Une approche éducative des technologies de communication à l'école Les travaux du projet Mailbox, le Rapport de synthèse (en anglais ou en français) et les Guidelines (en anglais avec une introduction en français et en italien) et la série des articles produits tout au long du projet Mailbox sont les compléments naturels de ce kit de formation. La mise en œuvre du kit de formation de Mailbox suppose une prise de connaissance et un effort d'approfondissement et d'appropriation des résultats du projet. Les travaux de Mailbox sont disponibles au téléchargement à l'adresse http://tecfa.unige.ch/socrates-mailbox et sont pour certains d'entre eux également édités par le partenaire norvégien de Mailbox dans des versions commercialisées (Nasjonalt Læremiddelsenter-NLS-NCER, Grev Wedels plass 1 - Militaerhospitalet, P.O. Box 8194 Dep, No-0034 Oslo, Fax: +4722476552). Une bibliographie succinte Cyberculture, Pierre Lévy, 1997, Ed Odile Jacob Des machines et des hommes, Monique Linard, 1996, L'Harmattan(2ème ed) Enseigner, scénario pour un métier nouveau, Philippe Meirieu, 1989, ESF (8ème éd. 1995) Enseigner, agir dans l'urgence décider dans l'incertitude, Philippe Perrenoud, 1996, ESF Environment Behaviour Model, Beacon project, OTE, 1992, DELTA programme, EC. Implementation scenarios, Beacon project, OTE, 1994, DELTA programme, EC. Le futur des enseignants, Eric Barchechath, CESTA, 1987 Programme FAST, CE L'école à l'heure d'Internet, Serge Pouts-Lajus, Marielle Riché-Magnier, 1998, Nathan L'éducation, entrée dans la culture, Jerome Bruner, 1996, Retz L'intelligence collective, Pierre Lévy, 1994, Ed La Découverte Organisational Issues, Scienter, 1996, DG22, EC. Pays de connaissances, Michel Authier, 1998, Ed du Rocher Standardisation et Individualisation, la mutation de l'appareil de formation, OTE, 1994. DFP. Steps towards good practice, Tribune Collection Issue n°7, 1995, DELTA programme, EC. Transformative Dimensions of Adult Learning, Jack Mezirow, 1991, Jossey-Bass Publishers MAILBOX, un projet du Programme SOCRATES-EOD 1996-1998 de la DG 22 de la Commission européenne
Points de repère Idéologie Spécificité Modèles Usages de la communication Ingénierie Professionnalité Parce qu'il fallait pouvoir donner un cadre plus général sur les transformations du métier d'enseignant pour resituer de manière plus complète les apports de MAILBOX dans le mouvement plus vaste qui voit la progressive incorporation des technologies de l'information et de la communication dans les systèmes éducatifs, ce «Training Seminar Kit» déborde les résultats stricts du projet MAILBOX Dans tous les cas, cette suite de transparents ne se veut pas un discours de vérité qui s'impose et dirait « le tout » des transformations en cours ; elle a pour fonction de stimuler la réflexion, de servir de support à des discussions, d'élargir la prise de vue sur les usages de technologies de communication dans l'enseignement primaire et secondaire. Selon les objectifs que l'on se fixe, elle peut être utilisée en guise d'introduction pour provoquer réflexion et discussion, à l'inverse pour conclure et inviter à mettre en ordre et formaliser les éléments de réflexion et de discussion, ou encore plus conformément à ses objectifs : comme un support de formation dont les séquences permettent aux participants de faire retour sur eux-mêmes. Il n'est pas proposé ici de formalisme sur les objectifs poursuivis par la formation, ni sur son déroulement, ni sur son évaluation : les formateurs chevronnés sauront très vite ce qu'ils peuvent tirer de ce matériel, les novices … également, et dans tous les cas : quelque chose ou rien. Quoi qu'il en soit nous invitons les utilisateurs à se sentir libre, à piocher et à laisser, à retirer et à ajouter, et surtout à construire avec ceux qui viendront se former les interactions et les partages d'expériences qui permettront à chacun de parvenir à des visions claires. Que ces visions soient en accord ou en désaccord avec notre propre expérience et nos visions importe peu : dans ce monde, il y a place pour plusieurs mondes coexistants … reste à en organiser la co-présence pacifique, au mieux par la sympathie, au pire par l'ignorance mutuelle.
IDÉOLOGIE L'idéologie est un facteur très important dans la culture de la profession enseignante. Si l'on considère les dynamiques sociales au sein de cette profession, on constatera que certains sont insatisfaits du système éducatif tel qu'il fonctionne et désireux de le voir changer, quand d'autres non. Certains souhaitent voir entrer les technologies dans les écoles et d'autres non. Mais tout ceux qui désirent le changement n'ont pas les yeux tournés vers la technologie et, de la même façon, tous ceux qui sont satisfaits du système éducatif tel qu'il est ne sont pas hostiles à l'usage de la technologie à l'école. Ce qui suit doit donc être utilisé pour provoquer un débat et conduire chacun à s'interroger sur ses propres «moteurs» et «motivations» dans l'exercice de son métier. Le diagramme proposé ne cherche pas à «dire le vrai» mais à projeter un champ problématique. En pratique, on s'aperçoit qu'il est rarement possible pour un individu donné de se situer exclusivement dans un des quatre cadrans représentés … c'est que les contradictions ne sont pas seulement présentes dans un jeu d'opposition entre des acteurs mais passent en chacun d'eux, pris individuellement. Il faut donc travailler sur ces tensions qui traversent chacun des acteurs de l'éducation et qui sont toutes défendables pour de bonnes raisons.
