L’insuffisance veineuse cérébrale Réunion d’information aux patients sur la sclérose en plaques 18.12.2010 Dr Jean-christophe Ouallet, Centre Hospitalier Universitaire de Bordeaux
L’insuffisance veineuse cérébrale En réalisant des échographies doppler des veines du cou et intracérébrales, Zamboni et coll. (Ferrara, Italie) ont rapporté en 2009 les cas de 65 patients SEP ayant selon leurs critères une insuffisance veineuse cérébrale (soit une sensibilité et spécificité de 100% pour le diagnostic de sclérose en plaques). Cette découverte a été médiatisée et entrainé un engouement très important de beaucoup de patients notamment sur internet. J Neurol Neurosurg Psychiatry. 2009 Apr;80(4):392-9.
Dans un second travail, Zamboni et coll ont collaboré avec une équipe américaine dirigée par le Pr Zivadinov (Buffalo, USA). Ce travail a retrouvé par échographie doppler que seulement la moitié des patients SEP avaient effectivement cette insuffisance veineuse cérébrale.
Ces travaux ont été très critiqués par un panel de spécialistes de la sclérose en plaques de réputation mondiale ( O Khan, M Fillipi, B Trapp, M Freedman, F Barkhof, R Lisak, H Lassmann et coll; Ann Neurol 2010; 67:286-290). L'absence d' évaluation aveugle, le fait que les patients venaient tous du même centre, les critères personnels, difficilement reproductibles et opérateurs dépendants ont été critiqués. L'absence de lien avec la susceptibilité génétique auto-immune, l'histoire naturelle de la maladie chez le sujet jeune, l'épidémiologie de la sclérose en plaques, le caractère très disséminé précoce des lésions inflammatoires actives et leur nature (cas des névrites optiques en particulier), l'absence de lien connu entre la SEP et les pathologies des sinus veineux et l'absence de points communs neuropathologiques (thrombophlébites, hypertension intra-cranienne, séquelles de chirurgie ORL cancéreuses des sinus jugulaires) ont été également soulignés.
Le Pr Pr Sundström (Umea, Suède) a analysé la veine jugulaire interne et les veines profondes cérébrales en angio-IRM (contraste de phase et après injection de gadolinium) chez 21 patients SEP et 20 contrôles sains. Seul 1 patient SEP dans la première étude présentait une anomalie partielle significative du système veineux cérébral (flux dans la veine jugulaire interne/veine vertébrale), et 3 dans la seconde étude (sténose de veine jugulaire interne). Aucune différence significative n’est retrouvée avec les sujets sains. ANN NEUROL 2010;68:173–183 ;
Le Pr Doepp (Berlin, Allemagne) a comparé les flux par échographie doppler au niveau des veines jugulaires internes, vertébrales et cérébrales profondes et par manœuvre de valsalva chez 56 patients SEP et 20 contrôles, avec application des critères publiés par Zamboni et coll. 1 seul patient présentait des anomalies de flux. Aucune différence significative n’est retrouvée avec les sujets sains. ANN NEUROL 2010;68:255–259
Le Dr Barrachini (Padoue, Italie) n'a pas retrouvé non plus de rétrécissement ou de troubles de flux veineux par écho-doppler et par angiographie veineuse cérébrale par produit de contraste chez les patients SEP.
Le Pr Barkhof (Amsterdam, Pays Bas) a étudié en aveugle 20 patients SEP et 20 patients sains en IRM. 1O patients SEP et 12 contrôles sains n'avaient aucune anomalie. Des sténoses ont été trouvées chez 1O patients SEP et 8 contrôles sains. Des anomalies de flux ont été trouvées chez 6 patients SEP et 5 patients sains (mais aucune inversion de flux). Il n' y avait aucune différence significative entre les patients SEP et les patients sains. J Neurol Neurosurg Psychiatry. 2010 Oct 27
Une conférence du congrès international de la SEP ECTRIMS a été consacrée à ce problème. il a été conclu par le Pr Comi (Milan, Italie) qui animait le débat à la fin de la conférence que les données récentes ne permettent pas de confirmer l'hypothèse de l'insuffisance veineuse à l'origine de la SEP. Le Pr Comi, le Dr Zamboni lui-même et l'ensemble des intervenants ont précisés que les interventions d'angioplastie veineuse ne doivent plus être réalisées en dehors d'essais cliniques contrôlés et validés par les autorités de santé. Ces essais cliniques doivent être (comme pour tous les essais cliniques autorisés par la législation des pays développés) sans dépense financière de la part des patients, bénéficier d'une protection par une assurance spécifique à l'étude et d'une approbation des comités d'éthique de chaque pays (approbation du comité de protection des personnes « CPP » obligatoire en France). Des études complémentaires sont en cours à grande échelle en Italie (2000 patients) et aux USA.
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