La main invisible parfois absente selon Smith (Source : Feney C. et Waquet I. (dir.), Economie, Sociologie et Histoire du monde contemporain, Dunod, Chapitre 12) La main invisible, qui amène les consommateurs et producteurs mus par leurs intérêts personnels à satisfaire l’intérêt général, est-elle partout présente ? Dès 1776, Smith apporte une réponse négative : si le marché est généralement le mode d’allocation des ressources le plus efficace, il existe néanmoins trois devoirs que le souverain doit remplir : « Le devoir de défendre la société de tout acte de violence ou d’invasion », « Le devoir de protéger […] chaque membre de la société contre l’injustice ou l’oppression de tout autre membre », « Le devoir d’ériger et d’entretenir certains ouvrages publics et certaines institutions que l'intérêt privé d’un particulier ou de quelques particuliers ne pourrait jamais les porter à ériger ou entretenir, parce que jamais le profit n’en rembourserait la dépense à un particulier ou à quelques particuliers. »
Les externalités : définition et exemples (défaillance de marché n°1) (Source : Villion J., « Allocation des ressources et réglementation des marchés », in Fenet C. et Waquet I., Economie, Sociologie et Histoire du monde contemporain, Dunod.) Une externalité est l’effet non intentionnel de l’action d’un agent économique sur le bien- être d’un ou plusieurs autres agents économiques sans qu’il y ait compensation. L’externalité est dite positive (respectivement, négative) lorsque l’effet est une amélioration (resp., détérioration) du bien-être. Ainsi, un don n’implique pas d’externalité positive (intentionnalité), de même pour la vente d’un bien (compensation monétaire). En revanche, l’information sur les conséquences non anticipées de l’utilisation de biens de production nouveaux (réorganisation de l’organisation du travail…) constitue, dans la mesure où elle se diffuse gratuitement, une externalité positive dont bénéficient les utilisateurs suiveurs. Quant aux externalités négatives, l’exemple classique est donné par les activités (production ou consommation) polluantes. La sous-optimalité de l’équilibre décentralisé L’agent économique, rationnel et égoïste, à l’origine d’une externalité ne supporte pas la totalité des coûts (externalités négatives) ou ne tire pas la totalité des bénéfices (externalités positives) de ses actions : sa production (ou sa consommation) est supérieure ou inférieure à celle correspondant à l’optimum social. L’internalisation des externalités (coûts ou bénéfices) peut alors se faire grâce à l’action de l’Etat : normes d’émission de substances polluantes, taxation des pollueurs (solution pigouvienne), production publique ou subventions pour les activités générant des externalités positives (éducation, recherche, etc.)…
O’= Cmsocial O = Cmprivé pS pCPP p’ D YS YCPP Externalités négatives : équilibre décentralisé, optimum social et effet d’une taxe pigouvienne O’= Cmsocial Taxe unitaire sur la production Perte de surplus du consommateur D pCPP YCPP ECPP O = Cmprivé Gain net de surplus collectif F pS YS E’ Coût social de la Yème unité produite p’ F’ Gain social Perte de surplus du producteur Gain de l’Etat
Les bien collectifs (défaillance de marché n°2) (Source : Villion J., « Allocation des ressources et réglementation des marchés », in Fenet C. et Waquet I., Economie, Sociologie et Histoire du monde contemporain, Dunod.) Un bien collectif (pur) est défini par deux propriétés : la non-excludabilité (ou non-exclusion) et la non-rivalité. La non-exclusion désigne l’impossibilité d’exclure qui que ce soit de l’utilisation du bien (ou service), en particulier ceux qui refusent de payer. Ainsi, s’il est possible d’exclure le mauvais payeur dans un bus ou un train, il est en revanche très difficile d’empêcher un individu de bénéficier de la lumière émise par un phare ou un lampadaire. La non-rivalité caractérise les biens (ou services) dont l’utilisation par un individu ne diminue pas la quantité restant disponible pour d’autres individus. Naviguer en mer ou sur Internet ne restreint pas la possibilité que d’autres naviguent également, sauf lorsque des phénomènes de congestion se produisent. La sous-optimalité de l’équilibre décentralisé Les biens collectifs purs ne sont théoriquement pas produits en laissant faire le marché, même lorsque le bien-être de tous les agents économiques augmente avec la production de ces biens : si les agents économiques sont rationnels et égoïstes, aucun d’entre eux n’a intérêt à contribuer à leur financement (problème du passager clandestin), ce qui constitue une désincitation à produire pour l’offreur. L’intervention de l’Etat est alors justifiée, soit sous la forme d’une production publique soit sous la forme d’une activité privée à financement public.