Comment se situer ? Evolution Involution Révolution Espace critique Utilitaristes souhaitant ne rien changer à leurs pratiques mais favorables à l'intégration des outils technologiques Utilitaristes et non-utilitaristes soucieux de transformation sociale et d'intégration des outils technologiques Utilitaristes et non-utilitaristes considérant que l'éducation, telle qu'elle est, est ce qu'elle doit être Non-utilitaristes à fortes références socio-politiques Radicalisme pour le changement social Curiosité / motivation à l'endroit de la technologie Indifférence / animosité à l'endroit de la technologie Aspiration au changement social Satisfaction du statu quo Un grand nombre d'enseignants se positionnent du point de vue éducatif dans une perspective idéologiquement «non-utilitariste» ou «non-instrumental» : ils mettent aux premiers plans de leurs soucis la socialisation, l'épanouissement des élèves qui leur sont confiés, l'initiative, la créativité, la responsabilité, la démocratie, etc. Ils pourront adopter alors trois positions : • Actifs pour le changement et passifs pour la technologie, ils considéreront que les problèmes de l'éducation sont des problèmes sociaux et politiques et que leur solution passe par la résolution des inégalités sociales et que l'école a bien d'autres urgences que l'utilisation des technologies. • Actifs pour le changement et pour la technologie, ils considéreront la technologie comme une opportunité de tout premier plan pour transformer en profondeur à la fois les perspectives de l'éducation et celles de la société. • Passifs à la fois pour le changement et pour la technologie, ils considéreront que l'école est ce qu'elle doit être et qu'elle permet de développer les perspectives non-utilitaristes auxquelles ils souscrivent, de communiquer les valeurs d'édification sociale et personnelle, et qu'à ces égards, les technologies n'ont aucune contribution à apporter à l'école. Symétriquement, un grand nombre d'enseignants se positionnent du point de vue éducatif dans une perspective idéologiquement «utilitariste» ou «instrumentale», mettant aux premiers plans de leurs soucis l'acquisition de connaissances et de savoir-faire, de comportements sociaux standardisés, la professionnalisation et la capacité à acquérir un métier, etc. • Actifs pour la technologie et passifs pour le changement, ils considéreront que la technologie les aide à faire ce qu'ils font déjà mais plus vite ou mieux. • Actifs pour le changement et pour la technologie, ils considéreront la technologie comme une opportunité de tout premier plan pour atteindre les objectifs de l'éducation, renouveler son organisation, contribuer ainsi au changement social. • Passifs à la fois pour le changement et pour la technologie, ils considéreront que l'école est ce qu'elle doit être et qu'elle n'est en aucune façon concernée par les développements de la technologie.
SPÉCIFICITÉ Trois caractéristiques essentielles font la spécificité de l'éducation et de la pratique éducative. Dans le cadre d'un séminaire de formation il est particulièrement intéressant d'amener les participants à ré-examiner leurs pratiques (ou leurs anticipations sur leus pratiques futures pour les enseignants en formation initiale) du point de vue de ces caractéristiques et du sens qu'ils leur donnent. « Prescription », « culture » et « service » se situent sur trois plans logiques et d'organisation distincts qui permettent de recomposer le paysage de l'éducation et de s'interroger de façon nouvelle sur les interactions entre les acteurs de l'éducation (familles, élèves, enseignants, élus, représentants des acteurs sociaux et économiques, etc.) et sur les interactions entre les enseignants et les élèves dans la pratique même de l'éducation.
3 caractéristiques essentielles Prescription Culture Service Prescription : L'éducation repose sur une prescription sociale. Ce ne sont pas les élèves qui sont demandeurs d'éducation, et par suite l'éducation ne peut pas s'analyser en terme de «consommation». Il est utile de s'interroger de nouveau sur le sens de cette prescription sociale, sur sa finalité et sa raison d'être car il y a plusieurs acteurs (familles, enseignants, élus, représentants des acteurs sociaux et économiques, etc.) qui sont parties prenantes et qu'ils ne voient pas tous les mêmes enjeux. En effet, pourquoi l'école ? Qui en attendait quoi hier, qui en attend quoi aujourd'hui ? Au bout du compte qui en sont les bénéficiaires directs et qui les indirects ? Culture : Toutes les contradictions de la réalité sociale convergent assez clairement sur les appareils de formation initiale. Ils doivent former les citoyens, les producteurs, les consommateurs, d’aujourd’hui et de demain, en garantissant le maintien des identités et des valeurs essentielles à la cohésion sociale et culturelle. Et bien évidemment, la manière de remplir cette fonction est culturellement située, alors même que bien des savoirs et des connaissances se parent des couleurs de l'universel. Dans la pratique éducative c'est une culture implicite qui est véhiculée, qui va bien au delà des savoirs formels du «programme». Service : En terme économique, l'éducation se définit comme la «production d'un service». Ce qui fait l'originalité de la production d'un «service» (par rapport à celle d'une marchandise) c'est que «prestataires» et «bénéficiaires» co-produisent ensemble le service. Cette compréhension nouvelle du service est d'un très grand apport pour l'éducation et pose de façon nouvelle le statut de l'apprenant et de la valeur d'apprentissage attachée aux interactions des apprenants entre eux. «Faire travailler les élèves» prend un sens différent de «donner un cours ou faire une leçon». La fonction «Apprendre» (à l'initiative des apprenants) complète celle d'«enseigner» (l'initiative de l'enseignant).
MODÈLES « Rien de plus pratique qu'une bonne théorie ». Parfois même une mauvaise théorie peut être utile, lorsqu'elle permet d'exercer son sens critique et qu'elle invite à la discussion. Les modèles permettent de représenter la réalité de façon simplifiée, ce qui est ici proposé, c'est de partir du modèle de représentation dominant de la pratique pédagogique et de voir quels sont aujourd'hui les correctifs qui sont le plus communément avancés. Il s'agit là encore d'inviter à la réflexion et au débat pour permettre aux participants de prendre la mesure et d'expliciter ce que le plus souvent ils savent de façon informelle et intuitive. Les arguments proposés intègrent des analyses de plusieurs sources qui sont mentionnées dans la bibliographie.
Le modèle de référence : Le triangle pédagogique Le savoir Enseigner Apprendre Le modèle de référence lorsqu'on parle d'éducation est celui du triangle pédagogique où, à travers « enseigner », « former » et « apprendre », se nouent les relations complexes entre le savoir, l'enseignant et l'élève. Le savoir enseigné connaît deux médiations : celle du maître qui introduit l'élève dans l'ordre de la connaissance (c'est à travers ce que le maître dit que j'apprends) et celle due à la transposition didactique (ce que l'on enseigne est le plus souvent une transposition du savoir et des connaissances pour les rendre plus accessibles à l'élève), la Physique du physicien a peu affaire avec la Physique que l'on enseigne. Peut-être faut-il s'interroger sur le pourquoi d'un tel état de fait ? Quelles sont les limites, aujourd'hui évidentes, de ce modèle ? Voici déjà quelques suggestions : • Il fait l'impasse sur les interactions sociales entre les élèves et sur leurs capacités d'apprentissage collectif. • Il ne retient que les dimensions et caractéristiques individuelles d'apprentissage ignorant les effets de contexte. • Il ne considère l'activité d'apprentissage des élèves que rapportée à l'action de formation et d'enseignement du maître. • Il fait reposer toute la réalité de l'éducation sur le génie du maître. • etc. Former L'enseignant L'élève
Le statut de la connaissance a changé Du donné au construit De la Vérité à la représentation négociée De l'appropriation individuelle à l'intelligence collective Changement de statut de la connaissance Si les comportements classiques d'acquisition du savoir, sous le mode passif de la consommation de connaissances sont remis en cause dans les perspectives actuelles de l'éducation c'est bien moins pour des raisons exogènes au monde de l'éducation (mondialisation, irruption des technologies nouvelles) que pour des raisons qui lui sont endogènes : le statut de la connaissance a changé, comme a changé le statut de la science. Le «vrai» de la science s'avère un construit social, ce n'est plus un «donné» ou un «caché» que l'activité scientifique dévoilerait, c'est le fruit d'une négociation complexe entre des acteurs sociaux : les scientifiques et les institutions qui les supportent. Cette transformation de statut, qui voit le réel résulter de l'institution d'une «représentation négociée» entre les acteurs, modifie en profondeur la donne pour l'école. Les évolutions ont conduit au cours de ces dernières années à renouveler la conception des interactions entre les hommes et la connaissance, tempérant une notion exclusive de connaissance «individuellement appropriée» pour penser une «intelligence collective», une «écologie cognitive». Les institutions éducatives ne peuvent plus véhiculer la même chose, elles ne peuvent plus opérer non plus selon les mêmes procédés didactiques, il faut que se traduise dans l'ordre de l'ingénierie pédagogique ce passage de la connaissance comme «donnée» à la connaissance comme «construit» individuel et collectif. Ceci appelle de nouveaux modèles de l'acte d'apprentissage et de ce qui se joue dans l'enseignement.
