Un modèle de bactérie invasive: Listeria monocytogenes M1 Microbiologie médicale Physiopathologie des maladies infectieuses JM SCHEFTEL 15 avril 2011
Listeria monocytogenes appartient au Genre Listeria petit bacille à Gram positif largement répandu dans l’environnement (sol, eau, végétaux) ubiquiste, saprophyte résistant, survie importante psychrotrophe : se multiplie à 2 °C aérobie-anaérobie facultatif culture entre 30-37°C au laboratoire sous 10% CO2 en 24 h , Transmission par ingestion d’aliments contaminés L..monocytogenes : responsable d’infections opportuniste graves chez l’homme (13 sérovars: 1/2a, 1/2b,4b les plus fréquents)
Listeria monocytogenes : coloration de Gram
Epidémiologie des listérioses en France La listériose humaine est une maladie à déclaration obligatoire en France depuis 1998 Sporadique ou épidémique Cas sporadiques Incidence en France: 0,35 cas /100 000 h 1,3/ 100 000 chez enfants de moins 1 an <0,5 / 100 000 chez adulte 1/ 100 000 au-delà de 54 ans 200 à 250 cas par an 2004 : 231 cas 21% formes materno-néonatales Cas épidémiques De qqs cas à plusieurs centaines 1979: 279 cas après consommation de langues de porc en gelée
Formes cliniques bactérie pathogène opportuniste touche les personnes dont le système immunitaire est altéré ou immature groupes à risques: femmes enceintes nouveau-nés personnes âgées, sujets immunodéprimés (cancers, cirrhoses, hémodialysés, transplantés …) formes non invasives: diarrhées fébriles chez personnes immuno-compétentes
Formes cliniques invasives Formes materno-fœtales Listériose de la femme enceinte: syndrome pseudo-grippal, précédent l’accouchement de quelques jours à 14 j remontée fébrile à l’accouchement souvent prématuré avec bactériémie Listériose néonatale précoce: n-né infecté in utero mortalité > 50% Listériose néonatale tardive: contamination dans la période péri-natale 8 à 60 j après la naissance : méningite Listériose invasive de l’adulte méningite (20 à 30 % mortalité)
Modèle de bactérie invasive Invasion et multiplication de cellules non phagocytaires de l’hôte et cellules phagocytaires Échappement aux systèmes de défense de l’hôte Facteurs de virulence présents uniquement dans les souches invasives Traversée de trois barrières: Intestinale Méningée Placentaire
Modèle de bactérie invasive Mode de contamination alimentaire site principal d’entrée dans l’organisme: Intestin traversée de la barrière intestinale: entérocytes plaques de Peyer, cellules M (phagocytaires) Après traversée de la barrière intestinale: Lm dans cellules phagocytaires de la lamina propria Par lymphe et sang circulant , Lm atteint le foie et la rate foie : Lm phagocytés par cellules de Kupfer : 90% détruites bactéries survivantes: infectent hépatocytes
Modèle de bactérie invasive Lyse des hépatocytes: libération des Lm phagocytées par neutrophiles et macrophages Macrophages: listéricides ou multiplication intracellulaire Si l’état immunitaire de l’hôte est déficient: toutes les Lm ne seront pas détruites et peuvent atteindre par voie sanguine, le cerveau ou le placenta
Pathogénie (1)
Pathogénie (2) Microscopie électronique 1/internalisation 2/ lyse de la vacuole 3/multiplication intracytoplasmique 4/ déplacement 5-6/protrusion endocytée 7/ vacuole double membrane 8/ lyse de la vacuole secondaire M.E.: Dussurget et al, 2004
Homme In vivo A : interaction InlA – E-cadhérine spécifique d’espèce Souris : Lm non entéropathogène / homme, cobaye, souris transgénique: Lm entéropathogène B: coupes intestin grêle: souris transgénique (gauche) et non transgénique (droite) + Ac monoclonaux (rouge) reconnaissant E-cadhérine humaine C :multiplication de Lm dans lamina propria 48h après inoculation intragastrique de L. Lecuit, 2005
Différents modèles d’adhésion et invasion
Facteurs d’adhésion et d’invasion (1): internalisation Internaline (InlA): Protéine bactérienne (800 aa) permet l’invasion de cellules non phagocytaires polarisées détourne la machinerie des jonctions adhérentes InlA impliquée dans l’invasion des entérocytes (passage de la barrière intestinale) des syncytiotrophoblastes (passage de la barrière placentaire) passage barrière méningée probable par ce mécanisme
Interaction de l’internaline A avec l’E-cadhérine cadhérines: rôle dans l’adhésion cellulaire glycoprotéines transmembranaires, dépendantes du Ca2+
