Auteur: Sandra Duvnjak Présentateur: Françoise Laurent Dépistage et prise en charge des violences conjugales par le médecin généraliste: création d’une maquette d’information Abstract n° 163 Auteur: Sandra Duvnjak Présentateur: Françoise Laurent Adresse mail du présentateur: dr.f.laurent@gmail.com DUMG Marseille Communication orale congrès de Rouen Novembre 2010 j’ai l’honneur de vous présenter le travail de thèse de Sandra Duvnjak sur le dépistage et PEC des violences conjugales par le médecin généraliste: création d’une maquette d’information. Avant de vous présenter notre étude, nous allons tout d’abord voir brièvement ce que représentent les violences conjugales.
Les violences conjugales Verbales, psychologiques, physiques, sexuelles, économiques et administratives. Répétition selon un cycle: agression rémission « Lune de miel » tension Plusieurs définitions des violences conjugales sont proposées, nous avons retenu celle du rapport Henrion de 2001, rapport ministériel qui centre le problème des violences conjugales par rapport aux professionnels de santé. Les violences conjugales représente « un processus évolutif au cours duquel un partenaire exerce les violences dans le cadre d’une relation dominante. Elles se distinguent des conflits de couple ou une certaine symétrie des rapport est respectée. Ces violences sont polymorphes: elles peuvent être verbales, psychologiques, physiques, sexuelles ou économiques. Elles se déroulent selon un cycle comprenant plusieurs phases: la tension , l’agression , la rémission et la lune de miel . Ce cycle se répète, constituant une spirale, allant crescendo en fréquence et en intensité au cours du temps. Ces violences sont majoritairement a l’encontre des femmes. Selon l’Enquête Nationale des Violences Envers les Femmes en France , elles concernent 9% des femmes de notre pays, toutes formes confondues et principalement sont forme de violences psychologiques. Ces violences touchent toutes les catégories socio professionnelles néanmoins certaines populations sont plus exposées: comme les femmes jeunes, les étudiantes ou les chômeuses non indemnisées. Certains facteurs précipitants ont été distingués: les périodes de séparation, la précarité, la grossesse et l’alcoolisme du conjoint. Précisons que si l’alcoolisme multiple le risque de survenue de violence au sein du couple, il n’y a pas de relation simple et causale entre violence et alcool: ainsi une étude du CNRS montre que la proportion d’auteurs de violences répétés est importante chez les individus qualifiés de sobres. Afin d’appréhender les violences conjugales il donc convient d’écarter des idées reçues: le terme de femme battue ne rend pas compte de la réalité, ces violences n’épargnent aucune catégories socio professionnelles et l’image de l’agresseur comme un monstre fou et alcoolique est lacunaire. Ces violences constituent un enjeux de santé publique par leur fréquence mais aussi par leur conséquences en terme de santé.
Les violences conjugales: Principalement envers les femmes. Prévalence: 9% en France en 2001. Concernent toutes les catégories socioprofessionnelles. Plusieurs facteurs de risque. Pas de relation simple et causale avec l’alcool.
Conséquences sur la santé: Troubles psychologiques. Lésions traumatiques et autres troubles somatiques notamment gynécologiques. Le décès: tous les 2 jours et demi une femme meurt. Répercussions sur la grossesse. Exposition des enfants: victimes collatérales ou directes. Violence transgénérationnelle. Les violences conjugales même sans agressions physiques, engendrent chez la victime des troubles psychologiques altérant la mémoire, l’alimentation, le sommeil ainsi que des pathologies psychiatriques type addictions, syndrome anxio-dépressifs, syndrome de stress post traumatique ; avec une augmentation du risque de suicide (5 fois plus élevé selon certaines études). Les victimes sont exposées à des lésions traumatiques de topographie et sévérité variable mais touchant principalement le visage car « atteindre le visage c’est nier l’autre , l’empêcher de communiquer ». Les victimes peuvent présenter des troubles somatiques surtout de nature gynécologiques ( lésions périnéales, IST dont le VIH, dysménorrhées, douleurs pelviennes) et des troubles somatoformes comme les troubles fonctionnels intestinaux. Ce climat peut aboutir a de funestes issues: en France tous les 2 jours et demi une femme décède suite à des violences conjugales (en comparaison, tous les 14 jours un homme est victime de sa compagne). La grossesse n’est malheureusement pas une période d’accalmie: la prévalence de violences lors de la grossesse dans les pays industrialisés est estimée entre 3 et 8%,. L’étude de Silverman sur plus de 100 000 grossesses a retrouvé chez les femmes enceintes victimes un risque significatif