Stanislas Dehaene Collège de France

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Transcription de la présentation:

Comment l’apprentissage de la lecture modifie-t-il les circuits cérébraux? Stanislas Dehaene Collège de France Unité INSERM-CEA de “Neuroimagerie Cognitive” Service Hospitalier Frédéric Joliot CEA, Orsay www.unicog.org

Quel circuit cérébral mobilise-t-on pour lire? Apprendre à lire consiste à créer une représentation visuelle abstraite des mots écrits la mettre en connexion avec les aires cérébrales codant pour les sons et les sens Articulation Sons Sens Entrées visuelles Aire occipito-temporale ventrale (forme visuelle des mots)

Y a-t-il de grandes différences d’une personne à l’autre? Non. Le cerveau semble ne disposer qu’une seule solution pour apprendre à lire. 1440 1449 1448 1450 Tous les bons lecteurs activent la région occipito-temporale gauche (ici, sept personnes différentes) Toutes les écritures du monde font appel à la même région (avec de petites variations) (ici, lecture en japonais, Kanji ou Kana) Activation plus forte en anglais qu’en italien Z=-12 patiente Participants normaux Inversion de l’aire de la forme visuelle des mots En cas de lésion, la lecture est détériorée (mais la région droite prend en partie le relais)

Comment ce circuit se développe-t-il? Son développement est lent et semble étroitement lié à l’acquisition progressive d’une expertise pour les mots écrits. La quantité d’activation occipito-temporale gauche prédit les scores de lecture. L’activation se focalise progressivement vers la région occipito-temporale gauche entre 6 et 10 ans. Le développement semble continuer même après l’adolescence (« on apprend à lire… en lisant »). L’activation est anormalement faible chez l’enfant dyslexique. L’activation remonte après une rééducation spécifique. Enfants normaux Dyslexiques avant l’entraînement Différence avant-après l’entraînement

Que fait la région occipito-temporale ventrale gauche? Elle existe chez tous les primates, où elle intervient dans la reconnaissance des objets, des visages, des lieux… Elle apprend À reconnaître les lettres et les mots dans une écriture donnée Quelle que soit la position et la police En faisant progressivement abstraction de la forme visuelle La région code de façon identique: ministère, MINISTERE, MiNiStErE MOTS

Taille et structure du champ récepteur Exemples de stimuli préférés Qu’apprend-elle exactement? Cela n’est pas encore bien connu – peut-être une pyramide hiérarchique de neurones codant pour les lettres, les graphèmes, les bigrammes, les morphèmes Taille et structure du champ récepteur Exemples de stimuli préférés En vraiment COMMENT + - E Invariance pour l’angle de vue Combinaisons de traits selon une configuration et un angle de vue défini Taille des champs récepteurs (en degrés) Accroissement des champs récepteurs

Que peut-on en conclure pour l’apprentissage de la lecture? Quelques conclusions fortes: L’apprentissage de la lecture mobilise un circuit cérébral similaire chez tous. Il doit donc être possible d’identifier des méthodes optimales et universelles d’enseignement. La région occipito-temporale ne fonctionne pas par « reconnaissance globale du mot ». Ni la forme globale ni le contour des mots ne semblent utilisés. Il y a une illusion de lecture globale, liée au fait que la lecture devient progressivement parallèle (indépendante du nombre de lettres). En réalité notre système visuel décompose les mots écrits en fragments abstraits (lettres, graphèmes, bigrammes, morphèmes). Ces fragments gagnent sans doute à être enseignés explicitement (rôle possible de l’attention visuelle et du geste d’écriture). Nombre de lettres Temps de lecture Quelques nuances cruciales: Les données des neurosciences sont compatibles avec une grande variété de méthodes d’enseignement. Pas de conclusion évidente concernant méthodes analytiques versus synthétiques Utilité d’un enseignement conjoint de la phonologie et de la morphologie. Les neurosciences cognitives ne doivent pas servir d’alibi à une politique d’enseignement. En dépit d’une certaine fascination pour la neuroimagerie, ses conclusions sont fragmentaires et son utilité pratique limitée. La priorité doit être d’utiliser les méthodes de la psychologie cognitive afin de mesurer l’impact de différentes stratégies d’enseignement. Cette recherche doit être développée en français, qui pose des problèmes spécifiques.