Marie Cabit et Emmanuel Lecomte. Anarchie Réunion préparée avec Marie Cabit et Emmanuel Lecomte. 1. Étymologie / Définitions 2. Notions / Concepts / Prise de vue: Typologies des régimes politiques. 3. Questions / Discussion : 3 questions, 20 mn environ par question. 4. En guise de conclusion
Étymologie et définitions Anarchie vient du grec ‘’a’’ préfixe privatif et de ‘’arkhê’’ commandement, pouvoir, autorité. Définitions : Larousse sur internet : • État d'une société caractérisée par un gouvernement ne disposant pas de l'autorité nécessaire, et en prise à des conflits désordonnés. Faire sortir un pays de l'anarchie. • État de désordre, de confusion dans un domaine d'activité, du fait de l'absence de règles, ou de leur inobservation : Anarchie économique, monétaire. Synonymes : chaos, confusion, désordre, pagaille (familier). Contraires : ordre, organisation. Dictionnaire de philosophie Durozoi-Roussel (extrait) : L’anarchie est l’état de désorganisation d’une société privée de gouvernement. L’anarchisme en tant que doctrine, rejette l’autorité de l’Etat et de l’Eglise (« Ni Dieu ni maître »), mais ne renvoie pas à l’idée d’anarchie au sens de désordre car celui-ci est alors considéré comme le résultat d’un excès d’autorité. L’anarchisme affirme la valeur souveraine de l’individu et prétend que les hommes, bons de nature, peuvent s’organiser eux-mêmes, librement, en communauté plus ou moins vastes, selon un mouvement ascendant à partir de l’entreprise jusqu’à la commune et au-delà. Ces associations libres et révocables sont à la base du fédéralisme que préconisent par exemple Proudhon -le père de l’anarchisme moderne- et aussi Bakounine, principal représentant du nihilisme russe.
Notions / Concepts / Prise de vue Typologies des régimes politiques. Comme Aristote, on peut penser qu’un régime politique est juste lorsque son objet est le bien commun, alors qu’il est injuste lorsqu’il a pour objet le bien de celui ou de ceux qui gouvernent. Typologie traditionnelle Qui gouverne ? Un seul Une minorité La majorité Dans quel but ? Pour le bien commun (juste) Monarchie Aristocratie Démocratie Pour ses intérêts (injuste ou dévoyé) Anarchie (désordre) Despotisme Oligarchie Dans la typologie traditionnelle des régimes politiques, l’anarchie n’est pas considérée comme un régime à part entière, mais plutôt comme la forme pathologique ou dévoyée de la démocratie. Ce qui pourrait rejoindre l’idée de Platon selon laquelle, l’anarchie est le destin de la démocratie.
Typologie où l’anarchie est un modèle à part entière Qui gouverne ? Personne Un seul Une minorité La majorité Tous Dans quel but ? Pour le bien commun (juste) s.o Monarchie Aristocratie Démocratie Anarchie Tyrannie (de la majorité) Pour ses intérêts (injuste ou dévoyé) Chaos Despotisme Oligarchie Chaos (selon Francis Dupuis-Déri professeur de science politique à l'Université de Montréal) L’anarchie est ainsi entendue comme le régime propre à des individus qui veulent vivre en commun dans un contexte de liberté et d’égalité réelles, sans être soumis à une autorité politique, fut-elle élue démocratiquement. Ce qui suppose : Une assemblée populaire où seraient discutées les orientations communes par recherche du consensus et non par simple majorité. L’absence d’appareil coercitif (police / justice) en charge de faire respecter la loi, la coercition étant inutile lorsque tout le monde est d’accord. L’anarchie en tant que régime politique par lequel une communauté se gouverne de façon consensuelle (donc sans autorité), n’est-elle pas de l’ordre de l’utopie ?
QUESTIONS La justice sans l’autorité est-t-elle concevable ? La liberté sans contrainte est-elle possible ? Doit-on tout rejeter de l’anarchie ?
La justice sans l’autorité est-t-elle concevable ? Animation Emmanuel Lecomte La justice n’est-elle que judiciaire ? La morale peut-elle suffire à la justice ? L’application de la loi pourrait-elle se passer de l’autorité coercitive ?
1. La justice sans l’autorité est-t-elle concevable ? Justice, équité ? La justice, l’une des quatre vertus de l’antiquité, est celle qui respecte : l’égalité (les droits des individus) et la légalité (le droit de la cité). « Est juste, toute action ou toute maxime qui permet à la libre volonté de chacun de coexister avec la liberté de tout autre suivant une loi universelle » disait Kant. L’équité, c’est la justice au sens moral. L’équité est un correctif de la loi disait Aristote, car la justice ne peut se réduire à l’égalité et à la légalité, pas plus que la morale à la loi. Si la justice au sens moral (l’équité) ne saurait se réduire au seul respect des lois (salaud légaliste), a contrario, n’est-ce pas parce nous manquons de morale que nous avons besoin des lois ? Autorité, ordre, pouvoir ? De même qu’il n’y a pas d’ordre (rangement) universel en soi (l’ordre est un désordre qui nous convient), l’ordre moral n’est-il pas relatif et subjectif ? L’ordre (commandement) universalise l’ordre (rangement). Ainsi l’ordre (commandement), la loi devient la norme applicable par tous, comme un minimum moral opposable à chacun. Faute d’une morale universelle, la loi qui ne va pas sans l’autorité (policière et judiciaire), n’est-elle pas incontournable pour vivre en société ? « Ne pouvant faire qu’il soit force d’obéir à la justice, on fait qu’il soit juste d’obéir à la force » dit Pascal Si aucun pouvoir n’est la justice; aucune justice ne serait-elle possible sans l’autorité du pouvoir ? 7
La liberté sans contrainte est-elle possible ? Au plan personnel ou intérieur ? Au plan extérieur ou collectif ? Morale et lois : même processus contraignant ?
