des lois de comportement THEORIE DU BIPOTENTIEL un fil conducteur pour la modélisation des lois de comportement Cet exposé a pour ambition de vous faire découvrir le concept de bipotentiel. Il offre un fil conducteur dans la modélisation des lois de comportement dites non associées, en articulation avec le calcul des variations et le calcul des structures en général.
Plan de l’exposé Le bipotentiel Mécanique du contact Je présenterai tout d’abord les grandes lignes de la théorie. Ensuite, je montrerai son intérêt en l’illustrant par des applications à plusieurs domaines : la mécanique du contact, la plasticité des sols et l’écrouissage cinématique non linéaire en plasticité cyclique des métaux. Plasticité des sols L’écrouissage non linéaire
LOI DE COMPORTEMENT VARIABLES déformations, déplacements, PRIMALES déformations, déplacements, vitesses, incréments,... D’une manière générale, une loi de comportement fait intervenir deux types de variables, les variables primales, que j’ai noté ‘x’ (par exemple des déformation, des déplacements, des vitesses, ou ,dans le calcul pas à pas, des incrément), et des variables duales ou associées, notées ‘y’ (qui seront selon le contexte des contraintes, des forces, etcetera…), Elles sont mises en dualité par un produit scalaire, noté par un point (représentant physiquement un travail ou une puissance). DUALES contraintes, forces,... PRODUIT SCALAIRE travail, puissance,...
Loi de normalité univoque : POTENTIEL LOI DE COMPORTEMENT Loi de normalité univoque : POTENTIEL Loi de normalité multivoque : SURPOTENTIEL Une loi de comportement relie les ‘x’ et ‘y’. De manière générale, on pourrait la représenter au moyen d’une fonction à valeur booléenne, mais cette écriture n’est pas très pertinente. On a donc inventé des outils, le plus connu étant celui de potentiel. Toutefois, il ne permet de représenter que des lois qui, comme en élasticité, sont univoques : à un effet correspond une seule cause. Ce cadre est étriqué, il ne permet pas de représenter des lois multivoques comme en plasticité. Le concept de surpotentiel (ou pseudo-potentiel), pierre angulaire de la Mécanique non régulière, permet d’étendre, avec quelques infractions, les grandes méthodes issues de la théorie du potentiel, et en particulier le calcul des variations. Mais un nouvel obstacle surgit. Certaines lois sont non associées ! Pour ces comportements atypiques, j’ai proposé le concept de bipotentiel. Loi non associée : BIPOTENTIEL
COUPLE EXTREMAL SURPOTENTIEL convexe INEGALITE DE FENCHEL loi inverse loi de comportement loi de normalité multivoque ou de sous-normalité Quelques mots sur la Mécanique non régulière. On invente le surpotentiel, une fonction ‘phi’ à valeur réelle ou éventuellement infinie. Elle n’est pas partout différentiable mais convexe. Cette qualité est précieuse. On introduit ensuite le surpotentiel dual ‘phi’ étoile (ou polaire de ‘phi’), tel que pour tout couple, l’inégalité de Fenchel est vérifiée. Nous appellons couple extrémaux ceux pour lesquels l’égalité est atteinte dans la relation précédente. Pour ces couples, on peut alors montrer que ‘y’ est un sous-gradient de ‘phi’ en ‘x’. Il s’agit d’une loi de normalité mais multivoque (ou loi de sous-normalité). Pour le mécanicien, c’est la loi de comportement. Enfin, en inversant le rôle de ‘x’ et ‘y’, on obtient la loi inverse : ‘x’ est un sous-gradient de ‘phi’ étoile en ‘y’.
