Les roches sédimentaires Partie B : Leur classification Draperies de calcite dans les Cavernes de Carlsbad au Nouveau-Mexique
Roches détritiques et chimiques Nous avons vu que des sédiments ont une origine détritique (les détritus solides) et que d’autres ont une origine chimique (les ions et les autres substances en solution). La diagenèse (compaction – cimentation) d’un sédiment principalement détritique donne une roche sédimentaire détritique. La diagenèse d’un sédiment principalement chimique donne une roche sédimentaire chimique. La classification des roches détritiques est basée sur leur granulométrie (= grain - mesure), c’est-à-dire sur la répartition des particules de diverses tailles qui forment la roche.
Classification granulométrique Diamètre des particules en mm Nom du sédiment Nom de la roche Bloc Gravier Conglomérat Gros galet Petit galet Granule Sable Grès Silt Siltstone Poussière, argile, boue Shale 256 64 4 2 0,0625 0,0039
Conglomérat Grès des îles de la Madeleine Gros plan du grès de Potsdam de l’île Perrot
Siltstone à la surface beaucoup plus douce que le grès. Shale (Toronto). Le shale se sépare facilement en plaques.
Question Si cette fine poussière argileuse, déposée en strates minces dans le lit du Rio Grande, se transforme un jour en roche, quel type de roche aura-t-on ? Réponse : On aura une roche sédimentaire détritique de type shale, un shale qui gardera le souvenir du dépôt original et qui se séparera facilement en plaques minces.
La classification des grès Sable de gypse, White Sands (Nouveau-Mexique) La classification des grès Toute roche formée de sable est un grès. Mais ce sable peut être constitué de particules plus ou moins bien triées et arrondies (maturité de texture), ne contenir que du quartz ou aussi des feldspaths et des fragments de roche (maturité minéralogique), être mélangé avec de la boue (autre classe granulométrique), etc. Il existe donc des classifications propres aux grès, comme il en existe aussi pour les conglomérats, les siltstones et les shales. Nous n’étudierons pas ces classifications.
À titre d’exemple, on appelle wackes tous les grès riches en boue et en silt. Notamment, le graywacke est composé de grains anguleux et mal triés de quartz, de feldspath, de roche… entourés par une matrice fine riche en argile. Le graywacke est gris et on l’appelle «grès sale». Les sédiments immatures qui donnent les graywackes s’accumulent notamment sur la marge d’un continent où s’édifie une chaîne de montagnes. L’érosion de la chaîne fournit des sédiments qui, à cause du haut relief et de la proximité du bassin marin, sont rapidement transportés et déposés en vrac. Strates de graywacke et de shale
Classification des roches chimiques Les substances dissoutes dans l’eau peuvent former des minéraux quand l’eau est saturée (phénomène de précipitation) ou quand des organismes les utilisent pour construire leurs enveloppes ou tests (algues, plancton…). Précipitation dans un marais maritime bordant la mer de Salton en Californie
On classe les roches qui résultent de ces dépôts en fonction du minéral dominant : Roches carbonatées : formées de calcite (CaCO3), d’aragonite (une autre forme cristalline de CaCO3) ou de dolomite (CaMg[CO3]2). Roches siliceuses : formées de quartz (ou silice) SiO2. Roches ferrifères : contenant divers composés de fer (oxyde de fer Fe2O2, hydroxyde de fer FeO(OH)…). Évaporites : formées de halite (le sel de table) NaCl ou de gypse CaSO4•2H2O ou de sylvite KCl… Roches phosphatées : formées de variétés du minéral apatite Ca5(PO4)3(F ou Cl ou OH), un cousin du minéral des dents et des os. Roches carbonées : contenant une proportion élevée de carbone C.
Question Cette photographie satellite de la NASA (site Visible Earth) montre la mer la plus salée de la planète, la mer Morte. Son nom vient du fait que rien n’y vit tellement elle est salée. À quel usage commercial servent les grands bassins au sud de la mer ? Réponse : Ce sont des bassins d’évaporation où on recueille les sels de l’eau pour l’industrie chimique. C’est par le même processus que se forment les évaporites.