Biens publics purs et impurs Biens rivaux Biens non rivaux Biens excludables Biens privés Biens de club Biens non excludables Biens communs Biens publics (purs)
Non rivalité et rationnement sous-optimal du consommateur : l’exemple du pont conséquence de la non-rivalité : le coût marginal est nul ; le seul coût supporté par l’offreur est un coût fixe. hypothèse : coût total = coût fixe = p x q° Si le prix est p alors : 1) le surplus (profit) de l’offreur est nul (coût total = recette totale, 2) le surplus du consommateur est représenté par l’aire BpA Si le prix est nul (gratuité) : 1) la perte de l’offreur est représentée par l’aire pOq°A, 2) le surplus du consommateur est représenté par l’aire BOq*
Le dilemme du prisonnier et le financement des biens publics Citoyen 2 Contribution (max) Non contribution Citoyen 1 (32 , 32) (0 , 44) (44 , 0) (20 , 20) Remarque : le comportement de free rider n’est pas systématique. Les études expérimentales montrent que des homo sapiens jouant au jeu du bien public contribuent spontanément au financement des biens collectifs. Si la contribution diminue généralement quand le jeu est répété, la communication ou la possibilité de sanctions à l’égard des free riders renforcent les comportements coopératifs.
Les homo sapiens contribuent-ils aux biens publics ? (Source : Villeval M.-C. (2010), « Quand le marché ne suffit plus : biens publics et coopération conditionnelle » in Villion J. (2010) (dir.), Dossier sur l’économie expérimentale, Idées, n°161, septembre 2010. Le jeu de bien public est l’un des jeux standard les plus utilisés en laboratoire. En voici la configuration habituelle. De 12 à 20 participants […] sont réunis dans un laboratoire expérimental. Chacun est affecté aléatoirement à un ordinateur séparé des postes voisins par une cloison garantissant une prise de décision confidentielle et anonyme. […] Personne n’est informé de l’identité des autres personnes avec lesquelles il interagit. Chaque membre du groupe reçoit une dotation de 20 ECU (Unité de Compte Expérimentale). Il a pour tâche de répartir ce montant entre un compte privé et une contribution à un projet public. Tout ECU affecté au compte privé rapporte un ECU. Tout ECU affecté au projet public est ajouté aux ECU contribués par les autres membres du groupe. Le montant total contribué au projet public est augmenté par l’expérimentaliste par un facteur >1 (par exemple, 1.6) puis redistribué à chacun des membres du groupe à égalité, quelle que soit sa contribution au projet. […] A l’optimum, chacun contribue la totalité de sa dotation au bien public. Ainsi, la création de valeur est maximum (et chacun gagne 32 ECU dans l’exemple ci-dessus). Mais du point de vue individuel, il est possible d’augmenter encore son gain en déviant et en ne contribuant rien au bien public. Dans ce cas, l’individu gagne 44 ECU si les trois autres membres de son groupe contribuent le montant optimum. La prolongation de ce raisonnement conduit à caractériser l’équilibre de Nash de ce jeu : il correspond à une contribution nulle au bien public de la part de chaque joueur (le fameux comportement de passager clandestin). […] Le gain de chacun n’est plus alors que de …. 20 ECU, sa dotation initiale. En revanche, dès lors qu’un autre membre du groupe contribue au bien public, le gain de chaque joueur augmente. Evolution des contributions au bien public par groupe au cours du temps par groupe. La courbe en gras représente la moyenne des contributions des groupes. Données expérimentales collectées par l’auteur au GATE.