MATERIAUX STANDARDS Matériaux admettant un surpotentiel Bonnes propriétés de la loi de normalité Calcul des Variations: existence de fonctionnelles Nous qualifions de standards les matériaux admettant un surpotentiel. Ce cadre général est commode, grâce aux bonnes propriétés de la loi de normalité. Ainsi, le calcul variationnel se généralise, mais avec quelques infractions. Les fonctionnelles étant convexes mais pas partout différentiables, leur minima sont caractérisés par des inéquations. En analyse limite, on peut démontrer des théorèmes de bornes. Les avantages ne sont pas que théorique mais aussi numériques. Ainsi, en calcul pas-à-pas, la matrice de rigidité tangente est symétrique et définie-positive, donc bien conditionnée. Analyse limite: théorèmes de bornes Calcul pas-à-pas: la matrice de rigidité tangente est symétrique et définie-positive
contrainte déviatorique PLASTICITE NON ASSOCIEE LA FORMULATION CLASSIQUE: fonction de charge: potentiel plastique (Melan): tel que : deux fonctions d’une variable contrainte déviatorique Mais un nouvel obstacle surgit. Certaines lois sont non associées ! En plasticité des sols par exemple. Dans la formulation classique, on modélise ce type de comportement grâce à deux fonctions d’une seule variable : La fonction de charge, l’équation f = 0 définissant la surface d’écoulement. Et le potentiel plastique dont le gradient donne la direction de l’écoulement, s’écartant de la normale à la surface. Ce cadre mathématique est simple mais fait perdre tous les outils théoriques et numériques liés à la loi de normalité. Pour contourner cet écueil, j’ai proposé la formulation du bipotentiel, basée sur une seule fonction mais de deux variables. Contrainte hydrostatique surface d’écoulement FORMULATION DU BIPOTENTIEL: une fonction de deux variables
BIPOTENTIEL b b BI-CONVEXE INEGALITE FONDAMENTALE On invente un nouvel objet, le bipotentiel ‘b’, fonction de ‘x’ et ‘y’, à valeur réelle ou éventuellement infinie. Elle devra être bi-convexe, Et satisfaire une inégalité fondamentale qui dit que pour tout couple de variables duales, la valeur du bipotentiel est toujours plus grand ou égal au travail ou à la puissance associée. Cette inégalité généralise celle de Fenchel. b BI-CONVEXE INEGALITE FONDAMENTALE
COUPLE EXTREMAL Loi de comportement Loi inverse LOI DE SOUS- NORMALITE IMPLICITE Loi de comportement Les couples satisfaisant le comportement du matériau seront extrémaux dans le sens ou l’égalité est atteinte dans la relation précédente. On peut en déduire deux choses : ‘y’ est un sous-gradient du bipotentiel, lorsque l’on dérive partiellement par rapport à ‘x’. C’est une loi de sous-normalité, mais elle est affaiblie car la relation entre ‘x’ et ‘y’ est seulement implicite. Pour le mécanicien, c’est la loi de comportement. En inversant le rôle de ‘x’ et ‘y’, on obtient la loi inverse qui est de forme similaire. Loi inverse
matériau admettant un bipotentiel MATERIAU STANDARD IMPLICITE Nous qualifions de standard implicite tout matériau admettant un bipotentiel. Cette classe de matériau est très large. Elle contient en cas particuliers les matériaux standards d’Halphen et Nguyen Quoc Son pour lesquels le bipotentiel est séparable, somme d’un surpotentiel ‘phi’ et de son dual. L’inégalité fondamentale du bipotentiel dégénère alors en celle de Fenchel. MATERIAU STANDARD Le bipotentiel est séparable
Le bipotentiel Mécanique du contact Après avoir présenté l’idée, passons aux applications. Tout d’abord, la mécanique du contact frottant.
CONTACT UNILATERAL A FROTTEMENT SEC DE COULOMB glissement adhérence contact On souhaite modéliser la loi de contact unilatéral à frottement sec de Coulomb. Cette loi est non régulière : elle comporte trois statuts : Celui de non contact, Celui de contact avec adhérence, Ou avec glissement. On peut la représenter analytiquement par deux boucles « si… alors… sinon… » mais cette écriture conduit à une méthode numérique (qualifiée de « mixte ») qui converge mal dans les situations dynamiques. non contact
LA LOI DE CONTACT UNILATERAL AVEC FROTTEMENT SEC DE COULOMB n’admet pas de surpotentiel ... loi de glissement non associée Cette loi complète de contact n’admet toutefois pas de surpotentiel. Lorsque le contact est établi, les 2 corps ne peuvent se pénétrer et la composante normale de leur vitesse relative est nulle. La vitesse de glissement n’est pas normale au cône de Coulomb. La loi est non associée ! Mais elle admet un bipotentiel. ... mais admet un bipotentiel
loi complète de contact BIPOTENTIEL DE CONTACT cône de frottement de Coulomb Si la condition de non pénétration et celle de Coulomb sont satisfaites, sa valeur est égale au coefficient de frottement µ, fois la pression de contact, fois la norme de la vitesse de glissement. Sinon, elle est infinie. Cette fonction est bi-convexe et satisfait l’inégalité fondamentale du bipotentiel. Elle permet de représenter la loi complète de contact sous la forme compacte d’une loi de sous-normalité implicite. permet de représenter la loi complète de contact de manière compacte
