1. Étymologie/Définitions Libre arbitre 15ème année / 134ème Café-Philo agathois préparé avec John Soulayrac et Thierry Vergneaux 1. Étymologie/Définitions 2. Citations choisies Notions/Concepts : Le libre arbitre de Buridan à Sartre en passant par Descartes et Spinoza. 4. Questions/Discussion : 3 questions, 20 mn environ par question 5. En guise conclusion
Étymologie et définitions Libre arbitre vient du latin libertum arbitrum. C’est le jugement de l’arbitre, le pouvoir de choisir. Définitions : Dictionnaire Larousse sur internet (extrait) : Libre arbitre : faculté qu'a la volonté de se déterminer (par opposition au serf arbitre) ; volonté non contrainte : Conserver son libre arbitre. Dictionnaire de philosophie Christian Godin (extrait) : Sens ancien : Synonyme de liberté ; capacité de se déterminer par soi-même, spontanément et volontairement. Sens moderne : Capacité de choisir entre deux ou plusieurs comportements, sans incliner a priori d’un côté ou de l’autre. Autrement dit : capacité d’être cause première ou absolue de nos actes. Corrélats : Acte gratuit / Ane de Buridan / Déterminisme / Liberté
Citations choisies Par Thierry : Par John : Par Jean-Paul : « L’esclave, à l’instant où il rejette l’ordre humiliant de son supérieur, rejette en même temps l’état d’esclave lui-même. » d’Albert Camus (Philosophe et écrivain français 1913-1960) Par John : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits.» Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789). Par Jean-Paul : « Le libre arbitre, c’est le pouvoir de se déterminer soi-même sans être déterminé par rien.» de Marcel Conche (Philosophe français né en 1922)
Notions / Concepts Le libre arbitre de Buridan à Sartre en passant par Descartes et Spinoza Buridan (philosophe français 1300 – 1360 approximativement) : Buridan est plus connu pour son fameux paradoxe dit de « l’âne de Buridan », légende selon laquelle un âne meurt de faim et de soif entre son picotin d'avoine et son seau d'eau, faute de choisir par quoi commencer. L’incapacité de choisir entre deux désirs (ou deux actes) équivalents illustre ce qui fut qualifié de liberté d’indifférence, ce qui n’est pas sans rapport avec l’acte dit gratuit (ex. Lafcadio dans Les caves du Vatican de Gide) : Descartes considère la liberté d’indifférence comme le plus bas degré de la liberté, même si elle témoigne en même temps d’un pur libre arbitre qui apparente l’Homme à Dieu Spinoza est plus pragmatique. Il n’y voit que pure bêtise : « Si en effet l'on suppose un homme au lieu d'une ânesse dans cette position d'équilibre, cet homme devra être tenu non pour une chose pensante, mais pour l'âne le plus stupide, s'il périt de faim et de soif.» Descartes (1596-1650) : Pour Descartes, la volonté humaine est libre. Elle est fondamentalement indéterminée par quoi que ce soit d’autre qu’elle-même. La capacité de se déterminer par soi-même volontairement et librement est une évidence : « Il est si évident, dit-il, que nous avons une volonté libre, qui peut donner son consentement ou ne pas le donner quand bon lui semble, que cela peut être compté pour une de nos plus communes notions ».
Mais, la volonté procède-t-elle du désir ou de la raison ? Notions / Concepts Le libre arbitre de Buridan à Sartre en passant par Descartes et Spinoza (suite) C. Spinoza (1632-1677) : Pour Spinoza, le libre arbitre, au sens de Descartes, est une illusion. La volonté est un affect de même nature que le désir, mais susceptible d’être influencé par la raison. Il s'ensuit qu'il est possible de s'affranchir de l'aliénation passionnelle par la connaissance de sa propre nature. Libre est celui qui, sous la conduite de la raison, comprend l'ordre des choses et agit là où l'autre subit. Sartre (1905-1980) : Pour Sartre, le libre arbitre c’est : « Le pouvoir de se déterminer soi-même sans être déterminé par rien », comme dit Marcel Conche : Ce n’est pas ce que je suis qui expliquerait mes choix; Ce sont mes choix qui expliqueraient ce que je suis De là, l’absolue liberté du libre arbitre et la responsabilité absolue de l’existentialisme sartrien, qui suppose que - puisque je ne serais rien avant d’avoir choisi - ce serait le néant qui choisirait librement au départ à ma place, ce qui peut paraître quelque peu énigmatique. Qu’il soit absolu ou relatif, le libre arbitre n’est-il pas indissociable de la volonté ? Mais, la volonté procède-t-elle du désir ou de la raison ? Désirer, est-ce vouloir ?
