Cette série de diapositives est fondée sur une présentation à la Conférence annuelle sur les maladies cardiovasculaires qui a eu lieu à Lac Louise, Alberta du 2 au 6 mars, 2003. Présenté initialement par Frans Leenen, M.D. et Maldolm Arnold, M.D., le rapport est présenté et commenté dans Cardiologie - Actualités scientifiques par David Fitchett, M.D. Lorsque l’étude ALLHAT a été conçue au début des années 1990, des études cliniques antérieures avaient clairement démontré qu’une réduction de la tension artérielle de 5 à 6 mm Hg chez les patients atteints d’hypertension modérément sévère réduisait le risque d’accident cérébro-vasculaire de 35 à 40 %. Cependant, les paramètres liés à la coronaropathie, tels que la mort cardiaque subite et l’infarctus du myocarde (IM), ont été réduits dans une moindre mesure. De nouveaux agents antihypertensifs tels que les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) et les bloqueurs des canaux calciques (BCC), qui ont des propriétés antiathéroscléreuses potentielles, ont été commercialisés par la suite. Par opposition, on considérait que les diurétiques avaient des effets athéroscléreux potentiels en raison de leurs effets indésirables sur le métabolisme du glucose et des lipides. Par conséquent, entre 1980 et 1994, les diurétiques de la famille des thiazides ont été remplacés (sans justification clinique) par les IECA, les BCC et les bêta-bloquants pour le traitement de première ligne de l’hypertension. Après que l’étude ALLHAT ait été initiée vers la moitié des années 1990, on craignait que les BCC (en particulier les agents de la famille des dihydropyridines) soient associés à un taux plus élevé d’IM ainsi qu’au cancer et à l’hémorragie gastro-intestinale.
L’étude ALLHAT (Antihypertensive and Lipid Lowering treatment to prevent Heart Attack Trial) visait à vérifier l’hypothèse selon laquelle les nouveaux agents antihypertensifs, tels que les IECA, les BCC et les alpha-bloquants, étaient supérieurs aux diurétiques de la famille des thiazides pour prévenir l’IM mortel et non mortel. Les paramètres secondaires de l’étude consistaient à démontrer la supériorité des nouveaux agents antihypertensifs en ce qui concerne la mortalité toutes causes, l’accident cérébro-vasculaire, la coronaropathie combinée (paramètre primaire plus revascularisation coronarienne et angine nécessitant une hospitalisation) et la maladie cardiovasculaire combinée (coronaropathie combinée plus accident cérébrovasculaire, autre angine traitée, insuffisance cardiaque et maladie vasculaire périphérique). Le paramètre représenté par l’insuffisance cardiaque comprenait les événements mortels, nécessitant une hospitalisation ou traités, mais ne nécessitant pas une hospitalisation. Les critères d’admissibilité pour l’étude sont indiqués dans cette dispositive. L’étude ALLHAT comprenait 42 418 participants, dont 33 357 ont été répartis au hasard pour recevoir la chlorthalidone, l’amlodipine ou le lisinopril dans 623 centres aux É.-U., au Canada, à Puerto Rico et dans les îles Vierges américaines. La grande majorité des centres étaient des cliniques communautaires et il y avait très peu de centres de santé universitaires. Le suivi était en moyenne de 4,9 ans (gamme de 3 ans et 8 mois à 8 ans et un mois).
Les participants ont été répartis au hasard pour recevoir selon une méthodologie à double insu la chlorthalidone (12,5 à 25 mg/jour), l’amlodipine (2,5 à 10 mg/jour), le lisinopril (10 à 40 mg/jour) ou la doxazosine. Le traitement a été amorcé sans période de sevrage thérapeutique chez les 90 % des patients qui recevaient un traitement antihypertenseur avant de commencer le médicament à l’étude. Étant donné que chez les sujets répartis au hasard pour recevoir la doxazosine on a noté une augmentation précoce des événements cardiovasculaires combinés, on a retiré prématurément ce groupe de l’étude et il ne sera pas examiné. Chez les patients qui ne sont pas parvenus à la tension artérielle cible (< 140/90 mm Hg) lors de leur répartition à double insu, on a ajouté un médicament (étape 2) selon une méthodologie ouverte. Le choix des médicaments pour l’étape 2 était le suivant : aténolol (25 à 100 mg/jour), réserpine (0,05 à 0,2 mg/jour) ou clonidine (0,1 à 0,3 mg/jour). Le médicament de l’étape 3 était l’hydralazine (25 à 100 mg/jour). L’âge moyen des sujets était de 66,9 ans et 57,6 % avaient plus de 65 ans. Près de la moitié était des femmes et 32 % étaient de race noire. Au moment de la randomisation, 90 % des patients prenaient un antihypertenseur non spécifié. Cinquante-deux pour cent des patients présentaient des antécédents de maladie cardiovasculaire athéroscléreuse, 25 % de coronaropathie et 36 % de diabète de type 2. La majorité était obèse avec un IMC moyen de 29,8. La tension artérielle moyenne chez les patients ne recevant pas de traitement était de 157/90 mm Hg et chez ceux ayant reçu un traitement au départ, elle était de 145/83 mm Hg. Soixante-six pour cent des sujets sont parvenus à une tension artérielle cible < 140/90 mm Hg à la fin de l’étude. Une meilleure maîtrise de la TA a été obtenue en association avec une augmentation du nombre de médicaments prescrits. La maîtrise de la tension artérielle était optimale chez les patients recevant la chlorthalidone et le groupe traité avec le lisinopril avait une tension artérielle systolique qui était de 2 mm Hg plus élevée après un traitement de 5 ans comme le démontre cette diapositive. La différence dans la TA systolique entre les groupes recevant la chlorthalidone et le lisinopril était de 4 mm Hg chez les sujets de race noire et de 1 mm Hg chez les sujets qui n’étaient pas de race noire. La chlorthalidone (lorsqu’elle est utilisée comme agent de première ligne), comparativement au lisinopril ou à l’amlodipine, a entraîné une maîtrise supérieure de la tension artérielle.
