LE DIALOGUE DANS LE PAGNE NOIR DE BERNARD DADIE (Côte d’Ivoire)

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Transcription de la présentation:

LE DIALOGUE DANS LE PAGNE NOIR DE BERNARD DADIE (Côte d’Ivoire) Françoise Ugochukwu (Open University UK) Londres, 24/02/2014

En contexte scolaire anglais http://filestore.aqa.org.uk/subjects/specifications/alevel/AQA-2650-2660-2695-W-SP-14.PDF

Côte d’Ivoire – Données générales Données géographiques Nom officiel : Côte d’Ivoire  Superficie : 322.463 km²  Capitale : Yamoussoukro  Villes principales : Abidjan, Bouaké, Daloa, Yamoussoukro  Langue officielle : Français  Monnaie : Franc CFA  Fête nationale : 7 août Données démographiques Population : 21,1 millions d’habitants (Banque Mondiale, 2009)  Densité : 60 hab/km² (Banque de France, 2008) Croissance démographique : 2 % (Banque Mondiale, 2011)  Espérance de vie : 57,2 ans (Banque Mondiale, 2012)  Taux d’alphabétisation : 48,7% (PNUD) Religion (s) : islam : 38.6%; christianisme : 32.8%; religion traditionnelle : 11.9%; sans religion : 16.7% (CIA World Factbook, 2008) […]  

Données économiques PIB : 24 Mds USD (Banque Mondiale, 2011)  PIB par habitant : 1 100USD (Banque Mondiale, 2011) Taux de croissance : 8 % (Banque Mondiale, 2012)  […] Principaux clients (Economist Intelligence Unit, 2009) : Pays-Bas (13,9%) ; France 10,7% ; Etats-Unis (7,8%) ; Allemagne (7,2%)  Principaux fournisseurs (Economist Intelligence Unit, 2009) : Nigeria (20,7 %), France (14,2 %), Chine (7,2 %), Thaïlande (5,1 %) Part des principaux secteurs d’activités dans le PIB (Banque Mondiale, 2009) : agriculture : 25% industrie : 25% services : 50%. Exportations de la France vers la Côte d’Ivoire en 2011 : 735 M€ (Mission économique)  Importations françaises depuis la Côte d’Ivoire en 2011 : 545 M€ (Mission économique) Consulat de France : Abidjan  Communauté française en 2009 : 14 000 inscrits (2012)  Communauté ivoirienne en France : 37 869 (MIIIDS, 2008) http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/cote-d-ivoire/presentation-de-la-cote-d-ivoire/

(1916 - ) Bernard Binlin Dadié, Le pagne noir, Editions Présence Africaine, Paris 1955 (1916 - )

Dadié, Homme de lettres et homme politique ivoirien Auteur prolifique, Dadié a l’avantage d’avoir livré à la postérité des œuvres du champ de la nouvelle, du roman, de la poésie, du théâtre et de l’essai. Parallèlement à une production littéraire féconde, il est doublement prix littéraire d’Afrique noire (Patron de New York, 1965 et La ville où nul ne meurt, 1968). Sa poésie, militante, se caractérise par une démarche elliptique et une appropriation décomplexée de son statut d’homme noir, comme en témoignent les vers : « Je vous remercie mon Dieu de m’avoir créé Noir Le blanc est une couleur de circonstance Le noir, la couleur de tous les jours Et je porte le Monde depuis l’aube des temps Et mon rire sur le Monde, dans la nuit, crée le Jour »  http://www.babelio.com/auteur/Bernard-Binlin-Dadie/27877

L’individu en dialogue au coeur d’un réseau Village un habitat groupé : dans un univers encore vierge une solidarité villageoise à laquelle font souvent allusion les personnages  Famille Le village est fait de familles liées par le sang et l’amour On retrouve ce lien très fort entre père, mère et enfant, entre mère et fils. Parenté Au-delà du couple, c’est la famille étendue, la parenté à laquelle on rend visite. Le terme de « frère » les désigne.

Occupation Les villageois sont regroupés par occupation: « féticheurs », forgerons, marchands ou cultivateurs  Groupes d’âge Les groupes d’âge viennent encore s’ajouter au faisceau de relations de l’individu.  C’est qu’au village, tout se fait en commun. Environnement Vivant en commun et en harmonie avec ses semblables, l’homme du Pagne noir est également intégré à son environnement - en dialogue avec les animaux et la nature.

« La fable - nous disent Awouma et Noah (Contes et fables du Cameroun, Editions CLE, Yaoundé 1978:23) - est un récit qui présente le monde réel des faits. Elle rapporte et définit les préoccupations de l’homme dans la société. Les personnages sont généralement les animaux qui représentent les hommes. Elle vise à exposer une vérité morale, [offre] une initiation à la vie sociale et donne parfois une peinture satirique du groupe concerné ». C’est à la lumière de cette définition que nous allons relire Le Pagne noir de Bernard Dadié pour y noter la place donnée au dialogue et à la vie en commun. 

