Douleur et neurophysiologie de la douleur chez les animaux domestiques Aude Ferran 2017
Neurophysiologie de la douleur Douleur chez les mammifères Peut-on parler de douleurs chez l’animal ? Différents termes pour décrire une douleur Mécanismes de la douleur Du stimulus nociceptif à la moelle épinière De la moelle à l’encéphale Modulation de la douleur Modulation par les voies descendantes Sensibilisation périphérique Sensibilisation centrale
Définitions La nociception est un processus sensoriel qui permet de percevoir les stimulations produisant la douleur La douleur chez l’Homme est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle ou décrite en termes d'une telle lésion
Définitions La douleur chez l’animal est une expérience sensorielle aversive qui déclenche des actions motrices protectrices, des apprentissages d’évitement et qui peut modifier le comportement social de l’animal ou du groupe (Zimmerman 1986) La douleur a une dimension émotionnelle, elle est associée une perception désagréable, ce n’est pas seulement une sensation.
Douleur chez l’animal L’existence de la douleur est reconnue chez les mammifères et le plus souvent chez les oiseaux La question de douleur chez les poissons et les invertébrés n’est pas résolue Expertise INRA sur la douleur
Douleur chez l’animal Depuis 28 janvier 2015 (adoption définitive) L’animal n’est plus un « bien meuble » mais un « être vivant doué de sensibilité » dans le code civil (nouvel article 515-14)
Douleur chez les mammifères Réactions motrices de protection Réponses d’évitement apprises Réponses du système nerveux autonome tachycardie tachypnée hypertension mydriase augmentation des concentrations sanguines de cortisol, de catécholamines et d’opioïdes endogènes = Mêmes signes que chez l’Homme
Douleur chez les mammifères Chez l’animal, la douleur est très difficile à saisir, l’expression de douleur varie selon les espèces Changement de comportement Hypoactivité Absence de plaintes ou de signes parfois mort feinte pour éviter d’attirer des prédateurs Hyperactivité Vocalisation Grattage, léchage, mutilation de plaies Ronronnement chez le chat
Source : 4Avet lien internet
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Echelle visuelle analogique
Différents types de douleur Douleur aigüe (courte) signal d’alarme qui protège l’organisme prévient d’un danger permet d’éviter la cause et/ou de limiter les conséquences Douleur chronique (prolongée plusieurs mois) néfaste à l’organisme destructrice
Différents types de douleur Origine de la douleur Douleur nociceptive : douleur causée par une lésion tissulaire Douleur neurogénique : douleur causée par une lésion primaire ou un dysfonctionnement du système nerveux Exemples : lésions des axones ou perte de myéline.
Différents types de douleur Perception / Intensité de la douleur Allodynie : douleur ressentie après un stimulus non douloureux ex : toucher sur peau brulée Hyperalgésie : augmentation de la réponse à un stimulus douloureux ex : claque sur un coup de soleil Analgésie : absence de réponse après un stimulus douloureux
Différents types de douleur Localisation de la douleur Douleurs ressenties à un site éloigné de la lésion tissulaire Douleur projetée Douleur référée Douleurs ressenties à un site inexistant Douleur de membre fantôme
Différents types de douleur Douleur projetée Douleur ressentie dans le dermatome d’un nerf lésé Ex : pincement d’un nerf au niveau du coude qui entraîne une douleur au niveau de la main
Différents types de douleur Douleur référée = Localisation de douleurs viscérales sur la peau
Différents types de douleur Douleur référée (suite) Causes : Convergence vers le même neurone spino-thalamique (neurone qui part vers le cerveau) de douleurs d’origine Cutanée Viscérale Articulaire Très bonne localisation de la douleur sur le peau Les informations nociceptives viennent très souvent de la peau
Différents types de douleur Douleur du membre fantôme = Individu amputé peut ressentir la présence de l’élément amputé et parfois une douleur Peut-être observé lors d’amputation ou d’exérese de Membres Œil Dent Sein … Formation d’un névrome et remaniement du système nerveux central
Neurophysiologie de la douleur Douleur chez les mammifères Peut-on parler de douleurs chez l’animal ? Différents termes pour décrire une douleur Mécanismes de la douleur Du stimulus nociceptif à la moelle épinière De la moelle à l’encéphale Modulation de la douleur Modulation par les voies descendantes Sensibilisation périphérique Sensibilisation centrale
Mécanismes de la douleur : du stimulus à la moelle épinière Nocicepteurs Sensibles uniquement aux stimuli douloureux Seuil d’activation Gradation de l’intensité du stimulus nocicepteur Potentiels d’action/s thermorécepteur 40 45 Température (°C)
