Discipline et liberté sont-elles compatibles ? Médiathèque A.Malraux (Béziers) 18 avril 2018 1. Etymologie / Définitions : Discipline / Liberté 2. Notions / concepts / prise de vue : La notion de liberté 3. Questions / Discussion : Deux questions préalables. 4. En guise de conclusion
Etymologie et définitions de Discipline et Liberté Discipline vient du latin disciplina, enseignement, science, discipline militaire. Jusqu’au XIVe s, signifie surtout châtiment puis massacre, instrument de flagellation d’où disciplinaire. Liberté vient du latin libertas, état de celui qui n'est pas esclave, pouvoir de se déterminer soi-même. Définitions : Larousse sur internet (extrait) Discipline : Branche de la connaissance; enseignement ; matière : Les disciplines littéraires. Ensemble de lois, d'obligations qui régissent une collectivité et destinées à y faire régner l'ordre ; règlement : Se plier à la discipline. Liberté : État de quelqu'un qui n'est pas soumis à un maître : Donner sa liberté à un esclave. Possibilité d'agir sans avoir à en référer à une autorité quelconque : On lui laisse trop de liberté. Dictionnaire de philosophie Christian Godin (extrait) Discipline : La notion de discipline, comme celle d’exercice, unit l’entendement et la volonté. Liberté : Caractère spécifique de la nature humaine capable d’être à soi-même sa propre cause.
Notions / Concepts / Prises de vues La notion de Liberté. La liberté : une notion métaphysique ? L’homme est-il libre ou déterminé par des contraintes qu’il ne maîtrise pas ? S’il est la cause première de ses choix, ne dit-on pas qu’il possède un libre arbitre ? Comme dit Marcel Conche, ce serait « Le pouvoir de se déterminer soi-même sans être déterminé par rien » De là, l’absolue liberté du libre arbitre et la responsabilité absolue de l’existentialisme sartrien En effet, si je ne suis rien avant d’avoir choisi, c’est donc le néant qui choisit librement au départ à ma place ! Ce qui peut paraître quelque peu énigmatique et difficilement compréhensible ! La liberté : une notion morale ? Si la liberté ne peut être démontrée ne doit-elle pas être postulée afin que la morale soit possible ? Si celui qui veut jouir sans contrainte morale n’est pas appelé libre mais libertin; Kant n’aurait-il pas raison de penser que seul un être libre est capable de choisir entre le Bien et le Mal et réciproquement, c’est quand il est moral, qu’il est libre (la liberté est synonyme d’autonomie) ? La liberté : une notion politique ? Lorsque l’État exerce peu de contraintes sur l’individu, on parle d’un État libéral par opposition à totalitaire. Toute collectivité n’a-t-elle pas besoin de lois et d’un pouvoir exécutif pour les faire respecter car, comme dit Rousseau : « Quand chacun fait ce qui lui plaît, on fait souvent ce qui déplaît à d’autres et cela ne s’appelle pas un Etat libre » ? Néanmoins, si l’on estime que les lois sont trop contraignantes ou injustes, donc contraires à la liberté ou à la justice, n’est-il pas un devoir moral, sinon de contester la loi, du moins de lui résister afin de la réformer ? Ne pourrait-on passer de la liberté sans contrainte (comme puissance) à la liberté désirable (comme valeur) qu’en respectant les règles morales qu’on se donne, tout comme les lois qui régissent la société ? S’il n’est possible d’être libre qu’en obéissant, cela interdit il absolument de désobéir ?
Deux questions préalables : Peut-on être libre sans obéir ? Peut-on être libre sans résister ? Avant de répondre à : Discipline et liberté sont-elles compatibles ?
Peut-on être libre sans obéir ? Obéir, est-ce se soumettre ? Certaines contraintes ne sont-elles pas nécessaires à la liberté ?
Peut-on être libre sans obéir ? Obéir, est-ce se soumettre ? Soumission vient du latin submissio, action d’abaisser. De façon plus implicite, se soumettre, n’est-ce pas se mettre sous ? La soumission n’est-elle pas le symétrique de la domination; le contraire de la révolte ? Si la soumission est valorisée dans certaines religions, comment pourrait-elle être une vertu ? Se soumettre à quiconque, telle une infériorité acceptée, n’est-ce pas cela être esclave ? Obéissance, de même racine qu’obéir, vient du latin obœdire composé à partir de audire, écouter. Obéir, n’est-ce pas se soumettre à un pouvoir légitime plutôt qu’à un pouvoir de fait ? Quoique la légitimité ne soit ni l’infaillibilité ni la justice, la désobéissance, dans un Etat de droit, ne doit-elle pas rester l’exception (il n’y aurait pas d’ordre autrement, ni donc de justice) ? Si la soumission ne saurait être tolérée et justifie la révolte, obéir à la loi n’est-il pas une nécessité dans un Etat de droit ? Certaines contraintes ne sont-elles pas nécessaires à la liberté ? La liberté, conçue comme un pur pouvoir d’autodétermination, un libre arbitre éventuellement arbitraire et inconséquent, n’est-il pas incompatible avec la vie en société ? Parce que la dignité de l’Homme repose sur sa capacité de se déterminer en fonction d’une volonté morale, et non en vertu de ses penchants qu’il ne peut que subir, comme l’estimait Kant, n’y aurait-il aucune liberté possible sans règles morales qu’on s’impose à soi-même ? Lois et règles morales ne seraient-elles pas du même ordre, si l’on considère que c’est quand nous manquons de morale que nous avons besoin des lois pour vivre en société ? Voltaire n’aurait-il pas raison de dire que « La liberté consiste à ne dépendre que des lois ». Lois et règles morales qu’on s’impose à soi-même, ne seraient-elles pas nécessaires à toute vie en société ? Si nous avons besoin des lois, tout comme des règles morales, pour être libres, paradoxalement, comment saurait-on être libre sans obéir ? 6
Peut-on être libre sans résister ? Résistance : puissance ou désobéissance ? Obéir, est-ce approuver ?
