Docteur Mahmoud Boudarène Souffrance psychique , médecines parallèles et pratiques traditionnelles: psychologie médicale ou imposture? 14ième journée de déontologie médicale, SOR de Constantine - Jijel 30 juin 2012 Docteur Mahmoud Boudarène Psychiatre Tizi Ouzou Mail :mahboudarene@yahoo.fr Web : www.docteurboudarene.unblog.fr
Définitions – sémantique Souffrance = épreuve - peine - douleur - tourment malheur - affliction - torture, etc. Souffrance psychique = concept flou - mal défini tendance à présenter des troubles mentaux ? - sans les identifier - sans les hiérarchiser Souffrance psychique = douleur morale (?)
1- Souffrance psychique et pathologie mentale - névrose (angoisse névrotique) ? - douleur morale/dépression ? - psychose (angoisse psychotique) ? 2 - Souffrance psychique et relation avec la maladie - en relation avec la fin de la vie/peur de la mort ? - cas des maladies graves - angoisse existentielle ? 3 - Souffrance psychique et souffrance sociale - en relation avec les problèmes sociaux - par manque de bonheur/par malheur ?
dans tous les cas La médecine a ses limites dans les réponses aux maladies graves, psychiques et physiques La médecine n’apporte pas de réponses aux interrogations existentielles/finalité et fin de la vie/mort La médecine ne soigne pas le malheur et l’injustice sociale
C’est sans doute pour cela que le sujet qui souffre se tourne vers les médecines parallèles ou traditionnelles.
mais aussi parce que la médecine actuelle - trop technique, technologique - trop spécialisée - trop pressée dévitalisée, déshumanisée agressive inquiétante +++ - ne prend plus le temps d’écouter de parler, de toucher Recours médecines parallèles ou traditionnelles
spiritualité nourrie de pratiques traditionnelles et encore société communautaire spiritualité nourrie de pratiques traditionnelles superstition et de religion et religieuses (craintes, frayeurs) médecine moderne inquiétante ? familière et répond au besoin de spiritualité puissance magique et divine validation sociale et communautaire de la souffrance
La médecine moderne n’offre pas au sujet le cadre approprié pour parler, pour s’exprimer, pour dire sa souffrance, ses craintes, ses peurs, ses frayeurs La médecine moderne manque de spiritualité Une dimension qui fait de la pratique médicale un art, l’art de guérir
vulnérabilité souffrance (psychique) détresse et quête de soins insistante vulnérabilité disponibilité psychologique Amorce d’un possible lien psychothérapique Proie potentielle victime d’abus
infiltration d’acteurs multiples C’est pourquoi infiltration d’acteurs multiples interventions diverses dans le champ de la médecine psy… notamment (parapsy, développement personnel, coaching…) intervention des guérisseurs, talebs… intervention du religieux (imams +++) propose des aides inadaptées, inopportunes et dangereuses. - aide/appoint à la médecine ? - substitution ? - imposture ++++
Pourquoi le recours aux médecines parallèles et traditionnelles ? - échec de la médecine moderne qui n’a pas pu ou su créer les conditions psychologiques à l’apaisement de la souffrance - désarroi profond face à la souffrance vulnérabilité sujet s’en remet à quelque chose de l’ordre du magique, du surnaturel, du divin stratégie adaptative opérante levée du symptôme – miracle? car ferme conviction de guérir et disposition psychologique à recevoir le soin
Résultats attendus ? levée spectaculaire du symptôme augmentation du charisme du guérisseur qui est investi d’un pouvoir surnaturel, divin?
+ sensibilité - empathie (sympathie?) mais savoir médical + bon sens + sensibilité - empathie (sympathie?) charisme et conditions propices à l’émergence de la disponibilité au soin soulagement de la souffrance
ne sont plus sur les places publiques et les marchés. Les guérisseurs ont modernisé leurs activités. ne sont plus sur les places publiques et les marchés. dans la presse et sur internet. annonces qui prétendent avoir trouver tous les « remèdes à nos maux ».
guérit la peur, le diabète et les hémorroïdes à 100%
Ce dernier, qui nous vient de Syrie, qui a eu droit à une émission de télé et à un article de presse qui vante ses compétences, traite avec les plantes le cancer l’ulcère, le diabète les colopathies la stérilité… « Après l’émission télé, des dizaines de milliers de malades sont venus de toutes les wilayas et…même de l’étranger pour mettre fin à leur souffrance ». Sans commentaire…
Le radar du quotidien Liberté 11 avril 2010
Tous ces guérisseurs sont dans leur rôle, implicitement ou explicitement reconnu par le groupe social. Ils sortent de ce cadre quand ils se revendiquent de la science et/ou de la médecine. Exercice illégal de la médecine Imposture
Dans notre pays, place importante de la religion dans la vie des sujets, (mais aussi mysticisme, superstition et magie) recours aux talebs et de plus en plus aux imams, « dépositaires d’un pouvoir surnaturel ou divin », - symptômes psychiques bruyants - influence ou malveillance extérieure (sorcellerie, djinns, etc.) recours d’emblée aux pratiques traditionnelles validation familial et social. démarche opérante et soulagement de la souffrance, toujours momentané, du sujet et de sa famille. consultation en médecine après échec de ces pratiques
les talebs et les imams qui officient dans notre société font appel à leur érudition religieuse pour exercer leur activité. le charisme dont certains bénéficient dans la cité, dans la région et quelques fois à travers tout le pays, suffit à exercer une influence sur la vie psychique du sujet dont l’esprit se dispose à recevoir le soin. « rokia et hidjama», ces dernières années pratiques les plus courantes, exercent cette influence.
dans la religion chrétienne, ce rôle est dévolu au curé ou au prêtre. l’usage de l’eau, sur laquelle des versets coraniques sont lus, constitue le médiateur nécessaire à l’accomplissement de la guérison. L’eau devient bénite et jouit alors de vertus thérapeutiques. la prière adressée à Dieu s’inscrit dans les convictions et la foi profonde du sujet. dans la souffrance, la ferveur est multipliée. tant mieux, car la disposition psychologique à la guérison est amorcée.