Le dilemme du prisonnier et la tragédie des communs Pêcheur 2 Pêche raisonnée Pêche intensive Pêcheur 1 (2 , 2) (0 , 3) (3 , 0) (1 , 1) - pour une présentation succincte des travaux d’Ostrom, voir Cardenas J.C. et R. Sethi (2016), « Elinor Ostrom: Fighting the Tragedy of the Commons », La Vie des Idées (http://www.booksandideas.net/Elinor-Ostrom-Fighting-the-Tragedy-of-the-Commons.html) Remarque : la surconsommation des biens communs n’est pas une fatalité. Dans le cadre d’études de terrain, Ostrom donne plusieurs exemples de gestion locale de ressources naturelles (forêts communales au Japon et en Suisse, communautés d’irrigation en Espagne ou aux Philippines, gestion de sites de pêche en Turquie…) échappant à la « tragédie des communs » grâce à la capacité des individus à mettre eux-mêmes en place des règles efficaces évitant la surconsommation.
Les monopoles naturels (défaillance de marché n°3) (Source : Villion J., « Allocation des ressources et réglementation des marchés », in Fenet C. et Waquet I., Economie, Sociologie et Histoire du monde contemporain, Dunod.) Un monopole est naturel lorsque les coûts unitaires de production d’un bien sont décroissants avec la quantité produite (les rendements d’échelle sont alors croissants). Dans ce cas, deux firmes produisant le bien sont moins efficaces qu’une seule, raison pour laquelle la structure de marché qui s’impose naturellement est une structure monopolistique. La sous-optimalité de l’équilibre décentralisé Le surplus collectif tiré d’un marché en situation de monopole (non contestable) est inférieur à celui obtenu en concurrence parfaite. Cette inefficacité (collective) du monopole justifie l’intervention de l’Etat. Si la situation de monopole vient de pratiques anticoncurrentielles de la part des offreurs, l’inefficacité ne provient pas d’une défaillance du marché mais du non respect des règles de la concurrence : l’intervention de l’Etat (gendarme de la concurrence) consiste à ramener le marché à une structure concurrentielle. Dans le cas d’un monopole naturel, les conditions techniques de production sont en revanche à l’origine d’une défaillance du marché : le monopole ne peut être évité (il est naturel) et l’intervention de l’Etat consiste alors à obliger le monopoleur à pratiquer des prix qui maximisent le surplus collectif, éventuellement sous une contrainte de rentabilité (optimum de second rang).
La tarification du monopole naturel (1) Tarification au coût moyen maximisation du surplus collectif sous contrainte budgétaire (optimum de second rang) Rm(q) RM(q)=p(q) CM(qCm) Perte du producteur avec tarification au coût marginal pM qM EM qCM pCM CM(q) monopole naturel = CM’(q)<0 (la fonction de coût total est sous-additive). asymétries d’information => réglementation par price cap : augmentation de prix = inflation – taux de croissance attendu de la productivité (rapport Littlechild (1983), privatisation de British Telecom) monopole contestable => prix = CM sans intervention publique. qCm pCm Cm(q) q
La tarification du monopole naturel (2) : la règle de Ramsey-Boiteux Principes : Contrainte budgétaire Moduler les prix des B&S réglementés en fonction des élasticités-prix de la demande pour ces différents B&S Justification : p > Cm => perte d’utilité du consommateur, mais d’autant plus faible que la demande est peu élastique au prix. Le problème se pose de savoir « comment doit être infléchie la règle de vente au coût marginal lorsque l’entreprise est soumise par ailleurs à une condition budgétaire incompatible avec cette règle de gestion. » (Boiteux (1956) Résultat : L’écart relatif du prix au Cm doit être inversement proportionnel à l’élasticité-prix de la demande Avec, Ecart relatif = Ramsey (1927), Boiteux (1956), "Sur la gestion des Monopoles Publics astreints a l’équilibre budgétaire", Econometrica. limite : les biens peu élastiques au prix sont souvent des biens de première nécessité, qui pèsent beaucoup dans le budget des ménages modestes (qui consomment peu de biens de luxe) => conflit entre efficacité (maximisation du surplus collectif) et équité.