de survenue de complications telles que prématurité, pathologies placentaires, HTA, diabète. Les mécanismes invoqués sont indirects avec les modifications endocrines et comportementales maternelles, les mécanismes directs traumatiques sont plus rarement mis en cause. Cet environnement violent peut affecté l’enfant, dés le stade in utéro, et en grandissant celui-ci n’est pas un simple témoin mais une victime collatérale. En effet, il souffre lui aussi de troubles psychosomatiques, psychologiques ou du comportement.. Un enfant exposé a 6 à 15 fois plus de risque de devenir lui aussi victime de violences. Concernant la violence transgénérationnelle celle-ci n’est pas une fatalité: la majorité des auteurs de violences n’ont pas été témoins de violences conjugales. Néanmoins, les filles témoins de violences conjugales ont 4 fois plus de risque d’en être victime une fois à l’âge adulte. L’ampleur de ses effets sur la santé rend nécessaire de favoriser l’information des médecins sur le sujet, d’autant qu’ils représentent un interlocuteur privilégié pour les victimes et ceci avant la police. Face à un sujet intrinsèquement problématique et sans signes cliniques spécifiques, la sensibilisation des médecins généralistes est fondamentale pour favoriser le dépistage et optimiser une prise en charge qui revêt plusieurs facettes (avec le soin sur le plan psychologique et somatique, la rédaction du certificat médical et l’orientation de la victime). Hors bien que le rapport Henrion préconise de mettre à disposition des médecins des fiches techniques simples sur le sujet, de telles maquettes n’ont pas été conçues à ca jour dans notre département. Afin de réaliser une proposition de maquette correspondant aux besoins des praticiens, nous avons effectuée notre étude.
Rôles du médecin généraliste: Interlocuteur privilégié. Rôles multiples: Le soin La rédaction du certificat médical initial Le conseil et l’orientation de la victime Le suivi Information des médecins primordiale
L’ étude: Objectifs: Attentes des médecins sur une maquette sur le dépistage et la prise en charge des violences conjugales. Etat des lieux face aux violences conjugales: les difficultés ressenties et les idées d’amélioration. L’ objectif principal de notre étude était de cibler les attentes des médecins généralistes à propos d’une maquette de sensibilisation sur le dépistage et la prise en charge des victimes de violences conjugales. L’objectif secondaire était de faire un état des lieux concernant les difficultés rencontrées par les médecins et leur idées pour améliorer la situation. Nous avons donc réaliser un questionnaire envoyé à 516 médecins généralistes des Bouches du Rhône, sélectionné par tirage au sort,des 4 premiers noms par lettres alphabetiques des pages jaunes
Méthode: Questionnaire par courrier postal. Août 2009 à Novembre 2009. Sur un échantillon sélectionné au hasard de médecins généralistes des Bouches du Rhône. n=516 Le questionnaire était anonyme, composé de 15 questions dont 2 ouvertes et envoyé par courrier postal durant le mois D’aout 2009. Les retours se sont échelonnés jusqu’en Novembre 2009 date de clôture. Les 2 premières questions précisaient le lieu d’exercice, l’âge et le sexe des participants. Les questions suivantes portent sur la formations des médecins avec les diplômes complémentaires éventuels (type expertise du dommage corporel, gynécologie médicale, psychologie ou autre) et la participation à une formation médicale continue sur le sujet. Les questions 5-6-7 évaluaient le pourcentage de femmes majeures dans la patientèle, le nombre de cas de violences conjugales estimés au cours de l’année précédente et le nombre de certificats rédigés. Les médecins sont ensuite interrogés sur l’utilisation éventuelle d’un support d’information et de son adaptation à la pratique. Puis nous leur demandions de qualifier l’intérêt de la diffusion d’une maquette d’information sur les violences conjugales selon les termes très utiles, utiles, peu utiles ou inutile et de choisir le type de support préférentiel (nous leur proposions feuillet type A4, CD rom ou livret). A propos du contenu de la maquette, nous leur avons demandé de classer selon un ordre de priorité de 1 à 4 les thématiques suivantes: les éléments devant conduire à un dépistage des violences conjugales, les points clés d’une consultation, les points juridiques essentiels, les contacts et réseaux locaux d’aides aux victimes. Les 2 dernières questions fermées interrogeaient sur la distribution de brochure d’information pour les victimes et sur leur intérêt de participer à une EPP sur le thème. Les 2 dernières questions étaient ouvertes afin de connaitre les éléments considérés comme problématiques dans le dépistage et/ou la PEC des victimes puis leur idées afin d’améliorer ces points.