Les roches carbonatées La calcite CaCO3 se forme à partir des ions Ca2+ et HCO3- par précipitation ou par accumulation des tests d’organismes qui ont utilisé ces ions pour fabriquer leur enveloppe de calcite (ou d’aragonite). Les roches carbonatées sont le calcaire (calcite), surtout marin et un peu d’eau douce, et la dolomie (dolomite). La dolomie se forme par ajout de magnésium au calcaire. L’eau contient toujours du gaz carbonique CO2, le gaz que nous rejetons en respirant et celui des boissons gazeuses. Les ions Ca2+ et HCO3- précipitent en calcite dans une eau pauvre en CO2 et, inversement, la calcite se dissout en ions Ca2+ et HCO3- dans une eau riche en CO2. Une bouteille d’eau gazeuse contient plus de CO2 quand elle est froide et capsulée que lorsqu’elle est chaude et décapsulée. Les calcaires marins se forment donc dans les mers tropicales peu profondes (eau profonde = bouteille capsulée) pauvres en CO2 ; les calcaires d’eau douce se forment là où de l’eau gazeuse riche en calcite dissoute jaillit du sol (= décapsuler) et perd son CO2.
Cette plage d’Hawaii est un dépôt de sédiments carbonatés Cette plage d’Hawaii est un dépôt de sédiments carbonatés. Les grains sont des fragments des coraux qui vivent dans les eaux chaudes peu profondes.
La surface altérée de ce calcaire du boulevard Saint-Martin à Laval montre qu’il est formé des restes en calcite d’organismes marins. Ceux-ci vivaient à l’Ordovicien quand la région était occupée par une mer tropicale peu profonde (revoir la présentation 2).
La craie est un calcaire fait presque uniquement de calcite, sous forme de tests d’organismes marins microscopiques. Elle est blanche, tendre et friable. Les concrétions calcaires sont des calcaires d’eau douce. Ils se forment par dépôt de couches successives dans les cavernes, dans les ruisseaux, près des sources… Tout le monde connaît les stalactites. Falaise de craie de Douvres en Angleterre Concrétions là où des sources jaillissent dans le fond d’un lac de Californie
Question Cette belle « draperie » de pierre se trouve dans le canyon Johnson (Rocheuses). Elle suit le trajet de l’eau d’une source qui sort plus haut et qui coule sur la paroi. De quoi s’agit-il ? Réponse : C’est une concrétion calcaire (de type travertin). L’eau a dissous du calcaire en traversant les roches. Comme l’eau perd du CO2 en sortant (baisse de pression, bactéries sur la paroi qui consomment le CO2…), le calcaire précipite.
Les roches siliceuses L’altération donne de la silice dissoute. Divers organismes marins utilisent cette silice pour former des tests ou des épines dont l’accumulation donne des roches siliceuses. Dans une eau saturée, la silice peut aussi précipiter. On nomme les roches siliceuses en fonction des organismes accumulés (ex. diatomites), de leur mode de formation (ex. silex) ou de leur apparence (ex. chert rubané).
Rognons de silex, avec leur enveloppe blanche typique, dans le calcaire Onondaga de l’état de New York. On pense qu’ils se sont formés par précipitation. Rognons de silex dans la falaise de craie de Douvres. On en fait des murs de maison.
Chert rubané, riche en oxydes de fer, fortement plissé, près du pont Golden Gate à San Francisco.
Exemples de tests microscopiques Craie grossie 10 000 X Photos au microscope électronique tirées d’un article de Patzek, Silin et Barenblatt : http://petroleum.berkeley.edu/papers/patzek/2001%20IEA%20Workshop%20Manuscript.pdf Diatomite grossie 600 X et 5 000 X
Question Quand on frappe un silex sur du fer on obtient une étincelle. On a donc utilisé le silex comme pierre à briquet ou à fusil. Il a aussi servi de matière première pour les premiers outils : sa cassure conchoïdale (typique du quartz) permet d’en arracher des éclats pour créer des bords tranchants. Le silex se nomme flint en anglais. Quelle famille célèbre tient son nom du silex ? Les Flintstones sont des personnages qui appartiennent à Hanna-Barbera Productions, Inc.
Roches ferrifères et phosphatées Elles se forment à partir des produits de l’altération chimique. On utilise les roches ferrifères comme minerai de fer et les roches phosphatées servent à la fabrication des engrais. Les trois chiffres des engrais minéraux, comme 29-3-4, indiquent les proportions d’azote N, de phosphate P (en fait P2O5) et de potassium K (en fait K2O). On tire les composés du phosphate utilisés dans les engrais des roches phosphatées et d’autres sources (les excréments d’oiseaux ou guano, par exemple). On utilise aussi une roche chimique, l’évaporite sylvite KCl, comme une des sources de potassium. C’est la fameuse «potasse» de la Saskatchewan.
