Photographies et textes LYON LA FÊTE DES LUMIÈRES 2011 13e édition 4 nuits de féerie du 8 au 11 décembre Photographies et textes de Jean-Paul BARRUYER
La voiture, pour la Fête des Lumières, mieux vaut ne pas y penser et la laisser au garage. La ville est inabordable et le centre ville interdit de circulation aux véhicules. Chaque année, pour moi, cette gare de Saint-Paul (qui dessert tout l’ouest-lyonnais) est donc le premier contact avec la Fête des Lumières puisque, depuis ma campagne, j’arrive en train dans la ville par cette porte d’entrée, monument classé, située dans le Vieux Lyon Renaissance, plein de charme, à deux pas de la Saône…
Dans la rue Paul Chenavard, atmosphère à la fois douce et cristalline avec ces étranges créatures végétales, ces gigantesques araignées ou ces minuscules feux d’artifice, c’est selon votre imagination…
La place des Terreaux est, par tradition, le site incontournable, le lieu des scénographies visuelles animées et sonores les plus spectaculaires, mais aussi l’endroit le plus difficile d’accès, tant la foule y est dense ! Cette année, la Fontaine Bartholdi se projette sur les façades de l’Hôtel de Ville et du Palais Saint-Pierre, tandis que les chevaux ne tardent pas à s’échapper dans un galop furieux, avant que le Palais ne vacille, se disloque et s’effondre sur lui-même…
Cette année, c’est service minimum pour l’éclairage de la cour d’honneur de l’Hôtel de Ville central. Dommage, car le lieu est l’un des plus majestueux de la ville et certaines éditions de la Fête nous avaient autrefois éblouis ! On se contentera de ces quelques feuilles de papier, immobiles et suspendues dans l’air, qui semblent avoir été jetées par un fonctionnaire municipal depuis la fenêtre de son bureau, sans doute au bord de la crise de nerf sur un dossier…
« L’œil était dans la tombe et regardait Caïn ! » Place Louis Pradel, c’est un peu étrange et lugubre, comme dans un cimetière, et je ne peux m’empêcher de penser à ce vers de Victor Hugo, qui vient mettre un point final à son célèbre poème extrait de « la Légende des siècles » , que vous avez dû probablement apprendre au collège : « L’œil était dans la tombe et regardait Caïn ! » La conscience
Rue de la Ré(publique), éclairage et décorations des plus classiques, mais l’ambiance est déjà chaleureuse, dans une atmosphère enivrante de vin chaud, marrons grillés, crêpes et autres gourmandises de saison…
Sur le bassin d’eau de la place de la République, d’étranges bons-hommes filiformes, lumineux et animés, nous entraînent dans une grande chorégraphie sonore et effrénée. Un concert musical nocturne et gratuit qui attire du monde…
Un instant magique et intime dans la cour d’honneur de l’Hôtel-Dieu, très reposant après la danse agitée précédente. Des milliers de petites diodes de couleurs nous offrent, sur les quatre murs blancs provisoires, un spectacle changeant et musical plein de poésie. J’ai beaucoup aimé ce lieu, ancien cloître, qui prouve que, en pleins travaux, la fête peut continuer. Car l’hôtel-Dieu, actuellement en cours de réhabilitation, ne sera plus un triste hôpital (où Rabelais a exercé la médecine) mais bientôt un lieu de promenade agréable offert aux Lyonnais, avec des commerces et des services…
Une centaine de papillons lumineux, après une longue route depuis Milan, font une halte rue du Président-Edouard-Herriot…
Le théâtre des Célestins s’est transformé en un gigantesque billard électrique. Les deux flippers sont en bas et la bille va monter en rebondissant sur les différents détails architecturaux mis en couleurs. Evidemment, c’est au public d’actionner le jeu depuis la place. Autrement dit, l’emplacement du joueur a été très convoité, presque inaccessible, sur cette petite place bondée de monde. Un regret : les couleurs n’étaient pas assez vives et l’ensemble un peu sombre pour le photographe…
Depuis la rue Emile-Zola, j’entrevois l’attraction de la place Bellecour…
De magnifiques ballons aux couleurs acidulées, comme autant de bonbons que l’on a envie de croquer…