Le village « La famine donc était au village », nous dit la première fable du recueil, « le miroir de la disette ». Kakou Ananzé n’échappe pas au « sort commun ». Tout au long de l’ouvrage, l’individu est ainsi partie d’un tout ; il est enraciné ; il a son village - le mot est mentionné 84 fois en 158 pages. Chaque animal, chaque être a son village, et ce, jusqu’au pays des morts. Le paysage lui-même découvre un habitat groupé : « des villages et des villages, des forêts et des forêts, des océans et des océans, des plaines, des solitudes », dans un univers que l’homme n’a pas encore vraiment domestiqué et où, dès qu’on s’éloigne, le danger commence - danger des Esprits et danger des animaux. Née de ce « sort commun » existe une solidarité villageoise à laquelle font souvent allusion les personnages : dans la fable d’« Araignée et la Tortue », l’Ecureuil, pour sauver sa tête, invoque ainsi le fait qu’il est du même village que la mère de l’Araignée.

La famille Le village est fait de familles liées par le sang, et parfois même l’amour, comme celui qui unit l’homme et la femme dans le récit de « l’enfant terrible » : « tous deux s’aimaient à tel point qu’ils pensaient la même chose dans le même instant. Et cette femme, tout le temps, à son mari, au champ, apportait le repas de midi ». Le garçon qui naît joint le couple et prend son tour pour apporter le repas à son père. On retrouve ce lien très fort entre père, mère et enfant dans une autre fable, « le groin du porc » où ce dernier se plaint du meurtre d’un de ses nourrissons par l’Araignée et ajoute : « depuis, ma femme et moi n’avons cessé de pleurer ».  Entre mère et fils, les liens sont solides aussi. C’est à l’intérieur de cette petite famille que se perpétuent les traditions. Les liens unissant la petite famille résistent à la mauvaise conduite des enfants, et le fils prodigue est reçu à bras ouverts.

La parenté L’occupation Au-delà du couple, c’est la famille étendue, la parenté mentionnée par l’Ecureuil dans « Araignée et Tortue » alors qu’il va rendre visite aux parents de sa femme dans un village éloigné ; c’est d’ailleurs dans cette fable qu’apparaît le terme de « frère », employé par l’Ecureuil pour rappeler à l’Araignée qu’il est du même village que sa mère.    L’occupation Liés à leur famille, les individus sont aussi groupés selon leur occupation : le conteur nous parle, par exemple, des « féticheurs », des forgerons, des marchands ou des cultivateurs.

Les groupes d’âge Les groupes d’âge viennent encore s’ajouter au faisceau de relations de l’individu. C’est qu’au village, tout se fait en commun. La naissance voit accourir matrones et voisins. Et tout au long de la vie, ces voisins, ces frères, ces amis, seront présents. C’est en famille que Kakou Ananzé cultive son champ ; le marché rassemble promeneurs, acheteurs et vendeurs qui « allaient, venaient, achetaient, échangeaient, négociaient, brocantaient, spéculaient, transportaient, évacuaient, livraient, sans que l’âpreté des débats, des discussions, exclut la courtoisie. »  C’est en groupe que les femmes font la cuisine au retour des champs et que les forgerons préparent le repas de fête […]. La mort est « une calamité permanente, tapie dans chaque case, debout à chaque détour de route, à chaque carrefour, poursuivant tout homme » ; c’est pourquoi les funérailles sont l’un des grands moments de la vie au village.

La critique sociale L’individu, vivant au cœur du groupe, est « regardé » par lui. L’Araignée s’est acquis une réputation de tromperie, nous en avons la preuve dans le récit de « La dot » où chacune des personnes rencontrées se montre d’abord méfiante, sur ses gardes - « C’est qu’il est malin, papa Kakou Ananzé ». Ce sont les conseils du petit Silure, de l’Ecureuil et du Boa qui changent le destin de leurs interlocuteurs ; et celui qui fait fi de ces conseils d’amis s’en mord les doigts, nous le voyons au sort de l’Hyène qui, malgré les avertissements, ne s’est pas contentée de boire le sang de la vache de Dieu mais a touché au cœur. « Elle essaya de se sauver. Des enfants lui tombèrent dessus en criant : ‘Voici l’assassin, voici l’assassin !’ Chacun prit ce qu’il put trouver pour l’assommer. Ils lui donnèrent des coups sur la tête, des coups sur les reins (...). Ils tombèrent si dru et si fort sur les reins qu’ils les lui brisèrent. »

