Michael Esfeld Université de Lausanne Michael-Andreas.Esfeld@unil.ch La philosophie de la nature L’espace, le temps et la matière : les conceptions classiques (Newton, Leibniz, Spinoza) (ch. 11) Michael Esfeld Université de Lausanne Michael-Andreas.Esfeld@unil.ch
Les trois conceptions espace, temps / matière : entités distinctes espace, temps réductibles à la matière matière réductible à l’espace et au temps
Isaac Newton (1642-1727) Principes mathématiques de la philosophie naturelle espace absolu, temps absolu existeraient même s’il n’y avait pas de matière matière : atomisme ; propriétés fondamentales intrinsèques
Newton, l’Optique (1704) « … il me paraît très probable que Dieu forma au commencement la matière de particules solides, pesantes, dures, impénétrables, mobiles, … rien n’étant capable (suivant le cours ordinaire de la Nature) de diviser ce qui a été primitivement uni par Dieu même. … Pour que l’ordre des choses puisse être constant, l’altération des corps ne doit donc consister qu’en séparations, nouvelles combinaisons, et mouvements de ces particules. »
Le mouvement espace vide lois déterministes mouvement absolu gravitation : action à distance = un effet qui se propage instantanément sur une quelconque région de l’espace
La conception générale espace, temps / matière : entités distinctes pas liée à l’atomisme pas liée à l’idée de l’espace vide compatible avec physique de champs
Le statut ontologique de l’espace et du temps absolus matière : ontologiquement dépendante de l’espace et du temps l’espace et le temps : pas ontologiquement dépendants de la matière
Le statut ontologique de l’espace et du temps absolus Démocrite : l’espace comme non-être. L’être ne peut exister que dans l’espace. Le non-être existe aussi bien que l’être. Newton : l’espace comme organe sensoriel infini et homogène de Dieu Clarke : l’espace absolu comme propriété de Dieu Kant : l’espace absolu, indépendant de la matière est une absurdité – quelque chose qui est là sans que rien de réel n’existe.
Le problème problème pas éliminé si l’on regardait l’espace et le temps comme étant ontologiquement dépendants de la matière difficile d’expliquer quel type d’étant pourraient être l’espace et le temps en tant qu’entités distinctes de la matière
Gottfried Wilhelm Leibniz (1646–1716) espace, temps : relations entre des particules matérielles espace : ordre des coexistants temps : ordre des successions mouvement relatif
L’argument contre Newton espace et temps homogènes aucune raison pour Dieu de créer la matière en certains points (ou régions) de l’espace et du temps, plutôt qu’en d’autres espace absolu, temps absolu pleins : différentes possibilités de disposer la matière aucune raison pour Dieu de choisir une de ces dispositions
L’argument contre Newton espace, temps absolus et distincts de la matière plusieurs arrangements possibles de la matière dans l’espace et le temps Toutes les relations entre les parties de la matière restent identiques. différence entre ces possibilités uniquement du point de vue de la théorie d’un espace et d’un temps absolus, distincts de la matière ; indiscernables empiriquement
Le problème insuffisant de dire que l’espace et le temps ne sont rien que des relations spatio-temporelles entre des objets matériels présuppose simplement l’existence du système des relations spatiales et temporelles
Les exigences 1) définir la matière sans utiliser ni la notion d’étendue spatiale et temporelle, ni celle de position Leibniz : points de forces qui ne possèdent pas d’étendue et pas de position en tant que telles. conception causale de la matière 2) reconstruire des relations spatiales et temporelles à partir d’une telle définition Leibniz : réduire toutes les relations, y compris les relations spatiales et temporelles, à des propriétés intrinsèques des points de force (des monades).
Le problème (Leibniz) pas compréhensible comment des points de force (des monades), ne possédant pas d’étendue ni de position, puissent engendrer à eux seuls des relations spatiales et temporelles entre eux ordre spatial et temporel entre des points de force inétendus spatialement et temporellement seulement si ceux-ci ont primitivement une position spatiale et temporelle
Le problème (façon générale) candidat pour une conception de la matière qui n’utilise pas de notions spatio-temporelles: conception causale pas clair comment comprendre le système des relations spatio-temporelles sur la base d’une telle conception de la matière difficile de rendre plausible comment l’espace et le temps pourraient être non fondamentaux, étant réduites à des propriétés de la matière plus fondamentales que l’étendue et la position
L’identification de la matière avec l’espace et le temps la matière l’étendue spatiale et temporelle espace et temps absolus, mais pas distincts de la matière l’espace-temps = la matière
René Descartes (1596-1650) Toute la matière est une seule substance. la matière : l’étendue spatiale la matière = l’espace
Baruch de Spinoza (1632-1677), L’Éthique (1677) une seule substance physique = matériel = étendu
Jonathan Bennett A study of Spinoza’s “Ethics” (1984) « Cette position suggère qu’il n’y a qu’une seule substance – à savoir l’espace dans sa totalité – dont les régions reçoivent des qualités variées telles que l’impénétrabilité, la masse, et ainsi de suite, de sorte qu’une proposition quelconque affirmant l’existence d’un corps se réduit à une proposition disant quelque chose d’une région de l’espace. »
Jonathan Bennett A study of Spinoza’s “Ethics” (1984) « Dire de la flaque qu’elle est visqueuse c’est dire d’une certaine région de l’espace qu’elle est visqueuse* – c’est-à-dire qu’elle a cette propriété-là des régions que nous conceptualisons en disant qu’il y a des choses visqueuses dans ces régions. Et dire qu’il y a une région visqueuse* c’est dire que l’espace est visqueux* localement … »
La conception générale pas de systèmes physiques en plus de l’espace la matière = l’espace les points et les régions de l’espace comme parties de la matière possèdent des propriétés physiques ; toutes les propriétés physiques = des propriétés de points ou de régions de l’espace les corps = des régions de l’espace ayant certaines propriétés physiques
La conception générale l’espace : structure interne, constituée par les différentes propriétés physiques en différentes régions pas d’espace vide pas de problème du statut ontologique de l’espace et du temps : une seule substance, l’espace-temps-matière lien avec physique de champs
Le problème Quelles sont les propriétés physiques des points de l’espace et du temps auxquelles on peut réduire les propriétés physiques traditionnelles que nous attribuons à des objets dans l’espace et dans le temps ?