Transformation du modèle : apprendre … Le maître Rapport d'initiation Les autres élèves Une dynamique de l'apprentissage Rapport d'identité Rapport d'échange Soi Un modèle alternatif de l'acte d'apprentissage peut permettre d'engager une discussion sur l'expérience d'apprentissage comme apprenant et comme enseignant. Là encore les arguments présentés n'ont pas à ce stade d'autre vocation que d'amorcer une réflexion individuelle et collective. • La relation au maître est un rapport d'initiation à travers lequel se véhiculent moins des contenus ou des connaissances que des attitudes : c'est davantage un problème de «transfert» au sens psychanalytique (l'identification avec de «bons» modèles) qu'un problème de transmission de savoirs. • Le rapport avec les autres élèves s'inscrit dans une dynamique de relation et d'échange à travers laquelle se forgent les différences (entre les sexes notamment), les proximités, les ressemblances, points d'appui à la production de son identité, et à la production de soi-même comme «sujet connaissant». Dans cette espace de la relation et de l'échange se jouent les motivations, les compétitions, les émulations, les coopérations et les exclusions mutuelles, l'apprentissage des conventions minimales ou à défaut la découverte de leur nécessité. C'est au sein de ce collectif et de sa dynamique que l'école prend un sens partagé. • La relation avec les instruments (jouets, livres, ordinateurs, accessoires, etc.) permet de nommer, de comprendre et de faire : acquérir de l'information, la mettre en forme, l'organiser en systèmes de représentation signifiants, agir sur les situations de travail comme sur les situations sociales. • Le rapport à soi introduit la dimension réflexive de l’activité du sujet : un état de conscience actif, secret, méditatif à travers lequel chacun s'auto-produit comme sujet autonome, édifie son identité comme individu et comme personne, se met en position de producteur de sa propre connaissance. Cette schématisation ne doit pas faire oublier le contexte familial (notamment la fonction des parents parfois contremaîtres parfois anti-maîtres) et l'environnement humain et social. Rapport d'usage Les instruments
et enseigner... au delà d'enseigner Didactique Mimétique Epistémique Dynamique Les contenus de connaissance (le substrat) Les savoir-faire (les processus) Un monde à construire Un monde d'hypothèses et de modèles Un monde donné Un monde de vérités éternelles Imiter Reproduire Montrer Expliquer Mémoriser Restituer Penser Echanger Partager Résoudre des problèmes Animer Hériter S'approprier S'exprimer Assister On retrouve ici la problématique de «la centration sur l'élève». La reconnaissance de la capacité d'apprentissage autonome des élèves est trop souvent interprétée comme une «substitution» du «modèle de l'apprentissage par l'élève» au «modèle de l'enseignement par le maître». De fait, il ne faut pas rechercher la substitution mais l'intégration et la valorisation des capacités des élèves. En effet, que signifie au juste ce fameux slogan «mettre l'élève au centre» ? Que les stratégies des enseignants appellent des comportements en retour des apprenants et qu'au delà des stratégies mimétiques et didactiques, il faut compter sur et avec l'intelligence des élèves. Qu'au delà de l'explication se pose la question de l'interprétation. Par suite d'entre les activités conduites par les enseignants, davantage d'attention est à porter aux activités de création de situations d'apprentissage et à l'organisation d'activités pour mettre les élèves en position de tirer profit de leurs propres dispositions d'apprentissage, pour leur faciliter la maîtrise du patrimoine vivant de connaissances objectives dont ils sont les héritiers. Comment pouvons nous savoir ce que nous savons ? (Dimension epistémique). Pour leur faire ré-investir et s'approprier dans l'école leurs relations avec leur environnement non-scolaire, les mettre en situation de penser, d'échanger,de résoudre des problèmes, mesurer la valeur de l'intersubjectivité et des dynamiques d'interaction. Le très grand succès de la démocratisation de l'éducation a vu des populations nouvelles accéder massivement à l'éducation. Les générations nouvelles n'ont pas les caractéristiques sociales et culturelles de celles qui ont données à l'école les formes qu'elle a encore aujourd'hui. La trop exclusive considération de l'enseignant comme «quelqu'un qui fait un cours» s'avère à présent inadaptée à la plupart des élèves. Ceci, bien sûr, ne veut pas dire qu'il ne sert plus à rien de faire un cours … mais, «enseigner» s'est-il jamais exclusivement résumé à «faire des cours» ? Les relations qu'entretiennent entre eux les élèves se révèlent aujourd'hui comme un des ressorts-clé de la dynamique d'apprentissage. Une chose que l'on a toujours sue mais qui apparaît un peu comme la face cachée de l'apprentissage dans la mesure où l'on s'est trop rarement appuyé sur elle à des fins éducatives. A discuter: Apprendre, une catégorie disjointe et complémentaire d'enseigner. Les activités d'apprentissage autonomes des élèves: comment les susciter, les reconnaître, leur attribuer une place et une valeur ? Les interactions et les activités de coopération et de travail collaboratif, comment les organiser ?