Cette année, notre roi Louis XIV n’est pas le Prince des Ténèbres, comme cela a souvent été le cas dans les éditions précédentes. Au contraire, il rayonne comme un soleil et ne cesse de faire la roue pour nous séduire…
Roi Soleil, oui, mais cela ne m’empêche pas de dire : « Et la Lune était là, toujours brillante !… » Ray Bradbury (Chroniques martiennes)
Ouf ! Pour une fois on ne pourra pas dire que la place Bellecour était un immense trou noir intersidéral. Le Soleil, la Lune, et ces multiples petites planètes colorées qui culminent à 33 mètres, chacune éclairée par une lampe intérieure, je trouve tout cela fort délicieux ! C’est simple, pas intellectuel pour deux sous, et cela convient bien à mon cerveau qui commence à s’engourdir en cette nuit de début décembre…
Une nuit magique avec ses rêves d’enfant…
Séquence émotion : En éclairages changeants et synchronisés, voici l’église Saint-Georges sur les quais de Saône et le lycée Saint-Just, perdu là-haut dans la nuit, fantomatique, comme suspendu dans les airs. Un site original qui a été particulièrement apprécié par les spectateurs. Je me suis dépêché d’envoyer cette photo à ma fille Céline, par-delà l’océan Atlantique, à New York où elle se trouve une fois de plus pour son travail. J’espère qu’elle a reçu cette image comme un moment de nostalgie, comme un pincement au cœur, pour elle qui y a terminé brillamment ses études secondaires. Décidément, de ce lycée, ne seront sorties… que des lumières ! (rires)
Vers la gare de Perrache, au marché de Noël de la place Carnot, c’est cadeau !…
Voici le très sobre pont Bonaparte au tablier bleu assorti à la basilique de Notre-Dame de Fourvière. Seule, la cathédrale Saint-Jean semble faire bande à part du côté de son chevet incolore. Mais peut-être qu’elle nous réserve une surprise de l’autre côté, celui de sa grande façade…
Même les arbres ont été conviés à la fête…
J’arrive enfin au site que j’adore et qui me ravit chaque année à la Fête, toujours égal à lui-même. Voici une merveilleuse variation de lumières et de couleurs autour de la cathédrale Saint-Jean dans un sublime spectacle son et lumière. C’est beau, c’est puissant, c’est plein d’émotions, car cette année la musique m’a subjugué tout autant que les images qui, il faut bien le dire, avaient un air de déjà-vu, mais un très beau « déjà-vu » tout de même ! De cette musique orchestrale, accompagnée d’un chœur, se dégageaient des sonorités impressionnistes, aériennes, magiques, envoûtantes, une musique que n’aurait pas renié un certain Claude Debussy. Une musique probablement du début du XXe siècle, mais dont je n’ai pu identifier, hélas ! ni le titre, ni le nom du compositeur… Alors, avant de courir chez mon disquaire, je remercie d’avance la personne qui pourrait éclairer ma lanterne…
Autre séquence émotion pour moi, une scénographie époustouflante m’attendait un peu plus loin, juste devant l’immeuble où je travaillais autrefois, face à la colline de Fourvière, avec le Palais de Justice et sa passerelle. Ce soir-là, éclatait une musique parfaitement synchronisée avec les projecteurs, une musique endiablée qui m’a laissé sans souffle, celle du 3e et dernier mouvement du concerto pour violon « L’Eté », extrait des « Quatre Saisons » d’Antonio Vivaldi, dans un enregistrement de référence qui raisonne encore dans ma tête ! J’ai cru un moment que des petits hommes verts venus de je ne sais où, s’étaient posés sur l’eau…
Merci qui ?… Bon, on y croit ou on n’y croit pas, cela ne change rien à la fête car chacun est libre dans sa pensée… Mais merci quand même, car c’est bien d’ici qu’est partie la Fête des Lumières il y a 159 ans, en 1852, sur le sommet de la colline de Fourvière. Plus exactement depuis cette statue dorée de la Vierge, dressée sur une ancienne chapelle, que vous allez apercevoir juste à gauche et en léger retrait de l’actuelle basilique qui n’existait pas encore…
Très déçu par l’église Saint-Nizier qui nous a habitués chaque année à une belle scénographie visuelle et sonore. Pour la présente édition, là aussi c’est le service minimum et il faudra se contenter de cet éclairage fixe et immuable, simple panneau publicitaire au bénéfice d’un organisme caritatif qui veut bien récolter vos dons au stand situé tout à côté…
