Guenièvre rentra au castel fort dépitée. Pourquoi avait-il fallu que Jehan revienne juste maintenant, alors quelle prenait un peu de bon temps ? Ce nétait pas un mensonge, après tout ! Il lui avait fait confiance et elle en profitait, cest tout…
Sen était fini pour elle des fêtes du Carnaval… Elle traversa limmense bureau et se dirigea distraitement vers la terrasse où Jehan et elle avaient échangé tant de serments..
Des serments… Cest vrai quelle avait donné sa foi, fait promesse de fidélité… Mais elle pensait quil nen saurait rien ! Et son esprit sans grande moralité était incapable de saisir ce que son attitude avait de malhonnête. Elle pestait en elle-même, mais sans reconnaître ses torts, naccusant que la fatalité.
Le temps passa lentement, la nuit descendait. Guenièvre allait quitter la terrasse lorsquune pensée lui traversa lesprit : et Jehean ? Avait-il trouvé normal de samuser sans elle, dans les lointains pays où il guerroyait ? Elle se sentit une boule au creux de lestomac. Non, ce nétait pas possible !
Elle revoyait la première fois où ils sétaient juré fidélité… Elle lavait cru : laurait-il trahi ? Oui, mais alors… et elle ? Etait-ce vraiment une trahison ? Cétait juste une amourette sans importance, favorisée par la liesse du carnaval et lanonymat du masque !
Combien de fois est-elle venue lattendre à cette même place ? Sûre delle et sûre de lui ? Elle se revoit guettant son arrivée…
Elle se revoit lorsquil est venu lui annoncer quil partait guerroyer au loin et devait suivre son seigneur. Elle vivait ce départ comme une trahison, dabord, et il avait mis toute sa tendresse à la consoler et lui expliquer quil était obligé dagir ainsi… Et ce jour-là aussi, ils sétaient juré fidélité, renouvelant leurs serments.
Combien de fois, assise dans la prairie, face au castel de son bien-aimé, a-t-elle rêvé pendant des heures, imaginant la joie des retrouvailles ?
Combien de fois avait-elle rêvé au château de leur suzerain, imaginant à lentour les mouvements de troupe qui auraient présagé le retour de Jehean ?
Elle sétait souvent imaginée, en toilette nuptiale, remontant la nef de lantique chapelle au bras de son père pour rejoindre son époux…
Pourquoi, oh ! pourquoi avait-elle voulu participer à la fête du Carnaval ? Elle commençait à prendre conscience de ses torts, à réaliser quelle naurait pas apprécié que Jehan agisse envers elle comme elle avait agi envers lui. Donc, cest quelle avait fait quelque chose quelle naurait pas dû faire…
Elle errait de pièce en pièce, ne sachant à quoi se résoudre, quelle attitude adopter… Elle commençait à se dire quelle devrait solliciter le pardon de Jehan. Elle souffrait de cette fracture dans leur amour, et commençait à comprendre quelle en était responsable.
Depuis le jour où il lavait surprise si près, trop près dAmaury, Jehan navait pas reparu… Comment renouer le dialogue ? Comment réparer ?
Une missive ! Elle allait envoyer une missive ! Elle rédigea avec soin une lettre exprimant ses regrets et son sentiment tout neuf de culpabilité, et envoya un courrier la porter au château de Jehan.
Elle suivait en pensée le cheval galopant à travers la plaine et les collines, et essayait dimaginer la réaction de Jehan. Lui pardonnerait-il ? Pourraient-ils effacer les traces de cette fracture dans leur amour ?
Du Belvédère doù elle surveillait larrivée du courrier, elle laperçut au loin et se hâta à sa rencontre.
Las ! Accident ? Acte de désespoir ? Du vaillant chevalier, on navait retrouvé, dans les marais proches du château, que lépée plantée en terre, que sa mère inconsolable, au mépris de sa vie, allait fleurir tous les jours…
Texte : Jacky Peintures : Alan Ayers Musique : Gluck, Orphée et Euridice – Danse des Ombres heureuses. Diaporama de Jacky Questel, ambassadrice de la Paix