La communication à l'école, une tresse à quatre brins Didactique Mimétique Epistémique Dynamique Les contenus de connaissance, le substrat Les savoir-faire, les processus Un monde à construire Un monde d'hypothèses et de modèles Un monde donné Un monde de vérités éternelles Communication comme transmission d'information Communication verbale Communication réflexive inter-temporelle Inter-générationelle Communication comme partage, mise en commun, intégrative, orchestrale Communication non verbale, kinesthésique, corporelle, visuelle Explication Interprétation Projection Interaction Dans l'école tout est communication. Et si l'on reprend le diagramme précédent, on peut pour chaque cadran préciser le type de communication qui y est mis en œuvre. La communication se présente ainsi comme une tresse à quatre brins. Dans l'espace Mimétique, la communication se conçoit comme kinesthésique, on refait les gestes dans l'imitation, on apprend des comportements sociaux par la reproduction de séquences d'actions ou d'interactions que l'on a vues, on fait "comme" ... pour être "comme" ... , on est dans l'ordre de la projection et de l'introjection. Du point de vue de la dynamique d'apprentissage, cette forme de communication est le support au rapport d'initiation. Bien des apprentissages implicites s'effectuent dans ce registre. Dans l'espace Didactique, la communication se conçoit comme transmission d'information, elle est dominée par le mode verbal, on est dans l'ordre de l'explication ou de la réflexion lorsque la transmission d'information s'effectue à travers l'écrit. Du point de vue de la dynamique d'apprentissage, cette forme de communication est le support aux rapports d'usage. Dans l'espace Epistémique, la communication est réflexive, mon dialogue intérieur s'appuie sur un dialogue avec ceux qui ont réfléchi longtemps avant moi et m'ont légué ce qu'ils savaient ou croyaient savoir : une communication à travers le temps, une communication entre les générations par laquelle je m'approprie un patrimoine de connaissances objectives en m'interrogeant sur ce qui fait que ces connaissances sont objectives ou ce qui fait que je les retiens pour telles. On est ici dans l'ordre de l'interprétation et de la maîtrise. La maîtrise est ici double, celle de l'enseignant qui sait mener l'élève sur ce chemin, celle de l'élève qui accède en même temps qu'à la connaissance à la capacité critique. Du point de vue de la dynamique d'apprentissage, cette forme de communication est le support au rapport d'identité. Dans l'espace Dynamique, la communication se conçoit comme partage et mise en commun, c'est une communication intégrationnelle et orchestrale au sein de laquelle tous les talents rassemblés s'expriment et contribuent à la définition du contexte et de l'action collective (faire société). On est dans l'ordre de l'interaction et de la construction sociale de la réalité. Du point de vue de la dynamique d'apprentissage, cette forme de communication est le support aux rapports d'échange.
Usages de la communication L'usage des technologies de communication dans la classe ressort immédiatement à l'organisation de la communication dans la classe et entre la classe et le monde extérieur. La prise en main des outils technologiques est d'une complexité décroissante et les questions de formation à l'utilisation des outils continueront de se poser tant que la convergence entre les rationalités techniques et les rationalités d'usage ne sera pas réalisée. Mais cette convergence ne peut s'opérer que dans le temps : les besoins des utilisateurs se construisant du fait même de l'existence et de la disponibilité des outils et des applications qui leur sont proposés. Si beaucoup reste à faire pour rendre ces outils plus facile d'utilisation, il ne faut pas pour autant mythifier leur difficulté de prise en main. Même s'ils sont à bien des égards "immatures" (il suffit de rapporter leurs ambitions démesurées à l'absence de preuves du bien fondé de ces ambitions) il ne faut pas écarter les apports réels de ces outils à la pratique pédagogique tant dans l'enseignement primaire que secondaire. Sauf que … ces apports ne sont pas forcément là où on les attendait … Certes, il se fait beaucoup de choses dans une classe et nul (excepté peut-être certains experts qui n'ont jamais vu une classe de près) n'imagine que chaque élève utilisera les outils disponibles 6h ou 8h par jour … Mais la plus grande surprise des observateurs du projet MAILBOX qui ont pu suivre en continu les usages des technologies de l'information et de la communication, pendant un long laps de temps au sein de 17 établissements primaires et secondaire dans 6 pays d'Europe (Belgique, France, Italie, Norvège, Suisse, Royaume-Uni), c'est que contrairement à tout ce qui pouvait être anticipé, les usages de ces outils de communication ne ne s'organisent pas prioritairement autour des fonctions didactiques explicites de l'école mais autour des fonctions de socialisation qu'elle exerce implicitement. Si les enfants et les adolescents se mettent à 2 ou 3 par machine dans les activités qu'ils conduisent avec les ordinateurs, ce n'est pas fonction du nombre d'équipements disponibles, mais parce que, spontanément, ils construisent leur apprentissage dans leurs interactions entre eux et avec le dispositif technique.
4 usages de référence Le courrier électronique La recherche d'information sur Internet La télé-conférence interactive (IRC) La vidéo-conférence Ces 4 formes d'usage ont pu être observées par le projet Mailbox. 2 précisions ici : Dans la télé-conférence interactive (IRC = Internet Relay Chat) on est dans le cas d'une messagerie électronique interactive où les échanges se font simultanément entre plusieurs utilisateurs en temps réel. Particularité de l'IRC : l'anonymat des interlocuteurs. Des observations ont pu être faite au cours du projet Mailbox de pratique de la télé-conférence interactive. Il en est de même des pratiques de vidéo-conférence. Ces deux types d'usage sont encore cependant expérimentaux. Comme le courrier électronique et la recherche d'information sur Internet, la télé-conférence interactive semble avoir un potentiel en terme d'usage pour la classe assez immédiat, pour autant, il faut encore donner un cadre d'utilisation, l'anonymat des échanges ouvrant la possibilité à bien des détournements. Reste donc à donner un sens et une valeur pédagogique à ces risques. Les expériences de vidéo-conférence et de visio-conférence constituent davantage des "événements" dans la vie d'une classe qu'une pratique liée à un usage.