InlA interagit avec l’E-cadhérine glycoprotéine transmembranaire retrouvée à la surface des entérocytes Permet le recrutement des caténines (α et β) Interaction avec InlA dépend d’un aa en position 16 : proline pour espèces permissives (homme, cobaye, bovins, ovins) et acide glutamique pour espèces non permissives (souris, rats) La myosine VIIa génère l’énergie contractile nécessaire pour l’internalisation
Anatomie de la barrière maternofoetale A: schéma des villosités placentaires B et C: section d’une villosité placentaire colorée à l’hématoxyline-éosine (B) et schéma histologique correspondant (C) . La chambre intervilleuse est remplie de sang maternel. Le syncytiophoblaste multinucléé recouvre les villosités. Anatomie de la barrière maternofoetale Lecuit, 2005
Rôle de l’interaction internaline-E-cadhérine dans le passage de la barrière placentaire Adhésion et invasion de Lm dans le syncytiotrophoblaste (STPB) humain en culture A : coupe d’une villosité placentaire centrée sur le STPB avec un Ac anti E-cadhérine. (vert) B : adhérence et entrée des bactéries exprimant l’internaline dans le STPB (en rouge) noyaux en bleu Recrutement de E-cadhérine au site d’entrée des bactéries dans le STPB C: coupe d’une villosité infectée in vivo par Lm Les bactéries ont envahi le STPB , franchit la barrière placentaire Micro-abcès semblables à ceux observés dans la listériose maternofoetale Lecuit, 2005
Internaline InlB (630 aa) gène localisé sur le même opéron que InlA Induit remaniement du cytosquelette d’actine de la cellule hôte Aboutit à l’internalisation de Lm dans des cellules non phagocytaires en détournant la voie de signalisation de l’HGF (hepatocyte growth factor) Récepteur: Met (récepteur de HGF)
Internaline InlB Interagit avec le récepteur Met qui recrute les différentes molécules adaptatrices. Le récepteur Met est endocyté par un mécanisme dépendant de la clathrine Polymérisation–dépolymérisation de l’actine contrôlé par la régulation de Lim kinase et la cofiline
Autres facteurs de virulence impliqués dans l’invasion par Lm Entrée dans les cellules cibles par les voies de InlA et InlB nécessitent également des protéines de surface telles que Ami et Auto, des autolysines, remodelant la paroi bactérienne
Autres facteurs de virulence impliqués dans l’invasion par Lm Sortie des vacuoles d’internalisation (1): Lystériolysine O (LLO) protéine 60 kDa :cytolysine formant des pores, cholestérol-dépendante LLO se lie aux membranes contenant du cholestérol, dans lesquelles elle forme des pores pH optimum acide (pH du phagosome 5,5 à 6,0)
Autres facteurs de virulence impliqués dans l’invasion par Lm Sortie des vacuoles d’internalisation (2): phospholipases : action synergique avec LLO pour lyser les vacuoles primaires et secondaires PI-PLC: hydrolyse spécifiquement phosphatidylinositol (PI) PC-PLC: (phosphatidylcholine) hydrolyse une vaste gamme de phospholipides facilitent l’accès et la lyse par LLO
Autres facteurs de virulence impliqués dans l’invasion par Lm motilité intracellulaire polymérisation de l’actine cellulaire induite par la protéine ActA (protéine de surface 639 aa) comète, queue filaments d’actine branchés taille de la queue d’actine reliée de façon linéaire à la vitesse de déplacement intracytoplasmique (0,005 à 0,25 μm / sec) formation de protrusions endocytées par cellules
Autres facteurs de virulence impliqués dans l’invasion par Lm multiplication intracytoplasmique utilisation de nutriments du cytosol L.m. utilise glucose-1-phosphate dépend de perméase Hpt : (hexose phosphate transporter)
Représentation schématique de Lm: gènes de virulence et localisation des facteurs de virulence dans les différents compartiments (cytosol,membrane, paroi, milieu extracellulaire) Dussurget et al 2004
conclusions Pathogène intracellulaire facultatif: macrophages et cellules épithéliales Traversée de trois barrières: intestinale, méningée, placentaire Internalisation: InlA, InlB, LLO, PC-PLC, PI- PLC, ActA
bibliographie Cossart P., Toledo-Arana A. Listeria monocytogenes, a unique model in infection biology. Microbes Infect. 2008. Dussurget O., J. Pizarro-Cerda, P. Cossart. Molecular determinants of Listeria monocytogenes virulence. Annu. Rev.Microbiol. 2004. 58:587-610. Lecuit M. Understanding how Listeria monocytogenes targets and crosses host barriers. Clin. Microbiol. Inf. 2005. 11:430-436.