Il n’y avait pas de différence dans le paramètre primaire (l’incidence de l’IM mortel et non mortel) entre les groupes recevant la chlorthalidone et l’amlodipine ou la chlorthalidone et le lisinopril, bien que la chlorthalidone ait produit une meilleure maîtrise de la TA comme le démontre cette diapositive.
L’amlodipine et le lisinopril, comparativement à la chlorthalidone, n’ont pas entraîné de différence significative dans les paramètres secondaires représentés par la mortalité toutes causes, la coronaropathie combinée, la maladie artérielle périphérique, le cancer ou l’insuffisance rénale terminale. Le taux d’accident cérébro-vasculaire était de 15 % plus élevé dans le groupe lisinopril (p = 0,02) comme le démontre cette diapositive à gauche. Cependant, on a noté une interaction importante entre la race noire et l’accident cérébrovasculaire. Chez les sujets de race noire recevant le lisinopril, le risque d’accident cérébrovasculaire était de 40 % plus élevé que dans le groupe chlorthalidone, et pourtant on n’a pas noté un risque accru d’accident cérébro-vasculaire chez les sujets qui n’étaient pas de race noire. Étant donné que le risque plus élevé d’accident cérébrovasculaire correspondait à une tension artérielle plus élevée chez les sujets de race noire recevant le lisinopril, il semble probable que l’incidence plus élevée de l’accident cérébrovasculaire était liée à une maîtrise inférieure de la tension artérielle. Les sujets répartis au hasard pour recevoir l’amlodipine ou le lisinopril présentaient un risque plus élevé d’insuffisance cardiaque que le groupe traité avec la chlorthalidone comme le démontre cette dispositive à droite. Cette observation était une surprise, étant donné que l’amlodipine est habituellement bien tolérée et a été considérée comme un agent anti-hypertensif approprié chez les patients atteints de dysfonction du ventricule gauche. En outre, les inhibiteurs de l’ECA ont démontré dans plusieurs études qu’ils réduisaient la mortalité chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque et qu’ils prévenaient l’apparition de l’insuffisance cardiaque chez les patients présentant une altération de la fonction systolique. Les explications de ces observations surprenantes dans l’étude ALLHAT sont examinés dans le rapport. Malgré l’incidence plus élevée de l’insuffisance cardiaque associée à l’amlodipine et au lisinopril comparativement à la chlorthalidone, les agents non diurétiques n’ont pas entraîné une mortalité par insuffisance cardiaque plus élevée.
L’étude ALLHAT montre que l’on peut parvenir à une maîtrise efficace de la tension artérielle à des niveaux cibles chez une grande proportion de personnes âgées appartenant à une large gamme de groupes ethniques au moyen d’un parmi trois régimes thérapeutiques. L’utilisation de la chlorthalidone, de l’amlodipine ou du lisinopril n’a entraîné aucune différence dans l’incidence de la mortalité ou le taux d’IM pendant la période de 6 ans de l’étude. Le taux plus élevé d’accident cérébro-vasculaire observé chez les patients traités avec le lisinopril est probablement une conséquence de la moins bonne maîtrise de la TA dans le groupe de patients de race noire. On a observé un taux accru d’insuffisance cardiaque peu de temps après la randomisation, en particulier chez ceux assignés au hasard au lisinopril, ce qui peut refléter l’élimination antérieure des symptômes de congestion grâce au traitement avec un diurétique administré avant l’étude. D’autres analyses de la base de données de l’étude ALLHAT permettront peut-être d’avoir une meilleure compréhension des mécanismes et des observations sur les sous-groupes. En l’absence d’un paramètre primaire positif, l’étude ALLHAT n’annulera probablement pas les avantages des études de grande envergure qui ont obtenu des résultats de toute évidence positifs. Cette étude confirme l’innocuité et l’efficacité des diurétiques comme traitement de première ligne de l’hypertension légère à modérée pendant la période de 6 ans. En outre, les diurétiques continueront à jouer un rôle majeur dans le traitement d’association, avec plusieurs antihypertenseurs, étant donné que ces médicaments sont généralement nécessaires pour parvenir aux tensions artérielles cibles.