Des ressources Traitement Nouveaux moyens Transfert Communication Avec les réseaux, ce sont donc de nouveaux moyens qui s'offrent à l'utilisation et peuvent être mis au rang des outils qui favorisent l'apprentissage. L'internet ouvre d'importantes possibilités à la recherche d'information. Le World Wide Web est en effet un immense réservoir de textes, d'images, de sons, de programmes qui peuvent être importés et retravaillés localement dans la classe. Le problème majeur pour les enseignants comme pour les élèves c'est "le trop" et comment s'en accommoder. La difficulté dans l'utilisation d'Internet ne réside pas en effet dans la manipulation des outils d'accès au World Wide Web mais dans la nécessité de mettre en place des stratégies pour tirer profit de cette profusion d'information au sein de laquelle le meilleur côtoie le pire. Les messageries, les possibilités de téléconférence assistée par ordinateur ouvrent de réelles opportunités pour la communication et les échanges. Mais pour être mis en pratique, l'échange requiert une finalité et une organisation. Ces nouveaux moyens appellent donc de nouveaux comportements et une nouvelle dynamique interne de la classe. Communication Stockage
Des modalités Projet Nouveaux Recherche comportements Coopération Les mêmes bases de données intéressent aussi bien l'élève, le cadre d'entreprise ou l'agent communal, ce n'est pas l'information qui change : c'est le projet de celui qui la demande qui donne à l'information son statut, son niveau d'interprétation. Toute la question qui guide la recherche d'information est la suivante : pour quoi faire ? Toutes les possibilités d'accès à l'information qui sont offertes sur l'Internet restent donc lettre morte tant que ne se mettent pas en place de nouveaux comportements. Pour que l'accès au réseau se révèle de quelque utilité, il faut que l'enseignant organise pour ses élèves un cadre d'opération qui soit tel que les élèves acquièrent une motivation proche de celle du chercheur et apprennent à coopérer et à travailler en équipe pour structurer ensemble : • un projet, • une volonté de résultat, • une méthode personnelle et collective de mise en forme et de traitement de l'information Cette nouvelle dynamique interne dans la classe (une nouvelle culture d'organisation) est aujourd'hui lisible dans les pratiques les plus convaincantes d'utilisation des technologies de communication. Alors qu'elles sont en phase avec les dispositifs formels de l'école primaire — où l'enseignant principal est de façon quasi permanente au contact de ses élèves et peut organiser plus facilement ses pratiques en s'adaptant aux besoins individuels — en revanche, elles s'accommodent difficilement des dispositifs formels de l'enseignement secondaire : divisions disciplinaires trop restrictives, programmes scolaires juxtaposant des acquis sans liens les uns avec les autres, ignorance de l'interdisciplinarité, etc. La capacité à créer pour leurs élèves les conditions de cette culture nouvelle dans l'organisation de l'apprentissage est pour les enseignants un enjeu majeur qui requiert de leur part de nouveaux rôles de médiation : médiation dans le rapport des élèves à la complexité et à l'incertitude, médiation dans la création des conditions qui permettent la mise en responsabilité des élèves, médiation dans la restauration des valeurs d'imagination, médiation dans l'instauration des conventions. Ces nouvelles médiations appellent une redistribution des cartes du pouvoir au sein de l'institution éducative. Coopération Méthode
5 arguments majeurs Complexité & incertitude Autonomie & confiance Valeurs d'imagination Conventions Pouvoir Le projet MAILBOX a pu mettre en évidence, à la faveur du travail d'observation des usages des outils de communication qu'il a conduit, cinq thèmes majeurs Pour des développements plus spécifiques que ceux qui vont suivre sur chacun de ces thèmes , nous renvoyons au Rapport de Synthèse et aux Guidelines du projet MAILBOX.
Complexité & incertitude Interconnexion des systèmes de connaissance Environnement économique et social Gérer la complexité et l'incertitude Différents systèmes culturels de sens et de valeur Les élèves sont, hors de l'école, inscrits dans un environnement social et économique qui est marqué par la complexité et l'incertitude, peu de choses en effet semblent aujourd'hui acquises. On considère souvent que l'école a toujours protégé les élèves des agitations du monde en leur organisant un monde pour eux. Cette possibilité d'une école entre parenthèse (si elle a jamais vraiment existé) s'est radicalement éloignée. De même que la télévision fait rentrer le monde entier dans les maisons, l'école n'est plus ce havre de paix (là encore, si elle l'a jamais été) où les élèves se consacrent à l'étude. Les contradictions du monde font irruption à l'école et ne restent pas à la porte. La multiculturalité est notre horizon, car les moyens de communication (toutes catégories confondues) recomposent les espaces physiques et mentaux. Il n'y a qu'une seule terre et il faut apprendre et comprendre que toutes les cultures ne souscrivent pas aux mêmes systèmes de sens et de valeurs. La communication —par le courrier électronique par exemple— avec d'autres aires culturelles, même dans sa propre langue, permet de découvrir que la vérité du monde est composite et qu'il y a à apprendre des autres et des cultures des autres. Ce jeu des différences interculturelles est-il tellement différent du jeu des différences interindividuelles ? Ne retrouvera-t-on pas les mêmes incertitudes sur les interactions sociales acceptables de part et d'autre ? L'exploration de l'intersubjectivité permet à la fois de traiter cette forme de complexité et celle qui tient à la masse d'informations disponibles (celle des livres, des journaux, des émissions de télévision et celles que l'on peut aller chercher sur le World Wide Web). Le travail en équipe requiert analyse critique, négociation, compromis. Toutes choses qu'aujourd'hui on apprend trop tard. La complexité se retrouve encore dans les systèmes de production économiques, dans les systèmes de savoir, dans les technosciences qui font bouillir la marmite du futur, dans les multiples interconnexions entre ces domaines et les réalités du quotidien. Sur tout ceci, l'enseignant peut partager ses propres incertitudes au lieu de faire comme s'il était en son pouvoir de réduire la complexité par l'octroi d'un savoir formel pré-packagé : partager une quête de sens, 'indiquer une direction plutôt que délivrer du «prêt-à-savoir» ou du «prêt-à-connaître». Maîtriser la complexité de l'information par le groupe