LES LANTERNES DE FUKUNO Quand la Fête des Lumières s’ouvre sur le monde… J’ai gardé le meilleur pour la fin, comme la cerise sur le gâteau, le spectacle que les Lyonnais n’oublieront pas et qui sera sans doute l’image qui illustrera et restera de cette 13e édition de la Fête des Lumières. C’est aussi une grande première que ce spectacle déambulatoire, alors que, depuis l’origine de la Fête, les sites lumineux ont toujours été immobiles. En provenance de Nanto, au Japon dans la région de Fukushima, voici le grand défilé de 5 chars, hauts de 7 mètres, construits de bambous et de papier, avec plus de 150 figurants en costumes traditionnels dont certains venus tout spécialement du Japon, comme les chars arrivés en pièces détachées. C’est une inspiration d’un célèbre et très ancien festival de lanternes magiques à Fukuno. Un festival à la mémoire de villageois fuyant leurs terres en 1652 en raison d’un incendie et qui emportent avec eux un autel. Ils seront accueillis par d’autres villageois avec des lanternes. Le projet de venir à Lyon était dans l’air depuis lontemps, puis il y eut le tragique séisme de Fukushima le 11 mars 2011. Il a donc été momentanément abandonné là-bas, les organisateurs se trouvant très démoralisés. Mais c’est une lettre personnelle de Gérard Collomb, maire de Lyon, qui relance le projet en les convainquant de venir, la ville s’engageant à prendre en charge toute la logistique de transport. Pendant 3 heures, pour chacune de ces 4 nuits, ce défilé magique et sonore a effectué une très lente et très longue boucle dans la Presqu’île, du quartier de Grôlée jusqu’à la place Bellecour en passant par la rue Grenette et les quais de Saône. Les Lyonnais sont venus en masse applaudir chaleureusement ce défilé exotique, lumineux et magique. Sur le parcours, la foule était très dense et les chars, tractés par la force humaine, avaient parfois du mal à se frayer un chemin. Un spectacle son et lumière dépaysant où se sont mêlés chants, danses et de puissantes percussions qui résonnaient dans la nuit. J’ai pu me jucher sur des bornes de pierre pour me dégager de la foule en prenant un peu de hauteur, afin de vous livrer ces images merveilleuses, inoubliables ! Nul doute qu’elles vont ravir ma fille qui doit se rendre au Japon au printemps prochain, voyage qu’elle a dû annuler suite à la tragédie de cette année…
QUELQUES IMPRESSIONS PERSONNELLES EN CONCLUSION… Ne croyez surtout pas que ce que vous venez de voir est représentatif de l’ensemble de la Fête des Lumières. Ce n’était que la partie centrale, et encore pas dans sa totalité, les quartiers périphériques ayant aussi réalisé de très belles choses, certes moins grandioses, mais tout aussi originales. Ce n’était en somme que MA Fête des Lumières. Mais, c’est bien le défilé des chars japonais qui aura irradié la Fête (pardon pour ce jeu de mots facile !). Je dis encore : BRAVO !!!… Cela a fait oublier un air de déjà-vu que j’ai perçu, comme la plupart des Lyonnais, peut-être inévitable quand on photographie cette manifestation depuis plus de 10 ans. Alors, râleur et exigeant ?… Peut-être, mais comme l’a dit autrefois Beaumarchais, sans la liberté de blâmer, il n’y a point d’éloge flatteur ! VOUS N’AUREZ PAS VU la Fontaine de la place des Jacobins, habituellement si belle et lumineuse, dans l’obscurité et entièrement sous bâche plastique, pour cause de chantier de réhabilitation du site, autour de laquelle tournaient en permanence les taxis et qui sera à l’avenir rendue entièrement aux piétons. VOUS N’AUREZ PAS VU le bâtiment de la Préfecture, aux abonnés absents, contrairement aux éditions précédentes. Curieusement, cette année, les lieux de pouvoir, comme l’Hôtel de Ville et la Préfecture du département et de la région, qui est aussi le siège du Conseil général, n’avaient pas droit à la couleur, quand ce n’était pas l’obscurité totale. Peut-être un signe des temps à venir qui ne s’annoncent pas très lumineux. Bon sang ! y a-t-il encore un pilote dans l’avion ?