Vénus Anadyomène, une muse dans tous ses états.
Aux origines du mythe… D’après Hésiode, VIIIème siècle av.JC., Cronos haïssait son Père Ouranos qui le maintenait, ainsi que ses frères, dans le sein de la Terre. Aidé par sa Mère Gaia, elle-même épouse d’Ouranos, il mutila son père et jeta ses organes génitaux dans la mer. Le sperme libéré forma une écume d’où naquit Venus (Aphrodite pour les Grecs et dont la racine aphros signifie écume). Chevauchant une coquille et poussée par le vent Zéphir, elle aborda d’abord l’île de Cythère puis Paphos dans l’île de Chypre. Sortant nue de l’onde, d’où son nom d’Anadyomène (celle qui sort de la mer), elle fut habillée par les Heures, filles de Zeus et de Thémis et amenée dans l’Olympe où sa beauté fit l’admiration de tous les dieux.
Fresque de Pompéi, d’après Apelle La peinture du IVème style pompéien est inspirée de la fameuse peinture d’Apelle dans l’île de Cos dont il ne reste aujourd’hui que la description. La Maison de la Vénus à la coquille doit son nom à cette fresque peinte sur la paroi du fond du péristyle. La Villa était en restauration lors de l’éruption du Vésuve en 79 ap. J.C. Endommagée par les bombardements de 1943, elle fut restaurée en 1952 sous la direction d’Amadeo Maiuri.
La Naissance de Vénus, fresque (entre 62 et 79), Pompéi, villa de Vénus à la coquille.
Analyse de l’image Cette peinture du IVème style pompéien est inspirée de celle peinte par Apelle dans l’île de Cos, dont il ne reste aujourd’hui que la description. La déesse est représentée sur une coquille, nue, les cheveux frisés et portant de riches bijoux. Elle retient de ses mains la voile qui, gonflée par le vent, la fait avancer. Deux amours – Eros et Himéros – l’un poussant et l’autre tirant - participent à la navigation.
Celui de gauche chevauche un dauphin, animal marin d’où est née Vénus et porte la faux qui servit à mutiler Ouranos.
Sur le tableau de droite est représenté Mars, dieu de la guerre qui fut son amant, et sur la gauche une vasque dans un jardin fleuri animé par des oiseaux, car , comme le dit le poète : sous les pas de la déesse fleurit le gazon.
La Naissance de Vénus de Botticelli, un incontournable
La statuaire antique : copies de l'Aphrodite de Cnide, de Praxitèle (sculpteur athénien du IV° siècle avant J.C.). La ville de Cnide, colonie grecque située sur la rive orientale de la mer Egée (Asie mineure, Turquie actuelle) avait acheté au grand sculpteur Praxitèle une statue de Vénus qui fut célèbre dès l'antiquité. "Bien des gens ont fait la traversée vers Cnide simplement pour la voir" écrit Pline (naturaliste et écrivain latin). L’Aphrodite de Cnide est la première représentation d’une déesse, sculptée nue, de l’Histoire. L'original a été perdu, mais il en existe d'innombrables copies.
Vénus de Cnide Copie romaine, Musée du Capitole, Rome.
Vénus des Médicis, signée par Cléomène, sculpteur athénien du III° siècle avant J-C, Musée des Offices, Florence.
Quels détails significatifs du tableau de Botticelli se trouvent déjà dans la statuaire antique ?
Analysons ensemble La Naissance de Vénus d’Alexandre Cabanel reçue et exposée au Salon de 1863.
Alexandre Cabanel, Naissance de Vénus (1863), Huile sur toile, 130 x 225 cm, Paris, Musée d’Orsay.
Alexandre Cabanel (1823-1899) Lauréat en 1845 d’un second prix de Rome et professeur à l’École des beaux-arts. acquit la célébrité avec cette Naissance de Vénus qu’il a présentée au Salon de 1863 toile achetée par l’empereur Napoléon III pour sa collection personnelle. S’il n’a pas toujours remporté l’adhésion des critiques, ce nu féminin d’un grand érotisme n’en a pas moins obtenu un vif succès parmi les visiteurs du Salon. Grâce à ses tons pastel et à une technique savante qui l’inscrit dans la plus pure tradition académique, le peintre l’a en effet voilé des attraits de la mythologie, à la différence du Déjeuner sur l’herbe de Manet, présenté la même année au Salon des refusés et jugé beaucoup plus trivial Napoléon III a commandé plusieurs toiles à Alexandre Cabanel, rapidement devenu un familier de la cour impériale.
Quelques éléments sur le tableau Le corps de la déesse est idéalisé : les contours sont parfaitement définis, les courbes sensuelles accentuées, et toute pilosité a disparu. + lignes de force et jeu sur les couleurs qui la mettent en valeur. Or, la position alanguie, les bras rejetés derrière la tête, le sourire et le regard coulés vers le spectateur ne sont pas dénués d’ambiguïté. Ce qui fit dire ceci à Émile Zola : « La déesse, noyée dans un fleuve de lait, a l’air d’une délicieuse lorette, non pas en chair et en os, cela semblerait indécent, mais en une sorte de pâte d’amande blanche et rose […] Cet heureux artiste a résolu le difficile problème de rester sérieux et de plaire. »
N’oublions pas Rimbaud et sa version… surprenante Vénus Anadyomène Comme d'un cercueil vert en fer blanc, une tête De femme à cheveux bruns fortement pommadés D'une vieille baignoire émerge, lente et bête, Avec des déficits assez mal ravaudés ; Puis le col gras et gris, les larges omoplates Qui saillent ; le dos court qui rentre et qui ressort ; Puis les rondeurs des reins semblent prendre l'essor ; La graisse sous la peau paraît en feuilles plates ; L'échine est un peu rouge, et le tout sent un goût Horrible étrangement ; on remarque surtout Des singularités qu'il faut voir à la loupe... Les reins portent deux mots gravés : Clara Venus ; - Et tout ce corps remue et tend sa large croupe Belle hideusement d'un ulcère à l'anus. Arthur Rimbaud, « Vénus anadyomène », Cahiers de Douai (1870)
A votre tour… A partir des éléments étudiés et des suggestions ci-dessous, proposer une analyse d’une œuvre d’art représentant Vénus ou sa naissance en montrant les invariants comme les variations du mythe, en dressant des parallèles avec les œuvres étudiées.
Titien, Vénus anadyomène (1520-25), huile sur toile, 75,8x57,6 cm, Ecosse, National Gallery. Ingres, Vénus anadyomène (1808-48), huile sur toile, 163x92 cm, Chantilly, Musée Condé.
Jean Honoré Fragonard, La Naissance de Vénus (1750-55), huile sur toile, 28,8x15,8 cm, Marseille, Musée Grobet-Labadié. William Bouguereau, La Naissance de Vénus (1879), huile sur toile, 300x217 cm, Paris, Musée d’Orsay.