Résultats : Taux de réponse: 28% Eléments démographiques: 58% hors Marseille 73% d’hommes 39% âge entre 51 et 60 ans Eléments professionnels: Majorité sans DU/DIU ni FMC pour 97% 48% de femmes, 4% cas annuels en moyenne avec 3% CMI Support d’information: 86% n’utilisent pas de support d’information 80% jugent utile ou très utile la diffusion d’une maquette, version A4 Ordre priorité: points clés consultation>éléments dépistage>réseau local> points juridiques 92% ne distribuent pas de brochure 59% ne sont pas intéressés pour EPP Nous avons obtenus 145 réponses sur 516 envois soit un de taux de réponse de 28%. Concernant les résultats démographiques, 58% des réponses se situent hors de Marseille, avec une forte proportion de médecins masculins soit 72% d’hommes. La majorité des participants ont un âge entre 51 et 60 ans, avec un âge moyen de 52 ans. La majorité des médecins participants n’ont pas de diplôme complémentaires et 97% n’ont pas suivis de FMC sur le sujet. En moyenne, la patientèle est constituée à moitié de femmes majeures, avec une estimation de 4,14 cas en moyenne au cours de l’année précédente et 3,3 CMI rédigés. A noter que les médecins ayant des diplômes complémentaires n’ont pas plus de femmes dans leur patientèle et ils ne sont pas confrontés à plus de cas de violences. Concernant le support d’information, 86% des médecins n’en utilisent pas et 80,3% jugent la diffusion d’une maquette d’information sur les violences conjugales utile ou très utile, préférentiellement sous forme de feuillet A4 Le contenu de la maquette est établit selon cet ordre de priorité: tout d’abord les points clés de la consultation suivis des éléments de dépistage puis les réseaux locaux. Les points juridiques sont eux considérés comme non prioritaires . Par ailleurs, 92% des médecins ne remettent pas de prospectus d’aide aux victimes. Enfin, la plupart des participants ne sont pas intéressés par une EPP sur le sujet. Voyons ensuite les résultats des questions ouvertes.
Discussion: Taux de réponse satisfaisant. Contraintes des questions ouvertes. Nombre de cas annuels estimés plus élevé: évolution du signalement; biais de mémoire possible . Confirmation d’un manque d’information et d’un isolement des médecins. Objectifs atteints: orientation de la maquette et panorama de la situation. Notre étude peut se satisfaire d’un taux de réponse de 28% correct pour ce type d’enquête par courrier postal. Les questions ouvertes ont permis de dégager de nombreuses thématiques mais ont souffert d’un taux plus important de non réponses et leur analyse a nécessité la mise en place de catégories avec une synthèse des propos. Notre étude a retrouvé un nombre de cas annuel plus important que le rapport Henrion , 4% en moyenne versus 2, ce qui peut être le reflet d’une évolution du signalement auprès des médecins car le rapport date de 2001 mais cette estimation peut aussi souffrir du biais de mémoire. Notre enquête a confirmé que les médecins se sentent mal informés sur cette thématique et qu’ils se trouvent isolés dans la prise en charge avec des réseaux locaux inconnu , éléments qui avaient été mis en relief lors d’une précédente étude de 2002 et qui restent malheureusement d’actualité. Nos objectifs ont été atteints: l’étude a montré un intérêt de la part des médecins a propos d’une maquette d’information sur les violences conjugales, celle-ci trouverait une place en pratique. De plus nous avons ciblé leur attentes du support sur la forme et le fond .
