La turbulence dans le MIS La structure du MIS est fragmentée et auto-similaire, et ceci sur au moins 4 ordres de grandeur! Il y a sûrement un couplage fort entre les échelles Coupable possible: la turbulence. Le MIS est un système ouvert (au moins partiellement), hors équilibre et dissipatif. Il existe un échelle perturbative et une autre dissipative
La turbulence dans le MIS Chapitre 6 Nous discuterons brièvement de la turbulence et de sa manifestation dans le MIS (évidence observationnelle). Les équations de base seront données ainsi que les conditions nécessaires pour qu’elle se développe. Nous donnerons également un bref aperçu de la description mathématique de Kolmogorov.
Plan … 6.1 Équations de base de la turbulence incompressible 6.2 La description de Kolmogorov 6.3 Mesure de la turbulence dans le milieu interstellaire 6.4 L’intermittence
Plan … 6.1 Équations de base de la turbulence incompressible 6.2 La description de Kolmogorov 6.3 Mesure de la turbulence dans le milieu interstellaire 6.4 L’intermittence
Plan … 6.1 Équations de base de la turbulence incompressible 6.2 La description de Kolmogorov 6.3 Mesure de la turbulence dans le milieu interstellaire 6.4 L’intermittence
Plan … 6.1 Équations de base de la turbulence incompressible 6.2 La description de Kolmogorov 6.3 Mesure de la turbulence dans le milieu interstellaire 6.4 L’intermittence
Chapitre 6.1 Les équations de base 6.1 Équations de base de la turbulence incompressible Nous considérons un fluide de densité , de pression P et de vitesse v. Nous soumettons ce fluide à une force externe F (comme la gravité, par exemple). Écrivons l’équation du mouvement (2ième loi de Newton) pour notre fluide: Selon l’axe j: C’est l’équation de Navier-Stokes.
Chapitre 6.1 Les équations de base Cette équation est, ni plus ni moins, l’équation de conservation de la quantité de mouvement. Notons qu’elle suppose que le gaz est incompressible. De plus, nous avons ajouté un terme faisant intervenir la viscosité cinématique n (supposée constante). La quantité rn=m est appelée la viscosité dynamique. Ce dernier terme nous permet de tenir compte de l’effet de la viscosité sur le mouvement relatif des cellules du gaz les unes avec les autres. Sous forme vectorielle, on écrit plutôt:
Chapitre 6.1 Les équations de base Pour décrire le transport de la quantité de mouvement, notre équation comporte un terme linéaire en (le terme de diffusion, ) et un terme non linéaire (le terme d’advection, ). Considérons le rapport entre ces deux termes : À l’échelle l ce nombre est : (analyse dimensionnelle) Ceci peut se produire si la vitesse d’écoulement devient grande ou si la viscosité devient petite (à basse température par exemple). Ce nombre est le nombre de Reynolds. Expérimentalement, on trouve que si ce rapport est plus petit que ~ 100, l’écoulement du fluide est laminaire et s’il est plus grand, l’écoulement devient turbulent.
Chapitre 6.1 Les équations de base Le développement de la turbulence en fonction du nombre de Reynolds qui augmente. cylindre v petite v un vortex se forme Nous savons que v=0 à la surface du cylindre et doit augmenter rapidement ; cette grande variation de vitesse engendre les vortex. v , un vortex se détache , est emporté par le flot. Un autre se forme Quand v plus les vortex deviennent de plus en plus petits et turbulent Image tirée de Feinman, Leighton, Sands (1977)
Chapitre 6.2 La description de Kolmogorov Kolmogorov a décrit la turbulence incompressible en terme de la formation d’une cascade de tourbillons: un gros tourbillon se forme qui lui est, par la suite, divisé en d’autres tourbillons de plus en plus petits et nombreux. Du point de vue de l’énergie, il s’agit donc d’une cascade vers des tailles de plus en plus petites. Dans ce formalisme, les grandes échelles sont dites énergétiques car l’injection d’énergie à l’origine de la turbulence se fait à ces échelles. Il n’y a pas de dissipation d’énergie à grande échelle. Les petites échelles, quant à elles, sont dites dissipatives car l’énergie, à ces échelles, se transforme en chaleur. À ces échelles, le terme de diffusion devient comparable au terme d’advection (Re~1). Kolmogorov a postulé que les propriétés statistiques de l’écoulement sont indépendantes de l’échelle, c’est ce que l’on appelle l’invariance d’échelle.
Chapitre 6.2 La description de Kolmogorov Le taux de transfert d’énergie d’une échelle à l’autre, e, est invariant de l’échelle. Pour les échelles non-dissipatives, ce taux est approximativement donné par : où vl2 est l’énergie cinétique par unité de masse à l’échelle l et tl est le temps de transfert d’énergie à l’échelle l. tl est essentiellement le temps de vie d’une fluctuation de vitesse et est donné environ par tl ~ l / vl, on peut exprimer ce terme comme : , et donc la vitesse à l’échelle l est reliée directement à la taille : (*) .