Mécanismes de la douleur : du stimulus à la moelle épinière Nocicepteurs Nombreux sur : peau périoste surface articulaires Très bonne localisation Peu nombreux sur les viscères Mauvaise localisation Absents au niveau du SNC
Mécanismes de la douleur : du stimulus à la moelle épinière Nocicepteurs Structure : extrémités neuronales libres (pas de structure type corpuscule de Pacini) canaux ioniques qui laissent entrer le Na+ et Ca 2+ Transduction : transformation des stimuli nociceptifs en activité électrique
Mécanismes de la douleur : du stimulus à la moelle épinière Nocicepteurs : Activation : Directe par la stimulation nociceptive sur le nocicepteur ex: brûlure Indirecte par l'intermédiaire de substances algogènes endogènes libérées en cascade suite à la lésion tissulaire ex : « soupe inflammatoire »
Mécanismes de la douleur : du stimulus à la moelle épinière Nocicepteurs Ils peuvent être spécifiques ou polymodaux Thermique Mécanique Chimique
Mécanismes de la douleur : du stimulus à la moelle épinière Nocicepteurs TRP (transient receptor potential) les plus répandus TRPV : vanilloïdes = thermosensibles (chaleur) TRPV1 thermosensible (chaleur) + sensibilité à la capsaïcine TRPV2 thermosensible (chaleur). (Pas de sensibilité à la capsaïcine) TRPV3-4 Seuil plus bas TRPM8 thermosensible (froid) TRPA4 thermosensible (froid) TREK : mécanosensibles
Mécanismes de la douleur : du stimulus à la moelle épinière Remarque : capsaïcine Stimule les extrémités nerveuses (TRPV1) Douleur (sensation de brûlure) Puis désensibilisation Dopant chez le cheval (Dopage JO)
Mécanismes de la douleur : du stimulus à la moelle épinière Fibres nerveuses afférentes = protoneurone Aδ myélinisées conduction rapide « première douleur » immédiate très localisée et aiguë répartition sur le derme et épiderme principalement spécialisées surtout dans les stimuli mécaniques C non myélinisées conduction lente « seconde douleur » moins localisée présentes sur la peau, et surtout les muscles, articulations, tendons et viscères. plurimodales (thermique, mécanique et chimique)
Mécanismes de la douleur : du stimulus à la moelle épinière
Mécanismes de la douleur : du stimulus à la moelle épinière Corps cellulaires des neurones afférents : dans les ganglions dorsaux de la moelle épinière ou dans les ganglions trijumeaux pour les nerfs sensitifs de la tête. Synapses dans corne dorsale de la moelle épinière dans différentes couches de la corne dorsale Couches I et II : neurones spécifiques de la douleur Couche V : neurones non spécifiques de la douleur coupe de moelle épinière et couches de Rexed
Mécanismes de la douleur : du stimulus à la moelle épinière Synapses dans corne dorsale de la moelle épinière Neurotransmetteurs au niveau de la corne dorsale glutamate (voie rapide) et substance P (en plus de glutamate dans la voie lente) = douleur lente et chronique Récepteurs post-synaptiques AMPA ionotropique (Na+) NMDA ionotropique (Ca2+) activés seulement si la fibre est dépolarisée de manière persistante
Mécanismes de la douleur : du stimulus à la moelle épinière Second neurone de la voie nociceptive Interneurone Neurone ascendant nociceptif spécifique = voie néospinothalamique Neurone ascendant non spécifique de la nociception = neurone Wide Dynamic Range = voie paléospinothalamique
Mécanismes de la douleur : du stimulus à la moelle épinière Théorie du portillon = Gate control Modulation segmentaire de la douleur (Melzack et Wall 1965) Fibres Aβ interneurone Neurone ascendant Fibre de la nociception (C ou Aδ)
Mécanismes de la douleur : du stimulus à la moelle épinière Théorie du portillon = Gate control Modulation segmentaire de la douleur (Melzack et Wall 1965) pas de stimulus mécanique Fibres Aβ + DOULEUR Neurone ascendant + Stimulus nociceptif Fibre de la nociception (C ou Aδ)
Mécanismes de la douleur : du stimulus à la moelle épinière Théorie du portillon = Gate control Modulation segmentaire de la douleur (Melzack et Wall 1965) Stimulus mécanique Fibres Aβ + Absence de douleur Enképhaline (opioïde endogène) Stimulus nociceptif + Fibre de la nociception (C ou Aδ)
Mécanismes de la douleur : de la moelle épinière à l’encéphale Voies ascendantes par les neurones de projection Voie archispinothalamique Voie paléospinothalamique Voie néospinothalamique Relais dans différentes structures de l’encéphale
Mécanismes de la douleur : de la moelle épinière au cerveau Voie archispinothalamique (spino-réticulo-thalamique) Voie diffuse Se projette sur la formation réticulée (éveil) le thalamus (perception des informations sensorielles) Envoie des collatérales vers Système limbique (émotions) Hypothalamus (comportement, réponses endocrines) Réactions autonomes et émotionnelles