Créer les conditions de Autonomie & confiance Autonomie comme finalité Confiance dans les autres Créer les conditions de la responsabilité Confiance en soi Pour que l'enseignant puisse renoncer à ses prérogatives traditionnelles de contrôle, et puisse accepter de ne plus être l'unique point de référence pour la classe et sa marche, il est nécessaire que les élèves acquièrent une grande autonomie. Mais, paradoxalement, l'autonomie est une condition préalable de l'autonomie. C'est parce que l'on attend un comportement responsable que l'on donne les moyens de l'autonomie et que l'on crée les conditions de son exercice. Le reste est une affaire d'ajustement progressif qui se joue dans l'auto-évaluation par chacun de ses actions, dans l'évaluation (formelle ou informelle) que porte le groupe sur chacun, dans le dialogue qui se noue continûment entre chacun et l'enseignant. Autres conditions à la responsabilité, la confiance dans les autres qui suppose une prévisibilité des comportements et l'existence d'un cadre conventionnel où les règles instituées sont respectées. On ne respecte jamais mieux les règles que celles que l'on a soi-même discutées et acceptées. Et si le cadre conventionnel ne peut pas être négocié en totalité, il ne doit pas être imposé en totalité. La confiance en soi se construit par la tenue des engagements (prise de risque, succès, auto-évaluation positive) avec des spécifications du "contrat" moral passé selon que l'engagement s'effectue à l'endroit de l'équipe, du groupe-classe, de l'enseignant, de soi-même. L'organisation en atelier pour la conduite d'un travail collectif qui requiert une division du travail est évidemment une approche très constructive dans cette perspective. De la composition d'un journal de classe en passant par la fabrication de grimoires jusqu'à la constitution de dossiers de préparation d'épreuves ou d'examens, le choix est vaste de possibilités offertes par le recours aux technologies de communications. De manière inattendue, l'acceptation par l'enseignant de son incompétence technologique n'est pas un handicap pour la dynamique de relation dans la classe : cela l'humanise ("elle aussi ou lui aussi, il y a des choses qu'elle/il ignore"). La valorisation de l'expertise technologique des élèves devient une chose naturelle qui régule la répartition de l'excellence, renforce la confiance en soi, les capacités d'autonomie, et finalement la prise de responsabilité. Autonomie comme condition
Valeurs d'imagination L'enchantement Le plaisir Le jeu Le rêve Restaurer les valeurs d'imagination Le plaisir Lorsqu'on utilise un ordinateur, disent les enfants et les adolescents jeunes et moins jeunes, on ne sait pas si c'est du travail ou si c'est du jeu. De la même manière, l'expérience des enfants et des jeunes adolescents est qu'il y a quelque chose de merveilleux dans ces machines. C'est là un atout, puisque cela joue favorablement dans la motivation, qui se révèle avoir une forte capacité d'entraînement pédagogique. C'est aussi un effet indirect de l'usage des ordinateurs de desserrer les contraintes formelles pseudo-objectives qui sont adossées aux discours de justification de l'utilité (le Sacro-Saint Programme). Si l'on fait échapper au registre de la sanction et de l'évaluation les usages de l'ordinateur, on se donne un puissant levier pour atteindre les mêmes objectifs d'apprentissages et de performances à travers des voies nouvelles à mi-chemin entre le jeu et le travail. On peut en effet atteindre les mêmes objectifs d'apprentissage par des voies créatives à travers des activités et des approches interdisciplinaires que par les voies canoniques, moins souriantes. Non pas que l'apprentissage doive toujours être une partie de plaisir … Il y a beaucoup à attendre des valeurs d'imagination du point de vue pédagogique, et, que ce soit par la pratique du théâtre, de la poésie ou celle de la communication électronique, les imaginaires enfantins et adolescents ont besoin de se nourrir dans une pratique de proximité (loin du rêve- organisé / cauchemar-climatisé de la télévision). Certains enseignants pourront juger que ce rôle de restauration des valeurs d'imagination peut ne pas leur convenir (l'excellence de chaque enseignant doit être respectée de même que celle de chaque élève) pourtant il ne s'agit pas de restaurer une conception particulière des valeurs d'imagination mais de permettre à chaque enseignant de trouver les valeurs d'imagination dont il est porteur et les formes adéquates de leur mise en œuvre. Dans tous les cas, bien évidemment il n'y aurait nul sens à imposer quoi que ce soit en cette matière, sauf peut-être ceci : que ceux qui s'en sentent incapables n'exercent pas de censures sur ceux qui sont prêts à explorer ces chemins. Le jeu Le rêve
Conventions Construire un cadre conventionnel Par la négociation avec l'enseignant et l'institution Construire un cadre conventionnel Par l'expérience de la communication A travers les rituels L'expérience du courrier électronique comme celle de la téléconférence interactive, comme la recherche d'information sur Internet, se révèlent toutes d'une grande richesse. La première permet aux jeunes utilisateurs, enfants et adolescents, de découvrir qu'il est pénible, voire narcissiquement douloureux, d'envoyer des messages et de ne pas en recevoir en retour. Car l'échange électronique est une expérience fondatrice qui permet de renouer avec la racine du fait social : donner, recevoir et rendre. Sans doute est-ce la raison pour laquelle elle est très fortement investie et très facilement abandonnée lorsque les attentes sont déçues. Les élèves découvrent ainsi la nécessité des conventions : ce qui empêche de se faire inutilement du mal les uns aux autres. La seconde, employée par des utilisateurs un peu plus âgés, leur permet de mettre un "masque" virtuel : l'anonymat autorise en effet de jouer sur toutes les facettes de sa propre personnalité et d'explorer ainsi les limites de son identité … sans risques. Pour formateurs qu'ils soient ces jeux requièrent cependant des conventions entre l'enseignant et les différents utilisateurs dès lors que l'on veut en avoir un usage tolérable dans l'enceinte de l'école. Il en est de même avec la recherche d'information sur Internet, l'accès à des sites pornographiques ne pose pas plus de problèmes que l'accès au site des Jeux Olympiques. Il faut donc construire un cadre conventionnel pour les échanges et gérer souplement les différents niveaux du cadre conventionnel. Mais au delà, c'est tout le cadre conventionnel de la pratique éducative qui demande à être renégocié dans une logique de reconnaissance, de valorisation et de "réhabilitation" du statut de l'apprenant et du statut collectif des apprenants. Ceci requiert une négociation interne au groupe-classe, puis avec l'enseignant ; entre les classes, puis avec les enseignants, enfin avec les responsables de l'institution. La disposition d'un cadre conventionnel permet de ritualiser un ensemble de comportements et d'accroître pour chacun la confiance dans le dispositif éducatif qui augmente sa prévisibilité. Par la négociation au sein du groupe