Chapitre 6.2 La description de Kolmogorov Donc, l’énergie dissipée aux dernières échelles (ld), ed , est : ed= e =vld3 / ld . Or, à ld, Le nombre de Reynolds, Re est approximativement égal à un: , ce qui permet d’écrire: et donc . La dissipation visqueuse transforme l’énergie en chaleur.
Chapitre 6.2 La description de Kolmogorov On peut aussi définir le spectre de puissance de l’énergie cinétique, E. Introduisons aussi le nombre d’onde : k=2p / l. On a que : E(k’) est l’énergie cinétique moyenne par unité de masse entre les nombre d’onde k, et k’+dk’ où l’intégrale se fait de l’échelle l jusqu’aux plus petites tailles. En utilisant l’équation (*) ( ) ceci s’exprime comme, . En différentiant, comme e est constant, on trouve:
Chapitre 6.2 La description de Kolmogorov C’est la Loi de Kolmogorov. Cette expression nous informe que l’énergie cinétique est principalement contenue dans les grandes échelles.
Chapitre 6.3 Mesure de la turbulence dans le MIS 6.3 Mesure de la turbulence dans le milieu interstellaire Lorsque l’on veut effectuer des mesures du MIS afin de comparer avec les prédictions de Kolmogorov, il est difficile de mesurer directement le spectre de puissance ou la relation entre les échelles et les vitesses, ou même l’échelle dissipative. Par contre, on peut facilement mesurer les moments d’ordre n, Mn, des incréments de vitesse par rapport à la séparation : L’équation (*) nous indique que, ( ) (**)
Chapitre 6.3 Mesure de la turbulence dans le MIS Si n=2, on appelle ce moment la fonction de structure. Celle-ci s’écrit comme : Miville-Deschêne, Joncas, Durand (1995) (=n/3=0.8-1) Cependant, il faut appliquer une correction à cette expression avant de la comparer avec de véritables observations car il s’agit, naturellement, de la fonction de structure en 3D. Les observations, quant à elles, sont plutôt des projections de vitesses en 2D. Lorsque l’on applique ce facteur de correction, la loi ou le spectre de Kolmogorov devient : Il est de plus en plus clair que la turbulence est très présente dans le MIS.
Chapitre 6.3 Mesure de la turbulence dans le MIS La possibilité de mesurer les vitesses du gaz en plusieurs points d’un nuage de manière de plus en plus précise nous a permis depuis ~40 ans de fournir des évidences observationnelles à cet effet. Les premières études dans l’optique ont montré que l’élargissement des raies spectrales n’est pas uniquement de nature thermique. Les observations qui ont suivies dans le domaine mm de raies de rotation moléculaire on aussi montré que les largeurs de ces raies (~1-10 kms-1) ne correspondent pas du tout (2 ordres de grandeur trop élevées) à la température relativement basse des nuages moléculaires mesurées à partir des raies de 12CO (~10 K). En effet, De plus, des lois d’échelle ont été trouvées. Par exemple, Elmegreen & Falgarone (1996) ont mesuré la masse d’une multitude de nuages moléculaires à partir d’observations provenant de plusieurs sondages CO du MIS et ont trouvé :
Chapitre 6.3 Mesure de la turbulence dans le MIS Nuages moléculaire géants : -Salomon et al. (1987), cercles pleins -Dame et al. (1986), cercles vides. Nuages non-actifs : - Falgarone et al (1992), triangles pleins - Williams et al. (1994), triangles vides -Lemme et al. (1995), triangles vides à l’envers -Loren (1989), triangle pleins à l’envers . Associations OB : - Williams et al. (1994), croix -Stutzki et Güsten (1990) , +
Chapitre 6.3 Mesure de la turbulence dans le MIS Donc, Elmegreen et Falgarone ont trouvé une loi d’échelle entre la masse des structures et leur taille: Il existe également des relations d’échelle entre la dispersion de vitesse des structure (la composante non thermique) et leur taille: , ainsi qu’entre leur nombre et leur taille: . Certains ont suggéré que le MIS pourrait avoir une structure fractale.
Chapitre 6.3 Mesure de la turbulence dans le MIS Dans le cas d’un milieu fractal, on a que: où D est la dimension fractale. En différentiant, on a: On aurait donc D=2.3(±0.3).
