Centre Françoise MINKOWSKA CAS CLINIQUE Marie-Jo BOURDIN Attachée de Direction, Responsable du Pôle Formation et du MEDIACOR Corédactrice en chef de la Revue TranSfaire et Cultures Centre Françoise MINKOWSKA Stéphanie LARCHANCHÉ, Anthropologue médicale, Coordinatrice du Pôle Études Enseignement Recherche Centre Françoise MINKOWSKA
Cas clinique 1 : Mme S. 2 filles respectivement âgées de 5 et 2 ans En France depuis le 16/11/2009 Adressée au Centre Françoise MINKOWSKA par une éducatrice de son lieu d’hébergement d’urgence pour un état de stress post traumatique suite à un mariage forcé Mme S. a quitté le Mali pour la France fuyant des violences conjugales sévères (physiques, psychologiques sexuelles avec menaces de mort) Elle a confié ses deux filles (dont une qu’elle allaitait encore) à sa sœur cadette
Son histoire C’est en 2000 qu’elle est mariée à un homme aisé et beaucoup plus âgé qu’elle. Elle même est issue d’une famille aisée et elle a fait des études. Sa première fille est née en 2006, la seconde en 2009 au Canada. C’est au Canada que pour la première fois elle prend conscience de la condition féminine et qu’ elle entend parler de lutte contre les violences conjugales Retournant au Mali elle se dit « plus jamais çà » et parle à sa mère qui lui répond « supporte ma fille… »
Son histoire - 2 Nous faisons sa connaissance en avril 2011. Elle n’a aucune demande. La seule chose qu’elle souhaite c’est « régulariser sa situation et récupérer ses filles ». Elle est sans papiers sans hébergement stable, une intervenante sociale la pousse à demander l’asile, elle est réticente. Puis elle finira par aborder et parler de son mariage forcé, des violences conjugales avec des rapports sexuels forcés et douloureux en raison d’une excision qu’elle a subie lorsqu’elle était bébé.
Son histoire - 3 Parle beaucoup de ses filles et de sa culpabilité de les avoir « abandonnées ». Elle est inquiète car son mari a pris une seconde épouse et c’est une autre femme qu’elles vont appeler « maman ». Inquiète aussi car elle craint que ses filles soient excisées alors qu’elle les a protégées (avec sa sœur elle était tranquille). Que faire divorcer d’ici sans papiers ? Là-bas ? On évoque le retour volontaire au Mali elle y est éligible
Son histoire - 4 Avec son accord, on étudie, via nos liens à Bamako les possibilités de divorce et d’installation. Avec beaucoup de réserves sur le plan culturel nous faisons un retour de toutes les possibilités y compris celles de divorcer avec l’équivalent de notre aide juridictionnelle. Elle sera tentée mais en raison des représentations culturelles elle refusera, mettant en avant des réserves culturelles. Je ne suis pas canadienne, ni française, je suis malienne mes parents ne me pardonneront jamais d’avoir abandonné le domicile conjugal et laissé mes filles, en plus une que j’allaitais et c’est impossible de vivre seule en travaillant et avec ses enfants .
Son histoire - 5 La solution ? Pour elle « le suicide ». L’illness commence à émerger, la confiance s’est instaurée entre nous et nous la persuadons de voir un psychiatre. Elle accepte enfin de parler de sa souffrance psychique « je souffre à l’intérieur de moi » exprime un sentiment de dévalorisation, d’incompréhension, d’injustice. S’inquiète toujours pour ses filles (excision). Semble voir l’utilité d’un soutien psychologique et fini par accepter le traitement médicamenteux proposé par le psychiatre .
Son histoire - 6 L’entretien suivant toujours avec le psychiatre elle a finalement déposé sa demande d’asile ce qui lui permet d’avoir un hébergement. Elle écrit régulièrement par mail à ses filles et sur notre conseil garde les mails dans un dossier . Au fil des entretiens on note une amélioration avec une capacité de résilience importante. À ce jour elle vient d’être convoquée à l’OFPRA pour sa demande d’asile, commence l’angoisse de l’attente de la réponse.