Redistribuer les cartes Pouvoir Les enseignants L'élève Redistribuer les cartes du pouvoir L'institution La reconnaissance faite aux élèves, individuellement et collectivement dans leurs dynamiques relationnelles et leurs interactions sociales, d'un statut renforcé doit se traduire dans la pratique par des redistributions de carte en terme de responsabilité et de pouvoir. Cette prise de responsabilité et de pouvoir des élèves va de pair avec l'exercice de leur plus grande autonomie qui est à développer sur la base de la construction d'un rapport de confiance entre l'enseignant et chaque élève, les élèves entre eux, l'enseignant et le groupe-classe. Ecartons tout de suite la critique d'«angélisme» qui peut être portée à l'endroit de ces affirmations : il s'agit précisément d'un travail pour l'enseignant et nous avons vu ce travail conduit avec succès dans des écoles primaires. Mais il est vrai que dans les systèmes éducatifs tels qu'ils sont aujourd'hui en Europe, ce travail n'est conduit que par exception. Pour qu'un tel travail soit possible il faut renforcer la responsabilité et le pouvoir de l'enseignant face à l'institution éducative pour qu'il puisse s'affranchir de multiples contraintes et mettre en place les stratégies pédagogiques dont il a besoin pour conduire son action sans entraves inutiles. Dans cette démarche, les dynamiques collectives des enseignants, les actions pédagogiques en collaboration, l'organisation du dialogue et des échanges entre enseignants sont autant d'outils et de moyens pour organiser une action collective adaptée qui s'appuie sur les différentes qualités des personnes qui peuvent se mobiliser pour le succès de chaque génération d'élèves qui passe par l'école. L'institution doit apprendre à aménager différemment ses prérogatives. Il lui revient d'organiser pour les enseignants des conditions à l'exercice de leur profession qui renforcent leur autonomie individuelle et collective et augmentent leur pouvoir d'intervention. N'est-ce pas de cela que l'on parle lorsqu'on parle de «re-engineering» de l'éducation ? Les élèves
INGÉNIERIE Les transformations importantes que connaissent les sociétés européennes dans leur ensemble ne sont pas sans exercer leurs effets sur l'école qui voit redéfinir la topographie de l'espace éducatif jusqu'alors assez clairement centré sur la classe et l'activité en classe. Déjà la communication de masse, avec la radio et la télévision, a vu se développer des sources de connaissances et d'informations en marge de l'espace scolaire. Le développement des technologies d'information et de communication permettent de nouvelles formes de gestion de l'espace et du temps. Elles invitent à relire l'espace éducatif du point de vue de la dynamique de relation des élèves entre eux, selon les différents rapports qui se nouent pour eux dans le temps et dans l'espace. Les modalités d'intervention de l'enseignant se complexifient. Il est mis en situation d'organiser une véritable ingénierie pédagogique. Si la technologie rentre à l'école c'est parce qu'elle est aujourd'hui partout hors de l'école. Aujourd'hui, légalité des chances est la raison avancée, demain … sans doute trouvera-t-on autre chose, dans tous les cas ce n'est pas pour des raisons pédagogiques. Pour autant, il appartient aux enseignants d'organiser pédagogiquement les usages. Ils en sont bien capables … on a vu ce qu'ils pouvaient faire avec un tableau noir et une craie.
Une nouvelle topographie de l'espace éducatif Disjonction des espaces physiques Les élèves utilisent de manière individuelle les ressources disponibles : centre de documentation, salle ou centre de ressource informatique, etc. La gestion autonome, arbitrages sur les activités (travail et loisir) la visite familiale d'une ferme ou d'un musée, les devoirs à la maison, l'usage des moyens électroniques … La classe où les élèves sont présents simultanément et physiquement pour y conduire une activité, soit tous ensemble soit par petits groupes Co-présence virtuelle telle que la permettent la radio, la télévision, l'audio et la vidéo-conférence, la télé-conférence Temps synchrone Co-présence physique Temps asynchrone Séparation des rythmes des rythmes et des espaces Unité de temps, unité de lieu unité d'action Dans la littérature sur la pratique de l'enseignement «flexible», «à distance» et «ouvert», le terrain principal de discussion porte sur la distance elle-même, ses relations avec les modes de communication et sur ce qui est mis à distance. On cite toujours la mise à distance des ressources de formation, celle de l'enseignant et celle du formé, mais la mise à distance des formés entre eux n'est que très rarement considérée. Pourtant c'est en posant l'analyse de la distance en fonction des relations entre ceux qui apprennent que l'on peut établir des catégories claires pour comprendre les formes d'investissement de la technologie que la sphère éducative est susceptible de mettre en œuvre. Si l'on comprend bien que la plupart des technologies sont effectivement utilisables dans des situations très variées, ce découpage permet de montrer qu'un environnement d'apprentissage forme un ensemble de contraintes qui procèdent de l'analyse de la situation éducative concrète à laquelle on s'intéresse. Le cadran inférieur gauche se réfère au modèle de la classe. Cette combinaison permet une communication directe et immédiate entre les apprenants. La plupart du temps, cette communication n'est pas un objectif poursuivi dans cet environnement et les apprenants organisent eux-mêmes leurs interactions. Dans ce cadre la technologie est principalement concentrée dans la salle de classe avec les ressources éducatives, les dispositifs de consultation et les outils technologiques de communication qui permettent de conduire des activités pédagogiques. Le cadran supérieur gauche signale plus particulièrement l'utilisation d'espaces ressources auxquels les élèves accèdent individuellement lorsqu'ils le souhaitent ou chaque fois que cela est nécessaire : centre de documentation, salle informatique, etc. Le cadran inférieur droit recense les apprentissages pour lesquels l'activité des apprenants se déroule en même temps dans des lieux différents. L'émission de télévision que l'on suit en même temps et dont on parlera ensemble demain, l'audioconférence et la vidéoconférence, la téléconférence qui permet d'échanger en temps réel des messages avec d'autres par ordinateur, illustrent le concept. Le cadran supérieur droit renvoie à l'affranchissement des contraintes de temps et d'espace qui n'ordonnent plus les relations des apprenants. C'est un espace «ouvert», (sans référence à la conception anglo-saxonne qui connote par «ouvert» soit un style pédagogique non directif soit la liberté de choix des apprenants quant aux contenus et domaines de formation). Le téléphone, l'ordinateur permettent des interactions synchrones et asynchrones entre les élèves qu'ils gèrent librement à des fins d'apprentissage ou non.
