Du partage de la valeur ajoutée Nasser Mansouri-Guilani
Du partage de la valeur ajoutée I. Rappels II. Évolution du partage de la valeur ajoutée III. D’où vient le problème? IV. Faillite ou régression sociale programmée? V. Conclusion
I. Rappel 1 Le partage primaire de la valeur ajoutée (1/4) La Valeur ajoutée renvoie aux richesses nouvelles créées grâce au travail La production est un processus social rassemblant la force de travail, les matières premières et les équipements (les «facteurs de production ») Les équipements et les matières premières transfèrent intégralement leur valeur dans la marchandise issue de la production; ils ne créent pas de valeur nouvelle; c’est pourquoi on les présentent comme consommation intermédiaire Tel n’est pas le cas de la force de travail: elle est le seul facteur de production capable de créer une valeur supérieure à sa propre valeur.
I. Rappel 1 Le partage primaire de la valeur ajoutée (2/4) VA = Production – Consommation intermédiaire Elle est partagée dans un premier temps entre le travail et le capital. C’est le partage primaire de la valeur ajoutée. La part du travail correspond au salaire, c’est-à-dire à l’ensemble des biens et services nécessaires pour la reproduction de la force de travail Ce salaire est défini socialement et historiquement Rôle et place des luttes sociales Niveau de développement économique et social Cela explique les différences des salaires dans le temps et à travers le monde
I. Rappel 1 Le partage primaire de la valeur ajoutée (3/4) En France, le salaire est conçu dans une optique solidaire, combinant les intérêts individuels et collectifs Une partie du salaire est versée directement aux salariés; c’est le salaire net Une autre partie est versée dans un « pot commun », c’est les cotisations sociales
I. Rappel 1 Le partage primaire de la valeur ajoutée (4/4) Les cotisations sociales sont du salaire socialisé La part payée par les employeurs, cotisations sociales dites patronales, fait partie intégrante du salaire. Contrairement à ce que prétend le patronat, ce ne sont pas des charges. Proposition: Tout militant de la Cgt qui utilise désormais l’expression « charges sociales » doit répéter mille fois : « j’adore le Medef »!
I. Rappel 2 Le partage secondaire de la valeur ajoutée (1/3) La différence entre la valeur ajoutée et le salaire (y compris les cotisations sociales) représente le profit brut. C’est ce que économistes et comptables appellent Excédent brut d’exploitation (EBE) EBE = VA – rémunération des salariés EBE/VA = Taux de marge
I. Rappel 2 Le partage secondaire de la valeur ajoutée (2/3) Dans une société capitaliste, l’existence d’EBE se justifie pour trois raisons: 1°) Pour répondre aux besoins évolutifs de la société, il faut régénérer et améliorer l’appareil productif; autrement dit, il faut investir; 2°) Il faut aussi penser à la vie dans la cité; on a par exemple besoin d’écoles, d’hôpitaux, de routes; 3°) Enfin, il faut rémunérer le capital… Tout le problème est comment cet excédent est réparti entre ces trois destinations. C’est l’enjeux du partage secondaire de la valeur ajoutée à partir de l’EBE.
I. Rappel 2 Le partage secondaire de la valeur ajoutée (3/3) L’EBE sert à trois choses : Payer taxes et impôts par l’entreprise Financer les investissements pour maintenir, voire développer, les capacités de production : équipements et bâtiments recherche-développement et innovation formation des salariés Rémunérer les capitaux : Les créanciers (charges d’intérêt) Les propriétaires et actionnaires (dividendes)
II. Évolution du partage de la valeur ajoutée (1/2) Dans l’ensemble de l’économie, la part des salaires dans la valeur ajoutée augmente de 12 points entre 1960 et 1982 (de 51,4 à 63,3%) diminue de plus de 6 points entre 1982 et 1989 (à 56,9%) oscille depuis autour de 57% Dans les entreprises non financières (industrie, services hors banques et assurances notamment) La part des salaires dans la valeur ajoutée progresse de 7 points entre 1960 et 1982, de 67% à 74% Elle diminue 9 points entre 1982 et 1989 (65% en 1989) Elle stagne à ce niveau depuis
II. Évolution du partage de la valeur ajoutée (2/2) Inversement, le taux de marge des entreprises s’est nettement redressé au détriment des travailleurs dans les années 1980 Dans les entreprises non financières, il augmenté de 9 points entre 1982 et 1989 1982: 24% 1989: 33%
Un partage primaire de la valeur ajoutée au détriment des salariés (entreprises industrielles et de services non financières) Parts des salaires et des profits dans la VA en %
Un partage secondaire de la valeur ajoutée au bénéfice des capitaux… (1) En milliards d’euros
Un partage secondaire de la valeur ajoutée au bénéfice des capitaux… (2) Dividendes / VA (en %)