technique du Lagrangien augmenté SCHEMA PREDICTEUR/CORRECTEUR PAR PROJECTION SUR LE CONE DE COULOMB technique du Lagrangien augmenté Predicteur Correcteur On va pouvoir lui appliquer une technique classique de Lagrangien augmenté, et la représenter par une équation de point fixe pour déterminer la valeur de la réaction de contact ‘r’, la vitesse relative ‘u’ point étant donnée. On obtient alors un algorithme de type Usawa avec un schéma itératif prédicteur-correcteur : Le prédicteur ‘tau’ est la réaction augmenté d’une quantité dépendant de la vitesse, le terme proportionnel à la norme de ‘u’ point dérivant du bipotentiel. Le correcteur est une projection sur le cône de Coulomb. On recherche le point du cône le plus proche de ‘tau’. Si ‘tau’ est dans le cône, le point le plus proche est lui-même. On est en statut d’adhérence. Si le prédicteur dans le cône dual, c’est le sommet du cône. On est en statut de non contact. Autrement, on projette normalement au cône de Coulomb. C’est le statut de glissement. glissement adhérence non contact cône dual
De Saxcé & Feng (1998) Absorbeur de choc rigide polyurethane rigide Voici un premier exemple, celui d’un absorbeur de choc. Le projectile, de forme cylindrique, et les pièces en coin sont rigides. Les autres pièces sont en caoutchouc. Ce problème numérique est difficile. Lors du ralentissement du projectile, il faut savoir gérer les basculements entre statuts. Dans ce genre de problèmes, la méthode mixte conduit à des problèmes de convergence, dues à des oscillations entre 2 statuts. La méthode du bipotentiel s’avère plus robuste. polyurethane
Problèmes quasi-statique De Saxcé & J. Fortin (2000) Problèmes quasi-statique Estimateur de l’erreur en loi de comportement Plus récemment, nous nous sommes intéressé à la simulation numérique des milieux granulaires par « éléments discrets », c’est-à-dire vus comme un assemblage de grains rigides, interagissant par une loi de contact frottant avec amortissement. Commençons par un problème quasi-statique. L’assemblage est régulier, ce qui le rend hautement hyperstatique. Une des difficulté de ce genre de problèmes est trouver un critère d’arrêt des itérations. Nous avons introduit un estimateur de l’erreur en loi de comportement (au sens de Pierre Ladevèze). Il est basé sur le bipotentiel de contact. Vu ces propriétés, le numérateur de cette expression est toujours positif et il est nul si la loi de contact est vérifiée. C’est donc une mesure de l’erreur absolue, que l’on transforme ensuite en erreur relative. Voici une courbe typique de l’erreur en fonction du nombre d’itérations. L’erreur commence par augmenter. Cela est du à des percussions en chaîne. Après re-équilibrage, la convergence à 10-3 est atteinte en une centaine d’itérations.
Compaction isotrope (2470 particules) Dans cet autre exemple, la compaction d’un échantillon irrégulier d’environ 2500 grains, on a représenté les forces normales de contact par un trait d’autant plus épais que l’intensité est grande. Notez la grande hétérogénéité de cette carte. En émerge un réseau de forces fortes qui constitue en quelque sorte le ‘squelette’ du milieu et qui lui donne sa tenue mécanique. Notons enfin que, bien que l’échantillon soit quasi-isotrope horizontalement, il n’en est rien pour le réseau de forces fortes, plus concentré à droite. Cette vision est toutefois fugace. Les grains étant rigide, le système oscille à très haute fréquence. Le granulaire est un milieu ‘nerveux’ et quelques pas de temps après, le réseau se déplace vers la gauche, assurant une homogénéité en moyenne dans le temps.
Vidange d’un silo (1600 particules) Pour terminer, voici la vidange d’un silo comportant 1600 grains. Au départ, l’échantillon est régulier. Observez bien la localisation de déformation. Elle s’atténue progressivement au fur et à mesure que le milieu devient plus désordonné. On l’aura compris, ces problèmes numériques sont ‘stiffs’. C’est de la dynamique rapide, ce qui est très pénalisant au point de vue du choix du pas de temps. L’optimisation du logiciel permet toutefois de traiter actuellement sur un PC standard des échantillons jusqu’à 95000 grains.
Vidange d’un silo (1580 particules) L’un des intérêts de la simulation numérique est d’avoir accès non seulement à la cinématique, comme dans l’expérience, mais aussi au réseau de forces. Dans cette vidange, observez une voûte en formation, un effet typique des matériaux granulaires. A partir du réseau de force, on peut calculer un tenseur de contrainte par moyenne spatiale. On a représenté ici la contrainte équivalente. Comme le réseau, cette carte est très inhomogène et brise la symétrie par rapport à l’axe du silo, mais elle est très fugace. En moyennant sur une centaine de pas de temps, on obtient une carte de contrainte beaucoup plus lisse, symétrique, avec des concentrations près de la jonction cylindre-trémie, ce qui est en bon accord avec l’expérience et les solution analytiques.