Chapitre 6.3 Mesure de la turbulence dans le MIS Exemple de mesure de la fonction de structure
Chapitre 6.3 Mesure de la turbulence dans le MIS Sh 170 est une région HII ~ circulaire, limitée par la densité, contenant une étoile excitatrice de type spectral O8v de 31 M (Massey et Hunter 1990). Le flux au centre est plus faible Les observations Ha ont été obtenues à Mégantic avec la caméra Fabry-Perot. La région HII fut divisée en quatre parties et 40 interferogrammes ont été obtenus. Ils ont mesuré 12695 points de vitesse dans la région centrale avec S/N>7. L’incertitude en vitesse sur chaque point va de 0.2-1.2 km s-1. La vitesse moyenne est de -50.10±0.08 km s-1. VLSR du nuage moléculaire associé est -43.7 kms-1 (Fich & Blitz 1984).
Chapitre 6.3 Mesure de la turbulence dans le MIS Il y a donc un v entre SH170 et le nuage moléculaire de -6.4 Km/s Il y a un gradient de vitesse dans la direction N-S. Il n’y a pas de caractéristique particulière dans le champ de vitesse indiquant la présence de la cavité.
Chapitre 6.3 Mesure de la turbulence dans le MIS ‘’Le modèle Champagne flow’’ explique ce qu’ils voient pour Sh170: La région HII est visible parce que le gaz HII dense du nuage moléculaire peut tout à coup s’étendre sur une région géométrique plus grande et Le gradient de vitesse dans la direction N-S est expliqué par le fait que l’on voit le flot de gaz HII venir vers nous avec un certain angle
Chapitre 6.3 Mesure de la turbulence dans le MIS La différence de vitesse entre la moyenne mesurée pour le gaz HII et la vitesse du nuage moléculaire est significative; ils l’interprètent aussi en terme d’un gaz en expansion vue avec une légère inclinaison par rapport à la ligne de visée (q~15o).
Chapitre 6.3 Mesure de la turbulence dans le MIS Ils proposent la morphologie suivante : Ils ont mesuré la fonction de structure de leur région HII et ont trouvé un exposant de 0.8 ± 0.1. L’échelle des plus grandes structures est ~0.07 pc et des signes de dissipation sont visibles à partir de ~0.02 pc. Les résultats ne sont donc pas en accord avec la turbulence incompressible décrite par Kolmogorov.
Chapitre 6.3 Mesure de la turbulence dans le MIS Ces résultats peuvent peut-être paraître décevant mais, en fait, ils sont plutôt assez encourageant pour les partisans de la turbulence. En effet : le MIS n’est pas un milieu incompressible, le B n’y est pas nul, Les mouvement sont supersoniques et peut même être super-alfvéniques La diffusion ambipolaire fait en sorte que nous avons plutôt un multi-fluide au lieu d’un fluide unique. De plus, les instabilités gravitationnelles (ou autre) contribuent à la structuration du milieu ce qui pourrait modifier les exposants.
Chapitre 6.3 Mesure de la turbulence dans le MIS Finalement les sources d’injection d’énergie sont très variées dans le MIS : la rotation galactique différentielle (énergie de cisaillement, kpc), les explosions supernova (~100 pc), les régions HII (~10 pc), les jets associés aux étoiles en formation (~0.1 pc). Toutes ces sources ont des importances relatives différentes qu’il est difficile d’estimer. Autres concepts On définit pour un gaz turbulent: Viscosité turbulente : Pression turbulente : (similaire à la pression thermique)
Chapitre 6.3 Mesure de la turbulence dans le MIS Ces deux quantités dépendent de l’échelle à laquelle on les calcule. L’équation du mouvement au nombre d’onde k s’écrit comme : Quelques commentaires : La viscosité turbulente est l’analogue de la viscosité cinématique mais est souvent beaucoup plus grande. La pression turbulente est l’analogue de la pression thermique et a un rôle de stabilisateur de l’effondrement gravitationnelle. Le tableau de la page suivante, tiré du livre "Le milieu interstellaire" constitue un excellent résumé de tous les différents paramètres caractérisant les différentes phases du milieu interstellaire :
Chapitre 6.3 Mesure de la turbulence dans le MIS
Chapitre 6.3 Mesure de la turbulence dans le MIS la densité moyenne (en particules/cm3), , la température cinétique, TK, la valeur typique du champ magnétique, B, l’échelle caractérisant la turbulence, l, la dispersion de vitesse à l’échelle caractéristique de la turbulence, sl, le libre parcours moyen, l, la vitesse du son isotherme, Cs, la vitesse d’alfvén, vA, la viscosité cinétique, n, la pression thermique, Pth, Le nombre de Reynolds, Re, Le taux de dissipation de la turbulence par unité de volume, re, le taux dominant de perte d’énergie, L (radiation), le taux de transfert de l’énergie dans la cascade turbulente, e et l’échelle de dissipation d’énergie pour la dissipation de Kolmogorov La viscosité turbulente nt et la pression turbulente Pt.
