers. Dune certaine manière, on pourrait dire que ces procédures sont réservées aux cas où un nombre restreint de créanciers est concerné par la mise en difficulté de lentreprise, peu importe sa taille. Par ailleurs, aucune autre mesure que cette capacité de dialogue ne peut être introduite et suivie deffet. Le législateur a élargi les choix de recours aux procédures amiables et leur a donné une force incitative ; il na pas négligé doffrir à lentreprise une même palette aux procédures judiciaires.
Partie Liberté de choix et recours aux procédures judiciaires. Les procédures judiciaires sont celles qui sont diligentées par un tribunal. Elles sinscrivent dans le respect de la publicité des débats et de la décision. Elles offrent dautres possibilités de traitement des difficultés que le simple dialogue avec les créanciers. Trois procédures sont possibles : la procédure de sauvegarde, la procédure de redressement judiciaire et la procédure de liquidation judiciaire. Seules les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire seront traitées ici.
Partie 2 Procédures judiciaires Nous mettrons en parallèle ces procédures notamment eu égard aux conditions douverture, à leur déroulement et à leurs effets. Dans ces procédures, il y a peu de place laissée à la liberté des choix de gestion de lentreprise ; une certaine liberté « contractuelle » est donnée aux créanciers. 2.1 Les conditions de validité de louverture des procédures. 2.2 Le déroulement de ces procédures et notamment le rôle des créanciers. 2.3 Les effets de ces procédures.
Partie 2. Procédures judiciaires 2.1 Les conditions de validité de louverture des procédures. La procédure de sauvegarde est ouverte au débiteur qui doit justifier de difficultés quil nest pas en mesure de surmonter et qui sont de nature à le conduire à la cessation des paiements. En cas de refus du tribunal dagréer à la demande, le débiteur peut faire appel. Le jugement douverture dune procédure de sauvegarde fait lobjet dune publicité à linitiative du greffier.
Partie 2. Procédures judiciaires La procédure de redressement judiciaire est ouverte au débiteur qui se trouve en situation de cessation des paiements, dans les 45 jours de la survenance de lévénement. Le tribunal se prononce à la demande du débiteur mais aussi sur assignation dun créancier ; le tribunal peut sautosaisir, notamment lorsque le comité dentreprise a porté à sa connaissance léventuelle survenance dune situation de cessation des paiements, lorsque le commissaire aux comptes a porté à sa connaissance lexercice de son droit dalerte ou à la demande du ministère public.
Partie 2. Procédures judiciaires Le débiteur perd sa liberté de choix de gestion des difficultés lorsquil est assigné devant le tribunal, à moins quil nait demandé au préalable louverture dune procédure de conciliation. Le tribunal ne statue régulièrement quaprès avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, les représentants élus du personnel et toute personne dont laudition lui paraît utile. Le tribunal peut désigner un juge chargé de recueillir tout renseignement sur la situation financière, économique et sociale de lentreprise auprès du commissaire aux comptes, des membres et représentants du personnel, des administrations et organismes publics, des établissements de crédit. Le juge désigné peut se faire assister par tout expert de son choix.
Partie 2. Procédures judiciaires 2.2 Le déroulement de ces procédures et notamment le rôle des créanciers. La décision favorable du tribunal ouvre une période dobservation dune durée de six mois, quelle que soit la procédure (sauvegarde ou redressement judiciaire). Le tribunal nomme des organes qui vont intervenir dans le déroulement de la période dobservation, notamment un administrateur judiciaire et un mandataire judiciaire qui va représenter les intérêts des créanciers.
Partie 2. Procédures judiciaires Ladministrateur judiciaire va avoir une mission différenciée suivant la procédure : - Dans la procédure de sauvegarde, le chef dentreprise conserve son pouvoir de gestion. Le tribunal confèrera à ladministrateur judiciaire la mission de surveiller la gestion faite par le chef dentreprise ou lui demandera dassister le chef dentreprise pour tous les actes relatifs à la gestion ou pour certains dentre eux. - Dans la procédure de redressement judiciaire, le chef dentreprise est dessaisi en tout ou partie de son pouvoir de gestion. Ladministrateur judiciaire reçoit la mission dassister le débiteur… ou celle dassurer seul, en totalité ou en partie, ladministration de lentreprise.
Partie 2. Procédures judiciaires Dans les deux procédures, les créanciers doivent déclarer leurs créances et accepter ou rejeter les propositions de remise de dette ou détalement des délais permettant à lentreprise de sortir de ses difficultés. Dans les entreprises dont les comptes ont été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable et dont le nombre de salariés est supérieur à 150 ou le CAHT supérieur à 20 millions deuros, doivent être constitués deux comités de créanciers. Dans les autres entreprises, la mise en place de ces comités est facultative.
Partie 2. Procédures judiciaires Ces comités rassemblent dune part les établissements de crédit, dautre part les fournisseurs dès lors que leur créance atteint au moins 5% de lensemble. Sont donc exclus les petits créanciers et les organismes publics. Pour eux, cest le régime de droit commun qui sapplique (traitement individuel des propositions). Le débiteur fait des propositions de règlement des difficultés à chaque comité ; après discussions avec le débiteur, les comités se prononcent en assemblée à la majorité des membres représentant au moins les deux tiers du montant des créances du comité visé. En cas de refus des propositions, le régime de droit commun sapplique.
Partie 2. Procédures judiciaires Dans ces procédures judiciaires, le dialogue est ouvert avec les comités de créanciers qui cherchent à discerner leur intérêt commun dans le traitement des difficultés de leur débiteur. Il y a une approche collective dynamique de la situation. Le débiteur peut soutenir sa position, recueillir les arguments des créanciers, améliorer ses propositions… Il appartiendra au tribunal darrêter le plan décidé par chaque comité, plan qui simposera à tous les membres.
Partie 2. Procédures judiciaires 2.3 Les effets de ces procédures. En fin de période dobservation, ladministrateur judiciaire présente un plan de sauvegarde ou de redressement au tribunal qui statue après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, le mandataire judiciaire les représentants du comité dentreprise. La décision du tribunal peut, suivant les propositions argumentées de ladministrateur judiciaire, décider larrêt, ladjonction, la cession dune ou de plusieurs activités de lentreprise.
Partie 2. Procédures judiciaires Dans la procédure judiciaire de redressement, le tribunal peut même aller jusquà ordonner la cession totale ou partielle de lentreprise si le débiteur apparaît dans limpossibilité dassurer lui-même le redressement. Lorsque le débiteur fait le choix des procédures judiciaires, il perd la maîtrise du devenir de son entreprise.