QUESTIONS Choisit-on ses désirs ? Le libre arbitre n’est-il qu’une illusion ? Le libre arbitre est-il le propre de l’homme ?
Choisit-on ses désirs ? Animation John Soulayrac Désirer, est-ce vouloir ? La volonté se confond-elle avec le libre arbitre ?
1. Choisit-on ses désirs ? Désirer, est-ce vouloir ? Quoiqu’on dise souvent « je veux » pour dire « je désire », la volonté n’est-elle pas autre chose que le désir ? Moins spontanée que le désir, la volonté ne suppose-t-elle pas une capacité de recul, de distanciation par laquelle, dans la conscience, le désir peut être confronté à d’autres désirs ? Ne convient-il pas en effet de distinguer les désirs-réflexifs de l’ordre des valeurs (ce qui nous sert à juger) ou de l’ordre de la vérité (ce qui nous sert à comprendre) des désirs-pulsion avec lesquels ils se confrontent ? En tant qu’instance de passage à l’acte, la volonté ne permet-elle pas de ratifier les désirs-pulsion (y consentir) ou, au contraire, s’y opposer avant d’agir ? La volonté n’est-elle pas un désir particulier dont la satisfaction par le passage à l’acte résulte d’un arbitrage éclairé par la raison entre des désirs contradictoires ? La volonté se confond-elle avec le libre arbitre ? Descartes a-t-il raison de penser que la volonté humaine est libre parce qu’elle est fondamentalement indéterminée par quoi que ce soit d’autre qu’elle-même, autrement dit qu’elle se confond avec le libre arbitre ? Poussé à l’extrême, le libre arbitre cartésien ne rejoint-il pas le libre arbitre sartrien : « Le pouvoir de se déterminer soi-même sans être déterminé par rien », comme dit Marcel Conche, ou, comme dit ACS « Le pouvoir indéterminé de se déterminer soi »; ce qui parait peu crédible de même que l’acte gratuit ? Avec Spinoza ne faut-il pas penser que Descartes et Sartre (encore plus) se méprennent et que la volonté est un affect de même nature que le désir, mais susceptible d’être influencé par la raison ? La volonté, n’est-ce pas cela le libre arbitre : le pouvoir déterminé de se déterminer soi-même ? Un pouvoir relativement libre comme le voulait Spinoza et non absolument comme le voulaient Descartes et Sartre ? Quoiqu’on subisse ses désirs plus qu’on ne les choisisse, la volonté n’est-elle pas l’instance d’arbitrage entre des désirs contradictoires grâce à laquelle, sous l’emprise de la raison, nous pouvons choisir nos désirs avant d’agir ? 8 8
Le libre arbitre n’est-il qu’une illusion ? Animation Thierry Vergneaux Les neurosciences menacent-elles notre libre arbitre ? Si mon cerveau décide à mon insu : de quoi suis-je responsable ?
2. Le libre arbitre n’est-il qu’une illusion ? Les neurosciences menacent-elles notre libre arbitre ? Certaines études neuroscientifiques ne laissent-elles pas penser que des décisions conscientes ne seraient pas aux commandes de nos actes ? Ne formerions-nous nos intentions d'agir qu’a posteriori, une fois l'acte accompli ou en cours de réalisation, après que notre au cerveau ait piloté nos faits et gestes de façon inconsciente ? Si ce n’est pas moi mais mon cerveau qui décide de mes actes au terme d’un processus biochimique déterministe et inconscient de mes neurones, comment mon libre arbitre ne serait-il pas menacé ? Autant les neurosciences paraissent faire échec au dualisme esprit-matière cher à Descartes selon lequel l’esprit serait strictement aux commandes de nos actes indépendamment du déterminisme de la matière… Autant le débat sur une part relative de libre arbitre est loin d'être tranché, tant le processus neuronal entre les pensées conscientes et inconscientes parait complexe. Si les neurosciences désavouent le libre arbitre absolu au sens de Descartes ou de Sartre. En revanche, comment pourraient-elles réfuter une part relative de libre arbitre au sens de Spinoza ? Si mon cerveau décide à mon insu : de quoi suis-je responsable ? Que se passerait-il si, à tort ou à raison, nous cessions de croire au libre arbitre ? Comment une société pourrait-elle fonctionner si personne ne s’estimait responsable de ses actes ? Si, d’un côté, le recul de la croyance au libre arbitre conduit à la déresponsabilisation accompagnée d’ une plus grande clémence pénale et de mesures de réinsertion … D’un autre côté, comment le désaveu complet du libre arbitre pourrait-il ne pas ouvrir la boîte de Pandore d’un monde qui, faute de morale et de justice pénale, serait incontrôlable ? Même à supposer que le libre arbitre n’existe pas naturellement (biologiquement), ne faudrait-il pas l’inventer culturellement de sorte que la responsabilité demeure ? Quoiqu’il ne soit pas prouvé pour l’instant qu’un libre arbitre relatif au sens de Spinoza n’existe pas… Si d’aventure les neurosciences venaient à prouver que le libre arbitre n’est qu’une illusion, au nom de la responsabilité ne faudrait-il pas l’inventer, ce qui lui confèrerait alors le statut d’illusion nécessaire ? 10 10
Le libre arbitre est-il le propre de l’homme ? L’homme est-il un animal culturel ? Le libre arbitre est-il inné ou s’acquiert-il ?