2. La liberté sans contrainte est-elle possible ? Liberté intérieure ? Etre libre c’est faire ce que l’on veut, soit ! Mais faire ce que l’on veut sous l’emprise de ses passions, est-ce être libre ou en être esclave ? N’est-ce pas parce la raison libère qu’aucun tyran ne l’aime, pas plus que la vérité ? Pour Kant, la liberté repose sur la capacité de se déterminer en fonction d’une volonté morale sans laquelle il ne serait être question de liberté (postulat de la raison pratique). Comme le pensaient Leibniz et Spinoza, la liberté intérieure ne se conquiert-elle pas en suivant les conseils de la raison et de l’intelligence non dévoyée par la passion, donc en se contraignant ? Liberté extérieure ou collective ? « Quand chacun fait ce qui lui plaît, on fait souvent ce qui déplaît à d’autres et cela ne s’appelle pas un Etat libre » disait Rousseau De même que la liberté individuelle ne serait accessible qu’en se contraignant moralement, la liberté collective ne serait-elle possible que sous la contrainte de la loi ? Même si la morale et la loi limitent la liberté, n’en sont-elles pas la condition ? Parce que la dignité de l’homme reposerait sur cette capacité de se déterminer en fonction d’une volonté morale ou encore législative, et non en vertu de ses penchants qu’il ne peut que subir, paradoxalement, la liberté ne serait-elle accessible que sous la contrainte librement consentie ? 9
Doit-on tout rejeter de l’anarchie ? La démocratie représentative n’est-elle pas perfectible ? Le désordre est-il l’unique héritage de l’anarchie ?
3. Doit-on tout rejeter de l’anarchie ? La démocratie représentative n’est-elle pas perfectible ? La possibilité d’existence de sa forme dévoyée que constitue ‘‘ La tyrannie de la majorité ’’ ne tendrait-elle pas à prouver que la démocratie a des points faibles ? Les dérives oligarchiques des démocraties, ne constituent-elles pas un risque qui mériterait d’être écarté ? L’exercice du pouvoir de coercition pour l’application des lois, ne risque-t-il pas de faire obstacle aux droits d’expression et/ou de revendication ? Bien qu’il existe des ‘‘contrepoids ’’ aux risques de dérives des démocraties, (notamment la séparation des pouvoirs), qui pourrait douter que le modèle de la démocratie représentative ne soit pas perfectible en vue d’une amélioration du bien commun ? A propos du consensus ? Pour l’anarchisme optimiste, c’est uniquement dans un régime sans autorité(s) formelle( s) qu’il est possible d’atteindre le bien commun entendu de façon consensuelle comme le bien de tous les membres de la communauté. Pour l’anarchisme pessimiste, il y aurait une pluralité de manières d’être anarchiste et des individus s’autoproclamant « anarchistes » seraient sans doute incapables de s’entendre au cours d’un processus délibératif sur une définition du bien commun et encore moins sur la manière de le défendre et de le promouvoir. Une telle tension entre anarchisme optimiste et pessimiste, ne prouve-t-elle pas que le consensus est à la fois un idéal et une utopie ? Tout rejeter de l’anarchie, ne revient-il pas à abandonner partiellement l’idée de bien commun en renonçant au consensus ? Un tel rejet n’appauvrit-il pas notre réflexion philosophique et notre compréhension de la complexité de la réalité politique ? Ne conduit-il pas à un certain immobilisme? 11
La justice sans la force n’est-elle qu’un rêve ? En guise de conclusion La justice sans la force n’est-elle qu’un rêve ? La liberté sans contrainte n’est-elle qu’utopie ? « L’anarchie ferait un parfait régime pour des anges; c’est ce qui la rend suspecte de bêtise (*) ou d’angélisme. » dit ACS (*) Pascal « Qui veut faire l’ange fait la bête » Mais pourquoi faudrait-il rejeter « le bébé » consensus avec « l’eau du bain » anarchie ?
Toutes les informations et documents sont disponibles sur : Prochaines réunions A la Maison des Savoirs d’Agde de 18h30 à 20h : "Déterminisme" : mardi 11 décembre "Ataraxie" (tranquillité de l'âme): mardi 15 janvier "Inné-Acquis" : mardi 12 février "Transcendance" : mardi 12 mars "Confiance" : mardi 9 avril A la MAM Béziers de 18h30 à 20h : " La morale est-elle un concept dépassé ? " : mercredi 5 décembre " Le hasard existe-t-il ? " : mercredi 20 mars Fête de la philo de la MAM Béziers du 23 au 27 janvier : Conférence d’ACS samedi 26 janvier à 18h " Amour, générosité, solidarité, trois façons de vivre ensemble ? " Toutes les informations et documents sont disponibles sur : http://www.cafe-philo.eu/ 13