Rognons de roches ferrifères tombés d’une falaise Photo de Ian West, Geology of the Wessex Coast, Southern England : http://www.soton.ac.uk/~imw/index.htm
Les évaporites L’eau de mer envahit périodiquement des marais maritimes. Sous un climat chaud, l’évaporation sature l’eau en sels dissous qui précipitent et donnent les évaporites. Des évaporites enfouies sous quelques km d’autres roches cherchent à remonter parce qu’elles sont moins denses que la roche sus-jacente et parce qu’elles se comportent comme de la pâte aux températures qui règnent à ces profondeurs. On obtient alors une colonne d’évaporites de quelques km de diamètre qui perce les roches sus-jacentes et se stabilise juste avant d’atteindre la surface. Les îles de la Madeleine reposent sur de tels «dômes de sel». évaporites dôme
Falaise de gypse à l’île Cape Breton et affleurement en bord de mer aux îles de la Madeleine
Question On fabrique le plâtre de Paris 2CaSO4 • H2O à partir du gypse CaSO4 • 2H2O . En vous inspirant de leur formule chimique, pouvez-vous dire comment on réalise la transformation ? Réponse : On note que la seule différence entre le plâtre et le gypse est la quantité d’eau incorporée dans la structure cristalline. En écrivant la formule du plâtre de façon un peu inhabituelle, soit CaSO4 • ½H2O, on constate qu’il y a 4 fois plus d’eau dans le gypse. En chauffant le gypse, on lui fait perdre 75 % de son eau et on le transforme en plâtre. En mouillant le plâtre, de petits cristaux de gypse se forment et se lient ensemble pour donner un solide.
Le charbon Les charbons sont des roches chimiques inhabituelles. Il s’agit de roches carbonées obtenues par l’accumulation de débris non pas de roches, mais de plantes. Ordinairement, les bactéries du sol libèrent le carbone d’une plante morte sous forme de gaz carbonique CO2. Si la plante se trouve dans un empilement au fond d’un marécage, la pauvreté en oxygène fait que les bactéries utilisent plutôt l’oxygène O des plantes mortes et laissent en arrière le carbone C. On obtient ainsi la tourbe, une roche formée d’un amas de plantes enrichies en carbone. L’enfouissement de la tourbe sous d’autres sédiments crée une compaction et un réchauffement qui permettent un enrichissement progressif en C et un appauvrissement en O. On obtient successivement la lignite, le charbon proprement dit, l’anthracite et le graphite (C pur).
tourbe Charbon bitumineux anthracite Photos de Lynn Fichter : http://csmres.jmu.edu/geollab/Fichter/SedRx/Rocks/peat.html
En marchant sur la plage d’Inverness (Cape Breton) on peut apercevoir une strate noire cachée par le sable. Il s’en détache des fragments légers et friables. De quoi s’agit-il ? Question Réponse : Ce matériau noir et léger est du charbon. C’est un affleurement d’une des veines du champ de charbon d’Inverness.
Un karst Un karst (du nom d’une région de Slovénie) est un massif de calcaire ou de marbre (un calcaire transformé) plein de vides creusés par l’eau de pluie qui s’y infiltre. L’eau riche en CO2 est acide (pensez au goût piquant des boissons gazeuses) et elle dissout la calcite du calcaire. Or, l’eau de pluie qui s’infiltre dans un terrain contient du gaz carbonique en solution provenant de l’air et, surtout, de la respiration des organismes (bactéries, vers, larves…) qui décomposent la matière organique du sol. Cette dissolution creuse la roche de façon caractéristique : en surface, on retrouve des dolines, des gouffres, des résurgences… ; en profondeur, les conduits où circule l’eau forment des cavernes souvent décorées par des concrétions calcaires (première diapositive).
Les dolines Par exemple, les dolines sont des dépressions en forme d’entonnoir qui se créent au-dessus des conduits souterrains par effondrement ou par dissolution d’un réseau de fissures verticales. L’existence de karsts (ou paysages karstiques) est importante en hydrogéologie puisque ce sont de vastes systèmes souterrains de circulation des eaux. Dépôts de surface (sable, argile) calcaire fissures caverne effondrement Amorce de dissolution dolines
Entrée de la caverne Lusk dans le marbre du Parc de la Gatineau. Photo de A. Wilcox : www.geocities.com/alanawilcox/2001/luskcaves.html Doline du karst de l’île d’Anticosti. Photo du gouvernement du Québec (lien caduc).
Résurgence, rivière souterraine qui sort d’un massif de calcaire (BC) Karst du Portugal (Algarve)
Lac à niveau variable. Le lac Medicine (près de Jasper) se vide à chaque automne par le karst situé sous lui parce qu’il n’y a pas assez d’eau qui l’alimente. Cerne du niveau précédent