3. Le libre arbitre est-il le propre de l’homme ? L’Homme est-il un animal culturel ? La culture, n'est ce pas ce que l‘Homme ajoute à la nature, ce qu'il produit, ce qu'il apprend, ce qu’il comprend, ce qu’il enseigne à ses enfants… ? Par la conscience qu’il a de soi et du milieu qui l'entoure, l‘Homme n’est-il pas un animal singulier ? Par la conscience culturelle l‘Homme ne s'affranchit-il pas de ses instincts tout en affirmant sa liberté ? Si, comme le pense Camus, le propre de l’Homme est de se révolter contre sa nature, l’esprit humain n’est-il pas à la fois inné (faculté de la conscience / vérité de la matière) et culturel (valeurs / liberté de l’esprit) ? Ainsi l’esprit humain ne s’édifierait-il pas à jamais de façon dialectique entre les valeurs qui dépendent de ce qu’il désire et la vérité dont il dépend ? Par sa culture (en particulier ses valeurs) qui lui permet de se libérer, l’Homme n’est-il pas un animal culturel qui ne peut tendre qu’à devenir humain faute de l’être dès sa naissance ? Le libre arbitre est-il inné ou s’acquiert-il ? Ce qui est inné, n’est-ce pas ce qui est programmé dès la naissance ? Si de ce point de vue l’aptitude à penser du cerveau des Hommes est innée, pourquoi serait-ce aussi le cas de son esprit puisque cela voudrait dire que ses idées ne sauraient évoluer, ce qui serait de l’innéisme ? Si l’innéisme s’oppose radicalement à l’acquis, comment une part d’innéité pourrait-elle s’y opposer alors qu’au contraire elle le permet (comme par ex. la faculté du langage versus les langues que l’on apprend) ? Or, qui pourrait prétendre qu’un enfant qui vient de naître, de même qu’il ne saurait parler avant de l’apprendre, disposerait du libre arbitre et serait par conséquent responsable de ses actes dès sa naissance ? L’erreur de Descartes n’est-elle pas d’avoir cru que notre libre arbitre était inné alors qu’il procède d’idées à faire et non d’idées toutes faites, autrement dit qu’il s’acquiert ? N’en va-t-il pas du libre arbitre comme de toutes nos idées ? S’il est de l’ordre de l’acquis, n’est-ce pas parce que nos facultés innées le permettent ? En tant qu’animal singulier caractérisé par sa culture, comment le libre arbitre ne serait-il pas le propre de l’Homme s’il fait partie de sa culture ? 12
En guise de conclusion Si c’est par la culture qu’on devient Homme, n’en va-t-il pas de même du libre arbitre ? Si, contrairement à ce que voulait Sartre, le libre arbitre n’est pas absolu, n’est-ce pas parce que, comme la liberté, il n’est que relatif et toujours à conquérir ? Si mon cerveau décide avant que j’en aie conscience, ne vaut il pas mieux : Le préparer à bien réagir par la réflexion et la méditation, Plutôt que vouloir l’augmenter par la neurochirurgie et les manipulations génétiques ?
Prochaines réunions MDS Agde de 18h30 à 20h : Salle Terrisse Maison du cœur de Ville "Harmonie" : mardi 11juin "Amour-propre" : mardi 8 octobre N’oubliez pas de réserver vos places et d’annuler vos réservations si vous ne pouvez pas venir 04 67 94 65 80 ou direction.culture@ville-agde.fr MAM Béziers de 18h30 à 20h : " Faut-il partir pour être ailleurs ?" mercredi 23 octobre Informations et documents sont disponibles sur : http://www.cafe-philo.eu/ 14