L’environnement Vivant en commun et en harmonie avec ses semblables, l’homme et la femme du Pagne noir sont également intégrés à leur environnement - en dialogue avec les animaux et la nature. Comme le dit le récit de « L’enfant terrible », « autrefois, tous les animaux habitaient ensemble, dans un village à eux, qui n’était pas loin du village des hommes. Et les hommes et les animaux se comprenant ne se livraient point la guerre ». Depuis, l’inimitié est née entre eux ; mais l’ouvrage de B. Dadié se situe encore dans cette zone, à cette étape intermédiaire où hommes et animaux se rencontrent, conversent et se ressemblent. On y voit singe, crocodile, tortue, hyène, lion, tigre, panthère, éléphant, buffle, antilopes, rhinocéros, porc, renard et bélier, biche et cabris, bœuf et mouton, phacochère, chacal, écureuil, pintades, poules et canards, coqs et paons, chiens, poissons et martin-pêcheur, papillons, vautour, aigle et hirondelle, et bien d’autres encore, peupler un monde où l’homme, comme le héros du dernier récit, semble encore isolé et minoritaire. 

Ramener le déviant au sein du groupe   Face à l’hostilité de la brousse, les humains se sont groupés. Et le recueil de Bernard Dadié nous présente l’individu isolé comme déviant, quelle que soit la cause de son isolement : timidité ou mauvais caractère. La chauve­-souris mène une vie paisible, « ne cherchant jamais querelle à personne, supportant, tout avec patience. Nombreux étaient les animaux qui l’estimaient. » Mais elle souffre de ne parler avec personne. L’auteur la plaint longuement, oppose sa situation à la nature qui a fait des êtres des « vases communicants » et propose un remède à cet isolement : « une amitié sûre. » A l’opposé, l’Araignée semble un des personnages les plus entourés : les femmes « ensorcelées, éblouies, tout le temps, couraient » à ses trousses ; mais en même temps, il se sait haï de tous. Considéré comme un « Grand » dans le monde animal et lié par un pacte à l’Eléphant, au Rhinocéros, au Buffle, au Lion, au Tigre et à la Panthère, il n’en est pas moins victime de la méfiance générale. Le groupe va proposer une solution : un changement de comportement. 

Morale de l’histoire… Le châtiment attaché au refus de suivre la norme et de se laisser guider par le groupe est gradué d’un récit à l’autre. En gros, on peut noter trois étapes : il y a parfois seulement rejet de l’individu dans l’isolement, relâchement ou coupure des liens d’amitié. Le plus souvent, et parfois en même temps, l’individu perd la récompense octroyée après la réussite à la première épreuve : bœuf, nourriture, richesses, etc.... Le châtiment peut enfin, dans certains cas, prendre une tournure extrême et aller jusqu’au point de non-retour : au rejet - du fait d’une infirmité acquise et irrémédiable, au bannissement, voire à la folie, comme nous le montre la fin d’« Araignée et la Tortue » : « À tout le monde, il contait les merveilles de son voyage au pays de l’Ecureuil, parlait du bélier de la Tortue. Chaque auditeur l’écoutant, remuait la tête et s’en allait convaincu qu’il avait affaire à un fou. Plus il racontait l’aventure, plus il passait pour fou. Un matin, Kakou Ananzé quitta le village. »  

Isolé ou caméléon, l’individu court donc à sa perte; au contraire, nous rappelle Le Pagne noir, lié au groupe, enraciné dans son terroir, respectueux des lois de son milieu, il est assuré d’une vie paisible et devient facteur de cohésion sociale. En dialogue avec ses semblables, en harmonie avec son environnement, il perd alors, paradoxalement, la notion des frontières. La Mort même devient une amie et l’impossible se réalise ; devant lui les portes s’ouvrent et son sourire est la clef d’une vie heureuse. Koffi frotte le dos du Crocodile, coiffe le Diable et fait belles les vieilles du village des morts « avec empressement et sourire. » A son sourire répond celui d’Aïwa l’orpheline dont la persévérance et l’humeur égale ont raison de tous les obstacles ; elle « souriait toujours », nous dit B. Dadié - et c’est aussi la leçon qu’il nous laisse.

Questions pour un débat   Le Pagne noir, un recueil de contes populaires réécrits La difference entre conte populaire et conte littéraire L’influence de la culture et du pays sur l’écriture Les différences culturelles entre la Grande-Bretagne et la Côte d’Ivoire À lire aussi Revue en ligne Semen 18 (2004) De la culture orale à la production écrite : littératures africaines: DERIVE Jean: Le traitement littéraire du conte africain : deux exemples chez Bernard Dadié et Birago Diop MOURALIS Bernard: Littératures africaines, Oral, Savoir http://semen.revues.org/431