? les dégâts occasionnés par de telles pratiques sont souvent considérables. Les nombreux exemples rapportés par les quotidiens d’information en témoignent. c’est pour cela que le ministère des affaires religieuses a de proclamé une fetwa pour interdire la pratique de la rokia et de la hidjama dans les mosquées faut-il s’en féliciter ? Sans doute. mais est-ce qu’une fetwa suffit pour arrêter les dérives constatées à l’occasion de ces pratiques ? et il est par ailleurs légitime de s’interroger sur le silence, à ce sujet, dans lequel s’est emmuré le ministère de la santé publique.
Des enfants torturés à Djenan el Mabrouk Une «guérisseuse» réputée dans le quartier de Djenan-El- Mabrouk, à El-Harrach (Alger), s’adonne à de véritables séances de torture sur des enfants. Sa dernière victime, un nourrisson de 8 mois resplendissant de santé, ramené par sa mère pour «mauvais œil». Posé nu à même le sol, roué de coups avec un roseau sur le ventre, les cuisses, la colonne vertébrale, la tête…, les doigts introduits dans sa bouche, de l’huile versée dans sa gorge tout en maintenant ses narines bouchées, sans parler des brûlures avec divers ustensiles ! Ni ses pleurs, ni ses cris, ni sa suffocation n’ont fait fléchir la maman ou la «guérisseuse», qui s’est faite «spécialiste des enfants». Et la séance coûte entre 1 000 et 1 500 DA. (périscope le soir d’Algérie du 04 mars 2010)
recours aux pratiques traditionnelles et religieuse participe du libre arbitre du malade. Contrarier ce choix est une entrave à sa liberté. Empêcher le sujet en souffrance de vivre cette expérience singulière constitue, une mutilation psychique. devoir du médecin d’informer et d’éclairer son malade sur les risques (art 43) Il appartient également au médecin d’offrir les conditions psychologiques propices à l’émergence de la guérison. Ce dernier doit puiser dans sa compétence scientifique et dans la « magie » de la complicité de sa relation avec son malade, cette alchimie particulière qui fait de la médecine un art, l’art de guérir.
faut-il pour autant encourager le recours aux pratiques religieuses? Alors ? faut-il pour autant encourager le recours aux pratiques religieuses? non car aucune pratique traditionnelle et/ou religieuse ne peut remplacer l’acte médical. plusieurs médecins incitent et exhortent (?) les malades à recourir aux imams (art 19 et 31).
se débarrasser ou se décharger du malade de cette façon n’est pas acceptable surtout si cet agissement participe d’une stratégie mue par des considérations strictement financières, politiques et/ou religieuses. Le médecin n’est plus dans son rôle, il renonce à sa mission qu’il soumet totalement à ses convictions.
talebs et imams, de plus en plus nombreux, se comportent en gourous et interdisent au malade de consulter tentatives de soumission de la volonté du malade le désir de soumettre le sujet une influence sur sa vie spirituelle et religieuse dérive qui met en danger la santé et la liberté du malade la «mainmise» sur le malade, est possible grâce à la complicité de certains médecins
le médecin ne doit pas mettre ses convictions religieuses et/ou politiques au service de son métier et profiter de la détresse du patient pour exercer son influence et son pouvoir. Les valeurs religieuses, philosophiques, politiques ne doivent pas, dans le cadre de l’exercice de la médecine, déterminer la conduite de l’acte thérapeutique. Ne pas porter atteinte à la dignité du malade (art 44). le malade a droit au respect de ses convictions et croyances. Il ne doit pas être leurré. En particulier par le médecin qui doit dans tous les cas obtenir le consentement libre et éclairé de son patient (Art 46).
Rappel ? - Patient sans connaissance médicale - mais en mesure d'évaluer les impacts de la décision médicale. - et ayant la possibilité d'exercer son jugement et d'évaluer si le traitement proposé est acceptable. - Pour pouvoir exercer son jugement, le patient doit avoir accès à l'information médicale ! dialogue nécessaire. - Le médecin doit laisser son patient prendre les décisions qui affecteront sa vie. Droit à l’information = DROIT HUMAIN EXERCICE DU LIBRE ARBITRE +++
Pour mémoire En réaction aux expérimentations cliniques menées par les nazis sur des prisonniers, apparaît en 1947 dans le code de Nuremberg la notion de consentement éclairé du malade.
CONCLUSION « la souffrance humaine exprimée dans la maladie mentale n’a pas d’idéologie. elle est, au-delà du désordre biochimique ou de l’incidence culturelle, reflet de ce qui fait l’essentialité de l’Homme. c’est à ce titre qu’il est fondamental de se rappeler notre adhésion en une médecine pleine et entière où le malade inspire le respect sans complaisance… » Mahfoud BOUCEBCI Mail :mahboudarene@yahoo.fr Web : www.docteurboudarene.unblog.fr