Des dimensions-clé Organisation Pédagogie Technologie Economie Cette topographie de l'espace éducatif conduit à reconsidérer l'organisation de l'action éducative, à approfondir les approches pédagogiques, à s'interroger sur les conditions à une valeur ajoutée pédagogique de l'usage des technologies et à ne pas évacuer le principes de réalité économique. Les modalités d'organisation qui prévalent aujourd'hui sont l'héritage du passé. Elles requièrent un «inventaire» et qu'on se demande «Pourquoi les choses, hier ont-elles été organisées ainsi ?» Que se passe-t-il en effet dans le passage d'un système de formation initiale «élitiste» à un système de formation initiale «de masse» ? Les objectifs de l'école peuvent-ils rester ceux qu'ils étaient alors que tout autour d'elle a changé et d'abord les populations qui la fréquentent ? Si les objectifs ont changés, il convient de s'interroger sur «comment, aujourd'hui, les choses devraient s'organiser ?» Qu'en est-il en effet de l'organisation de l'espace de la classe, de la disposition des élèves en son sein pour gérer le travail des individus, celui des petits groupes et le travail d'ensemble du groupe-classe ? Qu'en est-il de la circulation des élèves dans l'espace le la classe et au delà dans celui de l'école, des rythmes et des activités qui sont à y conduire, des aménagements des différents temps dans la classe, de l'organisation du «programme scolaire», de l'ouverture sur ce qui est hors de l'école ? Qu'en est-il des nouvelles relations et des nouveaux rapports qui s'organiseront entre élèves et enseignants, entre enseignants, entre les enseignants et l'institution au sein de laquelle ils travaillent. Ce sont les élèves qui apprennent. La ré-évaluation des approches pédagogiques conduit à mettre au premier plan des préoccupations l'orchestration par l'enseignant d'un environnement pédagogique qui permette aux élèves de conduire individuellement, par petits groupes ou ensemble (selon les objectifs poursuivis) leurs «actes d'apprentissage» avec l'aide de l'enseignant et d'améliorer leurs «performances». Si la technologie rentre à l'école c'est parce qu'elle est aujourd'hui partout hors de l'école et sans doute pas pour des raisons pédagogiques. Pour autant, quelle peut être la vertu d'un usage des technologies dans la classe ? Augmenter la différenciation de l'action pédagogique en fonction des différents élèves au moyen d'outils et de programmes standards d'apprentissage individuel ? Permettre à l'enseignant, libéré de tâches répétitives, de renouer avec les pédagogies individualisées hier réservées aux élites ? Offrir un accès nouveau à des sources d'information multiples ? Permettre le travail collaboratif en réseau ? Rien de tout cela, mais un futur à inventer ? L'éducation représente dans tous les pays européens peu ou prou un cinquième des budgets nationaux … on ne peut donc pas en nier l'importance économique. Comment poser l'équation économique dans la sphère éducative ? Comment y définir une «productivité» ? Sur la base de l'activité des enseignants ? Sur la base des résultats des élèves ? Ce n'est en effet pas pareil. Les efforts des enseignants sont mieux récompensés lorsqu'ils mettent leurs élèves en situation de pouvoir mieux travailler, c'est à dire lorsqu'ils créent les conditions qui mettent leurs élèves en position de réussir leurs actes d'apprentissage.
PROFESSIONALISATION Le terme de professionnalisation fait parfois frémir d'horreur les enseignants. Il faut qu'ils apprennent à en rire et à faire face à l'interrogation qui leur est ici portée. De quoi s'agit il ? Faut-il nier qu'être enseignant soit un métier ? Et faut-il juger que toute invite à se perfectionner dans son métier soit une insulte ? Non, bien sûr, et de fait, ce que les enseignants n'acceptent pas dans le terme de «professionnalisation» ce sont davantage les connotations de «pratiques professionnelles standards» qui y sont attachées. Mais une pratique professionnelle standard est-elle possible lorsque l'on intervient sur de l'humain ? Quel sens pourrait avoir pour un psychanalyste «une pratique psychanalytique standard», ou pour un médecin «une pratique thérapeutique standard» ? L'essence du "service" tient à la relation entre les personnes. Seconde réticence : le nouveau métier qu'on promet aux enseignants serait moins «noble» que celui qu'ils ont épousé lorsqu'ils se sont engagés dans cette profession. Il est vrai que les modalités d'action et d'intervention professionnelles des enseignants se diversifient et qu'à côté des fonctions classiques qu'ils exercent, émergent de nouvelles fonctions. Ces fonctions nouvelles, ce sont celles qui permettent à l'école d'organiser le succès individuel et collectif des élèves. Auraient-elles moins de valeur que celles qui consistent à délivrer un savoir ? Une troisième source d'inquiétude fait rejeter la notion de «professionnalisation» : la fantasmagorie d'un appareillage technologique qui serait imposé aux enseignants et feraient d'eux les O.S. (ouvriers spécialisés) de l'éducation, progressivement remplacés par des machines. Aux enseignants qui pensent vraiment qu'ils peuvent être remplacés par des machines, il faut dire (avec quelque ironie et un peu d'humour) que s'ils en sont convaincus, alors, en effet, il leur faut songer à leur reconversion.
Le futur (déjà là) d'un métier Gestion de la complexité Gestion des individus et des groupes Gestion des ressources L’émergence des outils technologiques transforme le métier d'enseignant dans trois directions majeures : la gestion de la complexité, celle des individus et des groupes, celle des ressources et des équipements. Les enseignants deviennent gestionnaires de la complexité (non pas du fait des réalités des technologies mais de la transformation des environnements sociaux et économiques). De la maternelle à l'Université il faut pouvoir transformer les informations en connaissances et organiser les connaissances en savoir et pour cela : • donner aux élèves les moyens de recomposer dans une cohérence personnelle une réalitééparse et foisonnante, de se la représenter, de l'interpréter, de s'y définir et de s'y intégrer ; • les conduire vers une maîtrise des abstractions car les médiations entre l'homme et la nature et l'homme et la machine s'effectuent désormais à travers des signes et des symboles ; • les mettre en situation d'apprendre à coopérer et communiquer pour maîtriser, en même temps qu'un savoir-être, un «savoir vivre avec autrui» ; • leur transmettre une attitude critique et introduire, avec le relativisme, une tolérance éclairée à l'égard de la diversité des usages et des systèmes de pensée et de référence culturels. Les enseignants deviennent gestionnaires des individus et des groupes à travers l'adaptation, le contrôle et l'orientation : • différenciation des formations en fonction des besoins ; • adaptation des méthodes de travail individuelles et collectives pour développer les aptitudes à la coopération et à l'autonomie, à l'imagination et à l'initiative personnelle et de groupe ; • groupes multiniveaux organisés sur la base de l’ensemble des performances (et non pas sur les disciplines de références) ; • nouvelle gestion de l'espace physique, nouvelle gestion du temps ; • réorganisation des activités conduites dans la classe, et affranchissement de nombreuses contraintes liées aux programmes scolaires ; • contrôle et orientation des progressions individuelles au sein des cycles et des systèmes de qualification socioprofessionnels ; • recherche et valorisation des qualités propres des élèves, de telle sorte que leurs domaines d'excellence puissent s'exprimer et se spécifier en atouts humainement, socialement et économiquement valorisables. Les enseignants deviennent enfin, les gestionnaires des ressources et des équipements éducatifs : • il leur faut arbitrer entre les usages et rationaliser les choix ; • gérer le temps et l'espace des nouveaux dispositifs de formation et d'éducation au mieux des intérêts des élèves ; • se différencier professionnellement selon les nouvelles fonctions opérationnelles à remplir comme par exemple celle d’acheteur de ressources multimédias, de concepteur de ressources ou de dispositifs éducatifs, d’animateur ou encore de tuteur (toutes fonctions qui ne se définiront que localement dans chaque école ou établissement).
FIN