Analyse de la pluralité linguistique : (In) sécurité linguistique Mme. MEDANE Université Hassiba Benbouali-Chlef- (Algérie)
Définitions Cette notion est apparue d’abord chez Labov («La stratification sociale de ‘r’ dans les grands magasins new yorkais »), 1966). Il part du principe de la discordance entre la prononciation effective de certains locuteurs et ce que ces mêmes locuteurs prétendent prononcer.
D’après Labov, l’insécurité linguistique est caractéristique de la petite bourgeoisie. C’est dans la classe sociale en transit, qui aspire à une ascension au sein de la communauté: la petite bourgeoisie, qu’on trouve le plus d’insécurité linguistique. Il observe que « les fluctuations stylistiques, l’hypersensibilité à des traits stigmatisés que l’on emploie soi-même, la perception erronée de son propre discours, tous ces phénomènes sont le signe d’une profonde insécurité linguistique chez les locuteurs de la petite bourgeoisie » (Labov, 1976, p.200)
L’insécurité linguistique est donc « la manifestation d’une quête de légitimité linguistique, vécue par un groupe social dominé, qui a une perception aiguisée tout à la fois des formes linguistiques qui attestent sa minorisation et des formes linguistiques à acquérir pour progresser dans la hiérarchie sociale. » (Francard, article « Insécurité linguistique », in Moreau, 1997, pp. 171-172)
Louis-Jean Calvet : « On parle de sécurité linguistique lorsque, pour des raisons sociales variées, les locuteurs ne se sentent pas mis en question dans leur façon de parler, lorsqu’ils considèrent leur norme comme la norme. A l’inverse, il y a insécurité linguistique lorsque les locuteurs considèrent leur façon de parler comme peu valorisante et ont en tête un autre modèle, plus prestigieux, mais qu’ils ne pratiquent pas. » (La sociolinguistique, QSJ, p. 50).
Pourquoi la diglossie favorise-t-elle l’insécurité linguistique ? L’ouvrage de N. Gueunier, Genouvrier et Khomsi, 1978, Les Français devant la norme est le premier à exploiter le concept d’insécurité linguistique dans le domaine francophone. Il s’agit d’une étude faite sur quatre milieux urbains : Tours, Lille, Limoges et Saint-Denis-de-la-Réunion. Cette recherche originale (démarche proche de celle de Labov) met en évidence l’hypothèse d’une relation privilégiée entre insécurité linguistique et situation de diglossie : l’insécurité linguistique est d’autant plus manifeste que le parler régional est vivace, les interférences de celui-ci étant réputées « abâtardir » le français.
Indices de l’insécurité linguistique Dépréciation des usages linguistiques de sa communauté, Souci de correction linguistique, Perception erronée de son propre discours,…
4- L’hypercorrection : À cause de la pression sociale de parler parfaitement, beaucoup de locuteurs sont victimes de l’hypercorrection. L’hypercorrection est la substitution d’une prononciation, d’une forme grammaticale, ou d’un usage que le locuteur croit être correct dans un contexte inconvenant. Un locuteur fait l’hypercorrection pour impressionner quelqu’un ou afficher ses connaissances de la langue. Par exemple: Est-ce que voulez-vous un sandwich? («Est-ce que» n’est pas nécessaire, ou on peut dire «est-ce que vous voulez…»).
L’hypercorrection est une « réalisation linguistique « fautive » mais dont le caractère fautif ne tient pas tant à l’ignorance de la règle Qu’à un excès de zèle, si l’on peut dire : on en fait un peu trop, dans certains cas où l’on se sent plus ou moins « contrôlé », pour montrer qu’on connaît la forme grammaticale ou le mot ou la prononciation qui convient, alors qu’en fait on ne maîtrise pas suffisamment la règle qu’on devrait appliquer spontanément. Il en va ainsi quand tel individu répond : « j’en suis bien t’aise», induit en erreur par l’énoncé valorisé : « j’en suis fort aise » qu’il ne réalise pourtant pas mais dont il reproduit un élément, élément dont on sait qu’il est une marque de distinction : la liaison
Selon Henri Boyer, l’hypercorrection est donc bel et bien la manifestation tangible et le symptôme évident d’une attitude d’insécurité linguistique dont on sait qu’elle habite les usagers de la communauté linguistique en situation d’handicap socioculturel, possédant un capital langagier déficient mais cependant plus ou mois obsédés par l’usage légitime de la langue et l’utilisation de ses formes de prestige (par exemple le subjonctif). (…) En ce qui concerne la communauté linguistique de France, il s’agit d’une représentation puriste, conservatrice de l’usage de la langue, tout entière investie par le caractère exclusif de la Norme, celle qui fonde le Bon Usage, le seul légitime. Norme qu’on qualifiera donc de « puriste », car à travers elle, toute « différence ‘ perçue comme « fautive ») est considérée comme une menace, sa généralisation comme un facteur de « désintégration.
Bibliographie : - Boyer H. (2001). Introduction à la sociolinguistique, Paris, Dunod. - Boyer H. (2003), De l’autre coté du discours, Paris, L’Harmattan. - Bourdieu P. (1982), Ce que parler veut dire, Paris, fayard. Calvet, L.J. (1993) : La Sociolinguistique, Que sais-je ?, Paris, PUF. - Francard M. « Insécurité linguistique », in Moreau M.L., 1997 Sociolinguistique. Concepts de base, Belgique, Mardaga. - Gueunier N., Genouvrier E., Khomsi A. (1978) : Les Français devant la norme, Paris, Champion. - Hamers, J.-F., Blanc, M., 1983, Bilinguisme et bilingualité, Bruxelles, Dessart & Mardaga.