Peut-on être libre sans résister ? Résistance : puissance ou désobéissance ? Résister vient du latin resistere, s’arrêter, faire face, faire obstacle à. La résistance n’est-elle pas une force qui s’oppose à une autre ? Ou, comme dit ACS « L’état naturel du conatus (de Spinoza) : tout être s’efforce de persévérer dans son être, et s’oppose par là, autant qu’il peut, à ceux qui le pressent, l’agressent ou le menacent. » ? Le conatus n'est-il pas cette puissance de résistance d’un être à ce qui l'opprime ou le soumet ? « Ce qui détruit l'obéissance est anarchie, ce qui détruit la résistance est tyrannie » disait Alain. Laurent Bove n’a-t-il pas raison de dire : « Si c'est l'obéissance qui fait le sujet, n'est-ce pas la résistance qui fait le citoyen » ? La résistance ne serait-elle pas plus une puissance qu’une désobéissance ? A la fois sujet et citoyen : Obéir en résistant, comme disait Alain, n'est-ce pas là tout le secret ? Obéir, est-ce approuver ? Faudrait-il n’obéir qu’aux seules lois qu’on approuve ? Si les lois sont nécessaires à la vie en société, comment pourrait-on s’en affranchir ? Si la loi n’a de sens que si on la respecte, qui pourrait imposer qu’on l’approuve systématiquement ? Il faut obéir aux lois, disait Montaigne, non parce qu’elles sont justes, mais parce qu’elles sont lois. Mais, comme rien ne prouve que les lois soient justes, qui pourrait imposer qu’on les approuve sans tomber dans la tyrannie ? Autrement dit, si l’on veut rester libre, dès lors qu’on n’approuve pas certaines lois (parce qu’on les trouve moralement injustes), comment pourrait-on ne pas leur résister dans le but de les réformer ? Résister aux lois qu’on désapprouve, sans pour autant s’en affranchir, n’est-il pas la seule façon de rester libre ? « Résistance et obéissance, voilà les deux vertus du citoyen. Par l'obéissance il assure l'ordre ; par la résistance, il assure la liberté. », disait Alain (1868-1951). Comment pourrait-on être libre sans résister à ce qui nous parait injuste ? 8
Discipline et liberté sont-elles compatibles ? La discipline est-elle nécessaire à l’ordre et pourquoi vouloir l’ordre ? Ordre et discipline sont-ils garants de la justice ?
Discipline et liberté sont-elles compatibles ? La discipline est-elle nécessaire à l’ordre et pourquoi vouloir l’ordre ? Ordre vient du latin ordo, rang et du grec kosmos. Pour les Anciens le cosmos (l’univers) était ordonné. Si, pendant 2000 ans, la vision d’un univers ordonné et immuable prévalut, les sciences contemporaines n’affirment-elles pas que l’univers est instable , comme en alternance à jamais d’ordre et de désordre ? Partant, si l’ordre en-soi n’existe pas, la notion d’ordre ne serait-elle pas toute relative ? Ou, comme dit ACS : « L’ordre, un désordre qui nous arrange; le désordre, un ordre qui nous déçoit » ? Anarchie vient du grec a, préfixe privatif et de arkhê, commandement, pouvoir, autorité. L’anarchie, n’est-elle pas en effet l’état d'une société caractérisée par un gouvernement ne disposant pas de l'autorité nécessaire, et en prise à des conflits désordonnés ? Si aucun pouvoir n’est la justice; aucune justice ne serait-elle possible sans l’autorité du pouvoir ? Ne pouvant faire qu’il soit force d’obéir à la justice, on fait qu’il soit juste d’obéir à la force, dit Pascal N’est-ce pas parce qu’aucune justice ne serait possible dans l’anarchie que nous avons besoin des lois et de l’autorité d’un pouvoir pour les faire respecter afin que l’ordre par notre discipline soit ? Ordre et discipline sont-ils garants de la justice ? Si l’ordre permet aux libertés de s’épanouir parce qu’il assure la paix civile et si la discipline est une école de conduite pour respecter les autres : ordre et discipline sont-ils pour autant garants de la justice ? Si la justice au sens légal a besoin de l’ordre et de la discipline, qu’en est-il de la justice au sens moral ? La justice au sens moral, n’est-elle pas toujours à faire ou à refaire, toujours à défendre ou à conquérir afin que la justice légale et la justice morale aillent ensemble ? Mais comment faire, sinon en résistant aux lois qui nous paraissent injustes dans le but de les réformer ? Si l’ordre et la discipline sont nécessaires à la justice au sens légal, la résistance n’est-elle pas nécessaire à la justice au sens moral, toujours à défendre ou à conquérir ? Si la discipline est nécessaire à la liberté, comment ne lui serait-elle pas a fortiori compatible ? Si la discipline est nécessaire à la justice légale, résister n’est-il pas nécessaire à la justice morale ? 10
En guise de conclusion Voltaire n’aurait-il pas raison de dire : « Comme le despotisme est l'abus de la royauté, l'anarchie est l'abus de la démocratie » ? Contre l’anarchie quoi, si ce n’est l’ordre et la discipline ? Contre le despotisme quoi, si ce n’est la révolte ? Et, entre les deux quoi, si ce n’est la discipline et la résistance ?
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