Chapitre 6.3 Mesure de la turbulence dans le MIS L’examen de ce tableau nous permet de tirer certaines conclusions. Entre autre : Le taux d’énergie transféré d’une échelle à l’autre par unité de volume par la turbulence, est similaire pour les 3 composantes du MIS étudiés. Ceci suggère fortement que cette cascade d’énergie ne dépend pas ni de la température, ni de la densité. Ce taux de transfert d’énergie est beaucoup plus petit que la perte d’énergie par radiation (~1/20). Il ne peut donc pas tout à fait compenser pour le refroidissement, sauf à des échelles très locales (i.e. sur 1/20 du volume).
Chapitre 6.4 L’intermittence L’énergie transférée par unité de masse par la turbulence est beaucoup plus faible (10-6-10-3erg/s/g) que l’énergie lumineuse dans l’UV provenant des étoiles (~1 L/M). De plus, on remarque une chute marquée de l’énergie transférée par unité de masse entre le milieu froid et les cœur dense. Ceci semble indiquer que la dissipation d’énergie par turbulence se fait au début de la condensation du nuage. 6.4 L’intermittence L’intermittence est l’existence éphémère dans l’espace et dans le temps de régions de fort gradient de vorticité. Cette dernière est donnée par :
Chapitre 6.4 L’intermittence et est relié au taux moyen de dissipation visqueuse d’énergie par unité de masse, ed, par : Elle a été observée en laboratoire (dans des expériences de soufflerie, par exemple). Elle se trouve également dans les simulations numériques. On a montré, en fait que les moments d’ordre n des incréments de vitesse ne varient pas exactement comme rn/3, comme les équations le prédisent. Les écarts les plus importants surviennent pour n grand.
Chapitre 6.4 L’intermittence Ces moments, ainsi que les gradients de vitesse et les incréments de vitesse ne suivent pas une loi gaussienne. Les écarts à cette distribution gaussienne sont d’autant plus grands si la séparation entre deux points mesurés est petite. Il n’est pas encore clair quel phénomène physique est à l’origine de l’intermittence. On croit à une amplification non-linéaire de la vorticité à petite échelle générée par le cisaillement exercé par les grandes échelles ce qui a tendance à étirer les lignes de vorticité et donc à les amplifier. Afin de mettre en évidence le phénomène de l’intermittence dans le milieu interstellaire, on effectue un grand nombre de mesures d’incréments de vitesses entre deux points sur des cartes de nuage moléculaire et on bâtit ainsi des distributions de probabilités. La figure de la page suivante montre ce genre de travail pour le nuage moléculaire L1512S.
Chapitre 6.4 L’intermittence Il s’agit d’observations 12CO(J=2-1) obtenues avec le télescope CSO. Près de 10000 spectres de nuages moléculaires proches ont été utilisés. On trace les distributions des incréments de vitesse pour différentes séparations entre les lignes de visées. On remarque clairement que les plus grands écarts à une distribution gaussienne arrivent pour les plus petites séparations entre les points de mesure. Conséquences de l’intermittence : Comme mentionné ci-dessus, le chauffage du MIS par la turbulence est beaucoup plus petit que celui généré par le rayonnement UV moyen provenant des étoiles. Cependant, de par l’intermittence, ce chauffage peut devenir dominant localement s’il est concentré sur une très petites régions de l’espace ou de temps.
Chapitre 6.4 L’intermittence La viscosité cinétique est essentiellement due aux collisions entre les particules neutres du nuage. Or, dans les régions où l’intermittence se produit, les différences de vitesse sont plus grandes, les collisions plus fréquentes et donc la viscosité plus grande. La dissipation visqueuse se fait donc par bouffée, soit dans le temps ou soit dans l’espace. Plus le nombre de Reynolds est élevé, plus le phénomène est important. Des augmentations de température importantes peuvent donc se produire ce qui peut favoriser certaines réactions chimiques moléculaires endothermiques (CH+, OH, etc). Finalement, un dernier effet de la turbulence qui est amplifié par l’intermittence est le découplage du mouvement du gaz et des grains interstellaires. En effet, dans un gaz interstellaire, les grains sont généralement bien couplés au gaz et les collisions entre les grains sont rares.
Chapitre 6.4 L’intermittence Mais, à cause de la turbulence, et plus particulièrement de l’intermittence, le grain subit un grand nombre d’impulsions aléatoires de la part de chaque tourbillons rencontrés. Si le nombre de collisions est assez grand, la conséquence est d’arrêter le grain découplant ainsi ce dernier du mouvement du gaz. Ceci peut avoir des conséquences importantes sur l’évolution future de la population de grains en influençant la destruction ou la coagulation des grains qui dépendent fortement du gradient de vitesse en deux