… VOUS N’AUREZ PAS VU NON PLUS le très bref mais magnifique flash d’un blanc immaculé qui m’a illuminé et même ébloui. En ce soir du 8 décembre, j’ai cru que c’était l’apparition de la Vierge ! Je n’en ai pas gardé la photo. Il faudra la réclamer auprès de la gendarmerie. Me rendant en voiture à la gare d’un village voisin de mon domicile pour y prendre le train à destination de la Fête, j’ai été surpris par une voiture banalisée rangée sur le bas-côté… Verbalisé pour 7 km/h de dépassement, je viens de recevoir le PV dans ma boîte à lettres et ne manquerai pas de le transmettre à ceux qui, chaque année, attendent mon diaporama avec impatience en me mettant la pression (rires !) Heureux tout de même de participer ainsi au redressement des comptes publics qui sont dans un état calamiteux, moi qui durant toute ma carrière de fonctionnaire des Finances, n’ai fait que gérer les deniers publics en bon père de famille !… GRRR !!!…
LA VERITABLE HISTOIRE DE LA FETE DES LUMIERES… Il faut donc remonter à la journée du 8 décembre 1852, fête de l’Immaculée Conception, au cours de laquelle de fortes pluies cessèrent brusquement (la ville venait de subir de graves inondations) et permirent contre toute attente l’inauguration de la Vierge dorée de Fourvière. Les Lyonnais, en remerciement, illuminèrent spontanément leurs fenêtres avec des milliers de lumignons, comme c’était l’usage les jours de fête à cette époque, et descendirent dans les rues. Cette tradition, à l’origine religieuse, a été reprise à chaque 8 décembre pour devenir au fil du temps une véritable fête populaire qui voit toute la population de la ville investir les rues. Mais, au risque de décevoir certains, aucun miracle dans cette histoire, contrairement à ce qui se dit à droite et à gauche… Maintenant, voici la suite de l’histoire : En 1870, la guerre éclate entre la France et la Prusse. Les Lyonnais, inquiets, demandent à leur évêque d’exprimer un vœu à Notre Dame de Fourvière pour éviter l’occupation de la ville. Si ce vœu est exaucé, ils s’engagent à construire à Fourvière une splendide église dédiée à la Vierge. L’archevêque formule solennellement ce vœu le 8 octobre 1870. Lyon est épargné et l’édifice religieux est construit, œuvre de l’architecte Pierre Bossan. La première pierre est posée en 1872 et la dernière en 1884. Elle sera consacrée « basilique » en 1897 par le très social pape Léon XIII. Mais ce n’est qu’en 1964 que seront terminées les décorations intérieures, d’inspiration byzantine. Là aussi, rien de miraculeux, car la probabilité que les « casques à pointe » n’arrivent jusqu’à Lyon était bien faible ! A l’époque, ce n’était que la Fête des illuminations, et encore je ne sais même pas si l’on utilisait le terme de « fête », l’amusement étant en mauvaise odeur de sainteté. Si ma mémoire est bonne, c’était bien les « Illuminations », tout simplement. Elles avaient lieu chaque année qu’une seule nuit, celle du 8 décembre, au cours de laquelle les Lyonnais alignaient de petites bougies dans un verre sur le rebord des fenêtres. Depuis 1999, les Illuminations sur une nuit sont devenues la Fête des Lumières sur quatre nuits, le soir du 8 décembre ayant toujours gardé son caractère spécifique, religieux et bien lyonnais, avec ses lumignons sur les fenêtres et la procession des fidèles qui montent, à la lueur des bougies, depuis la cathédrale jusqu’à la basilique. Pour le reste, c’est devenu progressivement la grande fête internationale qui attire environ trois millions de personnes, beaucoup trop au goût de certains Lyonnais, avec des bruits de tiroirs-caisses attestant des retombées certaines pour l’économie locale. Mais c’est aussi la vitrine d’un savoir-faire incontestable de la ville en matière d’éclairage urbain qui ne cesse de s’exporter.
J’aime ces instants, rares et magiques, mélange de sacré et de profane, où, dans une ferveur commune, croyants et athées ont le regard tourné dans la même direction, celle de la lumière… Jean-Paul BARRUYER décembre 2011
jean-paul.barruyer@orange.fr