Céline CHANTEPY-TOUIL Institut régional Jean Bergeret La laïcité c’est quoi? Céline CHANTEPY-TOUIL Institut régional Jean Bergeret
Définition « Laïcité » (nom féminin): Conception et organisation de la société fondée sur la séparation de l'Église et de l'État et qui exclut les Églises de l'exercice de tout pouvoir politique ou administratif, et, en particulier, de l'organisation de l'enseignement. »
Pour comprendre la laïcité en France… Remontons à la naissance du protestantisme, qui a permis d'affirmer que le peuple pouvait avoir une autre religion que celle du roi. Puis, au XVIIIe siècle, avec les Lumières et la Révolution, avec l'idée que, puisqu'on avait le droit de choisir ce en quoi on croyait, on pouvait aussi choisir de ne pas croire.
Inscrite dans la déclaration des droits de l’homme… Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, décrète que "nul de doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi". Le principe alors institué était de séparer la citoyenneté de la religion.
Dans les institutions sociales… Deux ans plus tard (1791) est créé le mariage civil, qui prévaut sur le mariage religieux. L'adjectif "laïc" fait ensuite une apparition en 1886 dans la loi de Jules Ferry qui créée l'école publique, gratuite, laïque et obligatoire ».
Et la loi de 1905… En décembre 1905, une loi, dite de séparation des Eglises et de l'Etat, est adoptée. Son premier article garantit à tout citoyen la liberté de conscience, c'est-à-dire le droit de croire ou de ne pas croire; le deuxième article institue le non-financement des cultes par l'Etat, à quelques exceptions près (financement des aumôneries)
Que dit cette loi… Elle consacre l'espace public comme un lieu de libre expression, y compris de sa religion. Chacun peut s'y exprimer, à partir du moment où cette expression ne nuit ni l'ordre public, ni à l'intégrité morale de quiconque. On ne peut donc rien interdire au nom de la laïcité, puisqu'elle est une garantie de liberté.
Une certaine confusion avec la loi de 2004… Pourtant, en 2004, l'interdiction du port de signes religieux ostentatoires dans les collèges et lycées publics se réfère bien dans son titre "au principe de laïcité". L'argument de ses auteurs était alors qu'il faut protéger les mineurs de toute influence religieuse.
Puis celle de 2010… A l'inverse, la loi de 2010 qui entraîna l'interdiction du port du voile islamique intégral (le niqab, parfois appelé burqa) dans la rue s'appuie non pas sur la laïcité, mais sur la nécessité de ne pas dissimuler son visage dans l'espace public, que ce soit par un voile, ou une cagoule. Art 1: « Nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage. » Elle répond aux principes de « sécurité » et « sûreté » publiques.
Neutralité ou laïcité? Neutralité et laïcité sont souvent confondus. Pourtant, en 1905, nulle mention du principe de neutralité, mais il s'est développé par la suite, au fil des jurisprudences, jusqu'à s'imposer aux agents de l'Etat -et uniquement à eux. Ainsi, en France, un enseignant, un agent d'accueil dans une préfecture, ou bien encore un policier ne peuvent pas porter de signes religieux dans l'exercice de leurs fonctions. C'est d'ailleurs cette neutralité des agents de l'Etat qui fait la spécificité de la laïcité à la française.
C'est donc une interprétation radicale de ce principe de neutralité qui conduit parfois certains citoyens (et/ou politiques) à affirmer que le foulard islamique devrait être interdit dans la rue… Erreur: c'est justement l'application de la loi de 1905 qui garantit le droit, dans l'espace public, par exemple, aux femmes qui le souhaitent de porter un voile sur la tête, ou aux hommes de porter une kippa…
Quelques subtilités bien françaises… La question de la présence de crèches religieuses dans les mairies ou les administrations est plus subtile: S'il s'agit de valoriser un patrimoine, une tradition locale, (comme les santons en Provence), alors ces crèches ne sont pas hors-la-loi. Mais si elles sont une expression de la foi, elles n'ont rien à y faire. (cf Conseil d’Etat 11/2016) Une lecture subtile qui explique pourquoi ces crèches ont été autorisées à certains endroits, et interdites ailleurs…
En France, deux conceptions qui s’opposent… D'un côté, ceux pour qui la laïcité n'est pas une valeur, mais un principe: ceux-là pensent que l'identité religieuse est privée mais peut s'exprimer dans le débat public; De l'autre, ceux qui pensent que la laïcité est une valeur, concurrente des valeurs religieuses, qui les conduit à avoir une position presque antireligieuse, en réclamant l'effacement complet des religions dans l'espace public.
Conclusion… la laïcité n'est pas la cause du débat, mais au contraire sa condition. Les religions ne sont pas un secret de famille à garder caché: il faut pouvoir en parler, les questionner, les remettre en question… Et c'est justement ce que permet la laïcité, tout en garantissant à chacun liberté de conscience, et liberté de culte…
Il est indispensable que le travailleur social puisse prendre entendre et prendre en considération la question religieuse à l’intérieur même de son travail. L’objectif n’est pas que « l’autre » se détache de sa religion; il consiste à l’aider à se situer consciemment vis à vis de sa propre religion, en réalisant qu’il existe d’autres voies pour gérer les questions fondamentales de son existence. Prendre en compte la question religieuse sans tomber dans le communautarisme, mais en la parlant.