… et au détriment de l’investissement En milliards d’euros
Taux de croissance annuelle en % Un partage de la valeur ajoutée qui ne favorise pas la croissance économique Taux de croissance annuelle en %
III. D’où vient le problème? (1/2) Un mode de gestion des entreprises et des choix de politique économique qui dévalorisent le travail; qui le considèrent comme un coût Il en résulte un faible dynamisme de l’emploi et des salaires Le revenu salarial moyenne stagne depuis 25 ans. À cela s’ajoute aussi la progression de la précarité: Une heure de travail précaire est payée en moyenne 10 euros, une heure de travail stable 12 euros
III. D’où vient le problème? (2/2) La déformation du partage de la valeur ajoutée n’est pas sans lien avec le recul relatif de l’activité industrielle l’évolution de l’emploi L’industrie continue de perdre des emplois Inversement, se développent des emplois de services, dont une part non négligeable à faible rémunération et le plus souvent précaires (cf. commerce, services aux particuliers…)
III. D’où vient le problème? Part de l’industrie et des services dans la valeur ajoutée totale (en %)
Évolution de l’emploi selon secteurs d’activité (en 2007) Variation d’emploi (en milliers) Contribution du secteur (en % du total) Industrie -47 -15 Service aux entreprises Dont: conseil +89 +55 +28,5 +18 Construction +65 +21 Service aux particuliers +96 +31 Total +312 100
IV. Faillite ou régression sociale Programmée? (1/4) Le gouvernement prétend que le déséquilibre des comptes publics (budget et Sécu) serait une preuve de la faillite de la France Il culpabilise salariés, retraités, chômeurs. Ce faisant, il dissimule les vraies causes des déséquilibres: Un faible dynamisme de l’emploi en quantité et en qualité Un faible dynamisme des salaires Un faible dynamisme de l’investissement Un partage de la valeur ajoutée au détriment des salariés Et par conséquent : Un faible dynamisme économique Moins de recettes et inversement plus de dépenses pour le budget de l’État et pour la Sécurité sociale
IV. Faillite ou régression sociale Programmée? (2/4) Or, la politique sarkozienne conduit, entre autres, à déformer davantage le partage de la valeur ajoutée au détriment des travailleurs Plus de précarité: Plus d’exonérations de cotisations sociales pour les employeurs, donc plus de marge pour les capitaux Moins d’impôts, y compris sur les sociétés, les dividendes et les plus-values financières Opposition à la hausse des salaires Hausse du temps de travail (heures supplémentaires exonérées)
IV. Faillite ou régression sociale Programmée? (3/4) Exonérer les heures supplémentaires signifie en fait que le salarié va créer plus de richesses au profit du capital C’est une augmentation de la productivité du travail (VA par journée du travail), une intensification de l’exploitation
IV. Faillite ou régression sociale Programmée? (4/4) Exemple des heures supplémentaires exonérées Avant Pour une rémunération de 100 euros par jour (y compris cotisations sociales) pour 8 heures de travail et une valeur ajoutée de 160 euros, on a: Valeur ajoutée par heure de travail: 20 euros Salaire (y.c. cotisations) par heure: 12,5 euros Marge par heure: 7,5 euros Marge totale: 60 Avec 2 heures d’heures supp. sans cotisations: Je gagne 120 euros et je produis 200 euros Marge pour l’entreprise: 80 Marge par heure: 8 Salaire par heure: 12 Résultat: je perds 0,5 euros par heure, le patron voit sa part augmenter d’autant; et la Sécu perd aussi de l’argent
V. Conclusion: le partage de la valeur ajoutée est un enjeu revendicatif (1/2) Le partage de la valeur ajoutée est un enjeu de justice sociale: il est profondément injuste qu’une part plus importante des richesses créée par le travail, soit affectée à la rémunération du capital Le partage de la valeur ajoutée est aussi un enjeu majeur pour le développement de l’emploi et de l’investissement: La baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée est synonyme d’une réduction relative du revenu salarial Cela pèse sur la consommation, donc sur l’investissement et l’emploi (rappel: la consommation représente plus de 55% du PIB de la France et qu’elle est depuis plusieurs années le principal « moteur » de la croissance économique)
V. Conclusion: le partage de la valeur ajoutée est un enjeu revendicatif (2/2) L’équipe Sarkozy parle de faillite de la France pour organiser une régression sociale Ses politiques vont aggraver les déséquilibres et les problèmes de l’économie française Pour résoudre ces problèmes il faut valoriser le travail, c’est-à-dire notamment: Plus d’emplois qualifiés, stables et bien rémunérés ce qui conduira, entre autres, à un meilleur partage de la valeur ajoutée au profit des travailleurs.