Mécanismes de la douleur : de la moelle épinière au cerveau Voie paléospinothalamique Conduction lente Pas de somatotopie = mauvaise localisation Se terminent sur le thalamus Projections sur : la formation réticulée (Éveil, modulation de la douleur) Troisième neurone vers le cortex cérébral Réactions autonomes et émotionnelles
Mécanismes de la douleur : de la moelle épinière au cerveau Voie néospinothalamique Seulement chez les mammifères supérieurs Conduction rapide Somatotopie = localisation de la douleur Type de douleur Se terminent sur le thalamus 3ème neurone vers le cortex somatosensoriel Toutes les fibres décussent (≠ autres voies) au niveau de la moelle épinière Localisation et identification de la douleur
Mécanismes de la douleur : de la moelle épinière au cerveau Voie néospinothalamique Syndrome de Brown-Séquard Suite à une hémisection de la moelle épinière à gauche la sensibilité à la douleur provenant de la partie inférieure droite est réduite la sensibilité tactile provenant de la partie inférieure gauche est réduite 41
Neurophysiologie de la douleur Douleur chez les mammifères Peut-on parler de douleurs chez l’animal ? Différents termes pour décrire une douleur Mécanismes de la douleur Du stimulus nociceptif à la moelle épinière De la moelle à l’encéphale Modulation de la douleur Modulation par les voies descendantes Sensibilisation périphérique Sensibilisation centrale
Modulation de la douleur 1.voies descendantes Excitatrices baissent le seuil de nociception rôle d’apprentissage Inhibitrices diminuent le signal douloureux
Modulation de la douleur 1.voies descendantes Voies descendantes inhibitrices Inhibition de la douleur Origine : Substance grise périaqueducale Locus cœruleus Neurotransmetteurs : sérotonine noradrénaline opioïdes endogènes glycine GABA
Modulation de la douleur 1.voies descendantes Voies descendantes inhibitrices voie sérotoninergique (Substance grise périaqueducale) Contient des récepteurs aux opioïdes Reçoit des informations du cortex de l’hypothalamus des voies ascendantes Signaux partent vers la corne dorsale Neurones sérotoninergiques qui font libérer des substances opioïdes endogènes par des interneurones au niveau de la corne dorsale
Modulation de la douleur 1.voies descendantes Voies descendantes inhibitrices Voie sérotoninergique (suite) Au niveau de la corne dorsale, enképhalines se lient aux récepteurs pré-synaptiques des fibres afférentes Diminution de la libération de glutamate et de substance P post-synaptiques Hyperpolarisation des neurones ascendants
Modulation de la douleur 1.voies descendantes Voies descendantes inhibitrices voie noradrénergique (Locus cœruleus) Reçoit informations de Substance grise périaqueducale Hypothalamus Envoie signal descendant inhibiteur sur la corne dorsale par des neurones noradrénergiques Récepteurs adrénergiques α2 Inhibition de la libération de substance P Hyperpolarisation du neurone post-synaptique
Modulation de la douleur 2 . Sensibilisation périphérique Les destructions tissulaires entraînent une libération de K+ et H+ (libérés par les cellules) histamine (libérée par les mastocytes) bradykinine (provient du plasma) Ces substances chimiques activent les nocicepteurs Substance P (libérée par l’extrémité neuronale) PGE2 (libérée par les cellules) Elles augmentent la sensibilité Hyperalgésie primaire
Modulation de la douleur 3 . Sensibilisation centrale = Wind-up = Embrasement Cause : signaux nociceptifs majeurs arrivent à la corne dorsale de la moelle épinière Conséquences : hyper-réponse en quelques secondes hyperalgésie primaire au niveau de la zone abimée hyperalgésie secondaire sur d’autres zones que la zone lésée
Modulation de la douleur 3 . Sensibilisation centrale Rôle majeur des neurones non spécifiques nociceptifs (WDR) Rôle de glutamate substance P neurotrophine PLA2 : production de PGE2 et acide arachidonique Mobilisation des récepteurs à la membrane Activation des récepteurs NMDA
Modulation de la douleur 3 . Sensibilisation centrale Voies descendantes inhibitrices ont une activité diminuée = diminution de sécrétion de noradrénaline et de sérotonine Inhibitions par Aβ (théorie du portillon) peuvent être supprimées Fibres Aβ peuvent transmettre signal douloureux = allodynie
Modulation de la douleur 3 . Sensibilisation centrale Traitement Très difficile opioïdes souvent inefficaces inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine (ex : tramadol) gabapentine qui semble activer le système descendant noradrénergique kétamine : antagoniste des récepteurs NMDA Prévention indispensable
Conclusion Douleur existe chez les mammifères Repérer la douleur Comportement Anamnèse Comprendre les mécanismes de la douleur Prévenir une sensibilisation Identifier les cibles des analgésiques