manque d’information, soucis protection, difficultés dépistage , temps Discussion: difficultés déni, refus plainte, difficultés socio-éco, peur, ambivalence, culpabilité (45%) manque d’information, soucis protection, difficultés dépistage , temps (16%) idées FMC, maquette, multidisciplinarité, dépistage, amélioration temps de consultation et du dialogue L’objectif secondaire a permis de saisir les difficultés ressenties et les idées proposées par les médecins. Ce constat exposé , outre le panorama de la situation qu’il offre, a renforcé l’intérêt même que constitue la maquette car on remarque que cette brochure pourrait répondre en partie aux difficultés rencontrés que ça soit face à la victime ou dans la pratique médicale et qu’elle représente un des outils proposés spontanément afin d ’améliorer la situation.. La sensibilisation des médecins pourrait permettre une plus grande facilité dans la gestion des affects des victimes , d’ouvrir des perspectives alternatives et/ou complémentaires au dépôt de plainte et de mettre la victime en relation avec les réseaux locaux permettant ainsi une prise en charge multidisciplinaire (particulièrement pertinente en présence de difficultés socio-économiques ou de nécessité de protéger la victime.) D’autre part, le manque d’information sur le sujet reste une doléance des médecins et notre brochure pourrait être une des modalités afin de le combler. Elle permettrait d’informer sur les signes devant favoriser un dépistage et de donner des clés de communication pour dépister, dialoguer permettant ainsi une plus grande aisance et une meilleure gestion du temps de consultation. La maquette
Discussion: idées difficultés Campagnes d’information grand public Sujet tabou (15%) Réseau local inconnu (7%) idées Campagnes d’information grand public Affiches dans la salle d’attente Notre étude a malheureusement montré que les violences conjugales représentent toujours un tabou constituant une de difficultés rencontrées par les médecins. Le corolaire de ceci est l’idée souvent formulée de la nécessité d’information du grand public via les campagnes d’information et les affiches dans la salle d’attente. Ces réponses sont étonnantes car ces moyens existent déjà, on peut donc se questionner sur l’impact des campagnes publiques ( leur diffusion est elle suffisante, sont elles efficaces, car les médecins représentent une partie de la société). Quant aux affiches d’informations elles sont aussi déjà diffusées mais face à ces réponses on peut déduire qu’elles ne parviennent pas suffisamment aux médecins et qu’en outre ceux-ci sont demandeurs. On peut faire un constat similaire à propos des réseaux locaux d’aide aux victimes: ils manquent de visibilité aux yeux des médecins et encore une fois ceux-ci souhaitent mieux les connaitre. Le rôle de ces réseaux est fondamental car ils participent au soutien concret et à l’autonomisation des victimes, aides qu’une réponse policière seule ne saurait apporter et qui permet de soulager le médecin dans la PEC des victimes. Mauvaise articulation des moyens existants
Conclusion Réalisation d’une proposition de maquette selon l’étude. Initiative régionale d’information selon des modalités techniques de diffusion à définir. Diffusion sous forme de kit ? Information globale nécessaire: Grande Cause Nationale 2010. Pour conclure, notre étude a permis d’orienter la réalisation d’ une proposition de maquette que vous avez à disposition: elle est donc sous forme de brochure feuillet, abordant principalement le dépistage (nous présentons les signaux d’alerte comme de multiples RDV annulés au dernier moment, des consultations répétées pour des motifs bénins, le refus de visite a domicile , les périodes critiques et les signes principaux présentés par la victimes mais aussi éventuellement par les enfants exposés). Pour les points clés de la consultation médicale nous avons insisté sur le dialogue en précisant que le mode de communication optimal est l’attitude de compréhension (reformulation) et non de conseil (non prise en compte du vécu) et nous donnons des phrases concrètes plus ou moins directes pour amorcer le dialogue et le dépistage, ces formules sont tirées du site sivic.org de la commission européennes à propos des violences conjugales pour les professionnels de santé. L’objectif de ce dialogue est aussi de rechercher des signes de gravité tels que les menaces de mort, la présence d’arme, la violence envers les enfants. Au cours de la consultation, il peut être utile de mettre au point un plan de sécurité avec la victime (mettre à l’abri les papiers importants, informer des proches, plan de repli en cas de situation grave et d’informer sur les aides, numéro nationale, foyers etc..). Nous exposons les associations et foyers de notre département avec leur coordonnées et le numéro national d’aide au victime le 3919. Les points juridiques étant évoqués brièvement: l’accord de la victime est nécessaire pour le signalement sauf mineur, incapacité, devoir d’intervention si péril imminent et grave. Cette proposition de maquette pourrait s’inscrire dans une initiative régionale d’information des médecins généralistes, selon des modalités techniques qui restent à définir et en complémentarité avec les Formation Médicales Continues. Face aux remarques du corps médical, notre projet pourrait être diffuser sous forme de kit avec qlq brochures d’aides aux victimes et une affiche dans la salle d’attente. La diffusion de l’information sur les violences conjugales sera d’autant plus pertinente qu’elle se positionne dans une approche globale à destination des professionnels de santé mais aussi du grand public. Cette nécessité semble trouver écho dans l’actualité car les violences conjugales sont déclarées grande cause nationale 2010 permettant ainsi à des organismes a but non lucratifs et agrées, la diffusion gratuite de 12 messages d’intérêt général sur le service public radio et télévisuel.